MalgrÄ les nombreux changements qu'il a subis depuis le dernier quart du XIXe siÅcle, le concept du ╟Nord╚ canadien est encore sujet ê de nombreuses controverses. ╦ bien des Ägards, la dÄfinition du Nord canadien a fait l'objet d'une constante Ävolution. Abstraction faite des questions purement gÄographiques ou climatÄriques, le Nord a ÄtÄ l'un des ÄlÄments qui a permis de reculer les frontiÅres Äconomiques, sociales et culturelles. Plus une rÄgion se peuple et adopte les apparats de la ╟civilisation╚, moins elle mÄrite l'appellation de rÄgion frontaliÅre. Au Canada contemporain, le terme ╟Nord╚ dÄsigne gÄnÄralement le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.
En 1867, peu de temps aprÅs la ConfÄdÄration, deux ÄvÄnements amÅnent le jeune Dominion ê tourner ses regards vers les rÄgions limitrophes de l'ouest et du nord du pays. Le premier, soit la cession au Canada de la terre de Rupert, rÄpondait aux voeux des politiciens et des hommes d'affaires ontariens dÄsireux d'Ätendre leurs horizons occidentaux au-delê de la rive nord du lac SupÄrieur. En fait, l'Acte de l'AmÄrique du Nord britannique prÄvoyait l'incorporation de ce territoire du Nord-Ouest, ancienne rÄserve de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Or, ce vaste territoire ê peine explorÄ est cÄdÄ finalement en 1870, aprÅs que le gouvernement canadien eut conclu une entente avec Louis Riel. Le transfert permet au Canada d'Ätendre son territoire au nord et ê l'ouest, du lac SupÄrieur aux Rocheuses et du 49e parallÅle aux rives pratiquement inconnues de l'ocÄan Arctique.
Le second ÄvÄnement qui incite le Canada ê se tourner vers le Nord se produit en 1880 au moment o¥, par un dÄcret du conseil, la Grande-Bretagne lui cÅde les öles appelÄes ê l'Äpoque öles de l'Arctique. Remarquez bien que le Canada n'avait jamais songÄ ê acquÄrir ce territoire, mais les autoritÄs impÄriales ont beaucoup insistÄ. De son cotÄ, le gouvernement britannique craint que, faute d'attribuer un statut officiel ê ces öles, les âtats-Unis en particulier ne revendiquent le territoire et ne freinent l'expansion Äventuelle du Canada. Seuls quelques politiciens canadiens comme Alexander Mackenzie reconnaissent aux territoires une valeur quelconque; plus rares encore sont ceux qui parlent de cette expansion septentrionale comme d'un rÄsultat normal de la destinÄe mÉme du Canada.
L'attitude canadienne trop indiffÄrente est sans doute responsable de ce que le gouvernement n'affirme pas assez vigoureusement sa souverainetÄ sur ces öles de l'Arctique. Les prioritÄs d'expansion du pays s'adressent en effet beaucoup plus au sud, soit l'administration et le peuplement de l'Ouest ainsi que la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. Les rÄgions nordiques du Canada qui seront peut-Étre exploitÄes un jour ont le statut officieux de ╟terre ê personne╚. Au niveau officiel, ê peu prÅs rien n'est fait pour explorer la rÄgion et seule la Compagnie de la Baie d'Hudson continue ê faire partie, en permanence, du paysage. Au cours des annÄes 1880 et 1890, quelques reprÄsentants de la Commission gÄologique et de la Direction des terres fÄdÄrales, du ministÅre de l'IntÄrieur, partent en reconnaissance dans les terres septentrionales situÄes des cÖtÄs est et ouest de la baie d'Hudson, jusqu'au Yukon. Les travaux d'exploration portent essentiellement sur les rÄgions de Peace River et du Grand lac des Esclaves sur les cours d'eau du grand bassin du fleuve Mackenzie et sur certaines parties de l'Ungava. Les dÄcouvertes effectuÄes entre Fort Chimo et Fort Yukon ne sont pas, ê l'Äpoque, les plus populaires; elles permettront toutefois d'apporter des prÄcisions ê la carte gÄographique du Nord canadien et de rÄvÄler la prÄsence de certaines ressources inexploitÄes dans la rÄgion, comme les sables bitumineux de l'Athabaska, riches en pÄtrole, et les roches ferreuses du centre de l'Ungava.
Quant aux öles et aux eaux de l'Arctique, elles ne reìoivent qu'une attention minime sinon nulle. La seule enquÉte officielle sur les eaux du Nord canadien est celle du lieutenant A.R. Gordon, commandant du phoquier Neptune qui Ätudie, en 1885, les possibilitÄs et les ressources de la baie d'Hudson en matiÅre de navigation. En gÄnÄral, ce sont des non-Canadiens qui pÄnÅtrent l'archipel de l'Arctique: baleiniers Äcossais dans la baie d'Hudson, baleiniers amÄricains postÄs dÅs 1889, ê l'öle Herschel, dans l'Arctique de l'Ouest, anciens AmÄricains tels que le lieutenant Frederick Schwatker, personnage fat et pittoresque qui, de 1878 ê 1880, part ê la recherche des traces de l'expÄdition de Franklin dans l'öle Roi-Guillaume et ses environs.
Les autoritÄs canadiennes ne semblent guÅre intÄressÄes ê ces activitÄs pas plus qu'aux territoires du Nord. Le Canada aurait bien pu, ê la longue, perdre ces territoires par pur nÄgligence. En fait, c'est seulement au cours des annÄes 1890 qu'il a reconnu officiellement la cession de 1880. Deux dÄcrets sont Ämis, en 1895 et en 1897, dÄclarant propriÄtÄ canadienne tout le territoire septentrional compris entre le 141e degrÄ de longitude ouest, (ligne principale de sÄparation entre le Canada et l'Alaska) et une ligne mal dÄfinie passant ê l'ouest du Groænland. ╦ des fins administratives, ces dÄcrets dÄlimitent aussi trois districts: ceux de MacKenzie, du Yukon et de Franklin. Les öles de l'Arctique dÄcouvertes jusqu'ê ce moment-lê sont rattachÄes au district de Franklin.
Le gouvernement canadien a pris ces mesures juste ê temps, car immÄdiatement aprÅs leur adoption, le Nord fait les manchettes. En effet, en 1896 on dÄcouvre de l'or au Yukon dans le ruisseau Rabbit, rebaptisÄ ê juste titre ruisseau Bonanza. Pendant un bref moment, le monde entier est pris par cette fiÅvre de l'or. Des fortunes sont amassÄes et perdues pendant la ruÄe vers les champs aurifÅres. Certains en reviennent millionnaires, grëce ê la poudre et les pÄpites d'or qu'ils entassent dans des sacoches, dans des couvertures et mÉme dans des pots ê confiture.
Avec une population d'environ 40,000 habitants, la ville de Dawson, est, dÅs 1899, la plus grande ville canadienne ê l'ouest de Winnipeg; en 1903, une sociÄtÄ moderne s'est implantÄe dans le Nord-Ouest. Dawson, ville riche, baigne dans l'opulence et le luxe, et bÄnÄficie de toutes les commoditÄs de la civilisation occidentale: Ätablissements gouvernementaux, hÖpitaux, Äglises, Äcoles, trottoirs, canalisations d'eau, ÄlectricitÄ, bars et thÄëtres. Le centre du Yukon peut mÉme, dÅs 1901, se vanter d'Étre reliÄ au reste du monde par tÄlÄgraphe et par tÄlÄphone.
InstallÄe dans la rÄgion juste avant la dÄcouverte de l'or, la Gendarmerie du Nord-Ouest surveille toute cette expansion. Avant l'implantation d'autres organismes gouvernementaux et privÄs, les membres de cette force, en plus de reprÄsenter la loi et l'ordre, sont des hommes ê tout faire. Il faut dire que la sociÄtÄ du Klondike comprend une importante proportion de citoyens amÄricains, hommes et femmes capables de transgresser la loi et d'exiger que Washington, dÄjê engagÄ dans une aventure impÄrialiste (la guerre hispano-amÄricaine), annexe le Yukon aux âtats-Unis. Toutefois, que cette menace ait ÄtÄ rÄelle ou fictive, le territoire est reconnu comme anglo-saxon, principalement grëce aux efforts dÄployÄs dÅs le dÄbut par la police.
NÄanmoins, il reste toujours ê relever le dÄfi amÄricain. Or, en 1903, les âtats-Unis obtiennent gain de cause dans leur requÉte concernant l'enclave de l'Alaska. Le Canada soutient que sa mÅre-patrie s'est servie de lui pour Ätablir des liens plus Ätroits avec les AmÄricains. Devant la grave menace aux frontiÅres de l'Arctique engendrÄe par le conflit ê propos des limites de l'Alaska et par l'agressivitÄ des AmÄricains concernÄs, le Canada crÄe une commission d'enquÉte sur ses revendications de l'Arctique. Les rÄsultats de l'enquÉte ont infligÄ un choc violent au Dominion.
Dans son rapport confidentiel de 1904, l'astronome du Dominion, W.F. King, conclut que les titres du Canada ê l'archipel de l'Arctique ne sont que partiels et incomplets. King soutient que le Canada a fait preuve de lenteur ê reconnaötre la cession de 1880 et a laissÄ les ressortissants de pays Ätrangers pÄnÄtrer dans l'Arctique. La NorvÅge reprÄsente d'ailleurs la menace la plus directe ê la possession totale de l'archipel par les Canadiens, car elle aurait pu se prÄvaloir du fait qu'entre 1898 et 1902 Otto Sverdrup a ÄtÄ le premier ê dÄcouvrir l'öle Axel Heiberg et les öles Rignes, maintenant connues sous le nom d'öles Sverdrup. Les âtats-Unis se sont aussi, dÅs le milieu du XIXe siÅcle, activement intÄressÄs ê l'Arctique. La plupart des expÄditions amÄricaines dans les rÄgions nordiques Ätaient organisÄes par des particuliers, mais les explorateurs ont, ê maintes reprises, ÄlevÄ des monuments, dÄposÄ des rÄcits de leurs expÄditions et hissÄ le pavillon amÄricain. Bien que peu de revendications territoriales officielles n'aient ÄtÄ prÄsentÄes, les AmÄricains pourraient faire valoir qu'ils avaient ÄtÄ beaucoup plus actifs dans le Nord que les Canadiens. King fait remarquer en outre que les baleiniers amÄricains qui pÉchent et hivernent rÄguliÅrement aux environs de l'öle Herschel et dans les eaux de la baie d'Hudson pourraient adopter des attitudes susceptibles de menacer la souverainetÄ canadienne sur ces rÄgions. ╦ moins que le Canada ne puisse prouver qu'il est en mesure d'occuper efficacement ces territoires, King laisse entendre que le pays risque fort de perdre tout pouvoir incontestable dans certaines rÄgions de l'Arctique.
Aussi Ottawa met-il sur pied un programme de second ordre et assez confus, destinÄ ê affirmer la souverainetÄ du Canada et ê mieux connaötre ces rÄgions nordiques. L'anarchie qui rÅgne dans la mer de Beaufort pendant l'hivernage de la flotte de baleiniers amÄricains et les rumeurs de dÄbauche entre matelots et Inuit incite la Gendarmerie du Nord-Ouest ê Ätablir, en 1903, des postes dans l'öle Herschel et sur les bords de la baie d'Hudson. La prÄsence de la police fera Ägalement comprendre, espÅre-t-on, aux autres nations que le Canada exerce une surveillance des eaux et des territoires. L'ironie du sort, cependant, est que le Canada a beau prÄtendre que la crÄation de ces postes est surtout conìue pour protÄger les Inuit de la rÄgion des vices et des coutumes de l'homme blanc, alors que rien n'est rÄellement fait pour les autochtones de la rÄgion.
En 1906, le Canada affirme pÄremptoirement que la baie d'Hudson lui appartient intÄgralement et habilite des agents gouvernementaux ê percevoir des droits de passage de chaque bateau qui navigue dans ses eaux. MalgrÄ l'indignation des capitaines amÄricains face ê cette imposition, la situation ne pose pas de graves problÅmes; leur adhÄsion de principe aux rÅglements canadiens est considÄrÄe comme une preuve de la capacitÄ du pays ê rÄgir ces eaux et le territoire environnant. En revanche, la question des öles de l'Arctique est beaucoup plus complexe.
Le Canada joue avec l'idÄe d'appliquer ê l'archipel ce qu'on appelle le principe des secteurs. En 1907, le sÄnateur Pascal Poirier propose de diviser l'Arctique comme s'il s'agissait d'une tarte, en prenant le pÖle Nord comme centre. La NorvÅge, la SuÅde, la Russie et les âtats-Unis auraient chacun droit ê une part. Celle du Dominion s'Ätendrait du 141e degrÄ de longitude, ouest aux environs du 60e degrÄ de longitude ouest, formant ainsi un triangle allant de la cÖte continentale de l'Arctique canadien jusqu'au pÖle Nord. La solution est trÅs simple, mais les âtats-Unis, puissance maritime suprÉme, n'accepteront jamais une frontiÅre qui restreigne leurs dÄplacements en haute mer. En vertu d'un accord international, la limite des eaux territoriales de tout âtat ne doit pas dÄpasser trois milles du continent. Toutefois, les frontiÅres septentrionales envisagÄes par Poirier se seraient Ätendues ê des centaines de milles au-delê de la cÖte du Canada. MalgrÄ tout, le capitaine Joseph Bernier qui, de 1906 ê 1911, a fait plusieurs incursions dans le Nord ê bord de l'Arctic, rÄclame officiellement, en 1909, le secteur de l'Arctique au nom du Canada.
Le gouvernement canadien continue ê s'inquiÄter des activitÄs amÄricaines dans le territoire qu'il considÅre Étre le sien de plein droit. En 1909 par exemple, Robert Peary revendique le pÖle Nord au nom des âtats-Unis, mais le CongrÅs amÄricain ne fait rien pour reconnaötre officiellement sa dÄcouverte. Des sociÄtÄs de scientifiques amÄricains, entre autres, l'American Museum of Natural History de New York et la National Geographic Society de Washington, ont en outre envoyÄ des expÄditions dans le Nord. Toutes deux s'intÄressent non seulement aux recherches scientifiques, mais aussi ê la possibilitÄ de dÄcouvrir le mystÄrieux et fort discutÄ continent polaire au nord et ê l'ouest du Canada. Si ces explorations s'avÅrent fructueuses, elles reprÄsenteront une menace implicite ê la souverainetÄ canadienne.
Or, en 1913, les sociÄtÄs de scientifiques amÄricains prÄparent une expÄdition conjointe dans l'Arctique, sous la direction de Vilhjalmur Stefansson; AmÄricain d'origine canadienne, celui-ci a dÄcouvert en 1910 ce qu'on appelle les ╟Esquimaux blonds╚ dans le golfe du Couronnement. Le gouvernement canadien rÄussit toutefois ê convaincre les sociÄtÄs amÄricaines de renoncer ê leurs prÄrogatives. L'expÄdition devient un projet entiÅrement canadien et Stefansson se fait sujet britannique ê la demande du gouvernement. L'expÄdition de Stefansson dans l'Arctique de 1913 ê 1918 qui en rÄsulte comprend des membres de la Commission gÄologique et divers scientifiques intÄressÄs ê la biologie marine, ê l'ocÄanographie et ê l'Ätude des Inuit.
Bien que dÄfavorisÄe par une planification hëtive et grugÄe par des dissensions internes, l'expÄdition marque le point culminant de l'intÄrÉt des Canadiens pour le Nord. Le pire ÄvÄnement de cette expÄdition se produit quand le Karluk, principal bateau du gouvernement, est pris dans les glaces au nord de l'Alaska et dÄrive vers le nord-ouest pour finalement se briser ê cause de la pression constante des banquises. L'Äquipage et les scientifiques du gouvernement abandonnent le navire avant que celui-ci ne coule. Certains d'entre eux partent en direction de la lointaine SibÄrie; on ne les reverra jamais. D'autres rÄussissent ê atteindre la petite öle de Wrangel, situÄe ê 110 milles au nord de la SibÄrie. Les naufragÄs du Karluk y restent jusqu'ê l'ÄtÄ de 1914 et, dit-on, ont rÄclamÄ, le 1er juillet de cette annÄe-lê, l'öle au nom du Canada.
Les rapports scientifiques de l'expÄdition enrichissent les connaissances du Canada et du monde entier sur la cÖte canadienne et les öles de l'Arctique. De son cÖtÄ, Stefansson a pu explorer une superficie de 100,000 milles carrÄs dans l'Arctique, parcourant environ 20,000 milles en traöneau tirÄ par des chiens, dÄcouvrant ainsi les derniÅres terres importantes de l'archipel de l'Arctique. Il prÄtend, en exagÄrant quelque peu sans doute, n'avoir vÄcu que des produits de la terre ou, vraisemblablement, des ressources de l'ocÄan Arctique.
Stefansson revient de l'Arctique persuadÄ que cette rÄgion est la terre de demain et que le pays qui la possÄdera et la mettra en valeur deviendra la plus grande puissance mondiale. Selon lui, les plus grands empires de l'histoire ont lentement avancÄ vers le nord, chacun deux faisant place ê un autre plus septentrional encore. Il semble donc logique que le Canada dÄtienne des pouvoirs fort Ätendus s'il exploitait les richesses apparentes de l'Arctique. Tout comme la puissance de Rome rÄsidait dans son contrÖle de la MÄditerranÄe, le Canada et l'Empire britannique pourraient rÄaliser leurs destinÄes par la main-mise sur cette MÄditerranÄe polaire stratÄgique. Les öles de l'Arctique serviraient de base d'avions, de dirigeables et de sous-marins. On prÄvoyait donc, dÄjê en 1919, une route aÄrienne et des voyages en sous-marins rÄalisÄs un demi-siÅcle plus tard; toutefois, au moment o¥ Stefansson essaie de dÄmontrer l'opportunitÄ de ces idÄes, il ne rÄussit qu'ê jeter le Canada dans un dÄbat international ê la fois grave et complexe au sujet du droit de propriÄtÄ de l'öle Wrangel.
Stefansson voulait que le Canada rÄclame l'öle Wrangel afin de s'assurer la possession des öles de l'Arctique. Le gouvernement d'Arthur Meighen rejette cette idÄe. Nullement ÄbranlÄ par ce refus, Stefansson, un des derniers ╟passionnÄs de l'impÄrialisme╚, fonde une compagnie privÄe et occupe l'öle en 1921 dans l'espoir que le gouvernement reconnaisse officiellement ce coin comme territoire canadien. Mackenzie King, successeur de Meighen, amplifie encore la situation en dÄclarant en 1922 ê la Chambre des Communes que l'öle Wrangel fait partie du Canada. L'U.R.S.S. proteste contre la violation du territoire soviÄtique; gÉnÄs par la confÄrence de Washington sur le dÄsarmement (1922), qui avait limitÄ leur position stratÄgique dans le nord-ouest du Pacifique, les âtats-Unis donnent ê entendre qu'ils pourraient occuper certaines öles situÄes au nord du Canada pour Äquilibrer les pouvoirs.
En revendiquant l'öle Wrangel, au nord de la SibÄrie, le Canada passait outre au territoire qui lui revenait officieusement, abandonnant ainsi, en thÄorie, ses droits sur l'archipel de l'Arctique. Finalement, la question est rÄsolue lorsque le gouvernement britannique reconnait l'öle comme faisant partie de la Russie. Les âtats-Unis semblent d'accord avec le sort de l'öle, mais un fonctionnaire amÄricain du secrÄtariat d'âtat aux Affaires ÄtrangÅres rÄpÅte en 1926 que les prÄtentions du Canada ê l'archipel de l'Arctique ╟ne tenaient absolument pas debout╚. Au cours de la mÉme annÄe, l'Union soviÄtique accepte l'idÄe de sections en ce qui concerne son territoire arctique; or, cette dÄcision aurait vraisemblablement pu consolider la position du Canada, cependant elle non plus n'a jamais reìu une sanction internationale.
Satisfait de la tournure des ÄvÄnements, le Canada remet son programme pour l'Arctique au second plan et ne s'en prÄoccupe pas trop. Il annule une expÄdition secrÅte dans le Nord afin d'Äviter toute publicitÄ ê propos des faiblesses de ses revendications. L'incident de l'öle Wrangel a failli lui co₧ter l'intÄgritÄ territoriale de l'archipel de l'Arctique et le Canada veut ê tout prix Äviter d'autres confrontations dans le Nord. Il cherche plutÖt ê consolider le territoire qui thÄoriquement n'est pas encore revendiquÄ. Pour ce faire, il compte sur les patrouilles annuelles de la Gendarmerie sur l'Ätablissement de postes de police sur les deux rives de l'archipel et sur d'autres mesures gouvernementales.
L'intÄrÉt du Canada ê Ätablir sa puissance sur le Nord est toujours vivant, mais depuis le voyage du Manhattan dans l'Arctique en 1969 et les travaux d'exploration pour y dÄcouvrir du pÄtrole et du gaz, le pays se soucie moins de la possibilitÄ de perdre quelques-unes de ses öles arctiques que de prouver son autoritÄ sur les eaux environnantes.
Ottawa a donc, depuis la Seconde Guerre mondiale, passÄ d'une indiffÄrence gÄnÄrale caractÄristique de la politique canadienne ê propos de la derniÅre frontiÅre du pays au cours des annÄes 1880 et 1890, ê une attitude positive envers les rÄgions nordiques. Il faudra nÄanmoins affranchir l'opinion publique de ses idÄes fausses et de sa conception erronÄe du Nord, avant qu'il ne lui soit possible d'apprÄcier pleinement ses habitants, ses ressources et ses contributions passÄes et futures.