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Text File  |  1994-06-10  |  58KB  |  105 lines

  1. LA TRAITE DES FOURRURES AU CANADA JUSQU'EN 1787 
  2.  
  3. J.E. Foster et D.R. Richeson 
  4.  
  5. Introduction 
  6.  
  7.      L'histoire Θcrite de presque toutes les rΘgions du Canada commence avec la traite des fourrures. Cette activitΘ Θconomique englobe un vaste Θventail d'expΘriences qui comporte tout aussi bien les rΘalisations quasi hΘro∩ques de certains individus que les machinations de puissantes compagnies dont le siΦge social se trouvait dans des pays ΘloignΘs. Pourtant, tout bien considΘrΘ, l'essence de la traite des fourrures rΘsidait dans les activitΘs quotidiennes de ceux qui pratiquaient ce commerce.
  8.  
  9.      Pendant toute l'histoire du Canada, des ressources comme le poisson, la fourrure, le bois d'oeuvre, le blΘ et les minΘraux ont suscitΘ l'intΘrΩt des diverses mΘtropoles. Des particuliers, des entreprises et des gouvernements ont investi de fortes sommes dans les principales ressources de l'arriΦre-pays canadien, recherchant la richesse, la puissance et la sΘcuritΘ promises par ces ressources. Par sa durΘe et son Θtendue gΘographique, sinon par le nombre de personnes qui y participaient et l'ampleur des fonds qui y Θtaient consacrΘs, le commerce des fourrures fut la plus importante activitΘ primordiale d'exploitation des ressources dans le Canada d'autrefois. Ce commerce visait principalement α Θchanger des fourrures contre des produits manufacturΘs d'Europe de l'Ouest. Les chasseurs amΘrindiens piΘgeaient les animaux dont ils traitaient la fourrure et transportaient leurs produits jusqu'α des endroits stratΘgiques o∙ les traiteurs de fourrures d'Europe de l'Ouest offraient en Θchange aux Autochtones des biens et des services qui les intΘressaient. └ titre d'agents des diverses mΘtropoles et de rΘseaux de traite se faisant concurrence, ces traiteurs cherchaient des voies navigables qui permettraient la circulation des fourrures vers l'est et des produits manufacturΘs vers l'ouest. Ils finirent par Θtablir des voies de communication dans toute la moitiΘ nord du continent et par atteindre l'Arctique et le Pacifique. L'immensitΘ du Canada actuel est, entre autres, un legs des hommes qui ont rΘussi ce tour de force. Toutefois, si important qu'ait ΘtΘ le r⌠le des mΘtropoles d'Europe de l'Ouest et de leurs rΘseaux d'influence dans l'arriΦre-pays nord- amΘricain, la coopΘration des Autochtones d'AmΘrique du Nord fut tout aussi nΘcessaire au succΦs du commerce des fourrures.
  10.  
  11.      On peut aussi envisager le commerce des fourrures sous l'angle des raisons qui ont poussΘ des particuliers et des collectivitΘs α adapter leurs cultures α un nouveau milieu et des moyens qu'ils ont pris pour y parvenir. Deux peuples, les AmΘrindiens d'AmΘrique du Nord et les EuropΘens de l'Ouest, commencΦrent α faire la traite des fourrures et poursuivirent cette activitΘ afin de rΘaliser les objectifs dictΘs par leurs traditions culturelles propres. Les premiers habitants du continent s'Θtaient forgΘs des modes de vie distincts, admirablement adaptΘs α l'exploitation efficace des ressources de la terre. C'Θtaient surtout des chasseurs nomades. Leurs pratiques culturelles, caractΘrisΘes par l'adaptabilitΘ aux changements du milieu, furent un facteur-clΘ de leur rΘussite. └ quelques exceptions prΦs, les peuples amΘrindiens accueillirent avec faveur les biens et les services que leur proposaient les traiteurs et qui semblaient faciliter leur survie et embellir certains aspects de leurs modes de vie traditionnels.
  12.  
  13.      Les traiteurs d'Europe de l'Ouest, principalement les Britanniques et les Franτais, constatΦrent aussi qu'il leur fallait s'adapter en fonction des conditions de la traite. La nΘcessitΘ stimula d'importants changements technologiques, notamment l'emprunt d'outils et de techniques aux AmΘrindiens. Des changements sociologiques et idΘologiques, moins Θvidents, rΘsultΦrent des situations qui avaient provoquΘ ces adaptations technologiques. Pour comprendre la traite des fourrures au Canada, il est aussi important d'Θtudier la vie de ceux qui s'y adonnΦrent que les rΘseaux d'influence et de contr⌠le mis en place par une mΘtropole ΘloignΘe.
  14.  
  15. La traite des fourrures jusqu'en 1665 
  16.  
  17.      L'expΘrimentation fut le facteur-clΘ qui marqua l'expansion du commerce des fourrures en AmΘrique du Nord, α partir du voyage d'exploration de Jean Cabot, en 1497, jusqu'en 1663, date de l'intervention directe du gouvernement du roi Louis XIV dans les affaires de la colonie de la Nouvelle-France. Les AmΘrindiens et les EuropΘens de l'Ouest se familiarisΦrent avec les produits qu'il fallait se procurer et expΘrimentΦrent la meilleure stratΘgie d'acquisition. Entre temps, de nouveaux r⌠les et de nouveaux modes de vie propres au commerce des fourrures se dΘveloppΦrent tant chez les AmΘrindiens que chez les EuropΘens de l'Ouest.
  18.  
  19.      Aux dΘbuts, les EuropΘens de l'Ouest et les AmΘrindiens Θchantillonnaient divers produits pouvant prΘsenter un intΘrΩt. Les entrepreneurs d'Europe de l'Ouest eurent beaucoup de succΦs avec les pΩcheries, puis avec le commerce des fourrures de luxe, fourrures auxquelles adhΘrait encore le pelage et qui servaient α fabriquer des manteaux, des robes et des garnitures. Pour des raisons Θconomiques et technologiques, le bois d'oeuvre promettait peu, et le trafic d'esclaves amΘrindiens n'Θtait pas particuliΦrement attrayant. Sans doute les AmΘrindiens de la rΘgion, Micmacs et MalΘcites des Maritimes, BΘothuks de Terre-Neuve et Montagnais de la rive nord du golfe Saint-Laurent, avaient-ils des prΘoccupations similaires lors de leurs premiers contacts avec des EuropΘens de l'Ouest. Chasseurs nomades vivant en petites bandes trΦs dispersΘes, ils chassaient le gibier dans les rΘgions boisΘes au cours de l'hiver et migraient sur la c⌠te, au printemps, afin d'exploiter les ressources du littoral. Ils trouvΦrent trΦs fonctionnels les outils de mΘtal des pΩcheurs; plus tard, des articles comme des tissus et des fusils s'avΘrΦrent utiles pour eux.
  20.  
  21.      Dans leur recherche de produits, ni AmΘrindiens ni EuropΘens de l'Ouest n'Θtaient Θtrangers aux techniques d'acquisition qu'Θtaient le commerce et la razzia. La rencontre, en 1534, entre Jacques Cartier et son Θquipage et une bande de Micmacs, sur le rivage de la baie des Chaleurs, dans le golfe du Saint-Laurent, montre bien que chaque groupe connaissait les produits de l'autre et cherchait avidement α en faire le commerce. L'absence des femmes et des enfants micmacs, lors de ces rencontres, rΘvΦle une absence de confiance et la peur d'ΘchauffourΘes. Toutefois, tant les AmΘrindiens que les EuropΘens de l'Ouest semblaient considΘrer que le commerce plut⌠t que la maniΦre forte constituait la stratΘgie la plus efficace pour acquΘrir des produits.
  22.  
  23.      L'importance d'une stratΘgie de troc est mise en relief par la tragique histoire des BΘothuks de Terre-Neuve qui ne rΘussirent pas α Θtablir de relations commerciales durables avec les pΩcheurs. Les contacts entre ces deux groupes furent marquΘs par le vol et la violence de part et d'autre. Lorsque les pΩcheurs de la c⌠te s'aventurΦrent α l'intΘrieur et se mirent α remonter les diverses riviΦres pour pΩcher le saumon, chasser et piΘger les animaux α fourrure, les BΘothuks apparurent comme des concurrents plut⌠t que comme des associΘs nΘcessaires pour l'exploitation de ces ressources. Les BΘothuks eurent aussi α subir des incursions par les Micmacs des rΘgions environnantes. En raison de ces escarmouches continuelles, les BΘothuks disparurent dΦs le dΘbut du XIXe siΦcle.
  24.  
  25.      Les pΩcheurs et les Micmacs eurent des rapports trΦs diffΘrents. Ayant dΘcidΘ que les alliances commerciales reprΘsentaient le meilleur moyen d'acquΘrir des produits utiles d'Europe de l'Ouest, les Micmacs adaptΦrent leurs coutumes traditionnelles de faτon α tenir compte des avantages et des co√ts du commerce des fourrures. Les Franτais en vinrent α accaparer la majeure partie du commerce entre les EuropΘens de l'Ouest et les Micmacs, et dΦs la fin du XVIe siΦcle, les AmΘrindiens acceptΦrent la prΘsence de traiteurs ayant des postes α terre. Un traiteur franτais, qui voulait s'assurer l'amitiΘ d'une bande en particulier et donc de son commerce de fourrures, Θpousait une femme de cette bande. AprΦs s'Ωtre Θtabli dans un poste de traite, il faisait de nombreux voyages avec ses parents amΘrindiens. Ces traiteurs et leurs fils mΘtis furent connus sous le nom de capitaines des sauvages. Les Franτais comme les Micmacs prΘfΘraient traiter entre eux par l'intermΘdiaire de ces hommes. Les capitaines des sauvages, intermΘdiaires entre les deux cultures, semblent avoir jouΘ un r⌠le essentiel dans le succΦs du commerce terrestre des fourrures dans les Maritimes et dans celui des alliances politiques subsΘquentes qui liΦrent les Franτais et les AmΘrindiens dans cette rΘgion.
  26.  
  27.      └ l'origine, on faisait surtout le commerce des fourrures de luxe. Le commerce des fourrures communes vit le jour lorsque les fabricants de feutre de l'Europe de l'Ouest apprirent que la ½laine╗ ou le ½duvet╗ constituΘ par les poils subsistant sous le pelage proprement dit du castor, une fois dΘtachΘs de la peau, permettaient d'obtenir du feutre de trΦs grande qualitΘ. Le chapeau fabriquΘ α partir de cette matiΦre, le fameux chapeau de castor, devint α la mode chez les hommes et resta populaire jusque dans les annΘes 1830, pΘriode α laquelle le commerce des fourrures communes cΘda de nouveau la place au commerce des fourrures de luxe.
  28.  
  29.      Au fur et α mesure qu'il se dΘveloppa dans la seconde partie du XVIe siΦcle, le commerce de fourrures communes ne demeura plus une activitΘ complΘmentaire de la pΩche. Des navires commencΦrent α se rendre sur la c⌠te est uniquement pour aller chercher des fourrures. La fourrure commune Θtait le principal produit recherchΘ, mais la fourrure de luxe, particuliΦrement la fourrure de peu de volume, mais de grande valeur comme celle du vison, de la loutre, du pΘkan et de la martre demeura aussi un produit secondaire trΦs important pendant toute l'histoire du commerce des fourrures communes. La fourrure de castor portΘe par les AmΘrindiens sous forme de manteau ou de robe Θtait la meilleure fourrure commune. Lorsqu'on portait la fourrure, les jarres qui en constituaient le revΩtement extΘrieur et qui lui enlevaient de la valeur tombaient, laissant la laine ou le duvet sur une peau souple et bien tannΘe. On pouvait feutrer ce castor gras d'hiver α un co√t beaucoup moindre que le castor sec. Les traiteurs franτais qui cherchaient α obtenir la fourrure de ces castors gras remontaient le Saint-Laurent, α la recherche de bandes plus ΘloignΘes avec lesquelles ils pourraient commercer. Un important commerce d'ΘtΘ avec les Montagnais se dΘveloppa α Tadoussac, au confluent du Saguenay et du Saint-Laurent, α la fin du XVIe siΦcle.
  30.  
  31.      Au cours du XVIe siΦcle, le r⌠le des Montagnais dans le commerce  des fourrures Θvolua : de chasseurs qui troquaient occasionnellement des fourrures avec les pΩcheurs, ils devinrent des intermΘdiaires qui avaient des contacts annuels rΘguliers avec les traiteurs franτais. Ils dΘcouragΦrent les contacts entre leurs voisins amΘrindiens et les Franτais, prΘfΘrant troquer des produits europΘens avec les premiers contre des fourrures qu'ils Θchangeaient avec les EuropΘens en faisant un profit substantiel. Les Montagnais qui contr⌠laient le commerce des fourrures α Tadoussac pouvaient limiter la circulation des fourrures et encourager les traiteurs franτais concurrents α surenchΘrir sur les fourrures. La prospΘritΘ des Montagnais finit par attirer l'attention des bandes ΘloignΘes. Certaines tribus provenant de rΘgions aussi ΘloignΘes que les Grands Lacs cherchaient α se procurer les produits franτais par le commerce. D'autres, notamment les Agniers (Mohawks) de la ConfΘdΘration des Iroquois, dΘcidΦrent plut⌠t d'effectuer des razzias, ce qui leur semblait le meilleur moyen d'obtenir des produits franτais. Pour faire face α cette nouvelle menace, les Montagnais renforcΦrent leur alliance avec leurs voisins algonquins de la vallΘe de l'Outaouais en leur permettant de trafiquer directement avec les traiteurs franτais. Ce fait nouveau encouragea les Franτais α remonter plus α l'ouest dans la vallΘe du Saint-Laurent et α Θriger, en 1608, une habitation permanente α QuΘbec.
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  33.      En 1603, Pierre du Gua, sieur de Monts, noble franτais se livrant activement α des entreprises commerciales α risque ΘlevΘ comme la traite d'ΘtΘ α Tadoussac, obtint du gouvernement franτais le monopole du commerce des fourrures et accepta en retour de veiller aux intΘrΩts franτais dans la rΘgion. Samuel de Champlain se chargeait des intΘrΩts de Monts en ce qui concerne le commerce des fourrures. AprΦs avoir fondΘ QuΘbec, Champlain vit la nΘcessitΘ de renforcer son alliance commerciale avec les Algonquins. Il apprit rapidement que dans les rΘgions environnant les Grands Lacs, ces alliances Θtaient aussi bien des pactes politiques que des accords commerciaux. Les deux victoires qu'il remporta sur les Agniers en 1609 et 1610, de concert avec les Algonquins et leurs alliΘs, favorisΦrent les intΘrΩts franτais. Fait trΦs important, les Franτais entrΦrent en contact avec les Hurons qui vivaient prΦs de la baie GΘorgienne, et qui Θtaient des commerτants habiles et des alliΘs des Algonquins.
  34.  
  35.      Les Montagnais virent leur situation se transformer radicalement α la suite de la consolidation de l'alliance franco-huronne. └ la suite de leurs premiers contacts avec les pΩcheurs, les Montagnais ne faisaient qu'ajouter des produits d'Europe de l'Ouest α leur propre Θventail de produits. Les outils de mΘtal comme les couteaux et les hachettes complΘtaient donc les outils de pierre, d'os ou de bois, les tissus s'ajoutaient au cuir, et les denrΘes europΘennes ΘchangΘes α l'occasion comme des cΘrΘales, des fruits et des lΘgumes sΘchΘs servaient de complΘment aux produits de la chasse. └ l'origine, ces nouvelles acquisitions n'Θtaient pas nombreuses, mais au fur et α mesure que les Montagnais eurent des contacts annuels prΘvisibles avec des traiteurs, ils cessΦrent de fabriquer les produits dont il leur Θtait plus facile d'obtenir les Θquivalents par le commerce des fourrures. Les articles d'Europe de l'Ouest commencΦrent de remplacer les articles amΘrindiens plut⌠t que de les complΘter. Les Montagnais commencΦrent α abandonner leur Θconomie de subsistance au profit de la production de surplus. Ils eurent besoin d'un plus grand nombre de fourrures α Θchanger avec les Franτais contre des produits d'Europe de l'Ouest et ils devinrent dΘpendants de ces denrΘes pour assurer leur survie. Lorsque des circonstances nouvelles leur firent perdre leur r⌠le d'intermΘdiaires, les Montagnais furent forcΘs de retourner α la chasse et au piΘgeage. Ces Autochtones, qui avaient perdu beaucoup des connaissances techniques associΘes α ce mode de vie, trouvΦrent la transition plus difficile en raison de la raretΘ du gibier et des fourrures. La famine et les ΘpidΘmies aggravΦrent une situation dΘjα mauvaise. Les Montagnais ne reprirent jamais leur position d'intermΘdiaires dans le commerce des fourrures et leur expΘrience malheureuse allait Ωtre par la suite le lot de nombreux peuples autochtones.
  36.  
  37.      AprΦs les premiΦres rencontres entre des membres de la ConfΘdΘration des Hurons et des traiteurs franτais, α QuΘbec, les deux parties travaillΦrent α renforcer leur alliance. Sur le plan gΘographique et culturel, les Hurons Θtaient admirablement placΘs pour assumer un r⌠le d'intermΘdiaires coopΘratifs dans le commerce des fourrures. └ titre d'agriculteurs, ils avaient des rΘserves alimentaires que ne connaissaient pas les chasseurs comme les Outaouais, les Nipissings et les Algonquins qui vivaient α l'ouest, au nord et α l'est d'eux. ╔tant donnΘ que les femmes, en Huronie produisaient la plupart des denrΘes alimentaires, les adultes mΓles avaient beaucoup de temps α consacrer aux activitΘs commerciales et guerriΦres. Des rΘseaux commerciaux Θtendus couvraient dΘjα la rΘgion des Grands Lacs avant l'arrivΘe des Franτais. Les Θchanges commerciaux prΘcolombiens au cours desquels on cherchait surtout α obtenir des produits de luxe comme des coquillages, du cuivre natif, de la pierre de pipe et du tabac comportaient le transport du ma∩s depuis les territoires hurons jusqu'au nord, et son Θchange pour de la viande, des fourrures et des peaux fournies par les chasseurs du Bouclier canadien. Cette expΘrience prΘparait les Hurons α assumer le r⌠le d'intermΘdiaires au sein du rΘseau d'Θchanges commerciaux Saint-Laurent-Grands Lacs qui reliait les traiteurs franτais α QuΘbec et les chasseurs du Bouclier, au nord. Les membres de la ConfΘdΘration des Iroquois cherchaient α avoir accΦs α ces mΩmes fourrures. La gΘographie, les relations politiques entre leurs bandes et leurs propres traditions culturelles encourageaient les Iroquois α considΘrer les razzias comme le meilleur moyen d'acquΘrir ces produits. DΦs 1630, les ressources en fourrures de leurs territoires n'Θtaient plus suffisantes. Les Iroquois, qui recevaient des fusils et des munitions des traiteurs britanniques de la Nouvelle-Angleterre et plus tard des Hollandais de la Nouvelle-Amsterdam, avaient les moyens d'obtenir des fourrures d'autres peuples. Sans doute la diplomatie iroquoise ne rΘussit-elle pas α faire rompre l'alliance entre les Franτais et les Hurons, mais ce pacte ne dissuada par les Iroquois d'effectuer des incursions dans toute la rΘgion des Grands Lacs.
  38.  
  39.      Durant la pΘriode qui sΘpara la fondation de QuΘbec et la destruction de la Huronie en 1648-1649, les Franτais tentΦrent deux tactiques pour accroεtre leur influence sur leurs partenaires de traite hurons. Les missionnaires jΘsuites s'efforτaient d'occuper une place prΘpondΘrante dans la vie des Hurons, alors que les coureurs de bois qui pratiquaient la traite α l'intΘrieur, souvent au mΘpris de lois franτaises, faisaient Θgalement office d'intermΘdiaires culturels, car leur connaissance intime des deux cultures leur permettaient de faire comprendre α chacune les usages de l'autre. AprΦs l'Θchec de leur apostolat auprΦs des bandes dissΘminΘes de Montagnais nomades, les missionnaires jΘsuites concentrΦrent leurs efforts sur les grands villages hurons. Faisant appel aux traiteurs de fourrures pour pΘnΘtrer en Huronie dans les annΘes 1630, les jΘsuites connurent de longues annΘes d'insuccΦs. Cependant, α la fin de la dΘcennie, le vent sembla tourner en leur faveur, un nombre croissant d'AmΘrindiens acceptant de se convertir.
  40.  
  41.      Il semble que les jΘsuites importΦrent en Huronie des maladies europΘennes qui en l'espace de quelques annΘes, rΘduisirent de moitiΘ la population huronne. └ la longue, les maladies et les biens matΘriels acquis grΓce α la traite des fourrures portΦrent prΘjudice aux structures sociales et α la culture des Hurons. Au contraire, les Iroquois, cousins mΘridionaux des Hurons, semblent avoir rΘduit au minimum l'action nΘfaste de la traite des fourrures en perfectionnant et en consolidant leur confΘdΘration. Chez les Hurons, l'acquisition du bien-Ωtre matΘriel par les commerτants et les tribus orientales de la confΘdΘration se faisait aux dΘpens des guerriers et des tribus occidentales. Cette situation suscita un malaise social et politique en opposant les intΘrΩts individuels liΘs α la traite aux responsabilitΘs communautaires. De tels problΦmes pouvaient Ωtre rΘsolus de maniΦre satisfaisante pour peu que les institutions permissent d'intΘgrer les intΘrΩts individuels dans l'ensemble des intΘrΩts communautaires. Les Iroquois rΘussirent dans cette entreprise, mais pas les Hurons.
  42.  
  43.      Chez les Hurons, ces problΦmes furent aggravΘs par les ΘpidΘmies, non seulement parce qu'elles tendaient α frapper les vieillards, dΘpositaires de la sagesse ancestrale, mais aussi parce qu'elles suscitΦrent chez les Hurons des doutes quant α l'efficacitΘ de leurs mΘthodes traditionnelles de sauvegarde des vies face aux mΘthodes de la ½sorcellerie rivale╗. Le message religieux des missionnaires jΘsuites vint aggraver une situation dΘjα prΘcaire. Non seulement les jΘsuites mettaient-ils en question les pratiques et les croyances traditionnelles, mais les nΘophytes avaient tendance α fuir les rites pa∩ens. Cette attitude constituait pour la culture traditionaliste des Hurons une menace plus grave que les coups de main iroquois. Les Hurons ne parvenaient pas α surmonter l'inertie des tendances α l'individualisation engendrΘes par la prospΘritΘ liΘe α la traite des fourrures et accΘlΘrΘes par les ΘvΘnements et la situation associΘe α la mission des jΘsuites. En 1648-1649, la ConfΘdΘration huronne fut dΘmantelΘe par les attaques iroquoises qui ne laissΦrent que des groupes de rΘfugiΘs, et la mission des jΘsuites en Huronie fut dΘtruite avec elle.
  44.  
  45.      L'Θchec des jΘsuites en terre huronne eut pour effet de mettre en valeur les exploits des coureurs de bois qui incarnΦrent les succΦs de la rΘaction franτaise aux circonstances de la traite des  fourrures dans la rΘgion des Grands Lacs. Des hommes semblables aux coureurs de bois, les capitaines des sauvages, s'Θtaient adonnΘs α la traite des fourrures dans la rΘgion des Maritimes. Mais c'est la date de 1610, annΘe o∙ Champlain dΘcida d'envoyer le jeune ╔tienne Br√lΘ accompagner les Algonquins qui se rendaient chez leurs alliΘs hurons, qui marque les dΘbuts de l'histoire des coureurs de bois. Br√lΘ ne fut pas le seul; d'autres marchΦrent sur ses pas. Ces jeunes hommes acquirent une connaissance non seulement de la langue de leurs h⌠tes, mais aussi des traiteurs, des itinΘraires et des coutumes liΘs α la pratique de la traite. Partageant volontiers l'existence de leurs h⌠tes, ils s'attirΦrent la confiance gΘnΘrale des populations amΘrindiennes. Ils ne tardΦrent pas α faire figure d'intermΘdiaires culturels entre les deux parties intΘressΘes par la traite des fourrures, expliquant α chacune les usages singuliers de l'autre et facilitant les Θchanges pacifiques entre les deux. Les risques Θtaient tels que certains, tels Br√lΘ lui-mΩme, y laissΦrent la vie. Mais les bΘnΘfices escomptΘs Θtaient considΘrables, car cette activitΘ promettait une abondance de richesses matΘrielles et de prestige socio-politique dans les deux groupes.
  46.  
  47.      AprΦs la destruction de la ConfΘdΘration huronne et la dispersion des traiteurs hurons, les coureurs de bois jouΦrent un r⌠le dΘterminant dans la rΘorganisation du systΦme de traite du Saint- Laurent et des Grands Lacs. Soumis aux raids incessants des Iroquois, les AmΘrindiens du Bouclier et des Grands Lacs supΘrieurs avaient du mal α acheminer rΘguliΦrement les fourrures destinΘes aux Franτais de MontrΘal. Afin de prΘserver le rΘseau de traite du Saint-Laurent et des Grands Lacs, les Franτais durent se charger du transport des fourrures et des denrΘes commerciales entre MontrΘal et les centres de traite des Grands Lacs supΘrieurs. On vit un nombre croissant d'engagΘs franτais pΘnΘtrer α l'intΘrieur des terres α bord de canots. Pour sa part, le bourgeois, sorte de marchand-traiteur, accompagnait ses marchandises vers l'ouest pour superviser les opΘrations de traite dans les postes ΘloignΘs. Mais le succΦs de la traite reposait sur l'activitΘ du coureur de bois, qui recherchait de nouvelles bandes amΘrindiennes, les mettait en rapport avec les traiteurs et resserrait, au moyen d'alliances, les liens qu'elles entretenaient avec des marchands particuliers. Ces activitΘs Θtaient parfois contraires aux lois du gouvernement colonial. Il arrivait souvent que les r⌠les de coureur de bois et de bourgeois fussent cumulΘs en la personne du voyageur. Ce fut le cas de Pierre-Esprit Radisson et de MΘdard Chouart sieur Des Groseilliers dans les annΘes 1650.
  48.  
  49.      Les aventures commerciales de Radisson et de Des Groseilliers parmi les Cris qui vivaient entre les Grands Lacs et la baie d'Hudson laissΦrent un double hΘritage. Les pratiques qu'ils instaurΦrent dans l'ensemble du rΘseau de traite du Saint-Laurent et des Grands Lacs se dΘveloppΦrent au cours du demi-siΦcle suivant en un mode de vie associΘ α la traite des fourrures. Le r⌠le du coureur de bois fut de plus en plus exercΘ par un sang-mΩlΘ qui Θtait apparentΘ au bourgeois du poste de traite mais qui avait ΘpousΘ une femme appartenant α une famille Θminente de la bande amΘrindienne. C'est lui qui conduisait de petites expΘditions de traite ½en dΘrouine╗ -- expression archa∩que dΘsignant le commerce itinΘrant de marchandises -- jusqu'aux terrains de chasse et de piΘgeage des AmΘrindiens. Les autres sang-mΩlΘ pratiquant la traite des fourrures avaient tendance α fonder leurs aspirations sur le mode de vie et le prestige socio-politique de cet intermΘdiaire culturel. Au dΘbut du XVIIIe siΦcle, le titre de coureur de bois cΘdait le pas α celui de voyageur, mais le r⌠le que ces hommes jouaient dans la traite des fourrures demeurait tout aussi capital.
  50.  
  51.      Le second hΘritage laissΘ par Radisson et Des Groseilliers fut la crΘation de la Compagnie de la baie d'Hudson. Ces aventuriers tirΦrent de leurs contacts avec les Cris vivant au nord du lac SupΘrieur la conclusion que les navires en provenance d'Europe pouvaient se rendre au seuil du territoire des AmΘrindiens trappeurs, ce qui allait permettre de court-circuiter les intermΘdiaires co√teux et d'Θviter les dangers d'un trajet jalonnΘ de rapides et exposΘ aux attaques des Iroquois.RebutΘs par l'indiffΘrence des marchands et des autoritΘs de la Nouvelle-France et de la mΦre patrie, Radisson et Des Groseilliers soumirent leur projet α des courtisans anglais qui, aprΦs avoir prouvΘ qu'il Θtait rΘalisable grΓce aux voyages de l'Eaglet et du Nonsuch, obtinrent un monopole du roi britannique Charles II le 2 mai 1670. Les conseils de Radisson et Des Groseilliers furent dΘterminants dans les premiers succΦs que la Compagnie de la baie d'Hudson remporta dans ses rapports avec les AmΘrindiens.
  52.  
  53. Le systΦme de traite des fourrures de la baie d'Hudson de 1670 α 1770 
  54.  
  55.      Deux thΦmes marquΦrent le premier siΦcle d'existence du systΦme de traite basΘ sur les postes installΘs sur les rives de la baie d'Hudson. Le premier fut l'adaptation de l'expΘrience franτaise et amΘrindienne dans la rΘgion du Saint-Laurent et des Grands Lacs aux circonstances de la traite aux postes de la baie d'Hudson et, dans les annΘes suivantes, le dΘveloppement de cette expΘrience adaptative dans la vie des AmΘrindiens et des Britanniques. Le second thΦme se rapportait α l'adaptation des traditions britanniques aux circonstances particuliΦres des comptoirs c⌠tiers.
  56.  
  57.      La charte de la Compagnie de la baie d'Hudson accorda un ½don magnifique╗ aux aventuriers commerτants de la mΘtropole londonienne. La terre de Rupert, correspondant α la rΘgion drainΘe par la baie d'Hudson, s'Θtendait sur plus du tiers du territoire canadien actuel. Les premiΦres annΘes, la Compagnie centra son activitΘ ½au bas de la baie╗ sur Fort Albany, avec une succursale α Moose Factory. Plus tard, l'administration centrale fut transfΘrΘe α York Factory sur la c⌠te ouest de la baie d'Hudson et des succursales furent Θtablies aux Forts Severn et Churchill. Avec l'Θtablissement de ces centres de traite, l'activitΘ des AmΘrindiens de la rΘgion s'orienta vers les comptoirs de la c⌠te, α l'Θcart des forts du rΘseau du Saint-Laurent et des Grands Lacs.
  58.  
  59.      En rΘaction α la prΘsence des traiteurs britanniques sur les bords de la baie d'Hudson, les Cris des terres du Bouclier -- qui correspond α l'Ontario septentrional d'aujourd'hui -- et leurs voisins et alliΘs du sud-ouest, les Assiniboines (appelΘs Stonies dans l'Alberta d'aujourd'hui), entreprirent une migration qui devait conduire certains de leurs descendants aux contreforts des montagnes Rocheuses. D'abord attirΘs vers le sud-est par les traiteurs franτais, les Cris et les Assiniboines prirent finalement la direction du nord-ouest pour y chercher aussi bien les fourrures communes que les fourrures de luxe. └ bord de leurs canots d'Θcorce ils purent emprunter les riviΦres Saskatchewan et Churchill pour voyager en direction de l'ouest, au-delα du lac Winnipeg. Leur migration vers l'ouest fut facilitΘe par le fait que la riviΦre Saskatchewan-Nord traversait la forΩt-parc (prairie boisΘe) de la rΘgion des Grandes Plaines. Zone Θcologique comprise entre la forΩt borΘale au nord et la prairie au sud, la forΩt-parc (prairie boisΘe) rΘunissait les ressources vΘgΘtales et animales de ces deux milieux. Les Cris et les Assiniboines y trouvΦrent donc une riche rΘserve de ressources convenant admirablement α leur existence de chasseurs nomades et sise des deux c⌠tΘs de la partie supΘrieure de la principale voie de communication reliant les montagnes Rocheuses α York Factory.
  60.  
  61.      Les AmΘrindiens de la terre de Rupert adaptΦrent leurs traditions de maniΦre α jouer trois r⌠les distincts dans le commerce des pelleteries. └ une certaine distance des comptoirs c⌠tiers, les fourrures Θtaient prΘlevΘes par les AmΘrindiens qui s'adonnaient une partie de l'annΘe au piΘgeage. └ certaines bandes de Cris et d'Assiniboines s'ajoutaient les membres de la ConfΘdΘration des Pieds-Noirs, c'est-α-dire les Pieds-Noirs, les Gens-du-Sang, les PiΘgans et les Gros-Ventres, ainsi que les Sarcis, les Castors, les Tchippewayans et d'autres populations de langue athapascane vers le nord-ouest. Ces bandes de trappeurs rencontraient rarement, sinon jamais, des traiteurs britanniques, mais elles connaissaient bien les articles en mΘtal tels que couteaux, hachettes et chaudrons. Ces populations allaient finir pas se procurer des fusils et des munitions, ainsi que des produits de luxe tels que des perles et du tabac. Des AmΘrindiens agissant comme intermΘdiaires mettaient les AmΘrindiens trappeurs en relations commerciales avec les traiteurs de la Compagnie de la baie d'Hudson. Dans l'ouest, les Cris et les Assiniboines commandaient l'accΦs α York Factory; au nord α Churchill, les Cris et les Tchippewayans se disputaient le contr⌠le, alors qu'au sud de la baie, les Saulteux et les Cris faisaient tous deux fonction d'intermΘdiaires.
  62.  
  63.      Dans la premiΦre moitiΘ du XVIIIe siΦcle, les Cris et les Assiniboines de la rΘgion de la riviΦre Saskatchewan jouaient un r⌠le utile d'intermΘdiaires dans la traite des fourrures. Ce r⌠le s'appliquait surtout aux activitΘs commerciales des bandes des hautes-terres. Au dΘbut du printemps, ces AmΘrindiens traiteurs quittaient leurs terres d'hivernage des forΩts-parcs (prairies boisΘes) pour gagner le bord des riviΦres o∙ ils fabriquaient leurs canots et se livraient α la traite des fourrures avec les bandes de trappeurs avoisinantes. Des fusils que les Cris avaient achetΘs l'ΘtΘ prΘcΘdent α York Factory au prix de douze plues et qu'ils avaient utilisΘs durant tout l'hiver furent vendus α un prix variant entre 24 et 30 plues. (Le plue Θtait la monnaie en usage dans le territoire de traite de la baie d'Hudson o∙ toutes les fourrures Θtaient ΘvaluΘes par rapport α une fourrure de castor adulte de premiΦre qualitΘ.) D'autres articles Θtaient vendus avec des marges bΘnΘficiaires semblables. AprΦs la dΘbΓcle des riviΦres, les chefs de traite rassemblaient leurs partisans pour se rendre α York Factory. Laissant la plupart des femmes et des enfants prΦs des lacs de pΩche au nord de la riviΦre Saskatchewan-Nord, les bandes descendaient la riviΦre en direction du poste. Elles arrivaient souvent α moitiΘ affamΘes entre la troisiΦme semaine de juin et la deuxiΦme semaine de juillet pour un sΘjour qui pouvait durer jusqu'α deux semaines. Leur arrivΘe Θtait marquΘe par des salves d'honneur, des discours de bienvenue et des Θchanges de cadeaux. AprΦs deux ou trois jours de festivitΘs o∙ l'on mangeait et buvait aux frais de la Compagnie de la baie d'Hudson, la traite dΘbutait. Les AmΘrindiens faisaient passer les fourrures par le guichet du magasin de traite et recevaient des biens en retour. Le chef de traite restait souvent dans la salle de traite pour confirmer α ses hommes que la Compagnie respectait les conditions convenues lors des discours de bienvenue. Le grand marchΘ annuel se terminait par d'autres discours et d'autres dons de nourriture et de boissons aux AmΘrindiens. De retour α leurs terres α la fin de l'ΘtΘ ou au dΘbut de l'automne, ils abandonnaient leurs canots -- Θcorce ne rΘsistait pas au gel -- recueillaient leurs familles et repartaient vers le sud pour chasser le bison. └ l'approche de l'hiver, les bisons quittaient la prairie pour la forΩt-parc (prairie boisΘe) o∙ les AmΘrindiens traiteurs les chassaient jusqu'α ce que l'arrivΘe du printemps sonnΓt l'heure des prΘparatifs pour un autre voyage α York Factory.
  64.  
  65.      Un petit nombre d'AmΘrindiens cris s'Θtablirent dans les rΘgions c⌠tiΦres, prΦs des comptoirs de la baie d'Hudson, o∙ α cause de leur r⌠le ils furent connus sous le nom d'AmΘrindiens ½Homeguard╗. Ils effectuaient jusqu'α quatre ou cinq voyages au poste par annΘe. Ils fournissaient non seulement des fourrures de petits animaux tels que pΘkans, martres et visons, mais aussi de la viande, du cuir, des plumes et d'autres produits de la nature et servaient de guides et de messagers du poste. Comme les alentours du poste Θtaient des plus inhospitaliers, la vie des Homeguards n'Θtait pas sans danger. L'exercice de leurs diverses activitΘs les exposait souvent α la famine et si le poste n'Θtait pas prΘvenu de leur situation, le groupe entier risquait de pΘrir. Cela dit, la vie des Cris homeguards avait ses bons c⌠tΘs. Ils consommaient par tΩte plus de denrΘes de traite que les AmΘrindiens trappeurs ou traiteurs. Leurs fonctions leur assuraient un approvisionnement de produits europΘens sans Θgal dans le commerce des fourrures.
  66.  
  67.      Les diverses activitΘs des AmΘrindiens reflΘtΘes par les trois grandes fonctions liΘes α la traite, c'est-α-dire celles de trappeur, d'intermΘdiaire et de ½Homeguard╗, permettaient α la Compagnie de diriger son commerce α partir des comptoirs c⌠tiers. Les AmΘrindiens traiteurs se rΘvΘlΦrent dΘsireux et capables d'affronter les problΦmes et les dΘpenses liΘs au transfert des fourrures et des denrΘes entre les trappeurs amΘrindiens et les traiteurs de la Compagnie. Les voyages que firent α l'intΘrieur des terres Henry Kelsey en 1691-92, William Stewart en 1717-18, Anthony Henday en 1754-55, Samuel Hearne en 1777-78 et d'autres n'Θtaient pas de nature commerciale. Ces expΘditions visaient α obtenir des informations et α Θtablir des contacts avec les bandes d'AmΘrindiens plus ΘloignΘes pour les encourager α affronter les difficultΘs du voyage aux comptoirs c⌠tiers.
  68.  
  69.      Depuis la fondation de la Compagnie de la baie d'Hudson jusqu'α la chute de la Nouvelle-France en 1763, les Franτais constituΦrent la principale menace aux succΦs de la Compagnie. Durant le premier quart du siΦcle, les Franτais luttΦrent farouchement contre la prΘsence de la Compagnie sur les rives de la baie d'Hudson. De nombreux combats illustrΦrent la grande maεtrise tactique des Franτais dans la guerre qu'ils livraient α la Compagnie sur terre et sur mer. Cependant, ni la France ni la Nouvelle-France ne pouvaient dΘcider si leurs intΘrΩts justifiaient le temps, les efforts et les dΘpenses mis en oeuvre pour chasser la Compagnie de ses postes. Les difficultΘs de la navigation dans l'Arctique jointes α l'importance nΘgligeable des pelleteries de la baie d'Hudson dans le dΘveloppement Θconomique de la France engendrΦrent dans la mΦre patrie un manque d'en- thousiasme flagrant pour les aventures dans l'Arctique. En Nouvelle-France, la coterie des entrepreneurs influents s'intΘressait davantage au commerce du castor sec vers le sud-ouest, dans les terres de l'Illinois et au-delα. MΩme les marchands en vue comme Charles Aubert de la Chesnaye et Charles Le Moyne, qui pr⌠naient une expansion en direction du nord-ouest, craignaient qu'une dΘfaite de la Compagnie de la baie d'Hudson n'entraεnΓt un excΦs de castors gras d'hiver sur le marchΘ et ne crΘΓt ainsi un problΦme de sur-approvisionnement dont souffrait dΘjα la traite du castor sec. Cette indΘcision en matiΦre de stratΘgie empΩcha les Franτais de donner suite α leurs succΦs tactiques pour obtenir des rΘsultats durables et permit α la Compagnie de surmonter de nombreux Θchecs avant que le traitΘ d'Utrecht ne rΘtablεt tous ses postes en 1713. Le conflit avec la France amena la Compagnie α renforcer la dΘfense de ses comptoirs c⌠tiers et cette initiative, jointe α l'acceptation, par les AmΘrindiens traiteurs, d'assumer les frais de transport, aboutit α la crΘation du systΦme de traite basΘ sur les comptoirs c⌠tiers. Les censeurs de la Compagnie appelΦrent cette politique ½le sommeil au bord de la mer de glace╗.
  70.  
  71.      Pour rΘgler les rapports sociaux entre les employΘs des postes de traite de la Compagnie, les directeurs de celle-ci et les employΘs eux-mΩmes s'inspirΦrent des coutumes, des usages et des lois de la tradition navale britannique du dΘbut de l'Φre historique moderne. InspirΘes de la hiΘrarchie et du schΘma d'autoritΘ en usage dans les familles britanniques de l'Θpoque, ces traditions navales Θtaient appliquΘes α une sociΘtΘ composΘe exclusivement d'adultes mΓles. Si la Compagnie, ses agents et ses engagΘs s'inspiraient de l'exemple britannique, les circonstances particuliΦres aux comptoirs c⌠tiers de la baie d'Hudson exigeaient des adaptations. Cela dit, les traditions associΘes α la hiΘrarchie sociale et au rΘgime d'autoritΘ semblaient fonctionner dans le contexte du Nouveau Monde. Les hommes adultes fondaient leurs rapports rΘciproques sur les responsabilitΘs et les privilΦges associΘs au rang de chacun. Toutefois, la condition sociale n'Θtait pas le seul facteur qui dΘterminait la place de chacun; le mΘrite permettait α bon nombre de monter en grade. Au cours du XVIIIe siΦcle, la plupart des agents Θtaient recrutΘs parmi les hommes de mΘtier. Le comportement de mise Θtait modelΘ sur l'idΘal de ½l'homme d'importance╗. Le personnage qui dominait la hiΘrarchie sociale des ½hommes d'importance╗ dans le poste de traite Θtait le gouverneur du poste, c'est-α-dire l'agent principal. Ses prΘrogatives lui donnaient droit α des aliments, des boissons, des vΩtements plus abondants et de meilleure qualitΘ ainsi qu'α un logement plus confortable. Il avait pour responsabilitΘ d'assurer non seulement la rentabilitΘ du commerce des fourrures, mais le bien-Ωtre des employΘs du comptoir et des bandes environnantes d'AmΘrindiens homeguards. Son maintien et son mode de vie devinrent les symboles mΩmes de la grande vie au poste de traite. MΩme les Cris homeguards lui dΘcernΦrent le titre d'½Uckimow╗, c'est-α-dire patriarche.
  72.  
  73.      Officiellement, la Compagnie de la baie d'Hudson interdisait toute fraternisation avec les AmΘrindiens, sauf dans le cas des agents α l'Θpoque de la traite. Cette rΦgle avait un double but : empΩcher quiconque de commercer α titre personnel et Θviter des incidents dΘplorables qui pourraient perturber le commerce paisible des fourrures. Plut⌠t que de suivre la directive de la Compagnie en cette matiΦre, les habitants du poste de traite semblent avoir fondΘ leurs relations avec les Cris homeguards sur les coutumes en usage dans la marine de Grande-Bretagne. Dans le poste de traite, seul le gouverneur ou l'agent principal Θtait autorisΘ α Θpouser une AmΘrindienne ½α la mode du pays╗. Les autres agents et les engagΘs cherchant α Θtablir des liens familiaux sur la terre de Rupert ne pouvaient le faire qu'au sein des bandes de Cris homeguards. Ceux-ci pouvaient accepter ce type d'arrangement, car ils comprenaient l'importance d'avoir dans le poste de traite un parent ayant accΦs au magasin. Par ailleurs, les agents et engagΘs qui avaient une famille dans ces bandes cries installΘes dans les environs comptaient sur leurs parents masculins adultes pour veiller aux intΘrΩts de leur famille durant les longues pΘriodes o∙ ils ne pouvaient quitter les postes de traite. Lorsque l'agent ou l'engagΘ prenait sa retraite, il ne pouvait ni rejoindre sa famille ni regagner avec elle la Grande-Bretagne. L'un des rΘsultats remarquables de cette situation fut que, au cours du siΦcle s'Θtendant de 1670 α 1770, les Cris homeguards en vinrent α former, tout en conservant leurs caractΦres culturels, une population biologiquement mΘlangΘe.
  74.  
  75.      En dΘpit de la concurrence efficace des Franτais α l'intΘrieur des terres, la Compagnie de la baie d'Hudson continua de pratiquer la traite en se cantonnant dans ses comptoirs c⌠tiers. Avec les mΘthodes empruntΘes aux traditions du coureur de bois du siΦcle prΘcΘdent, les traiteurs canadiens se rΘpandirent dans la rΘgion situΘe au nord des Grands Lacs. Des groupes en dΘrouine rendaient visite aux bandes amΘrindiennes sur les lieux de chasse et de piΘgeage, leur prΘsentant un choix d'articles de commerce dont ils avaient besoin. Pourtant, la Compagnie de la baie d'Hudson mit du temps α rΘagir. Elle n'abandonna sa politique, vieille d'un siΦcle, que lorsqu'elle s'aperτut que les avantages qu'elle tirait des co√ts de transport moins ΘlevΘs ne lui permettaient pas de lutter avec succΦs contre ses concurrents dont la base d'opΘrations Θtait le territoire Saint-Laurent-Grands Lacs.
  76.  
  77. Le systΦme commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs de 1665 α 1763 
  78.  
  79.      Dans les annΘes 1660, le gouvernement franτais changea de ligne de conduite α l'Θgard de la traite des fourrures : jusque lα entreprise surtout commerciale, celle-ci devint un instrument d'expansion impΘriale. Parce que la faτon de pratiquer la traite des fourrures, par l'intermΘdiaire des marchands locaux et des agents du gouvernement, s'harmonisait admirablement avec l'idΘe que se faisaient les AmΘrindiens de leurs propres intΘrΩts politiques et Θconomiques, les Franτais remportΦrent de grands succΦs. Du point de vue d'un EuropΘen de l'Ouest, le systΦme mis en place pour la traite des fourrures dans le territoire Saint-Laurent-Grands Lacs permettait aux Franτais de dominer l'intΘrieur du continent et de protΘger en mΩme temps les jeunes colonies de la Nouvelle-France contre la force expansionniste des colonies anglo-amΘricaines, plus peuplΘes, du Sud. La traite des fourrures joua Θgalement un r⌠le important dans l'Θmergence du ½Canadien╗, qui se distinguait culturellement du ½Franτais╗ en AmΘrique du Nord.
  80.  
  81.      Au dΘbut, le gouvernement du Roi voyait dans la traite des fourrures la principale raison de la vulnΘrabilitΘ de la colonie devant les attaques des Iroquois. Comme un grand nombre de jeunes hommes quittaient la colonie pour chercher fortune dans la traite des fourrures α l'intΘrieur des terres, la Nouvelle-France Θtait privΘe des bases socio-Θconomiques nΘcessaires pour rΘsister avec succΦs aux attaques. Le gouvernement du Roi adopta une politique de rassemblement, restreignant l'accΦs α l'intΘrieur des terres et favorisant la diversification Θconomique et la croissance dΘmographique.
  82.  
  83.      Les intΘrΩts personnels des marchands se livrant α la traite des fourrures ne concordaient pas avec la politique de peuplement sur un territoire rΘduit. Le systΦme des congΘs de traite donna rapidement lieu α des abus; les marchands et les fonctionnaires s'associaient pour tourner, α leur profit, les ordres du gouvernement du Roi. On en trouve un exemple particuliΦrement frappant dans le cas de l'entreprise commune α laquelle participaient le gouverneur (le comte de Frontenac) et le marchand-aventurier RenΘ-Robert Cavelier de La Salle. De telles associations contribuΦrent α l'arrivΘe d'un nombre de plus en plus grand de castors secs dans les magasins des Franτais, amenant ainsi l'effondrement temporaire du commerce des peaux de castor en 1696. Toutefois, les agents locaux et les marchands canadiens rΘussirent, en tournant la politique officielle, α maintenir le systΦme des alliances conclues en vue de la traite des fourrures et dont MontrΘal Θtait le pivot et purent continuer α faire du systΦme commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs un instrument de la politique franτaise. Lorsque, en 1701, le gouvernement du Roi abandonna sa politique traditionnelle pour une autre destinΘe α restreindre l'action des Anglais aux rΘgions boisΘes de la c⌠te atlantique et aux rives de la baie d'Hudson, le systΦme commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs se rΘvΘla propre α favoriser cette politique.
  84.  
  85.      Des problΦmes de logistique limitΦrent l'expansion des Franτais dans le Nord-Ouest α la rΘgion de la TΩte des lacs (lac SupΘrieur). Les provisions de ma∩s et de porc salΘ destinΘes aux voyageurs vinrent α manquer dans la rΘgion du lac SupΘrieur et les Θquipages des canots, α court de temps, ne pouvaient chasser pour se nourrir. C'est Pierre Gaultier de Varennes, sieur de La VΘrendrye, commandant de poste du nord α Fort Kaministiquia de 1729 α 1743, qui trouva la solution. Avec l'aide du gouvernement du Roi, acquis α l'exploration de la route vers la Mer de l'Ouest, il construisit, α partir de la TΩte des lacs, une chaεne de postes allant vers l'ouest par les voies navigables, en passant par le lac α la Pluie et le lac des Bois jusqu'α la riviΦre Winnipeg et au lac Winnipeg. Ces postes recevaient les fourrures apportΘes par les bandes des environs, mais ils favorisaient aussi le commerce des denrΘes comestibles. Le riz sauvage de la rΘgion convenait admirablement bien aux besoins du commerce des fourrures; rΘcoltΘ par les AmΘrindiens α l'automne, il pouvait Ωtre facilement entreposΘ et transportΘ. On faisait aussi le commerce de la viande et du poisson sΘchΘ et, dans chaque poste, on s'employait activement au jardinage. La rΘussite qui couronna les efforts de La VΘrendrye pour rΘgler le problΦme de la logistique rendit possible l'expansion du systΦme commer- cial du Saint-Laurent et des Grands Lacs jusqu'aux Prairies. Le voyage qui l'amena par la suite dans les villages agricoles des Mandans Θtablis le long du Missouri fut un Θchec, qu'il s'agisse de la traite des fourrures ou de la recherche de la Mer de l'Ouest. Ses successeurs tournΦrent leurs efforts vers la Saskatchewan, o∙ la possibilitΘ, sinon de dΘcouvrir la Mer de l'Ouest, du moins d'obtenir des fourrures de qualitΘ, Θtait plus Θvidente.
  86.  
  87.      Le succΦs obtenu par le systΦme commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs du c⌠tΘ de la Saskatchewan tenait α une politique contraire α celle de la Compagnie de la baie d'Hudson. Plut⌠t que de laisser aux AmΘrindiens le soin d'apporter les fourrures aux dΘp⌠ts c⌠tiers, les nΘgociants canadiens, fidΦles en cela au systΦme de traite existant depuis la destruction de la Huronie, formaient de petits groupes partant en dΘrouine commercer avec les AmΘrindiens. Ces groupes rassemblaient les fourrures dans des centres, d'o∙ ils les transportaient, avec leurs engagΘs, jusqu'α MontrΘal. Ce systΦme entraεnait des risques et des frais importants. C'est pourquoi les traiteurs canadiens s'intΘressaient surtout aux fourrures peu volumineuses et de grande valeur, nΘgligeant les fourrures d'ours et de loup, ainsi que les peaux d'orignal et de bison. Le canot du nord, qui remplaτa le canot du maεtre sur les eaux nordiques, avait une contenance infΘrieure de moitiΘ α celle du second, de sorte que les traiteurs canadiens ne pouvaient offrir ni le nombre ni la variΘtΘ d'articles qu'on pouvait trouver dans les postes c⌠tiers de la Compagnie de la baie d'Hudson. Pourtant, mΩme s'ils devaient payer des prix plus ΘlevΘs, les AmΘrindiens de l'intΘrieur accueillaient manifestement avec plaisir les traiteurs canadiens. Le commerce de la Compagnie de la baie d'Hudson α York Factory diminua immΘdiatement des deux cinquiΦmes et, en peu de temps, de plus de la moitiΘ. Les considΘrations pratiques constituaient un facteur dΘterminant en matiΦre de traite chez les AmΘrindiens de l'intΘrieur.
  88.  
  89.      Nul doute que certaines des familles de Cris et d'Assiniboines pratiquant la traite avaient certaines craintes concernant la prΘsence des traiteurs de la Nouvelle France, prΘsence qui offrait certains avantages, mais qui rΘduisait l'utilitΘ des grands chefs, en permettant aux chefs de bandes de nΘgocier eux-mΩmes. Certains grands chefs continuΦrent α jouer leur r⌠le traditionnel en apportant les fourrures qui n'Θtaient d'aucune utilitΘ pour les Canadiens aux postes c⌠tiers de la Compagnie de la baie d'Hudson. Toutefois, d'autres, abandonnant la traite, se tournΦrent vers les plaines et l'exploitation, tout au long de l'annΘe, du bison. L'Θvolution culturelle de certains Cris et Assiniboines vers un mode de vie axΘ sur les ½plaines╗, s'accomplit lentement au cours du demi-siΦcle s'Θtendant de 1730 α 1780. Contrairement aux Montagnais, un siΦcle plus t⌠t, ils continuΦrent de jouer un r⌠le d'intermΘdiaire, non pas dans le commerce, mais au sein des alliances politico-militaires, en empΩchant leurs ennemis et en permettant α leurs amis d'avoir accΦs au matΘriel de guerre apportΘ par les EuropΘens de l'Ouest. Lorsque les Cris et les Assiniboines se tournΦrent vers l'exploitation permanente des troupeaux de bison, leurs intΘrΩts s'opposΦrent α ceux de la ConfΘdΘration des Pieds-Noirs. Les Pieds-Noirs commenτaient α se procurer des chevaux auprΦs des populations du Sud-Ouest et ils Θtaient harcelΘs par les Cris et les Assiniboines, mieux armΘs, qui dΘsiraient aussi acquΘrir cet animal, moyen technique supΘrieur pour exploiter les troupeaux de bisons. Pour y parvenir, les Cris et les Assiniboines s'efforcΦrent de contr⌠ler la circulation du matΘriel de guerre provenant des postes de traite.
  90.  
  91.      Le r⌠le de l'intermΘdiaire commercial et culturel fut un ΘlΘment dΘcisif du succΦs remportΘ par les traiteurs des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Avec l'expansion de la traite dans les Prairies, diverses personnes remplirent ce r⌠le, qui avait ΘtΘ celui du coureur de bois. Pour rΘussir, l'intermΘdiaire devait possΘder l'amΘnitΘ du diplomate, le sens de la mise en scΦne de l'artiste, la curiositΘ de l'aventurier et l'instinct de survie de l'homme politique. Dans nombre de cas, les chefs amΘrindiens pratiquant la traite avaient accompli ce r⌠le d'une maniΦre admirable et allaient continuer de le faire. Certains bourgeois avaient acquis ces qualitΘs en remplissant les fonctions de commis dans leur jeunesse et en dirigeant des groupes en dΘrouine. Cette activitΘ constituait le r⌠le par excellence du coureur de bois. On trouvait parmi les engagΘs ceux qui voulaient Ωtre ½leur propre patron╗ tout en continuant α faire la traite des fourrures. Ces ½gens du libre╗, Θpousaient des AmΘrindiennes et faisaient souvent fonction d'intermΘdiaires dans les relations avec les parents de leur femme. Les traiteurs canadiens et les AmΘrindiens respectaient ceux qui remplissaient cette fonction de coureur de bois. Pour un commis ambitieux, c'Θtait l'occasion d'acquΘrir l'expΘrience et d'Θtablir les contacts avec les AmΘrindiens et les traiteurs qui ouvraient la voie vers une carriΦre profitable de bourgeois au sein de la communautΘ canadienne. GrΓce au r⌠le qu'ils jouaient, les gens du libre obtenaient souvent de meilleurs prix pour les articles qu'ils Θchangeaient au poste de traite. Lorsqu'ils vivaient parmi les AmΘrindiens, ils obtenaient une part de leurs biens et un haut rang au sein de leurs conseils. Cette situation permit α certaines gens du libre de passer aisΘment du monde socio-culturel de l'AmΘrindien α celui du Canadien et vice-versa, ce α quoi beaucoup ne pouvaient aspirer, qui Θtaient liΘs α une seule culture.
  92.  
  93.      Les ΘvΘnements qui se produisirent en Europe au milieu du XVIIIe siΦcle et auxquels firent Θcho en AmΘrique du Nord les combats entre armΘes classiques, marquΦrent la fin de la domination des Franτais sur l'intΘrieur de l'AmΘrique du Nord. Le dΘroulement de la guerre de Sept Ans en AmΘrique du Nord rΘduisit α peu de choses la circulation des articles de commerce vers le pays d'en-haut, au nord-ouest de la TΩte des lacs. Avant mΩme la bataille des plaines d'Abraham en 1759, la Compagnie de la baie d'Hudson croyait que les ΘvΘnements justifiaient son systΦme, vieux d'un siΦcle, axΘ sur les Θtablissements c⌠tiers. MalgrΘ les critiques formulΘes contre sa politique d'immobilisme, la Compagnie croyait que, avec la chute de QuΘbec et la fin de la menace ½franτaise╗, elle pourrait suivre sa ligne de conduite traditionnelle pendant encore cent ans. Dans la dizaine d'annΘes qui suivirent, elle allait se rendre compte qu'il n'en Θtait rien.
  94.  
  95. Les traiteurs rivaux α l'intΘrieur des terres de 1763 α 1787 
  96.  
  97.      Les marchands qui s'Θtaient engagΘs α contrat α approvisionner les forces britanniques victorieuses occupant la Nouvelle-France furent parmi les premiers ½pedlars╗ (colporteurs) α tenter de faire revivre le systΦme commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Les colporteurs, qui dΘpendaient des engagΘs et des commis canadiens, se disputaient bruyamment avec les AmΘrindiens et entre eux. Les ΘvΘnements qui entourΦrent le soulΦvement de Pontiac en 1763 montra que le gouvernement et les marchands britanniques ignoraient tout de la faτon de pratiquer la traite des fourrures dans la rΘgion des Grands Lacs. MalgrΘ tout, les colporteurs surmontΦrent, au bout de quelques annΘes, leurs difficultΘs initiales et pΘnΘtrΦrent dans le territoire situΘ au-delα de la TΩte des lacs, menaτant le commerce de la Compagnie de la baie d'Hudson dans les comptoirs c⌠tiers.
  98.  
  99.      Leur commerce reposait sur des associations des plus efficaces. └ MontrΘal, un associΘ Θtait chargΘ de l'acquisition des objets de commerce et de leur acheminement vers l'intΘrieur ainsi que de la mise en marchΘ des fourrures de l'annΘe prΘcΘdente par l'intermΘdiaire d'agents α Londres. Un ou plusieurs associΘs, appelΘs bourgeois, passaient l'hiver dans les territoires, o∙ ils Θtaient chargΘs de nΘgocier avec les AmΘrindiens. Poursuivant leur marche vers l'ouest et vers le nord, les colporteurs jugΦrent utile de transformer leurs associations en syndicats, afin de s'assurer des moyens logistiques suffisants pour qu'un associΘ puisse promouvoir les intΘrΩts des autres dans des territoires plus ΘloignΘs. C'est grΓce α l'un de ces syndicats que Peter Pond put se rendre, en 1778, vers le nord au-delα des bassins hydrographiques de la Saskatchewan et de la Churchill jusqu'α la riviΦre Athabasca, qui dΘbouche, par le Mackenzie, dans l'ocΘan Arctique. La rΘgion de l'Athabasca, centrΘe sur Fort Chipewyan, se rΘvΘla Ωtre l'½eldorado╗ de la traite des fourrures; elle englobait les terrains de piΘgeage des Tchippewayans, qui avaient auparavant commercΘ avec la Compagnie de la baie d'Hudson α Fort Churchill. Les succΦs remportΘs par le syndicat d'Athabasca ouvrit la voie α la crΘation, en 1784, d'un syndicat plus important, appelΘ Compagnie du Nord-Ouest. Trois ans plus tard, celle-ci prit la forme sous laquelle elle allait exister pendant une gΘnΘration et exercer une forte influence sur le dΘveloppement commercial de MontrΘal.
  100.  
  101.      La Compagnie de la baie d'Hudson tenta d'abord de faire obstacle aux succΦs que remportaient les colporteurs en envoyant des reprΘsentants dans l'intΘrieur afin d'inciter les AmΘrindiens α ne pas tenir compte des offres des colporteurs et α se rendre aux comptoirs c⌠tiers. L'inefficacitΘ de cette tactique amena la Compagnie α abandonner en 1773 son systΦme commercial fondΘ sur les comptoirs c⌠tiers. L'annΘe suivante, elle crΘa Cumberland House sur le lac Pine, prΦs de la Saskatchewan en amont des Grand Rapids o∙ la riviΦre pΘnΦtre dans le lac Winnipeg. Une trentaine d'annΘes auparavant, Henley House avait ΘtΘ ΘrigΘ au fond de la baie, sur l'Albany, α 240 kilomΦtres en amont de Fort Albany. └ cette Θpoque, la construction du poste n'avait pas ΘtΘ considΘrΘe par les directeurs de la Compagnie comme une dΘrogation α leur politique traditionnelle. Il s'agissait plut⌠t pour eux d'un bastion destinΘ α protΘger les AmΘrindiens contre les dΘprΘdations des groupes de Canadiens en dΘrouine et α ravitailler les AmΘrindiens pour la derniΦre Θtape de leur voyage vers Fort Albany. La mise α sac de Henley House en 1755 et en 1759 confirmait les directeurs dans leur opinion selon laquelle le commerce α l'intΘrieur des terres comportait des risques et des frais. Toutefois, avec la construction de Cumberland House, la Compagnie abandonnait sa politique traditionnelle d'Θtablissements au fond de la baie et commenτait α pΘnΘtrer α l'intΘrieur des terres.
  102.  
  103.      └ ce moment, il devint vite Θvident que la Compagnie de la baie d'Hudson souffrait d'un handicap hΘritΘ de sa politique d'immobilitΘ. La technologie nΘcessaire pour se dΘplacer sur les voies d'eau de l'intΘrieur lui faisait dΘfaut. On ne trouvait pas de bouleaux prΦs des comptoirs de la c⌠te ouest de la baie d'Hudson et il fallait se procurer l'Θcorce auprΦs des AmΘrindiens de l'intΘrieur des terres. Les AmΘrindiens qui construisaient des canots pour la Compagnie prΘfΘraient leur traditionnelle embarcation α deux places plut⌠t que le canot du nord qu'employait sa rivale, la Compagnie du Nord-Ouest, et qui pouvait transporter six personnes. Les employΘs ½anglais╗ de la Compagnie n'avaient pas l'habiletΘ nΘcessaire pour se servir des canots et les guerres europΘennes rendaient difficile le recrutement de jeunes hommes capables d'acquΘrir cette dextΘritΘ. Les tentatives pour employer des AmΘrindiens traiteurs ΘchouΦrent, parce que ceux-ci refusΦrent d'accepter la position infΘrieure de ½tripman╗ α laquelle voulait les rΘduire la Compagnie. Durant la pΘriode de quinze ans o∙ la Compagnie cherchait α rΘsoudre ses problΦmes de transport, la Compagnie du Nord-Ouest Θtablit sa suprΘmatie dans la traite des fourrures. Il fallut encore une gΘnΘration avant que le Compagnie de la baie d'Hudson puisse rivaliser avec succΦs avec sa concurrente de la rΘgion du Saint-Laurent.  
  104.  
  105.