Survol historique

Période d'institutionnalisation (1960 à 1984)

Cette période est marquée par la fin du régime Duplessis et par les transformations sociales et politiques liées à la Révolution tranquille. Le secteur de l'éducation, qui relevait jusque-là en grande partie de l'Église, est complètement réorganisé à la faveur d'une prise en charge par le gouvernement québécois. La période se caractérise donc par l'institutionnalisation des pratiques d'éducation destinées aux adultes. Alors que la formation postscolaire et postsecondaire se réalisait principalement dans des lieux liés au travail ou à la vie associative, elle sera désormais davantage accessible aux adultes sous une forme créditée dans les établissements publics : commissions scolaires, cégeps et universités. Parallèlement à ce processus d'institutionnalisation, est apparu un mouvement inverse. Des organisations autonomes et populaires, surtout en milieu urbain, tentent de renouer avec des pratiques populaires d'éducation.

L'éducation des adultes, qui autrefois était dispensée dans les milieux de travail ou par le biais d'associations ou d'organismes privés, est donc ½récupérée╗ par le système scolaire institutionnel. Les commissions scolaires et les universités, qui offraient déjà des cours destinés à diverses catégories d'adultes, mettent sur pied des structures spécifiques d'éducation des adultes. Les cégeps ont suivi en créant des services d'éducation permanente. D'autres secteurs institutionnalisent également leurs pratiques de formation et d'éducation aux adultes. Les appareils syndicaux, le mouvement coopératif ou les associations privées se sont dotés de nouvelles structures institutionnelles qui ont eu pour effet d'accroître le poids de la bureaucratie. Une autre des conséquences de ce mouvement d'institutionnalisation est l'écart qui s'est créé entre les professionnels et les usagers de l'éducation des adultes. Le fossé s'est creusé entre ceux qui sont rattachés aux institutions et aux structures d'éducation, et ceux qui utilisent les services d'éducation.

Dans le domaine de la formation professionnelle, de nombreuses législations sont adoptées afin de favoriser l'adaptation constante de la main-d'oeuvre aux besoins du marché. Le gouvernement fédéral - qui, à partir de 1930, avait commencé à financer la formation des travailleurs - intervient aujourd'hui massivement dans le secteur de la formation professionnelle, directement ou dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales.

Période d'expansion et de reconfiguration (1984 à nos jours)

Au Québec, en 1982, la Commission d'étude sur la formation des adultes (CEFA ou Commission Jean) propose une réforme majeure de la politique québécoise en proposant de regrouper la formation des adultes dans une structure distincte (accompagnée d'un rapatriement du gouvernement fédéral de la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre); l'ÉA serait logée sous la perspective du développement du potentiel humain.

Les propositions de la CEFA ne se matérialiseront que très partiellement. En 1984, le Québec opte plutôt pour une fragmentation de l'ÉFA en confiant le leadership des politiques aux ministères à vocation économique et sociale, le MEQ assurant une fonction de (scolarisation de) service. Par ailleurs, la loi 107 sur l'instruction publique de 1988 viendra confirmer et raffermir le mandat de scolarisation du système public de formation de base.

La crise économique et la remise en cause de l'État-providence influencent les politiques ou les mesures administratives qui s'adressent de plus en plus à des populations ciblées : bénéficiaires de l'assistance sociale et de l'assurance-chômage (qui, dans la logique néolibérale émergente, sera renommée ½assurance-emploi╗). L'une des manifestations de l'intégration accrue des politiques sociales et des politiques éducatives sera la ½Politique active du marché du travail╗ (PAMT), prônée par l'OCDE et visant à substituer aux mesures passives (le filet de sécurité sociale) une palette de mesures contribuant au retour en emploi des populations marginales. Plusieurs de ces mesures sont dites d'½employabilité╗ : elles vont du simple placement en emploi (en ½stage╗ rémunéré, par exemple) à des programmes courts de formation (permettant, entre autres, de développer des aptitudes ou compétences estimées essentielles : ponctualité, rédaction de CV, technique de recherche d'emploi, entrevues, etc.).

Cela dit, le Québec parvient à récupérer (partiellement) la responsabilité fédérale en matière de formation de la main-d'oeuvre, mais l'exercice de cette compétence se révèle problématique, entre autres parce que le gouvernement québécois n'arrive pas à se doter d'une politique gouvernementale d'ensemble et cohérente en éducation et formation des adultes.

Et pourtant, l'éducation des adultes connaît une expansion considérable au cours de la période. De plus en plus de Québécois y participent. Deux indicateurs assombrissent toutefois ce progrès. D'une part, la moyenne de participation du Québec reste inférieure à celles du Canada et de plusieurs pays de l'OCDE. D'autre part, ceux qui profitent le plus de l'éducation des adultes sont les plus scolarisés et les plus alphabétisés, et non ceux qui en ont prioritairement besoin.

En clair, le Québec ne semble pas avoir terminé le ½rattrapage╗ dans lequel il s'était engagé dans les années 1960. Et l'éducation des adultes se révèle peu équitable, c'est-à-dire qu'elle accroît plutôt qu'elle ne réduit les écarts de la formation initiale.




Pages : 1 2 3 4