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Text File  |  1994-06-09  |  20KB  |  53 lines

  1. LA FRONTI╚RE ARCTIQUE DU CANADA (1880-1926)
  2.  
  3. Richard J. Diubaldo 
  4.  
  5.      MalgrΘ les nombreux changements qu'il a subis depuis le dernier quart du XIXe siΦcle, le concept du ½Nord╗ canadien est encore sujet α de nombreuses controverses. └ bien des Θgards, la dΘfinition du Nord canadien a fait l'objet d'une constante Θvolution. Abstraction faite des questions purement gΘographiques ou climatΘriques, le Nord a ΘtΘ l'un des ΘlΘments qui a permis de reculer les frontiΦres Θconomiques, sociales et culturelles. Plus une rΘgion se peuple et adopte les apparats de la ½civilisation╗, moins elle mΘrite l'appellation de rΘgion frontaliΦre. Au Canada contemporain, le terme ½Nord╗ dΘsigne gΘnΘralement le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.
  6.  
  7.      En 1867, peu de temps aprΦs la ConfΘdΘration, deux ΘvΘnements amΦnent le jeune Dominion α tourner ses regards vers les rΘgions limitrophes de l'ouest et du nord du pays. Le premier, soit la cession au Canada de la terre de Rupert, rΘpondait aux voeux des politiciens et des hommes d'affaires ontariens dΘsireux d'Θtendre leurs horizons occidentaux au-delα de la rive nord du lac SupΘrieur. En fait, l'Acte de l'AmΘrique du Nord britannique prΘvoyait l'incorporation de ce territoire du Nord-Ouest, ancienne rΘserve de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Or, ce vaste territoire α peine explorΘ est cΘdΘ finalement en 1870, aprΦs que le gouvernement canadien eut conclu une entente avec Louis Riel. Le transfert permet au Canada d'Θtendre son territoire au nord et α l'ouest, du lac SupΘrieur aux Rocheuses et du 49e parallΦle aux rives pratiquement inconnues de l'ocΘan Arctique.
  8.  
  9.      Le second ΘvΘnement qui incite le Canada α se tourner vers le Nord se produit en 1880 au moment o∙, par un dΘcret du conseil, la Grande-Bretagne lui cΦde les εles appelΘes α l'Θpoque εles de l'Arctique. Remarquez bien que le Canada n'avait jamais songΘ α acquΘrir ce territoire, mais les autoritΘs impΘriales ont beaucoup insistΘ. De son cotΘ, le gouvernement britannique craint que, faute d'attribuer un statut officiel α ces εles, les ╔tats-Unis en particulier ne revendiquent le territoire et ne freinent l'expansion Θventuelle du Canada. Seuls quelques politiciens canadiens comme Alexander Mackenzie reconnaissent aux territoires une valeur quelconque; plus rares encore sont ceux qui parlent de cette expansion septentrionale comme d'un rΘsultat normal de la destinΘe mΩme du Canada.
  10.  
  11.      L'attitude canadienne trop indiffΘrente est sans doute responsable de ce que le gouvernement n'affirme pas assez vigoureusement sa souverainetΘ sur ces εles de l'Arctique. Les prioritΘs d'expansion du pays s'adressent en effet beaucoup plus au sud, soit l'administration et le peuplement de l'Ouest ainsi que la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. Les rΘgions nordiques du Canada qui seront peut-Ωtre exploitΘes un jour ont le statut officieux de ½terre α personne╗. Au niveau officiel, α peu prΦs rien n'est fait pour explorer la rΘgion et seule la Compagnie de la Baie d'Hudson continue α faire partie, en permanence, du paysage. Au cours des annΘes 1880 et 1890, quelques reprΘsentants de la Commission gΘologique et de la Direction des terres fΘdΘrales, du ministΦre de l'IntΘrieur, partent en reconnaissance dans les terres septentrionales situΘes des c⌠tΘs est et ouest de la baie d'Hudson, jusqu'au Yukon. Les travaux d'exploration portent essentiellement sur les rΘgions de Peace River et du Grand lac des Esclaves sur les cours d'eau du grand bassin du fleuve Mackenzie et sur certaines parties de l'Ungava. Les dΘcouvertes effectuΘes entre Fort Chimo et Fort Yukon ne sont pas, α l'Θpoque, les plus populaires; elles permettront toutefois d'apporter des prΘcisions α la carte gΘographique du Nord canadien et de rΘvΘler la prΘsence de certaines ressources inexploitΘes dans la rΘgion, comme les sables bitumineux de l'Athabaska, riches en pΘtrole, et les roches ferreuses du centre de l'Ungava.
  12.  
  13.      Quant aux εles et aux eaux de l'Arctique, elles ne reτoivent qu'une attention minime sinon nulle. La seule enquΩte officielle sur les eaux du Nord canadien est celle du lieutenant A.R. Gordon, commandant du phoquier Neptune qui Θtudie, en 1885, les possibilitΘs et les ressources de la baie d'Hudson en matiΦre de navigation. En gΘnΘral, ce sont des non-Canadiens qui pΘnΦtrent l'archipel de l'Arctique: baleiniers Θcossais dans la baie d'Hudson, baleiniers amΘricains postΘs dΦs 1889, α l'εle Herschel, dans l'Arctique de l'Ouest, anciens AmΘricains tels que le lieutenant Frederick Schwatker, personnage fat et pittoresque qui, de 1878 α 1880, part α la recherche des traces de l'expΘdition de Franklin dans l'εle Roi-Guillaume et ses environs.
  14.  
  15.      Les autoritΘs canadiennes ne semblent guΦre intΘressΘes α ces activitΘs pas plus qu'aux territoires du Nord. Le Canada aurait bien pu, α la longue, perdre ces territoires par pur nΘgligence. En fait, c'est seulement au cours des annΘes 1890 qu'il a reconnu officiellement la cession de 1880. Deux dΘcrets sont Θmis, en 1895 et en 1897, dΘclarant propriΘtΘ canadienne tout le territoire septentrional compris entre le 141e degrΘ de longitude ouest, (ligne principale de sΘparation entre le Canada et l'Alaska) et une ligne mal dΘfinie passant α l'ouest du Groδnland. └ des fins administratives, ces dΘcrets dΘlimitent aussi trois districts: ceux de MacKenzie, du Yukon et de Franklin. Les εles de l'Arctique dΘcouvertes jusqu'α ce moment-lα sont rattachΘes au district de Franklin.
  16.  
  17.      Le gouvernement canadien a pris ces mesures juste α temps, car immΘdiatement aprΦs leur adoption, le Nord fait les manchettes. En effet, en 1896 on dΘcouvre de l'or au Yukon dans le ruisseau Rabbit, rebaptisΘ α juste titre ruisseau Bonanza. Pendant un bref moment, le monde entier est pris par cette fiΦvre de l'or. Des fortunes sont amassΘes et perdues pendant la ruΘe vers les champs aurifΦres. Certains en reviennent millionnaires, grΓce α la poudre et les pΘpites d'or qu'ils entassent dans des sacoches, dans des couvertures et mΩme dans des pots α confiture. 
  18.  
  19.      Avec une population d'environ 40,000 habitants, la ville de Dawson, est, dΦs 1899, la plus grande ville canadienne α l'ouest de Winnipeg; en 1903, une sociΘtΘ moderne s'est implantΘe dans le Nord-Ouest. Dawson, ville riche, baigne dans l'opulence et le luxe, et bΘnΘficie de toutes les commoditΘs de la civilisation occidentale: Θtablissements gouvernementaux, h⌠pitaux, Θglises, Θcoles, trottoirs, canalisations d'eau, ΘlectricitΘ, bars et thΘΓtres. Le centre du Yukon peut mΩme, dΦs 1901, se vanter d'Ωtre reliΘ au reste du monde par tΘlΘgraphe et par tΘlΘphone.
  20.  
  21.      InstallΘe dans la rΘgion juste avant la dΘcouverte de l'or, la Gendarmerie du Nord-Ouest surveille toute cette expansion. Avant l'implantation d'autres organismes gouvernementaux et privΘs, les membres de cette force, en plus de reprΘsenter la loi et l'ordre, sont des hommes α tout faire. Il faut dire que la sociΘtΘ du Klondike comprend une importante proportion de citoyens amΘricains, hommes et femmes capables de transgresser la loi et d'exiger que Washington, dΘjα engagΘ dans une aventure impΘrialiste (la guerre hispano-amΘricaine), annexe le Yukon aux ╔tats-Unis. Toutefois, que cette menace ait ΘtΘ rΘelle ou fictive, le territoire est reconnu comme anglo-saxon, principalement grΓce aux efforts dΘployΘs dΦs le dΘbut par la police.
  22.  
  23.      NΘanmoins, il reste toujours α relever le dΘfi amΘricain. Or, en 1903, les ╔tats-Unis obtiennent gain de cause dans leur requΩte concernant l'enclave de l'Alaska. Le Canada soutient que sa mΦre-patrie s'est servie de lui pour Θtablir des liens plus Θtroits avec les AmΘricains. Devant la grave menace aux frontiΦres de l'Arctique engendrΘe par le conflit α propos des limites de l'Alaska et par l'agressivitΘ des AmΘricains concernΘs, le Canada crΘe une commission d'enquΩte sur ses revendications de l'Arctique. Les rΘsultats de l'enquΩte ont infligΘ un choc violent au Dominion.
  24.  
  25.      Dans son rapport confidentiel de 1904, l'astronome du Dominion, W.F. King, conclut que les titres du Canada α l'archipel de l'Arctique ne sont que partiels et incomplets. King soutient que le Canada a fait preuve de lenteur α reconnaεtre la cession de 1880 et a laissΘ les ressortissants de pays Θtrangers pΘnΘtrer dans l'Arctique. La NorvΦge reprΘsente d'ailleurs la menace la plus directe α la possession totale de l'archipel par les Canadiens, car elle aurait pu se prΘvaloir du fait qu'entre 1898 et 1902 Otto Sverdrup a ΘtΘ le premier α dΘcouvrir l'εle Axel Heiberg et les εles Rignes, maintenant connues sous le nom d'εles Sverdrup. Les ╔tats-Unis se sont aussi, dΦs le milieu du XIXe siΦcle, activement intΘressΘs α l'Arctique. La plupart des expΘditions amΘricaines dans les rΘgions nordiques Θtaient organisΘes par des particuliers, mais les explorateurs ont, α maintes reprises, ΘlevΘ des monuments, dΘposΘ des rΘcits de leurs expΘditions et hissΘ le pavillon amΘricain. Bien que peu de revendications territoriales officielles n'aient ΘtΘ prΘsentΘes, les AmΘricains pourraient faire valoir qu'ils avaient ΘtΘ beaucoup plus actifs dans le Nord que les Canadiens. King fait remarquer en outre que les baleiniers amΘricains qui pΩchent et hivernent rΘguliΦrement aux environs de l'εle Herschel et dans les eaux de la baie d'Hudson pourraient adopter des attitudes susceptibles de menacer la souverainetΘ canadienne sur ces rΘgions. └ moins que le Canada ne puisse prouver qu'il est en mesure d'occuper efficacement ces territoires, King laisse entendre que le pays risque fort de perdre tout pouvoir incontestable dans certaines rΘgions de l'Arctique.
  26.  
  27.      Aussi Ottawa met-il sur pied un programme de second ordre et assez confus, destinΘ α affirmer la souverainetΘ du Canada et α mieux connaεtre ces rΘgions nordiques. L'anarchie qui rΦgne dans la mer de Beaufort pendant l'hivernage de la flotte de baleiniers amΘricains et les rumeurs de dΘbauche entre matelots et Inuit incite la Gendarmerie du Nord-Ouest α Θtablir, en 1903, des postes dans l'εle Herschel et sur les bords de la baie d'Hudson. La prΘsence de la police fera Θgalement comprendre, espΦre-t-on, aux autres nations que le Canada exerce une surveillance des eaux et des territoires. L'ironie du sort, cependant, est que le Canada a beau prΘtendre que la crΘation de ces postes est surtout conτue pour protΘger les Inuit de la rΘgion des vices et des coutumes de l'homme blanc, alors que rien n'est rΘellement fait pour les autochtones de la rΘgion.
  28.  
  29.      En 1906, le Canada affirme pΘremptoirement que la baie d'Hudson lui appartient intΘgralement et habilite des agents gouvernementaux α percevoir des droits de passage de chaque bateau qui navigue dans ses eaux. MalgrΘ l'indignation des capitaines amΘricains face α cette imposition, la situation ne pose pas de graves problΦmes; leur adhΘsion de principe aux rΦglements canadiens est considΘrΘe comme une preuve de la capacitΘ du pays α rΘgir ces eaux et le territoire environnant. En revanche, la question des εles de l'Arctique est beaucoup plus complexe.
  30.  
  31.      Le Canada joue avec l'idΘe d'appliquer α l'archipel ce qu'on appelle le principe des secteurs. En 1907, le sΘnateur Pascal Poirier propose de diviser l'Arctique comme s'il s'agissait d'une tarte, en prenant le p⌠le Nord comme centre. La NorvΦge, la SuΦde, la Russie et les ╔tats-Unis auraient chacun droit α une part. Celle du Dominion s'Θtendrait du 141e degrΘ de longitude, ouest aux environs du 60e degrΘ de longitude ouest, formant ainsi un triangle allant de la c⌠te continentale de l'Arctique canadien jusqu'au p⌠le Nord. La solution est trΦs simple, mais les ╔tats-Unis, puissance maritime suprΩme, n'accepteront jamais une frontiΦre qui restreigne leurs dΘplacements en haute mer. En vertu d'un accord international, la limite des eaux territoriales de tout ╔tat ne doit pas dΘpasser trois milles du continent. Toutefois, les frontiΦres septentrionales envisagΘes par Poirier se seraient Θtendues α des centaines de milles au-delα de la c⌠te du Canada. MalgrΘ tout, le capitaine Joseph Bernier qui, de 1906 α 1911, a fait plusieurs incursions dans le Nord α bord de l'Arctic, rΘclame officiellement, en 1909, le secteur de l'Arctique au nom du Canada.
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  33.      Le gouvernement canadien continue α s'inquiΘter des activitΘs amΘricaines dans le territoire qu'il considΦre Ωtre le sien de plein droit. En 1909 par exemple, Robert Peary revendique le p⌠le Nord au nom des ╔tats-Unis, mais le CongrΦs amΘricain ne fait rien pour reconnaεtre officiellement sa dΘcouverte. Des sociΘtΘs de scientifiques amΘricains, entre autres, l'American Museum of Natural History de New York et la National Geographic Society de Washington, ont en outre envoyΘ des expΘditions dans le Nord. Toutes deux s'intΘressent non seulement aux recherches scientifiques, mais aussi α la possibilitΘ de dΘcouvrir le mystΘrieux et fort discutΘ continent polaire au nord et α l'ouest du Canada. Si ces explorations s'avΦrent fructueuses, elles reprΘsenteront une menace implicite α la souverainetΘ canadienne.
  34.  
  35.      Or, en 1913, les sociΘtΘs de scientifiques amΘricains prΘparent une expΘdition conjointe dans l'Arctique, sous la direction de Vilhjalmur Stefansson; AmΘricain d'origine canadienne, celui-ci a dΘcouvert en 1910 ce qu'on appelle les ½Esquimaux blonds╗ dans le golfe du Couronnement. Le gouvernement canadien rΘussit toutefois α convaincre les sociΘtΘs amΘricaines de renoncer α leurs prΘrogatives. L'expΘdition devient un projet entiΦrement canadien et Stefansson se fait sujet britannique α la demande du gouvernement. L'expΘdition de Stefansson dans l'Arctique de 1913 α 1918 qui en rΘsulte comprend des membres de la Commission gΘologique et divers scientifiques intΘressΘs α la biologie marine, α l'ocΘanographie et α l'Θtude des Inuit.
  36.  
  37.      Bien que dΘfavorisΘe par une planification hΓtive et grugΘe par des dissensions internes, l'expΘdition marque le point culminant de l'intΘrΩt des Canadiens pour le Nord. Le pire ΘvΘnement de cette expΘdition se produit quand le Karluk, principal bateau du gouvernement, est pris dans les glaces au nord de l'Alaska et dΘrive vers le nord-ouest pour finalement se briser α cause de la pression constante des banquises. L'Θquipage et les scientifiques du gouvernement abandonnent le navire avant que celui-ci ne coule. Certains d'entre eux partent en direction de la lointaine SibΘrie; on ne les reverra jamais. D'autres rΘussissent α atteindre la petite εle de Wrangel, situΘe α 110 milles au nord de la SibΘrie. Les naufragΘs du Karluk y restent jusqu'α l'ΘtΘ de 1914 et, dit-on, ont rΘclamΘ, le 1er juillet de cette annΘe-lα, l'εle au nom du Canada.
  38.  
  39.      Les rapports scientifiques de l'expΘdition enrichissent les connaissances du Canada et du monde entier sur la c⌠te canadienne et les εles de l'Arctique. De son c⌠tΘ, Stefansson a pu explorer une superficie de 100,000 milles carrΘs dans l'Arctique, parcourant environ 20,000 milles en traεneau tirΘ par des chiens, dΘcouvrant ainsi les derniΦres terres importantes de l'archipel de l'Arctique. Il prΘtend, en exagΘrant quelque peu sans doute, n'avoir vΘcu que des produits de la terre ou, vraisemblablement, des ressources de l'ocΘan Arctique.
  40.  
  41.      Stefansson revient de l'Arctique persuadΘ que cette rΘgion est la terre de demain et que le pays qui la possΘdera et la mettra en valeur deviendra la plus grande puissance mondiale. Selon lui, les plus grands empires de l'histoire ont lentement avancΘ vers le nord, chacun deux faisant place α un autre plus septentrional encore. Il semble donc logique que le Canada dΘtienne des pouvoirs fort Θtendus s'il exploitait les richesses apparentes de l'Arctique. Tout comme la puissance de Rome rΘsidait dans son contr⌠le de la MΘditerranΘe, le Canada et l'Empire britannique pourraient rΘaliser leurs destinΘes par la main-mise sur cette MΘditerranΘe polaire stratΘgique. Les εles de l'Arctique serviraient de base d'avions, de dirigeables et de sous-marins. On prΘvoyait donc, dΘjα en 1919, une route aΘrienne et des voyages en sous-marins rΘalisΘs un demi-siΦcle plus tard; toutefois, au moment o∙ Stefansson essaie de dΘmontrer l'opportunitΘ de ces idΘes, il ne rΘussit qu'α jeter le Canada dans un dΘbat international α la fois grave et complexe au sujet du droit de propriΘtΘ de l'εle Wrangel.
  42.  
  43.      Stefansson voulait que le Canada rΘclame l'εle Wrangel afin de s'assurer la possession des εles de l'Arctique. Le gouvernement d'Arthur Meighen rejette cette idΘe. Nullement ΘbranlΘ par ce refus, Stefansson, un des derniers ½passionnΘs de l'impΘrialisme╗, fonde une compagnie privΘe et occupe l'εle en 1921 dans l'espoir que le gouvernement reconnaisse officiellement ce coin comme territoire canadien. Mackenzie King, successeur de Meighen, amplifie encore la situation en dΘclarant en 1922 α la Chambre des Communes que l'εle Wrangel fait partie du Canada. L'U.R.S.S. proteste contre la violation du territoire soviΘtique; gΩnΘs par la confΘrence de Washington sur le dΘsarmement (1922), qui avait limitΘ leur position stratΘgique dans le nord-ouest du Pacifique, les ╔tats-Unis donnent α entendre qu'ils pourraient occuper certaines εles situΘes au nord du Canada pour Θquilibrer les pouvoirs.
  44.  
  45.      En revendiquant l'εle Wrangel, au nord de la SibΘrie, le Canada passait outre au territoire qui lui revenait officieusement, abandonnant ainsi, en thΘorie, ses droits sur l'archipel de l'Arctique. Finalement, la question est rΘsolue lorsque le gouvernement britannique reconnait l'εle comme faisant partie de la Russie. Les ╔tats-Unis semblent d'accord avec le sort de l'εle, mais un fonctionnaire amΘricain du secrΘtariat d'╔tat aux Affaires ΘtrangΦres rΘpΦte en 1926 que les prΘtentions du Canada α l'archipel de l'Arctique ½ne tenaient absolument pas debout╗. Au cours de la mΩme annΘe, l'Union soviΘtique accepte l'idΘe de sections en ce qui concerne son territoire arctique; or, cette dΘcision aurait vraisemblablement pu consolider la position du Canada, cependant elle non plus n'a jamais reτu une sanction internationale.
  46.  
  47.      Satisfait de la tournure des ΘvΘnements, le Canada remet son programme pour l'Arctique au second plan et ne s'en prΘoccupe pas trop. Il annule une expΘdition secrΦte dans le Nord afin d'Θviter toute publicitΘ α propos des faiblesses de ses revendications. L'incident de l'εle Wrangel a failli lui co√ter l'intΘgritΘ territoriale de l'archipel de l'Arctique et le Canada veut α tout prix Θviter d'autres confrontations dans le Nord. Il cherche plut⌠t α consolider le territoire qui thΘoriquement n'est pas encore revendiquΘ. Pour ce faire, il compte sur les patrouilles annuelles de la Gendarmerie sur l'Θtablissement de postes de police sur les deux rives de l'archipel et sur d'autres mesures gouvernementales.
  48.  
  49.      L'intΘrΩt du Canada α Θtablir sa puissance sur le Nord est toujours vivant, mais depuis le voyage du Manhattan dans l'Arctique en 1969 et les travaux d'exploration pour y dΘcouvrir du pΘtrole et du gaz, le pays se soucie moins de la possibilitΘ de perdre quelques-unes de ses εles arctiques que de prouver son autoritΘ sur les eaux environnantes.
  50.  
  51.      Ottawa a donc, depuis la Seconde Guerre mondiale, passΘ d'une indiffΘrence gΘnΘrale caractΘristique de la politique canadienne α propos de la derniΦre frontiΦre du pays au cours des annΘes 1880 et 1890, α une attitude positive envers les rΘgions nordiques. Il faudra nΘanmoins affranchir l'opinion publique de ses idΘes fausses et de sa conception erronΘe du Nord, avant qu'il ne lui soit possible d'apprΘcier pleinement ses habitants, ses ressources et ses contributions passΘes et futures.  
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