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Text File  |  1994-06-10  |  22KB  |  65 lines

  1. L'ARGENT DE TROC DANS LA CULTURE INDIENNE 
  2.  
  3. N. Jaye Goossen 
  4.  
  5. La traite des fourrures en tant qu'Θchange culturel 
  6.  
  7.      Ce fut d'abord pour se manifester rΘciproquement leurs bonnes intentions que les Indiens d'AmΘrique du Nord et les EuropΘens, α l'occasion de leurs premiΦres rencontres, ΘchangΦrent des peaux de castor contre des bijoux, des miroirs et des vΩtements. Mais la mode du castor se rΘpandant rapidement en Europe, et les articles europΘens venant Θtancher des besoins ressentis comme tels par les Indiens, ces Θchanges se multipliΦrent et adoptΦrent des formes de plus en plus complexes. La traite de la fourrure, qui devait prendre ultΘrieurement des proportions considΘrables, Θtait donc contenue en germe dans les tout premiers contacts; elle Θtait appelΘe α modifier de faτon majeure le mode de vie des habitants de l'AmΘrique du Nord. Le dΘveloppement de ce commerce entraεna les marchands au coeur du continent, ouvrant ainsi les grandes voies de transport et de communication sur lesquelles devaient s'Θlancer plus tard les colons. DΦs l'instant o∙ la traite des fourrures introduisit ainsi la technologie et les articles de l'Occident dans les cultures autochtones d'AmΘrique du Nord, il devenait inΘvitable que le genre de vie des Indiens subisse de profondes modifications.
  8.  
  9.      La traite de la fourrure donna lieu α un Θchange culturel fort complexe, dans lequel les Indiens tinrent un r⌠le aussi important que leurs partenaires europΘens. Avant mΩme l'arrivΘe de ceux-ci, les Indiens Θchangeaient dΘjα entre eux des fourrures ainsi que d'autres objets. Du XVIe au XVIIIe siΦcle, le don Θtait considΘrΘ par plusieurs groupes autochtones comme un ΘlΘment majeur des relations sociales et politiques. Les chefs remettaient parfois des cadeaux α leurs peuples. On en donnait Θgalement aux parents dont les enfants venaient de se faire attribuer un nom. Mariages et dΘcΦs s'accompagnaient aussi de dons. Dans ces diverses circonstances, on considΘrait l'objet donnΘ plus Θloquent que ne l'auraient ΘtΘ des mots. Ce phΘnomΦne prenait beaucoup d'importance dans les relations inter-tribales ou encore inter-confΘdΘrations; c'est par des Θchanges de ceintures wampum, de peaux de castor ou de calumets de paix que les guerres Θtaient dΘclarΘes, les trΩves demandΘes, les traitΘs de paix acceptΘs et les alliances consolidΘes. └ eux seuls, les mots ne suffisaient pas α enterrer la hache de guerre.
  10.  
  11.      Les EuropΘens ne tardΦrent pas α tirer profit de cette coutume. Des Θchanges de castor et de wampum permirent aux Anglais et aux Franτais de s'allier respectivement aux Iroquois et aux Hurons. D'aprΦs des tΘmoignages anglais et iroquois, leur alliance Θtait symbolisΘe par une chaεne d'argent reliant un navire anglais α l'arbre de paix des Iroquois. L'argent avait ΘtΘ retenu parce que, contrairement au fer, il ne se dΘtΘriore pas. Cette "chaεne d'alliance," comme on l'appelait alors, Θtait polie α chaque annΘe, et l'alliance elle-mΩme renouvelΘe pΘriodiquement par des Θchanges de cadeaux entre les deux partenaires.
  12.  
  13.      De cΘrΘmonial diplomatique qu'il Θtait au dΘbut, cet Θchange de dons devint peu α peu une vΘritable entreprise Θconomique. └ travers cette transformation, il prit des formes redevables aussi bien aux Indiens qu'aux EuropΘens. Bien que ces derniers ne les aient pas toujours trΦs bien ΘvaluΘes, les aspirations indiennes eurent un impact certain sur la nature des articles qu'on leur offrit en Θchange de la fourrure. Le succΦs d'un traiteur reposait le plus souvent sur la connaissance qu'il pouvait avoir des besoins et des go√ts spΘcifiques des gens vivant sur son territoire; il avait tout intΘrΩt α s'y conformer pour assurer une paix durable et, partant, la pΘrennitΘ de ses succΦs commerciaux. Mais la recherche du profit imposait Θgalement un certain nombre de contraintes α ce commerce avec les Indiens. Ainsi les compagnies Θvitaient d'offrir α ceux-ci des quantitΘs considΘrables d'articles de valeur. La mΩme restriction touchait les objets trop gros, en raison des Θnormes distances α parcourir sur les riviΦres et sur la mer, pour rejoindre les marchΘs europΘens. C'est pourquoi les babioles s'avΘrΦrent les articles les plus Θconomiques, tant par rapport α leur valeur intrinsΦque que pour les co√ts de transport.
  14.  
  15.      Durant plus de trois siΦcles de traite de la fourrure, une grande variΘtΘ d'articles sont venus satisfaire aux exigences de chacun des partenaires, tout en modifiant considΘrablement le mode de vie de l'Indien. Ce dernier dΘveloppa un grand intΘrΩt pour des denrΘes alimentaires nouvelles, comme le sucre, le thΘ et la farine. Il en fut de mΩme pour divers articles domestiques: bouilloires de cuivre, pots de fer, cuillΦres, ciseaux, couteaux et aiguilles. Nouvelles armes et outils nouveaux (fusils, haches, hameτons et piΦges) augmentΦrent le nombre de prises de chaque chasseur. Mais les effets destructeurs des conflits inter-tribaux furent Θgalement dΘcuplΘs par l'introduction du fusil et, pour ce qui est des Indiens des Plaines, du cheval. Les perles de verres, les clochettes ainsi que diverses breloques en mΘtal enrichirent les parures traditionnelles. Il est jusqu'aux habitudes vestimentaires indiennes qui subirent l'influence du costume europΘen. La traite de la fourrure ne fut donc en aucun cas une activitΘ α sens unique; les Indiens y jouΦrent un grand r⌠le. Leurs exigences prΘsidΦrent, dans une certaine mesure, au choix des articles offerts par les EuropΘens avides de fourrure. TrΦs souvent, ils transformΦrent ces articles occidentaux en vue de leur confΘrer un usage jusque-lα inΘdit, leur attachant mΩme parfois une valeur symbolique que n'auraient pu soupτonner leurs usagers d'Europe. C'est ainsi que des ustensiles de cuisine devinrent des ΘlΘments dΘcoratifs. On voit donc comment des objets de fabrication occidentale acquirent, α travers de tels Θchanges trans-culturels, des caractΘristiques authentiquement indiennes.
  16.  
  17.      Rien de tel que l'argent de troc, pour illustrer cet entrelacement d'influences europΘennes et indiennes sur le destin des objets ΘchangΘs. Les bijoux d'argent Θtaient inconnus des Indiens dits de la forΩt avant l'arrivΘe des Blancs; ils le virent pour la premiΦre fois entre les mains de ceux venus leur en offrir pour marquer leurs intentions pacifiques. Ces bijoux revΩtirent une grande valeur commerciale aux XVIIIe et XIXe siΦcles. FabriquΘs alors spΘcialement en vue du commerce de la fourrure, ils Θtaient dΘcorΘs de motifs d'inspiration vraisemblablement autochtone, prenant mΩme parfois la forme d'articles dΘcoratifs non-mΘtalliques que les Indiens produisaient dΘjα avant l'arrivΘe des Blancs en AmΘrique (bandes portΘes aux jambes et aux bras). Plusieurs Indiens se mirent α considΘrer de tels ornements en argent comme des biens de prestige. Ils les comptaient ainsi au nombre de leurs possessions les plus prΘcieuses, et se faisaient fort de les porter sur eux lors des grandes occasions, voire mΩme de leur reconnaεtre une certaine valeur rituelle. Quelques-uns en vinrent mΩme α faτonner leurs propres bijoux, donnant ainsi naissance α une orfΦvrerie dont on ne peut dire qu'elle soit ni purement autochtone, ni purement europΘenne.
  18.  
  19. Origine du troc de l'argent 
  20.  
  21.      Le plus ancien rapport relatant l'usage de ce mΘtal prΘcieux, dans les relations entre Blancs et Indiens en AmΘrique du Nord, remonte α 1661. La colonie de Virginie avait alors offert des mΘdailles d'argent α des Indiens dits "amicaux." Tout au long des XVIIe et XVIIIe siΦcles, des mΘdailles portant l'effigie des rois Louis XIV et Louis XV de France furent donnΘes aux alliΘs indiens de l'empire franτais, tandis que des mΘdailles portant le sceau des monarques britanniques se retrouvΦrent pendues au cou de chefs d'autres tribus, en particulier ceux des Iroquois. Les Indiens saisirent peut-Ωtre la valeur symbolique rΘservΘe α ces mΘdailles par ceux qui les leur offraient ainsi; il est toutefois possible que d'autres motifs aient prΘsidΘ α leur grand empressement α les accepter. Quoiqu'il en soit, l'usage consistant α honorer ainsi les chefs des tribus amies se rΘpandit trΦs rapidement.
  22.  
  23.      Dans l'Θtat actuel des connaissances, la plus ancienne de ces mΘdailles spΘciales fut Θmise en Virginie en l'an 1670; elle avait pour but de permettre l'identification des Indiens alliΘs qui avaient accΦs aux divers villages coloniaux. On produisit assez t⌠t de telles mΘdailles en Europe et en AmΘrique; trΦs peu cependant, sinon aucune, furent fabriquΘes au Canada. Les mΘdailles de fabrication britannique Θtaient de dimensions variΘes, les plus grandes revenant aux chefs les plus importants, les plus petites Θtant destinΘes aux personnes de rang infΘrieur. ParallΦlement α la dΘtΘrioration des relations franco-anglaises en AmΘrique du Nord, la valeur stratΘgique de ces alliances entre Indiens et EuropΘens prenait de plus en plus d'importance. Les chefs de guerre indiens se virent alors offrir des gorgerins d'argent, vestiges dΘcoratifs des anciennes armures, portΘs par les officiers venus d'Europe. GravΘs aux armoiries du roi, ces gorgerins Θtaient considΘrΘs par les Indiens comme des signes de prestige et de rang ΘlevΘ. Le titre de "capitaine α gorgerin" de l'armΘe britannique fut confΘrΘ α des chefs indiens, au XVIIIe siΦcle, par les Anglais. C'est ainsi que le capitaine Joseph Brant (Thayendanega), qui donna son nom α la ville ontarienne de Brantford, fut dΘcorΘ par le roi George III pour ses initiatives militaires en faveur de la couronne, durant la rΘvolution amΘricaine.
  24.  
  25.      Il y eut occasionnellement des prΘsentations tout α fait particuliΦres d'objets d'argent. C'est ainsi que, en 1710, quatre chefs indiens furent prΘsentΘs α la cour d'Angleterre; John, Nicholas, King Hendrick et Brant reτurent, des mains de la reine Anne elle-mΩme, un ensemble en argent pour la communion. Ils le dΘposΦrent α leur retour en AmΘrique dans la chapelle dΘdiΘe α Sa MajestΘ, qui se trouve chez les Mohawks de Fort Hunter. Quand les Iroquois restΘs fidΦles α la couronne anglaise quittΦrent l'Θtat de New York, suite α la rΘvolution amΘricaine, ce trΘsor en argent fut transportΘ au Canada et rΘparti entre le groupe ayant dΘcidΘ de s'installer α Brantford et celui ayant Θlu rΘsidence α la baie de Quinte. Encore en usage dans les cΘrΘmonies religieuses, ces piΦces devinrent en ces lieux le tΘmoignage concret de la loyautΘ tenace des Mohawks envers la couronne d'Angleterre.
  26.  
  27.      ╔galement pour crΘer et consolider leurs alliances avec les tribus indiennes, les autoritΘs coloniales distribuΦrent bon nombre de petits objets d'argent: broches, boucles d'oreilles, pendentifs portΘs au nez, bracelets, croix, bagues et gorgerins circulaires ou de forme lunaire. De telles babioles reproduisaient le plus souvent des objets dΘcoratifs d'inspiration indienne. Les gorgerins circulaires, par exemple, n'existaient pas en Europe; ils furent conτus pour imiter ces coquillages en forme de lune que les Indiens arboraient sur la poitrine. Les boucles d'oreille et les pendentifs naseaux jusque-lα taillΘs α mΩme des coquillages, les bandeaux de tΩte, de bras et de jambes faits jadis en cuir et en laine par les Indiens, tous ces objets furent dΦs lors fabriquΘs en argent. Les croix, cependant, Θtaient nettement d'origine europΘenne.
  28.  
  29. Production et distribution de l'argent de troc 
  30.  
  31.      DΦs l'instant o∙ les EuropΘens mesurΦrent l'immense popularitΘ de ce prΘcieux mΘtal, ils se rendirent compte de sa pertinence ainsi que de sa valeur rituelle pour les activitΘs commerciales. C'est alors que s'intensifia la circulation de l'argent entre les diverses tribus indiennes. L'importation ne suffisait plus; les orfΦvres du Nouveau Monde durent supplΘer au manque d'articles en argent. DΦs 1760, les artisans canadiens avaient ajoutΘ α leur production ordinaire d'objets profanes et religieux, la fabrication d'articles en argent destinΘs α la traite des fourrures. Un trafiquant de DΘtroit nommΘ Duperon Baby Θcrivait, en 1759, a son frΦre Franτois habitant alors QuΘbec, lui demandant de faire une commande de bijoux d'argent pour son commerce de fourrure. C'est α Jonas Schindler, un orfΦvre d'origine allemande bien connu α QuΘbec, que fut transmise la commande de "cent paires de pendants d'oreille et de vingt-quatre boucles d'oreille." L'argent devait "Ωtre mince et bien poli, quoique encore susceptible d'Ωtre gravΘ." Ce fut lα le premier argent α Ωtre effectivement troquΘ contre des fourrures indiennes. L'expression "argent de troc" fut dΦs lors utilisΘe, pour dΘsigner toutes les parures d'argent indiennes de cette Θpoque.
  32.  
  33.      L'orfΦvre canadien disposait de deux mΘthodes pour fabriquer ainsi des babioles destinΘes au troc, α partir des piΦces de monnaie europΘenne alors en usage au Canada. Il pouvait marteler les piΦces en vue de leur donner la forme d'un disque mince. Mais il pouvait aussi les faire fondre, y ajouter du cuivre au besoin afin d'en augmenter la rΘsistance, et enfin les pilonner ou encore les presser pour obtenir des feuilles minces. C'est dans de telles feuilles qu'il taillait ensuite les gorgerins, les croix, les bandes, les bracelets, les perles et les haches, donnant α chaque piΦce la forme souhaitΘe et l'ornant de motifs gravΘs ou perforΘs. Il lui arrivait exceptionnellement de mouler des petites figurines de castor, de loutre ou d'autres espΦces animales. L'article terminΘ portait parfois le poinτon de son auteur, mais il n'y avait souvent aucune signature, l'orfΦvre ayant tendance α dΘvaloriser ce genre de production spΘciale.
  34.  
  35.      Entre 1760 et 1820, les babioles d'argent Θtaient trΦs rΘpandues dans certaines rΘgions du pays. Les commerτants de MontrΘal s'en approvisionnaient en Ontario, au QuΘbec mΩme et, occasionnellement, dans les Maritimes. AprΦs 1790, la Compagnie de la Baie d'Hudson reτut de Londres les articles d'argent qui lui Θtaient nΘcessaires dans certains de ses postes de traite. Les tribus suivantes reτurent frΘquemment de l'argent, en Θchange de leurs fourrures:
  36.  
  37.      1.   les Indiens dits de la forΩt dans la rΘgion des Grands Lacs: Hurons, Ojibwas, Algonquins, de mΩme que les cinq nations formant la Ligue Iroquoise (Mohawk, Oneida, Onondaga, Cayuga et Seneca),
  38.  
  39.      2.   les Indiens de la c⌠te atlantique: AbΘnaquis, MalΘcites et Micmacs,
  40.  
  41.      3.   les orfΦvres iroquois et delaware portΦrent leurs techniques jusqu'aux tribus algonquiennes vivant dans les plaines du centre de l'AmΘrique du Nord.
  42.  
  43.      On trouve encore aujourd'hui des gens qui pratiquent cette forme traditionnelle d'artisanat, notamment chez les Iroquois, les Cheyennes, les Pawnes et dans certains groupes de l'Oklahoma.
  44.  
  45. Usage et signification de l'argent de troc dans la culture matΘrielle des Indiens 
  46.  
  47.      Il semble bien que les Indiens d'alors considΘraient l'argent comme le symbole d'un rang social ΘlevΘ; plus un chef en garnissait son costume cΘrΘmoniel, plus son prestige s'en trouvait accru. Mais les chefs n'Θtaient pas les seuls α s'en parer ainsi; de nombreuses autres personnes portaient elles aussi des ornements qui, tout en Θtant d'argent, Θtaient cependant de confection plus sobre. Outre la simple broche circulaire connue sous le nom de "boucle de poitrine," des broches de dimension variΘe avaient la forme d'un coeur soit simple soit double, de motifs gΘomΘtriques ou encore maτonniques, de motifs perforΘs circulaires et complexes, d'Θtoiles α pointes multiples, de carrΘs de conseil. On en portait parfois jusqu'α des douzaines a la fois fixΘes non seulement aux vΩtements de corps, mais Θgalement aux cheveux, α la coiffure, α la ceinture ou encore aux langes des enfants. └ chaque oreille Θtaient Θgalement suspendus un grand nombre d'anneaux. Les Iroquois apprΘciaient tout particuliΦrement un certain type de pendentif long d'environ un pouce, fait d'une feuille d'argent enroulΘe sur elle-mΩme en forme de c⌠ne; ils s'en accrochaient plusieurs a chaque oreille. Les Indiens dits de la forΩt prΘfΘraient au contraire, comme pendants d'oreille, des disques ajourΘs de motifs divers.
  48.  
  49.      Plusieurs formes de bandeaux Θtaient alors en vogue, les plus connus Θtant portΘs aux bras, aux jambes, aux poignets et autour de la tΩte. Les orfΦvres produisaient ces bandeaux α partir de minces feuilles d'argent, dont la largeur variait entre 1 et 7 pouces. Ils Θtaient ensuite maintenus en place au moyen de lacets en cuir ou en fibre vΘgΘtale. Les Indiens aimaient aussi porter un ou deux bandeaux au milieu de la partie supΘrieure du bras, au poignet, α la cheville ou encore au mollet. Les bandeaux de tΩte Θtaient peut-Ωtre les moins rΘpandus et gΘnΘralement les plus dΘcorΘs. Certains se prΘsentaient sous la forme d'une couronne, d'autres tenaient plut⌠t lieu de rubans dΘcoratifs sur les chapeaux d'homme de type europΘen.
  50.  
  51.      Le plus ancien argent de troc s'est vraisemblablement prΘsentΘ sous la forme de croix. Les premiers missionnaires franτais en AmΘrique du Nord distribuΦrent α leurs nΘophytes des croix et des crucifix. La traite de la fourrure transforma ces objets de piΘtΘ en articles de toute premiΦre valeur pour les Θchanges commerciaux, les vidant en mΩme temps de leur dimension religieuse. C'est tout particuliΦrement la croix qui, grΓce α sa valeur marchande, a beaucoup circulΘ, et ce jusqu'au XIXe siΦcle. On en a trouvΘ α une ou deux traverses, de dimension variΘe et plus ou moins dΘcorΘes. Les Indiens les portaient soit en sautoir sur la poitrine, soit comme broche ou comme pendants d'oreille. Les berceaux, les sacs et les coiffures Θtaient Θgalement dΘcorΘs d'argent. On apprΘciait beaucoup les colliers α grains d'argent. Des reprΘsentations zoomorphes Θtaient portΘes en sautoir ou encore comme broches. Les Indiens inventΦrent ainsi plusieurs utilisations trΦs astucieuses de l'argent pour leur culture matΘrielle.
  52.  
  53.      On ne sait rien de prΘcis quant aux prΘfΘrences des diverses tribus pour certains types de dΘcorations d'argent. Les motifs qui y Θtaient gravΘs ou ajourΘs pourraient cependant permettre d'en dΘterminer les propriΘtaires. Les premiers objets d'argent Θtaient ainsi souvent gravΘs; des efforts Θvidents furent faits pour retenir l'attention des Indiens au moyen de scΦnes de leur vie courante, ou encore de scΦnes relatant leurs rencontres commerciales avec leurs partenaires blancs. Les reprΘsentations animales retrouvΘes sur les articles en argent tiennent tant⌠t de l'imagination, tant⌠t de la rΘalitΘ zoomorphique; elles Θvoquent α bien des Θgards les emblΦmes de plusieurs chefs, ou encore les totems des clans iroquois comme la tortue, l'ours et le loup. Les motifs floraux, les feuilles et branches d'arbres typiques des forΩts de l'est, constituaient autant de dΘcorations hautement apprΘciΘes.
  54.  
  55.      Nous ne savons pas encore trΦs bien comment des ornements d'argent fabriquΘs par des artisans canadiens ou europΘens, en vinrent α porter des motifs typiquement autochtones. Les trafiquants auraient-ils servi d'intermΘdiaires entre les artistes indiens qui les auraient tracΘs, et les artisans occidentaux qui les auraient simplement reproduits sur les objets? Il se pourrait aussi que ces motifs dΘcoratifs aient ΘtΘ ajoutΘs par les Indiens eux-mΩmes, aprΦs que les traiteurs leur eurent remis les articles en argent. Une des plus anciennes observations scientifiques relate que les Iroquois avaient commencΘ, dΦs 1845, α travailler l'argent; ils auraient donc ΘtΘ en mesure de modifier les objets obtenus dans le cadre de leur commerce avec les Blancs.
  56.  
  57. L'orfΦvrerie indienne 
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  59.      La mode europΘenne du castor en perte de vitesse, la diminution croissante du castor lui-mΩme dans les forΩts canadiennes, l'ouverture du Nord Ouest canadien au commerce de la fourrure, voilα autant de facteurs responsables du dΘclin de la traite dans la partie orientale du Canada. La fusion des compagnies de la Baie d'Hudson et du Nord-Ouest, vers 1822, mettant un terme α une concurrence souvent violente, la valeur des objets offerts en Θchange de la fourrure connut une baisse impressionnante. L'argent disparut comme objet d'Θchange dans la rΘgion des Grands Lacs et de l'Est canadien. Mais il avait eu le temps de s'intΘgrer au costume des Indiens de l'Est, et ceux-ci possΘdaient dΘjα les techniques occidentales de orfΦvrerie. Dans son ouvrage League of the Ho-De-No Sau-Nee or Iroquois, Louis H. Morgan rapportait qu'on trouvait encore, en 1851, un orfΦvre dans chaque village iroquois. C'est α partir de cette Θpoque que l'artisanat autochtone se mit α dΘcliner. Vers la fin du XIXe siΦcle, il ne restait guΦre que quelques vieux artisans. Quand ils furent morts, soit vers le dΘbut du XXe siΦcle, cette pratique iroquoise sembla disparaεtre. Les anciens ornements d'argent Θtaient encore portΘs lors des cΘrΘmonies, mais toute fabrication avait cessΘ. Les bijoux eux-mΩmes se firent de plus en plus rares.
  60.  
  61.      Mais un orfΦvre Onondaga de la RΘserve des Six Nations, M. Arthur Powless, fait revivre de nos jours cet artisanat autochtone. AprΦs s'Ωtre mis α l'Θtude des vieux motifs de l'Θpoque de la traite des fourrures, il entreprit de fabriquer des broches et des pendentifs de type traditionnel. Ses mΘthodes empruntent Θvidemment beaucoup α la technologie moderne; le polissoir Θlectrique a remplacΘ la peau de chamois et une drille Θlectrique est employΘe pour la premiΦre taille des feuilles d'argent. Parmi les autres outils de M. Powless, on trouve une collection de limes et de ciseaux, un petit chalumeau pour souder, ainsi que divers produits chimiques pour la protection du mΘtal. Ses bijoux diffΦrent de ceux du XVIIIe siΦcle par la rΘgularitΘ de leur Θpaisseur, leur teneur en argent et le poinτon de l'artiste, une anguille.
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  63.      L'oeuvre de l'orfΦvre iroquois contemporain tΘmoigne α sa faτon de l'extraordinaire fΘconditΘ des contacts culturels. Tandis que le mΘtal, les techniques et, en certains cas, les formes furent apportΘes par les EuropΘens, c'est α une origine autochtone que renvoient les motifs, les utilisations et les significations de cet argent de troc. Chaque bande, chaque broche nous rappelle l'impact de la civilisation indienne tant sur le contenu que sur la forme de ce phΘnomΦne qu'on appelle la traite des fourrures en AmΘrique du Nord.  
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