La Seconde Guerre mondiale soumit à de lourdes contraintes les ressources humaines industrielles, agricoles, naturelles et financières du Canada. Le pays presque tout entier participa à la guerre. Le gouvernement fédéral prit en main, canalisa et dirigea l'effort de guerre national. Il contrôla l'information publique sur la guerre et s'efforça de soutenir le moral.
Le Canada entre en guerre
La politique anglo-française de conciliation prit fin le 1er septembre 1939 quand les troupes d'Hitler envahirent la Pologne. Deux jours plus tard, la Grande-Bretagne déclarait la guerre à l'Allemagne et, une semaine plus tard, le 10 septembre 1939, le Parlement canadien faisait sa première déclaration indépendante de guerre.
L'entrée du Canada dans la Seconde Guerre mondiale se fit avec moins d'enthousiasme qu'en 1914 sur le front intérieur, en partie parce qu'on se rappelait encore les lourdes pertes essuyées lors de la Première Guerre mondiale. Avant de déclarer la guerre, le premier ministre Mackenzie King assura aux Canadiens qu'il n'y aurait pas de conscription pour le service outre-mer.
Dès le printemps de 1940, la sécurité du Canada fut mise en question. L'Allemagne avait attaqué la Norvège et le Danemark en avril, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg en mai. L'Italie s'était alliée à elle et avait déclaré la guerre à la Grande-Bretagne et à la France le 10 juin,seulement quatre jours avant l'entrée des troupes allemandes dans Paris. Lorsque la France signa l'armistice imposé par les Allemands, le 22 juin, la Grande-Bretagne et le Commonwealth se retrouvèrent seuls face à Hitler et à Mussolini.
Mobilisation de la main-d'oeuvre, de l'industrie et de l'agriculture
Lorsque la guerre éclata, les forces armées canadiennes étaient désespérément faibles et mal équipées. Le 21 juin 1940, le Parlement adopta la Loi sur la mobilisation des ressources nationales, qui autorisa la conscription pour la défense interne et prescrivit aux célibataires et aux veufs sans enfant, de vingt et un à quarante-cinq ans, de s'inscrire pour le service militaire. D'octobre 1940 à février 1941, la période d'entraînement était de trente jours. Elle fut portée à quatre mois en février 1941, puis, après avril 1941, les conscrits enrôlés en vertu de la Loi furent tenus de servir dans l'hémisphère occidental pour la durée de la guerre. Les renseignements recueillis à l'inscription servirent non seulement pour le service militaire obligatoire, mais aussi pour le contrôle et la direction de la main-d'oeuvre civile.
Le ministère des Approvisionnements et des Munitions fut créé en avril 1940 pour accélérer, contrôler et coordonner l'industrie canadienne. Le ministre C.D. Howe constitua vingt-huit sociétés de la Couronne pour renforcer la capacité industrielle du Canada: il y avait notamment la société Polymer (production du caoutchouc synthétique), Victory Aircraft (fabrication de bombardiers Lancaster), Allied War Supplies (administration du programme des produits chimiques et explosifs), Eldorado Mining and Refining (extraction et traitement de l'uranium) et Wartime Oils (supervision de l'exploitation de nouveaux champs pétrolifères). L'industrie privée participa également à la production de guerre et des cadres supérieurs furent appelés à Ottawa, déjà bondée, pour aider à l'administration du gouvernement fédéral et de sa Fonction publique naissante.
En plus de produire de l'équipement pour les forces croissantes de notre pays, l'industrie canadienne approvisionna la Grande-Bretagne après que celle-ci eut perdu la plupart de ses chars, de son artillerie et de ses camions à Dunkerque, et l'Union soviétique après l'invasion hitlérienne de juin 1941. Le Canada fournit 10 pour 100 de la production totale du Commonwealth et, après les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Union soviétique, fut le quatrième producteur de matériel de guerre pour les Alliés. Il versa également trois milliards de dollars pour aider la Grande-Bretagne et fit office d'«aérodrome de la démocratie» pour l'entraînement de 131 553 hommes d'équipage. En vertu du Programme d'entraînement aérien du Commonwealth, des aviateurs du Canada, de Grande-Bretagne, d'Australie et de Nouvelle-Zélande, ainsi que de quelques pays vaincus par les Allemands, furent entraînés ici. Des aérodromes furent aménagés dans toutes les régions du Canada et l'industrie aérienne prit de l'expansion par suite du programme.
L'enrôlement des ouvriers dans l'armée et l'expansion industrielle entraînèrent une grave pénurie de main-d'oeuvre, problème que le gouvernement résolut notamment par l'imposition d'un règlement national sur le service sélectif des civils (National Selective Service Civilian Regulations), en janvier 1943. On put ainsi prendre 127 000 ouvriers travaillant dans les industries de faible priorité (comme les mines d'or et la fabrication d'automobiles) et les affecter à des industries de plus grande importance comme la production de chars, l'extraction du charbon et des métaux de base, le débitage et le tronçonnage du bois, ainsi que l'agriculture. Le ministère de la Défense accorda des congés spéciaux aux soldats pour faire les récoltes et travailler dans les mines de charbon et les forêts. Plus d'un million de Canadiens, dont bon nombre de femmes, furent intégrés aux effectifs industriels pendant la guerre, soit à peu près le même nombre que ceux des forces armées.
Pour répondre aux exigences immédiates de l'industrie, il fallut enseigner de nouvelles techniques dans les écoles professionnelles et en cours d'emploi. Les femmes notamment entreprirent de nouvelles tâches. Les 50 000 femmes des forces armées furent affectées à des tâches de non-combattantes et les civiles déléguées à des emplois traditionnellement réservés aux hommes: conduite de tramway, stations-service, soudure, rivetage et assemblage d'automobiles. Quelles qu'aient été les principales raisons (économiques ou patriotiques) de leur entrée dans la main-d'oeuvre active, ces femmes contribuèrent sensiblement à l'effort de guerre. Aussi l'ouvrière devint-elle une sorte d'héroïne nationale. Des caricatures comme celle de Norman Rockwell, «Rosie la riveteuse», rousse impertinente aux puissants avant-bras qui figurait sur la couverture du Saturday Evening Post en mai 1943, étaient un signe des temps. Pour faciliter l'entrée des mères dans la main-d'oeuvre active, le gouvernement établit des garderies de jour.
Presque toutes les régions du pays étaient touchées par la guerre. Dans les aciéries de Hamilton, les usines de munitions de Toronto, les usines de fabrication d'avions de Montréal et les chantiers navals de Vancouver, trois postes se relayaient chaque jour, sept jours par semaine. Une vaste usine hydro-électrique fut construite pour alimenter l'aluminerie d'Arvida, au Québec, qui fournissait l'industrie aérienne. De très grands travaux de dérivation et de dragage permirent l'extraction de minerai de fer à Steep Rock Lake (Ontario). On stimula l'exploration pétrolière, le forage de puits et la production du pétrole pour tenter de satisfaire une consommation nationale plus forte. En général, on intensifia l'exploitation des ressources naturelles du Canada, produisant davantage de bois, de papier, d'amiante, de magnésium, de charbon, d'uranium, de zinc, de plomb, de nickel, de cuivre, de tungstène et de platine. Les centres industriels de l'Ontario et du Québec prospérèrent, tout comme les ports des Maritimes et de la Colombie-Britannique et les fermes des Prairies.
De grandes quantités de denrées agricoles canadiennes furent expédiées outre-mer pendant la Seconde Guerre mondiale. À la fin de la guerre, les envois de fromage et de beurre avaient doublé par rapport à 1939; après l'occupation allemande du Danemark, les envois de bacon à la Grande-Bretagne augmentèrent de façon spectaculaire. L'exportation d'oeufs séchés et en poudre passa de dix millions de douzaines en 1940 à quatre-vingt-dix millions de douzaines en 1945.
La perte de main-d'oeuvre agricole au profit des centres industriels urbains exigeait des méthodes d'agriculture plus efficaces pour répondre à la demande de produits agricoles en temps de guerre. Les fermes prirent de l'expansion et se mécanisèrent davantage. Les fermiers obtenaient de meilleurs rendements grâce à des engrais et à des aliments scientifiquement élaborés, de sorte que dans les années 40, on employait beaucoup plus d'engrais commerciaux que dans les années 30. En réponse à la demande, le prix du boisseau de blé grimpa de 0,80 $ en 1938 à 1,83 $ en 1945.
Bien que les revenus agricoles eussent grimpé pendant la guerre et que l'agriculture employât encore un peu plus d'un million de gens, l'industrialisation et l'urbanisation plus poussées changèrent la vie au Canada. Plus que jamais, les Canadiens en vinrent à dépendre de l'industrie pour leur gagne-pain. L'afflux vers les villes causa immédiatement une grave pénurie de logements. Encouragés par une économie en plein essor, les syndicats gagnèrent beaucoup de membres du fait que les ouvriers tentaient d'améliorer leur situation après une décennie difficile. Pendant ce temps, la propagande gouvernementale insistait sur la nécessité d'une collaboration entre patrons et ouvriers pour vaincre l'ennemi à l'étranger.
Contr├┤le des prix et des salaires et rationnement
Les craintes engendrées par la guerre et l'augmentation du pouvoir d'achat à la suite du plein emploi provoquèrent l'inflation. Sous l'effet de la panique, les gens achetèrent et stockèrent fébrilement des provisions au début de la guerre, de sorte qu'en 1941, le coût de la vie avait augmenté d'environ 20 pour cent.
Pour réduire l'inflation en limitant la consommation nationale, et pour répondre à la demande croissante qui se manifestait outre-mer, le gouvernement prit diverses mesures. On encouragea l'investissement dans les bons d'épargne de guerre, on augmenta l'impôt sur le revenu et on releva les taxes indirectes pour réduire le montant de l'argent en circulation. La Commission des prix et du commerce en temps de guerre fut créée en septembre 1939 en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. Présidée par Donald Gordon, elle contrôlait les prix, la fourniture et la distribution des aliments, des combustibles et d'autres produits essentiels. En décembre 1940, le Cabinet imposa une forme de contrôle des salaires aux industries de guerre et des contrôles partiels sur les loyers, le charbon, le sucre, le bois, l'acier, le lait et d'autres produits essentiels. L'approvisionnement en produits comme les métaux et le bois était régi par la Commission du contrôle des industries en temps de guerre. En octobre 1941, on annonça un gel presque total des salaires et des prix. Il fallait alors une autorisation gouvernementale pour changer d'emploi ou accepter une promotion. Dans la mesure où elle fut sensiblement inférieure à 10 pour 100 entre 1942 et 1945, la hausse du coût de la vie fut jugulée.
Une campagne gouvernementale poussa à l'épargne et découragea la consommation. Certains articles furent rationnés en 1942 et continuèrent encore de l'être jusqu'en 1947, bien que le rationnement ne fut jamais aussi strict au Canada qu'en Grande-Bretagne. Par exemple, la ration hebdomadaire de beurre des Britanniques était de deux onces (environ 55 g) vers le milieu de 1941, tandis que celle des Canadiens ne fut jamais inférieure à cinq onces et un tiers (environ 150 g). On pouvait consommer deux livres (environ 910 g) de viande par semaine au Canada, mais seulement quinze onces (environ 425 g) en Grande-Bretagne. Les restaurants canadiens ne servaient pas de viande les mardis et vendredis.
Une carte de rationnement, émise pour chaque homme, femme ou enfant, autorisait son détenteur à recevoir en quantité limitée des produits comme le sucre, le café, le thé, le beurre, les conserves, la viande et le lait évaporé. Des commissions provinciales de contrôle rationnaient l'alcool, lui aussi raréfié. La vente de l'essence et des pneus fit l'objet d'une surveillance étroite et des restrictions furent imposées sur l'usage de l'acide sulfurique, du liège, de divers métaux et du caoutchouc (on ne pouvait plus se procurer ce produit en Extrême-Orient après l'entrée en guerre du Japon). On fabriquait peu de chaudières, de poêles, de machines à laver, de réfrigérateurs, de radios ou de phonographes.
À cause des contrôles qui limitaient la quantité de tissu employée pour les vêtements civils, la mode se simplifia. Les jupes étaient plus courtes et, les bas de soie étant généralement impossibles à trouver, certaines femmes en vinrent à maquiller leurs jambes ou à porter des bas de rayonne, de coton ou de soie artificielle. Les vêtements masculins étaient des pantalons sans revers et des vestons droits sans rabats de poche. Quelques extrovertis non conformistes arboraient effrontément un costume zazou qui contrastait avec les restrictions du temps de guerre: veston à large revers descendant jusqu'aux cuisses, aux épaules excessivement rembourrées, pantalons bouffants fixés au revers, chapeau de feutre à larges bords et chaîne de montre pendant presque jusqu'aux genoux.
Pour mieux exploiter la lumière du jour, l'heure avancée fut imposée dans tout le Canada en 1941, et en 1942, Toronto interdit l'usage de l'électricité pour chauffer les locaux et produire de la vapeur d'eau. À mesure que la guerre se poursuivait, les mesures de conservation du combustible se faisaient plus strictes. Lorsqu'une pénurie de charbon devint imminente, un état d'urgence national fut déclaré. Le 17 mai 1943, un décret-en-conseil forçait les mineurs à revenir aux mines et interdisait dorénavant de les enrôler. Les forces armées accordèrent un congé indéfini à tous les anciens mineurs de charbon qui s'étaient engagés, à condition qu'ils retournent aux mines.
Économiser l'essence devint une préoccupation nationale. Chaque propriétaire d'automobile avait généralement droit à 120 gallons (545 l). On encourageait le co-voiturage en donnant des coupons supplémentaires aux conducteurs intéressés. Les usines ne produisaient aucune nouvelle automobile ni aucun nouveau camion pour les civils, et malgré le co-voiturage, les transports publics étaient gravement surchargés. On augmenta le nombre de sièges dans les autobus et les tramways pour accueillir plus de passagers. Les heures de travail furent réparties de manière à réduire la circulation aux heures de pointe.
Dès 1943, le Canada connut pratiquement le plein emploi. Le revenu annuel moyen augmenta, passant de 975$ en 1940 à 1 538$ en 1945. Même si plus de gens avaient plus d'argent à dépenser que pendant la crise, la propagande de guerre décourageait les dépenses inutiles. On rappelait constamment au public les raisons pour lesquelles on se battait.
La propagande
Les films, les émissions radiodiffusées, les affiches et les brochures produits par la Commission d'information en temps de guerre insistaient sur l'importance de la liberté, les conséquences de la défaite, la foi en la victoire et le maintien de la gaieté, de la confiance et de l'enthousiasme. La Commission, qui avait succédé au Bureau of Public Information établi vers la fin de 1939, était chargée de contrôler la nature et la diffusion des informations sur la guerre et de soutenir le moral. On affirmait au public que labeur et coopération pouvaient mener à la victoire et à un monde meilleur.
Les nouvelles de nature à mécontenter la population civile ou à miner le moral des forces armées pouvaient être censurées dans l'intérêt national. Les informations militaires étaient protégées pour empêcher l'ennemi d'apprendre quoi que ce soit qui puisse être à son avantage. Les nouvelles sur les progrès du Programme d'entraînement aérien du Commonwealth étaient contrôlées, de même que les informations sur les mouvements des troupes et des navires, les camps de prisonniers de guerre et d'internement au Canada.
Partout, des affiches émises par la Commission d'information en temps de guerre, la Croix-Rouge et les forces armées appelaient les gens à s'enrôler ou à acheter des bons d'épargne de guerre, ou les mettaient en garde contre les dangereuses conséquences du bavardage. Les films servaient autant à la propagande qu'aux loisirs. L'Office national du film coordonnait toutes les activités cinématographiques du gouvernement et produisait des films à forte teneur canadienne car la plupart des grands films étaient réalisés soit aux États-Unis, soit en Grande-Bretagne. Des émissions radiophoniques stimulaient le patriotisme au pays et donnaient des informations sur la guerre. Les nouvelles du front étaient transmises de manière frappante dans les foyers par des correspondants canadiens comme Matthew Halton et Marcel Ouimet.
Tous les aspects de la guerre étaient reflétés dans les journaux du jour. Les événements étaient annoncés à côté de messages priant les lecteurs d'acheter des bons ou de contribuer de quelque autre façon à l'effort de guerre. Les rubriques consacrées à la mode, au jardinage, à la cuisine et aux activités sociales, voire les bandes dessinées, subissaient l'influence de la guerre.
Les divertissements en temps de guerre
Les revues canadiennes telles que Maclean's, Chatelaine, La Revue Populaire et La Revue Moderne reflétaient la vie sur le front intérieur. Quelques mois après qu'on eut interdit, en décembre 1940, l'importation de produits non essentiels, des bandes dessinées faites au Canada firent leur apparition. Cependant, la carrière de ces bandes dessinées canadiennes en noir et blanc fut de courte durée, car aussitôt que les «comics» américains furent de nouveau admis au Canada à la fin de la guerre, Johnny Canuck et les autres héros de la bande dessinée canadienne disparurent de la circulation.
Les spectacles de l'armée et de la marine étaient une forme de divertissement populaire tant au pays qu'outre-mer. Au pays, les Canadiens dansaient au son des orchestres qui se produisaient aux assemblées publiques de vente des bons d'épargne de guerre. Si les Canadiens lisaient des ouvrages d'auteurs canadiens et écoutaient les chanteurs canadiens du «hit-parade» sur les ondes de Radio-Canada, ils préféraient écouter les artistes américains et britanniques. Comme dérivatif aux tracas de la guerre, la musique des grands orchestres de danse de Glen Miller et de Tommy Dorsey était extrêmement populaire. Des États-Unis venaient également des émissions de radio mettant en vedette Amos'n Andy, le Lone Ranger, et Edgar Bergen et Charlie McCarthy. Certains films des années de guerre tels que Casablanca avec Ingrid Bergman et Humphrey Bogart et des chansons telles que «White Christmas» allaient battre des records de popularité au Canada de même qu'aux États-Unis. Des films britanniques tels que In Which We Serve et la chanson de Vera Lynn, «The White Cliffs of Dover», eurent également du succès au Canada.
Contribution volontaire à l'effort de guerre
Toutes les couches de la société canadienne contribuèrent à l'effort de guerre du Canada. Des groupes de femmes envoyaient des cigarettes, des chandails, des chaussettes, des revues et des lettres aux gars du front, et les villes, les entreprises et les clubs militaires offraient toutes sortes d'agréments aux équipages des avions et des navires canadiens. Dans les villes d'un bout à l'autre du Canada, des volontaires civils ouvraient des cantines et des clubs sans but lucratif destinés à remonter le moral des troupes. Des distractions et des spectacles furent offerts par la Légion canadienne, l'Imperial Order of Daughters of the Empire, les Chevaliers de Colomb, la Croix-Rouge, l'Armée du Salut, la YMCA et la YWCA. L'Ambulance Saint-Jean dispensa des cours de premiers soins au personnel de l'armée active et de la réserve.
Les enfants et les adolescents firent également une importante contribution à l'entreprise commune en rassemblant diverses matières essentielles telles que de la ferraille. Ils aidèrent à accroître la production agricole en travaillant sur les fermes, en entretenant les jardins de la victoire et en participant à des activités scolaires destinées à réunir des fonds. Dans les écoles, où le rassemblement de fonds venait au premier plan des activités sociales, les jeunes achetaient quantité de certificats d'épargne de guerre, versions modestes des bons d'épargne de guerre. On rappelait sans cesse aux élèves la nécessité d'économiser le papier.
La conscription
Bien que les diverses couches de la société canadienne contribuassent presque toutes à l'effort de guerre, les politiques pratiquées par le gouvernement libéral de Mackenzie King durant cette période suscitèrent de vives controverses. Ces questions furent l'enjeu des élections fédérales et provinciales qui se tinrent au début de la guerre. Le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, proclamait que les mesures de guerre du gouvernement fédéral empiétaient sur les droits des provinces, mais son parti, l'Union nationale, fut défait aux élections provinciales de 1939 qui amenèrent les Libéraux au pouvoir. Duplessis et son parti allaient être réélus en 1944.
Le premier ministre libéral de l'Ontario, Mitchell Hepburn, précipita des élections nationales en adoptant une résolution soulignant l'insuffisance de la politique nationale relative à la guerre. Le gouvernement King réagit en déclenchant des élections qui le reportèrent au pouvoir en mars 1940 avec une forte majorité, mais il dut encore faire face à l'opposition des Progressistes conservateurs, qui voulaient que le pays s'engage à fond dans la guerre, et que soit adoptée la conscription pour le service outre-mer.
Les troupes canadiennes d'outre-mer furent d'abord cantonnées en Grande-Bretagne où elles subirent des pertes infimes. À mesure que le conflit s'intensifiait, des Canadiens furent envoyés se battre en Europe continentale, et il fallut les remplacer. En avril 1942, eut lieu un référendum national. Environ 65 pour 100 de la population était disposée à délier le gouvernement de sa promesse de ne pas imposer la conscription pour le service outre-mer. Bien que 75 pour 100 des votes enregistrés au Québec fussent opposés au service obligatoire outre-mer, la Loi sur la mobilisation des ressources naturelles fut modifiée pour autoriser la conscription quand le besoin s'en ferait sentir. La politique de Mackenzie King se résumait alors dans la formule, «pas nécessairement la conscription, mais la conscription si nécessaire».
Avec l'accroissement des pertes en 1944, le problème des renforts devint critique. À l'automne de 1944, comme les volontaires n'arrivaient pas en nombre suffisant, on jugea pouvoir le résoudre grâce aux soldats recrutés en vertu de la Loi sur la mobilisation des ressources nationales pour assurer la défense territoriale. Ces conscrits, ou «zombies», comme on les appelait, furent expédiés outre-mer. Des 13 000 hommes qui composaient les troupes de défense territoriale envoyées outre-mer, seuls 2 500 hommes furent envoyés au feu.
Cette décision suscita de vives émotions, en particulier au Québec. Charles Power, ministre de la Défense aérienne, démissionna en signe de protestation. Des troupes cantonnées en Colombie-Britannique se rebellèrent contre cette décision. La question de la conscription menaça l'unité nationale mais n'entraîna pas de troubles graves comme les émeutes de 1917.
Relations fédérales-provinciales
Une des conséquences de la guerre fut la nouvelle répartition du pouvoir entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Pour la durée de la guerre et une année après sa fin, les provinces durent céder leurs pouvoirs d'imposition dans certains domaines, notamment ceux de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt sur les sociétés. Des ententes sur le partage des revenus furent passées avec les provinces, qui, au lendemain des hostilités, refusèrent d'autoriser le gouvernement fédéral à retenir indéfiniment les pouvoirs d'imposition qu'il s'était attribués à la faveur de la guerre. En dépit de l'opposition des provinces, la Seconde Guerre mondiale donna lieu à une centralisation accrue du pouvoir. Le gouvernement fédéral étendit surtout ses activités dans les domaines de la sécurité sociale et des relations industrielles.
Mesures de défense sur la côte Ouest
Le gouvernement fédéral s'autorisa de la Loi sur les mesures de guerre pour interner les citoyens canadiens d'origine japonaise. Un sentiment anti-oriental fort répandu existait depuis des décennies sur la côte Ouest, mais l'attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et la perte de deux bataillons canadiens à Hong Kong, le jour de Noël, eurent pour effet d'attiser la haine contre les Japonais. À la suite d'un décret passé le 26 février 1942, quelque 21 000 Canadiens d'ascendance japonaise furent expulsés de leurs maisons et transportés à l'intérieur des terres. Leur propriété fut saisie, et elle fut en bonne partie vendue à un prix très inférieur à sa valeur marchande, dans bien des cas sans le consentement du propriétaire.
Même si les autorités militaires ne croyaient pas que les Nippo-canadiens constituassent une menace pour la sécurité nationale ou que les Japonais s'apprêtassent à attaquer le Canada, il fallut renforcer le dispositif de défense en Colombie-Britannique pour apaiser les craintes de la population. Après que les Japonais eurent occupé deux des îles Aléoutiennes de l'Alaska et qu'un sous-marin japonais eut lancé quelques obus sur un phare à Estevan Point dans l'île le de Vancouver, des mesures de protection civile furent appliquées. Des troupes furent également amenées de l'est du Canada pour renforcer les nouvelles unités mobilisées en Colombie-Britannique, cependant que de nouvelles escadres aériennes furent affectées à la côte Ouest. Les défenses antiaériennes furent renforcées et un train blindé fut construit pour patrouiller le long de la ligne de chemin de fer du CN entre Prince Rupert et Terrace, en Colombie-Britannique.
L'opération offensive la plus importante que le Japon dirigea contre le territoire canadien fut le lancement au-dessus de l'océan Pacifique, au cours de l'hiver de 1944 à 1945, de 9 000 gallons chargés de puissantes bombes explosives et incendiaires. Par chance, seuls quelque 80 gallons atteignirent le Canada, où le sol enneigé les empêcha de causer des dégâts. En Oregon, une femme et cinq enfants furent tués lorsque l'un d'entre eux fit accidentellement sauter la bombe d'un ballon tombé.
À la demande des États-Unis, des troupes composées d'Américains et de Canadiens furent expédiées aux îles Aléoutiennes pour expulser les Japonais de l'île Kiska. Lorsque les troupes abordèrent l'île en août 1943, les Japonais étaient déjà partis. Les soldats canadiens furent rappelés au début de 1944.
Les relations canado-américaines
La débâcle alarmante de la France en juin 1940 fut un des facteurs à l'origine de l'étroite collaboration qui s'instaura entre le Canada et les États-Unis. Si les Allemands avaient réussi à envahir les îles britanniques et à s'emparer de la Royal Navy, l'Amérique du Nord aurait été en danger. Des entretiens entre le premier ministre King et le président Roosevelt aboutirent à la création de la Commission permanente canado-américaine de défense.
Le plan de défense des États-Unis dans le nord du Canada prévoyait la construction d'une autoroute de Dawson Creek en Colombie-Britannique à Fairbanks en Alaska; l'installation d'un oléoduc allant de Norman Wells dans les Territoires du Nord-Ouest à Whitehorse au Yukon; et l'aménagement d'installations de transbordement aérien, notamment la construction d'une base aérienne à Goose Bay (Labrador). Pour améliorer la qualité des prévisions météorologiques, on édifia dans le nord de nouvelles stations météorologiques, dont certaines étaient exploitées par les Américains. Les États-Unis établirent des bases militaires à Terre-Neuve et fournirent des pièces d'artillerie pour renforcer la défense canadienne aux deux extrémités du pays.
Des mesures conjointes furent prises pour protéger les voies navigables reliant le lac Supérieur et le lac Huron. Pour empêcher un encombrement consécutif à l'accroissement du trafic des hommes et du matériel, en particulier sur les chemins de fer et dans les ports maritimes, il fallut établir une liaison plus étroite entre les deux pays.
La déclaration de Hyde Park du 20 avril 1941 prévoyait l'échange de matériel de guerre entre le Canada et les États-Unis. Afin de redresser la balance des paiements défavorable du Canada, les États-Unis s'engageaient à acheter à leur voisin des marchandises de valeur égale à celles que le Canada leur achèterait. Ces ententes, dont la Commission permanente canado-américaine de défense, laissaient présager une dépendance militaire et économique croissante du Canada à l'égard des États-Unis.
Conséquences de la guerre
De nombreuses réalisations scientifiques résultèrent de la participation du Canada à la Seconde Guerre mondiale. C'est ainsi que le Conseil national de recherches améliora la technologie du transport maritime des denrées alimentaires en perfectionnant les techniques de séchage et le matériel de réfrigération. On doit à des Canadiens certaines inventions militaires telles que les charges propulsives anti-lueur destinées aux canons de marine; le système d'oxygène à la demande pour les vols à haute altitude; une fusée de proximité qui permet à l'artillerie de campagne de faire exploser des obus à une altitude déterminée d'avance; et une méthode permettant de produire en série le RDX, un explosif presque deux fois plus puissant que le TNT. Par ailleurs, le docteur W.R. Franks inventa le premier vêtement anti-g (gravité).
Les activités du Canada à Montréal et à Chalk River (Ontario) dans le domaine de la recherche nucléaire préparèrent le Canada au rôle de chef de file qu'il allait jouer dans le secteur de l'énergie nucléaire. On extrayait de l'uranium de la mine Eldorado à Port Radium dans les Territoires du Nord-Ouest, et l'on produisait de l'eau lourde dans une usine de Trail en Colombie-Britannique.
L'industrie de guerre produisit 9 000 navires, 815 000 véhicules roulants, 50 000 véhicules blindés de combat, plus de 16 000 avions et une énorme quantité d'armes légères. Une production industrielle accrue et une économie améliorée créèrent un nouveau climat de confiance et d'optimisme.
Les attentes accrues de certains travailleurs s'exprimèrent dans des grèves visant à faire reconnaître les syndicats et à obtenir de meilleurs salaires. Pour favoriser un meilleur climat dans le secteur du travail, le gouvernement reconnut les droits des travailleurs par le décret C.P. 1003 rendu en 1944, qui demeure à la base des relations industrielles au Canada. Il conférait aux employés le droit de créer les syndicats de leur choix et d'y adhérer, et obligeait l'employeur à négocier avec le syndicat représentatif de la majorité des travailleurs, instituait un mécanisme pour définir et accréditer les groupements de négociation, imposa les principes de la négociation collective et de l'arbitrage et confirma le droit de grève.
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