Survol historique

Voilà plus de trente ans que l'on tente de préciser la signification du concept d'éducation des adultes, mais en ce domaine la pratique a largement devancé la théorie et l'on ne peut qu'être frappé de l'abondance des expériences qui se sont succédé au Québec depuis le milieu du XIXe siècle. Ces expériences ont répondu à des besoins de nature différente selon le contexte socioéconomique dans lequel elles se matérialisaient. Pour comprendre l'évolution de l'éducation des adultes, pour en analyser les principaux problèmes, il est nécessaire de la situer dans sa perspective historique. Les éphémérides de l'éducation et de la formation des adultes qui suivent ne constituent pas un relevé exhaustif des expériences en ce domaine ; elles balisent plutôt son histoire, son développement en présentant quelques points de repère de son évolution ou des événements qui lui sont liés.

Le texte se divise en quatre grandes périodes historiques.


Nous présentons brièvement certains éléments du contexte socioéconomique et politique de chacune des périodes, puisque l'éducation des adultes s'est développée en réponse à des besoins de changement. Ainsi, le besoin d'une main-d'oeuvre adaptée aux transformations industrielles a entraîné la mise sur pied de différentes expériences visant la formation technique des travailleurs. L'éducation des adultes a vu le jour notamment pour pallier les insuffisances du système scolaire du Québec.

Cependant il serait réducteur de limiter l'histoire de l'éducation et de la formation des adultes au Québec à deux grands facteurs : les besoins de l'économie (réalité ayant fortement marqué l'essor du domaine dans plusieurs pays) et les retards culturels des franco-Québécois (réalité pourtant persistante sur notre ½scène╗ locale). L'histoire est toujours le produit de divers éléments qui prennent appui sur le terreau d'une communauté, mais qui sont aussi marqués par les agents multiples qui s'y manifestent : individus, gouvernements, organisations de la société civile, forces économiques, culturelles, etc.

Avant d'esquisser les caractéristiques de chaque période, mentionnons que ce texte emprunte beaucoup à l'analyse et au découpage qu'avait produits, en 1982, la Commission d'étude sur la formation des adultes du Québec présidée par madame Michèle Jean.

Avant 1827...
L'éducation des adultes n'a pas été inaugurée en 1827! Elle existait auparavant sous certaines formes et elle se perpétue de nos jours sous des formes analogues. La forme qu'elle épousait principalement était celle de l'éducation informelle, c'est-à-dire d'un processus complexe d'apprentissage qui avait lieu en dehors de toute institution éducative ou socio-éducative formelle. Cette formation se réalisait au sein d'institutions sociales comme la famille, le clan, la tribu ou le village, les pairs, etc. Une partie de cette éducation informelle avait cours pendant l'enfance, mais une partie considérable se déroulait à l'âge adulte. L'éducation informelle était cruciale. C'est par elle que la survie était assurée et que le bagage de connaissances (savoir, savoir-être et savoir-faire) était transmis d'une génération à l'autre.

Pendant des siècles, l'éducation informelle a marqué les modes de vie, de production et de reproduction des peuples autochtones. Et force est de reconnaître l'efficacité, la complexité, voire la sophistication de ces systèmes dans la mesure où les peuples autochtones ont inventé des langages, des systèmes de pensée et des modes de survie régis par des normes (comme le sexe, l'âge, les saisons, etc.) et ce, dans un environnement souvent hostile. Et ils se sont transmis cet héritage culturel, par l'oralité et l'imitation principalement, au sein de la famille élargie. Certains groupes aborigènes sont même parvenus à se transmettre l'écriture en dehors de tout système formel ou non formel d'éducation, comme dans le cas des Montagnais à la fin du XVIIIe siècle et des Cris au cours du XIXe siècle. À ce sujet, il est intéressant de consulter certains témoignages écrits de missionnaires qui, à la fois médusés et irrités, constataient que les ½sauvages╗ apprenaient à lire et à écrire comme ils apprenaient à pagayer.

Le cas des Canadiens français mérite aussi mention, car l'éducation informelle a joué un rôle majeur dans la reproduction de leur culture. En milieu rural tout particulièrement, la majeure partie des savoirs et des savoir-faire domestiques était transmise de mère en fille et de père en fils. L'expression ½analphabétisme culturel╗ a été utilisée pour qualifier la richesse de la culture canadienne-française traditionnelle, qui se perpétuait dans une large mesure en dehors de l'école et de l'éducation non formelle.

Mentionnons enfin que l'éducation informelle se manifeste encore de nos jours, tout particulièrement chez les peuples cri et inuit de la Baie James et du Nunavik. Paradoxalement, la transmission culturelle est parfois stimulée par des programmes formels d'incitation, par exemple entre les grands-parents et leurs petits-enfants. L'éducation informelle continue également d'exercer un rôle influent dans toutes les sociétés davantage intégrées à la vie ½moderne╗. Et elle affecte particulièrement les couches populaires des différentes sociétés.

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