Survol historique

Période d'extension (1901-1960)

Cette période est marquée par les deux grandes guerres et la crise économique des années 1930, des événements qui accélèrent le développement de la formation professionnelle. Influencé par l'idéologie protestante anglo-saxonne, le gouvernement fédéral du Canada prend une place de plus en plus grande en éducation des adultes en alléguant ses responsabilités nationales. Grâce aux syndicats, les travailleuses et les travailleurs tentent de mieux s'organiser. Le mouvement coopératif va aussi donner de nouveaux outils de formation à différents groupes sociaux. Les réseaux culturel et populaire voient dans l'éducation des adultes une source de promotion de leurs idéaux. Dans ce contexte, les lieux d'éducation se multiplient.

Durant cette période, l'éducation des adultes a tiré des enseignements des diverses expériences du passé. Elle s'est surtout structurée et s'est donné des terrains d'activités plus larges. Les deux guerres mondiales ont entraîné une accélération du processus d'industrialisation et d'urbanisation. Il y a eu retournement complet de la situation socioéconomique au Québec. La majorité de la population est devenue urbaine et les agriculteurs se sont transformés en travailleurs industriels. La formation des adultes est alors apparue à d'aucuns comme une urgence nationale. Plusieurs agriculteurs ont dû, dans ce contexte, apprendre à se spécialiser. Ils ont dû se regrouper pour y arriver : c'est ainsi que les cercles d'études agricoles ont donné naissance aux corporations professionnelles. Quant aux ouvriers, nombre d'entre eux ont dû apprendre à se recycler constamment, au fur et à mesure que des innovations techniques étaient introduites dans l'usine. Le regroupement de certains dans les syndicats leur a permis de réclamer des outils de formation plus adéquats. L'enseignement technique et spécialisé a connu une expansion remarquable.

Face à l'émergence de nouvelles idéologies, l'Église a décidé de couvrir la province de réseaux d'encadrement et de formation dans le cadre des mouvements d'action catholique. Très effacé jusque-là, l'État s'est progressivement introduit dans tous les secteurs de l'enseignement et particulièrement dans celui de la formation des adultes, les initiatives privées ne suffisant plus à répondre aux demandes d'un marché du travail en constante transformation. Déjà, à la suite de la crise de 1929, par le biais d'ententes provinciales-fédérales, le gouvernement fédéral a fait son entrée dans le champ de la formation technique et professionnelle. Les pratiques d'éducation et de la formation des adultes élaborées au siècle précédent se sont multipliées, structurées et élargies durant la première moitié du XXe siècle.

Le survol de la période met à nouveau en lumière le retard des francophones par rapport aux anglophones, les premiers semblent avoir toujours une longueur d'avance sur les seconds. Une illustration de ce décalage est l'action plus rapide du MacDonald College (1907) en comparaison avec celle de l'École supérieure de La Pocatière (1913) dans le domaine des cours aux adultes en agriculture. La mise sur pied des cours crédités avancés au Sir George William College (1926) par rapport à l'ouverture tardive et timide du baccalauréat ès arts aux adultes du collège Sainte-Marie (1942) constitue un autre exemple.

De plus, la lenteur (relative) des francophones doit être contextualisée à l'ensemble du champ de l'éducation. Les actions encore circonscrites en éducation des adultes sont le reflet d'une attitude mitigée à l'égard de l'éducation en général et plus encore, d'une éducation laïque et publique dégagée de la tutelle de l'Église. Pendant la période, deux événements symbolisent ou incarnent cette situation. D'abord, le rapport de la Commission Ridington (1933) sur la lecture publique au Canada, qui introduit son chapitre sur le Québec avec une lettre envoyée par le Premier ministre provincial ½libéral╗, Taschereau concernant les ½dangers╗ inhérents à la lecture. Ensuite, et surtout, l'adoption en 1943 de la Loi sur l'instruction obligatoire après plus d'un siècle de luttes intenses. Le Québec était l'une des dernières sociétés avancées à adopter une telle loi. L'opposition catholique au projet de la loi sur l'instruction obligatoire s'effondra après que le pape lui-même eut instauré pareille mesure, en 1942, au sein de l'État du Vatican!

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