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Text File  |  1996-08-11  |  33KB  |  108 lines

  1. LA VIE AUX D├ëBUTS DE LA CLASSE OUVRI├êRE DANS LES PRAIRIES 
  2.  
  3. Joe Cherwinski 
  4.  
  5.      M├¬me si on n'y voit qu'une seule r├⌐gion homog├¿ne, les trois provinces des Prairies -- le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta -- montrent une tr├¿s grande diversit├⌐ g├⌐ographique. Elles pr├⌐sentent des contrastes naturels, qu'il s'agisse des plaines, des montagnes, des for├¬ts ou des d├⌐serts, et leur ├⌐volution historique a laiss├⌐ d'immenses r├⌐gions sauvages ├á peine peupl├⌐es en m├¬me temps qu'elle donnait naissance ├á des centres commerciaux pleins d'animation. Avant la Premi├¿re Guerre mondiale, le caract├¿re de la main-d'oeuvre diff├⌐rait aussi d'une province ├á l'autre. En 1911, par exemple, l'agriculture employait 64 pour cent des travailleurs en Saskatchewan et seulement 39 pour cent au Manitoba; en outre, tandis que la population de la Saskatchewan prenait un caract├¿re de plus en plus rural, l'urbanisation du Manitoba s'accroissait. Les industries de fabrication employaient 8,4 pour cent des ouvriers au Manitoba, mais seulement 3,2 pour cent en Saskatchewan. Le rapport entre population rurale et population urbaine ├⌐tait stable en Alberta, province o├╣ l'exploitation foresti├¿re jouait par ailleurs un r├┤le important dans l'├⌐conomie.
  6.  
  7.      Si l'on constate des diff├⌐rences importantes, il reste qu'on peut avancer certaines id├⌐es g├⌐n├⌐rales sur les Prairies et les ouvriers qui y vivaient. Lorsque le chemin de fer unissant le Canada central ├á l'Ouest fut parachev├⌐, le bl├⌐ ├⌐tait le principal produit agricole, celui qui rendit possible la colonisation et le d├⌐veloppement continus de la r├⌐gion. Bien que le type d'exp├⌐rience v├⌐cu par cette soci├⌐t├⌐ de nouveaux arrivants d├⌐pend├«t dans une large mesure des saisons et des vicissitudes d'une ├⌐conomie fond├⌐e sur la monoculture, les Prairies offraient des perspectives virtuellement illimit├⌐es durant la p├⌐riode d'expansion ├⌐conomique qui dura, grosso modo, du milieu des ann├⌐es 1880 jusqu'├á la Premi├¿re Guerre mondiale.
  8.  
  9.      Durant l'├⌐t├⌐, lorsque les ouvriers accomplissaient de longues heures d'un travail f├⌐brile, le manque de main-d'oeuvre devenait chronique dans tous les secteurs de l'├⌐conomie des Prairies. On fit bien des efforts pour accro├«tre la productivit├⌐ gr├óce aux perfectionnements technologiques, mais l'immigration fut le moyen choisi en fin de compte pour satisfaire ├á la demande imm├⌐diate de travailleurs. Les gouvernements f├⌐d├⌐ral et provinciaux et les administrations locales recrut├¿rent des immigrants en pr├⌐sentant les Prairies comme un pays d'abondance. On axa la publicit├⌐ sur la facilit├⌐ d'obtenir des terres, des ressources et des emplois; les ouvriers et les ouvri├¿res furent ainsi app├ót├⌐s par ce qu'ils percevaient comme la chance d'am├⌐liorer leur sort. Ils vinrent de l'├⌐tranger avec la conviction que l'imagination, les sacrifices et un travail acharn├⌐ les soustrairaient ├á la vie morne et ├á l'exploitation qu'ils avaient connues dans leur milieu d'origine. La mystique des Prairies canadiennes venait de sa nouveaut├⌐ et de sa promesse de prosp├⌐rit├⌐ et de prestige.
  10.  
  11.      Ces immigrants introduisirent, dans la soci├⌐t├⌐ qui commen├ºait ├á na├«tre dans les Prairies, les id├⌐es, les coutumes et la pratique acquises dans leur patrie. Si ces ├⌐l├⌐ments avaient de nombreuses applications, ils n'en constituaient pas moins une source de confusion, de division, d'hostilit├⌐ et de conflit. Lorsqu'il devint ├⌐vident que seul un tr├¿s petit nombre pouvait faire fortune rapidement, les autres cherch├¿rent consolation et appui dans leur propre communaut├⌐ ethnique, tout en adaptant peu ├á peu leur bagage culturel aux circonstances nouvelles.
  12.  
  13.      L'une des r├⌐alit├⌐s de la vie dans les Prairies ├⌐tait que l'├⌐conomie fond├⌐e sur le bl├⌐ imposait aux ouvriers un rythme saisonnier de sorte que, durant les hivers rigoureux, il y avait peu d'occasions de gagner de l'argent. Peu ├á peu, un nombre important de travailleurs en vinrent ├á se consid├⌐rer comme formant une classe distincte de leurs employeurs. Ils s'aper├ºurent que d'autres se trouvaient dans la m├¬me situation, et cette prise de conscience eut une importance d├⌐cisive dans l'├⌐mergence d'une classe ouvri├¿re tout ├á fait particuli├¿re ├á l'Ouest canadien et qui, surtout apr├¿s la Premi├¿re Guerre mondiale, s'est manifest├⌐e comme une force ├á la fois sociale et politique.
  14.  
  15. Les premiers ouvriers dans les Prairies 
  16.  
  17.      L'exploitation commerciale des ressources naturelles et humaines commen├ºa dans les Prairies avec les activit├⌐s de la Compagnie de la baie d'Hudson, dont le seul objectif ├⌐tait de faire avec profit le commerce des fourrures. Monopole d'origine britannique, elle domina ses concurrents d├¿s le d├⌐but du XIXe si├¿cle; premier employeur de la r├⌐gion, elle embauchait tant les gens du pays que les immigrants. Dans ses postes diss├⌐min├⌐s sur tout le territoire de la terre de Rupert, des employ├⌐s pour la plupart britanniques ex├⌐cutaient toutes sortes de t├óches li├⌐es au rassemblement, ├á l'emballage et au transport des fourrures. Plus nombreux encore, les simples ouvriers, dont certains venaient d'Europe et beaucoup des populations am├⌐rindiennes et m├⌐tisses de la r├⌐gion, accomplissaient pour la compagnie des travaux ennuyeux et difficiles dans des conditions de vie spartiates. Ces hommes, faute de mieux, continuaient g├⌐n├⌐ralement de travailler pour la Compagnie de la baie d'Hudson jusqu'├á la retraite. Cette soci├⌐t├⌐ n'assumait aucune responsabilit├⌐ concernant leur bien-├¬tre lorsqu'ils ne travaillaient plus pour elle.
  18.  
  19. Les travailleurs du rail 
  20.  
  21.      La cr├⌐ation de la Conf├⌐d├⌐ration fut suivie d'une exploitation plus syst├⌐matique des ressources des Prairies, gr├óce aux efforts consid├⌐rables faits pour am├⌐liorer les communications entre le Centre et l'Ouest du Canada. La Politique nationale, avec l'importance qu'elle accordait ├á la colonisation de l'Ouest et aux transports, devint un des instruments de l'int├⌐gration de cette r├⌐gion. Entre 1880 et la Premi├¿re Guerre mondiale, les chemins de fer employ├¿rent un pourcentage assez consid├⌐rable des travailleurs immigr├⌐s pour la construction de trois lignes transcontinentales et d'innombrables lignes secondaires. Pour l'immigrant, le travail pour les chemins de fer constituait souvent un premier emploi servant ├á recueillir des fonds pour une autre entreprise, le plus souvent l'├⌐tablissement sur une concession.
  22.  
  23.      La construction des chemins de fer comportait des travaux divers allant des t├óches les plus simples aux travaux de sp├⌐cialistes tels que les arpenteurs et les ing├⌐nieurs. Les terrassiers immigr├⌐s fournissaient la force physique n├⌐cessaire pour les travaux p├⌐nibles, tandis que ceux qui parlaient anglais obtenaient g├⌐n├⌐ralement les meilleurs postes. Tous devaient travailler de longues heures et devaient supporter les variations climatiques extr├¬mes des Prairies. Les accidents ├⌐taient fr├⌐quents, surtout dans les montagnes o├╣ des hommes furent tu├⌐s et bless├⌐s par les ├⌐boulements ou par le mauvais usage des explosifs.
  24.  
  25.      Les campements de travailleurs consistaient en tentes, en baraquements provisoires pourvus de couchettes ou en wagons couverts transform├⌐s en logement. On ne pr├¬tait aucune attention aux plaintes concernant l'encombrement des locaux, la nourriture m├⌐diocre et les mauvaises conditions d'hygi├¿ne. Selon Thomas Shaughnessy, pr├⌐sident de la Compagnie de chemin de fer du Pacifique canadien, ┬½les hommes qui cherchent ├á travailler ├á la construction des chemins de fer sont, en r├¿gle g├⌐n├⌐rale, de ceux qui sont habitu├⌐s ├á vivre ├á la dure. Ils savent, lorsqu'ils viennent travailler, qu'ils doivent s'accommoder des conditions de logement les plus primitives┬╗. Il ├⌐tait facile, dans les campements isol├⌐s des travailleurs, de mettre fin aux arr├¬ts de travail par lesquels les hommes manifestaient leur m├⌐contentement. Au besoin, la police intervenait pour que le programme de travail ├⌐tabli par les entreprises se poursuive comme pr├⌐vu.
  26.  
  27.      Les conditions de vie pouvaient ├¬tre mauvaises, le travail dur et dangereux, mais il n'en reste pas moins que les salaires vers├⌐s aux travailleurs pour la construction du chemin de fer semblaient int├⌐ressants. Pourtant, d├⌐duction faite par les entreprises des frais de pension, de location de couvertures, de transport ├á destination et ├á partir du lieu de travail ainsi que des frais m├⌐dicaux, il restait peu de chose aux travailleurs ├á la fin de la saison. Lorsque celle-ci se terminait au d├⌐but de l'hiver, les hommes, licenci├⌐s, devaient chercher du travail ailleurs.
  28.  
  29.      L'entretien des chemins de fer ├⌐tait, par comparaison avec leur construction, une t├óche moins dangereuse, mais on y employait aussi moins de gens. L├á encore, les travailleurs devaient se d├⌐battre avec les traverses et les rails et d├⌐placer ├á la pelle des tonnes et des tonnes de m├¿tres cubes de ballast mais, d'habitude, ils ├⌐taient directement engag├⌐s par une compagnie de chemin de fer, plut├┤t que par un entrepreneur. Les conditions de vie ├⌐taient en g├⌐n├⌐ral meilleures, car la plupart des ouvriers charg├⌐s de l'entretien pouvaient rentrer chez eux chaque soir.
  30.  
  31.      Pour des centaines d'employ├⌐s des services et des ateliers, la gare ou la rotonde devint le centre de l'existence active. Les pr├⌐pos├⌐s aux billets, bagagistes, employ├⌐s des messageries et commis, qui vivaient habituellement pr├¿s des voies ferr├⌐es, travaillaient soit dans de petites localit├⌐s dot├⌐es d'une seule gare, soit dans d'importantes localit├⌐s de limite divisionnaire, telles que Winnipeg ou Calgary. Dans les grands centres, les ouvriers des ateliers de r├⌐paration: chaudronniers, machinistes et charpentiers, faisaient partie des milliers d'ouvriers employ├⌐s par les chemins de fer.
  32.  
  33.      Les membres du personnel roulant, et notamment les chauffeurs, les serre-freins et les chefs de train, am├⌐lior├¿rent leur situation gr├óce ├á la cr├⌐ation de syndicats puissants, mais ce furent les m├⌐caniciens qui, non sans suffisance, se consid├⌐r├¿rent comme l'├⌐lite des travailleurs du rail. En raison des comp├⌐tences requises et des responsabilit├⌐s qu'entra├«nait leur travail, ils r├⌐ussirent ├á obtenir de bons salaires et une certaine s├⌐curit├⌐ gr├óce ├á leur haut niveau d'organisation.
  34.  
  35. Les ouvriers agricoles 
  36.  
  37.      En d├⌐pit de leur importance pour l'├⌐conomie, les ouvriers agricoles saisonniers ├⌐taient tenus, tout comme les terrassiers, pour un mal n├⌐cessaire. L'agriculture ├⌐tait la principale industrie de la r├⌐gion, mais pour les agriculteurs, la main-d'oeuvre agricole n'├⌐tait qu'un autre facteur contribuant aux frais de production du bl├⌐. ├ëtant donn├⌐ que l'agriculture ne requ├⌐rait une forte concentration de main-d'oeuvre qu'au printemps et ├á l'automne, les ouvriers agricoles embauch├⌐s ├á plein temps ├⌐taient relativement peu nombreux. Le recensement de 1911 ne comptait en moyenne qu'un seul journalier pour quatre propri├⌐taires ou r├⌐gisseurs d'exploitations agricoles dans les Prairies, et l'on ne sait du reste pas combien de ces ouvriers travaillaient ├á plein temps. Comme les immigr├⌐s concessionnaires d'exploitations agricoles (lots de terre de 160 acres, les ┬½homesteads┬╗) comptaient sur leurs proches pour minimiser les frais, les agriculteurs anglophones bien ├⌐tablis qui poss├⌐daient de plus grandes ├⌐tendues de terrain ├⌐taient ├á peu pr├¿s les seuls ├á embaucher des ouvriers permanents. (Pour conna├«tre le r├┤le des enfants dans le travail agricole, on consultera le volume 32 de l'Histoire du Canada en images, La migration d'enfants britanniques.)
  38.  
  39.      Le salaire touch├⌐ par l'ouvrier agricole ├⌐tait rarement proportionn├⌐ ├á sa comp├⌐tence. Le travail du journalier, qui exigeait une connaissance des soins ├á donner au b├⌐tail et de la conduite non seulement des instruments attel├⌐s, mais aussi des nouveaux appareils fonctionnant ├á l'essence, l'obligeait ├á passer de longues heures dans un milieu isol├⌐. L'ouvrier employ├⌐ ├á plein temps dans une ferme n'endurait souvent son travail que le temps voulu pour perfectionner les techniques agricoles ou pour trouver un emploi plus satisfaisant.
  40.  
  41.      Les femmes des agriculteurs contribu├¿rent largement ├á l'exploitation agricole des Prairies sans obtenir de r├⌐mun├⌐ration financi├¿re. En 1911, les femmes ├⌐taient encore moins nombreuses du tiers par rapport aux hommes et elle ├⌐taient donc tr├¿s recherch├⌐es pour servir de compagnes et faire des enfants. Les jeunes agriculteurs reconnaissaient ├⌐galement qu'en laissant les femmes s'occuper du b├⌐tail et de la basse-cour, il devenait possible d'├⌐tendre le champ des activit├⌐s agricoles. Les colons concessionnaires provenant du continent europ├⌐en ├⌐taient reconnus pour leur opinion que les femmes pouvaient trimer aussi longtemps et aussi ├⌐nergiquement que les hommes tout en assumant les travaux m├⌐nagers et en s'occupant des enfants. Les agriculteurs anglophones suffisamment bien ├⌐tablis embauchaient des domestiques ou des aides familiales pour lib├⌐rer leurs femmes; mais la demande de ces employ├⌐es ├⌐tait toujours sup├⌐rieure ├á l'offre.
  42.  
  43.      C'est ainsi qu'au Manitoba, il y avait au moins deux postes vacants pour chacun des cinq mille domestiques recens├⌐s dans cette province en 1908. De concert avec divers groupes religieux, les gouvernements f├⌐d├⌐ral et provincial r├⌐agirent ├á cette demande par de vigoureuses campagnes de recrutement. Ces efforts concert├⌐s eurent pour effet d'attirer de nombreuses femmes dans les Prairies, mais tout comme les journaliers, elles ├⌐taient souvent rebut├⌐es par les maigres salaires (en 1914, les gages ├⌐taient de 15$ ├á 21$ par mois, pension comprise), par la solitude et l'ennui de la ferme. Comme la plupart venaient de villes britanniques, elles ├⌐taient attir├⌐es par les villes des Prairies qui leur offraient des heures de travail plus courtes, de meilleurs salaires, des logements plus confortables et une vie sociale plus int├⌐ressante.
  44.  
  45.      La tr├¿s grande majorit├⌐ des ouvriers agricoles ├⌐taient employ├⌐s comme saisonniers ou ├á temps partiel. Certains travaux ├á court terme tels que le d├⌐broussaillement, le ramassage des pierres et l'installation des cl├┤tures ├⌐taient mal pay├⌐s, tandis que les travaux associ├⌐s ├á la r├⌐colte ├⌐taient bien r├⌐mun├⌐r├⌐s. De nombreux travailleurs urbains en ch├┤mage saisonnier comptaient sur l'argent que procuraient les travaux de r├⌐colte pour passer l'hiver. M├¬me la construction ferroviaire venait parfois pr├¿s de s'interrompre lorsque les ouvriers laissaient leur travail en plan pour faire la moisson.
  46.  
  47.      L'embauche et la r├⌐partition de milliers de moissonneurs ├⌐taient d'une importance capitale pour le bien-├¬tre ├⌐conomique de la r├⌐gion tout enti├¿re. On parcourait les villes pour r├⌐unir la main-d'oeuvre disponible et les compagnies de chemin de fer organisaient des excursions sp├⌐ciales ├á partir de l'Ontario, du Qu├⌐bec et des Maritimes pour r├⌐pondre ├á la demande cr├⌐├⌐e par les moissons. Le point culminant fut atteint en 1911, lorsque le ┬½train de la moisson┬╗ emmena trente-trois mille ouvriers dans les Prairies. On allait chercher les moissonneurs jusqu'aux ├ëtats-Unis et en Grande-Bretagne et en 1906, plus de quinze mille Britanniques vinrent offrir leurs services. L'argent exer├ºait un puissant attrait.
  48.  
  49.      Comme il fallait faire vite pour moissonner dans les Prairies, les agriculteurs offraient plusieurs fois le tarif usuel pour attirer des travailleurs robustes. Les qualit├⌐s exig├⌐es ├⌐taient la force, l'endurance et suffisamment de bon sens pour ├⌐viter les ennuis. Les moissonneurs effectuaient un travail ├⌐reintant du lever au coucher du soleil, six jours par semaine, et se d├⌐pla├ºaient d'une ferme ├á l'autre suivant les besoins. Une fois que les gerbes ├⌐taient mises en meulettes et que le temps commen├ºait ├á se g├óter, de nombreux moissonneurs rentraient chez eux. Ceux qui restaient ├⌐taient attir├⌐s par les salaires encore plus ├⌐lev├⌐s qu'on payait pour le travail plus sp├⌐cialis├⌐ du battage qui devait ├¬tre effectu├⌐ sous la menace constante des premiers gels. Si le mauvais temps n'avait pas entra├«n├⌐ de longues p├⌐riodes sans travail et si le battage n'avait pas ├⌐t├⌐ remis au printemps par suite d'un hiver pr├⌐coce, la plupart des travailleurs rentraient chez eux au terme de la moisson, en octobre ou en novembre, satisfaits des revenus amass├⌐s.
  50.  
  51. Les ouvriers de l'industrie du bois de construction 
  52.  
  53.      Les hommes qui ne retournaient pas dans l'Est pour l'hiver ou qui n'allaient pas peupler les villes des Prairies se rendaient souvent travailler dans les chantiers d'abattage du nord. En 1908, ├á l'├⌐poque o├╣ une industrie de la construction vigoureuse ├⌐difiait des villes champignons, trois mille hommes produisirent, dans la seule r├⌐gion de Prince Albert en Saskatchewan, 177 000 m├¿tres cubes (75 000 000 pieds-planche) de bois de construction. ├ëtant donn├⌐ le climat rigoureux du nord caract├⌐ris├⌐ par des temp├⌐ratures oscillant des semaines durant entre -30 C et -40 C, l'exploitation foresti├¿re ├⌐tait une entreprise difficile et dangereuse. G├¬n├⌐s dans leurs mouvements pas des v├¬tements lourds, les b├╗cherons devaient abattre les arbres dans la neige profonde. M├¬me si les journ├⌐es de travail ├⌐taient plus courtes en hiver, la plupart des travailleurs attendaient avec impatience le retour du printemps et la fin de leur isolement.
  54.  
  55.      Certains saisonniers ├⌐taient sans doute familiaris├⌐s avec la vie des chantiers de travail, mais pour le novice, les baraquements construits par les soci├⌐t├⌐s d'exploitation foresti├¿re ├⌐taient d'un confort bien maigre. Non seulement ils offraient une mauvaise protection contre le froid, mais l'air de l'int├⌐rieur ├⌐tait charg├⌐ de relents de salet├⌐, de fum├⌐e et de v├¬tements sales.
  56.  
  57. Les mineurs 
  58.  
  59.      Beaucoup d'ouvriers des Prairies cherchaient ├á travailler dans les mines en hiver, si bien que chaque printemps, les travailleurs quittaient en masse les villes mini├¿res dans un exode semblable mais moins consid├⌐rable que celui des chantiers d'abattage. Des travailleurs migrants ├⌐taient employ├⌐s dans les mines, mais la majorit├⌐ des mineurs saisonniers semblent avoir ├⌐t├⌐ des concessionnaires d'exploitation rurale qui vivaient dans le voisinage de la mine.
  60.  
  61.      Trois mineurs de charbon sur quatre travaillaient sous terre dans un espace r├⌐duit sujet aux affaissements et aux explosions. Des gar├ºons de dix ├á dix-sept ans ├⌐taient employ├⌐s comme perriers, comme graisseurs, comme aiguilleurs de chariots ├á charbon et comme porteurs de pics. Compte tenu du fait que l'industrie connaissait des fermetures r├⌐p├⌐t├⌐es et que les mineurs couraient un risque ├⌐lev├⌐ de contracter une anthracose, leur r├⌐mun├⌐ration ├⌐tait modeste. Les salaires les plus ├⌐lev├⌐s allaient aux mineurs contractuels qui ├⌐taient pay├⌐s au prorata du charbon qu'ils extrayaient. Ces ouvriers ├⌐taient l'├⌐lite professionnelle des mines.
  62.  
  63.      Les trois quarts des mineurs des Prairies travaillaient en Alberta, notamment ├á Lethbridge, Drumheller, Edmonton et dans le Pas du Nid-de-Corbeau. En 1914, plus de huit mille mineurs produisirent dans cette province pr├¿s de quatre millions de tonnes m├⌐triques de charbon destin├⌐es ├á alimenter les trains et ├á chauffer les habitations des Prairies. Bien que les mines fussent souvent situ├⌐es dans les plus beaux endroits, le milieu dans lequel vivaient le mineur et sa famille ├⌐tait souvent aussi morne que son lieu de travail souterrain.
  64.  
  65.      Les villes mini├¿res offraient invariablement aux hommes mari├⌐s des maisons identiques, de petites dimensions, qui appartenaient ├á la compagnie, et des baraquements aux c├⌐libataires. De laides b├ótisses utilitaires se pressaient autour du carreau dans un d├⌐cor de d├⌐chets min├⌐raux. Les mineurs ├⌐taient captifs du magasin de l'entreprise, cet ├⌐tablissement profiteur dont tous d├⌐pendaient vu qu'il n'y avait pas d'autre endroit o├╣ faire ses emplettes.
  66.  
  67.      Chose ├⌐tonnante si l'on songe aux conditions de travail dangereuses et au d├⌐cor repoussant, les collectivit├⌐s mini├¿res des Prairies jouissaient d'une stabilit├⌐ relative avant 1914. En regard des gr├¿ves nombreuses et prolong├⌐es qui frapp├¿rent le secteur des mines de charbon en Colombie-Britannique et dans les Maritimes avant la Premi├¿re Guerre mondiale, les manifestations publiques de m├⌐contentement ├⌐taient rares dans les Prairies.
  68.  
  69. L'exp├⌐rience urbaine 
  70.  
  71.      Les c├⌐libataires en particulier ├⌐taient attir├⌐s par les villes. Un agriculteur m├⌐content qui avait ├⌐t├⌐ incapable de retenir sa main-d'oeuvre se plaignait en ces termes :
  72.  
  73.      Les villes ├⌐taient illumin├⌐es; il y avait des gens, des spectacles de cin├⌐ma, des tavernes, des music-halls, des ├⌐glises, de la vie et de la lumi├¿re ├⌐lectrique. La ville offrait du travail bien r├⌐mun├⌐r├⌐; et l'horaire ├⌐tait r├⌐gulier, c'est-├á-dire tant d'heures de travail par jour, ni plus ni moins. Les soirs de la semaine et les dimanches ├⌐taient consacr├⌐s aux plaisirs et ├á la satisfaction ├⌐go├»ste des app├⌐tits.
  74.  
  75.      D├¿s 1911, 36 pour cent de la population des Prairies vivaient dans les villes qui fournissaient les biens et les services ├á la campagne environnante. Le principal centre urbain, Winnipeg, desservait la r├⌐gion toute enti├¿re, tandis que Saskatoon, Regina, Moose Jaw, Edmonton et Calgary r├⌐pondaient aux besoins locaux.
  76.  
  77.      Pour les travailleurs migrants, la ville ├⌐tait un centre de recrutement pour le travail sur les chemins de fer, dans la for├¬t et sur la ferme, ainsi qu'un refuge social contre l'isolement rural. Mais si l'hiver sur la ferme pouvait ├¬tre une p├⌐riode de repos pour le journalier c├⌐libataire, en ville, l'hiver pouvait ├¬tre une p├⌐riode de ch├┤mage. Une existence ais├⌐e n'├⌐tait pas garantie, et de nombreux citadins se retrouvaient ├⌐galement sans travail ├á cette ├⌐poque de l'ann├⌐e. La concurrence ├⌐tait acharn├⌐e et les ├⌐trangers ├á l'endroit ├⌐taient accueillis par une vive hostilit├⌐. Si un travailleur migrant avait le malheur de ne pas trouver un emploi ├á court terme, il devait faire durer le plus longtemps possible les ├⌐conomies amass├⌐es au cours de l'├⌐t├⌐. Autrement, il ne lui restait que les options humiliantes de la soupe et de la pri├¿re dans un foyer de l'Arm├⌐e du Salut ou de l'assistance municipale jusqu'au printemps.
  78.  
  79.      La langue et la comp├⌐tence d├⌐terminaient non seulement la r├⌐mun├⌐ration et la situation de l'ouvrier des Prairies, mais ├⌐galement s'il serait ou non r├⌐embauch├⌐ ├á la reprise des travaux au printemps. Alors que la plupart des ┬½├⌐trangers┬╗ venaient pour exploiter la terre, bon nombre d'entre eux ├⌐taient d'abord oblig├⌐s de gagner leur vie dans les chantiers d'abattage, dans la construction ferroviaire ou dans l'industrie. Lorsqu'ils allaient en ville pour chercher du travail, les non-anglophones avaient tendance ├á se regrouper, d'o├╣ vient que se form├¿rent dans la plupart des villes des Prairies des ghettos d'immigrants d'Europe orientale et centrale, dont le plus c├⌐l├¿bre se trouvait dans la partie nord de Winnipeg.
  80.  
  81.      Ignorants des coutumes canadiennes, ces immigrants ├⌐taient ├á la merci des exploiteurs et des x├⌐nophobes. C'est pourquoi apr├¿s 1913, lorsque l'├⌐conomie commen├ºa ├á se d├⌐t├⌐riorer, bon nombre furent chass├⌐s de leurs emplois. On en voulait aux Anglais nouvellement arriv├⌐s, reconnaissables ├á leur accent et ├á leurs v├¬tements, parce qu'ils ├⌐taient mieux re├ºus et qu'ils ├⌐taient g├⌐n├⌐ralement dans une meilleure position. Cependant, les immigrants non-anglophones devaient se rendre compte que la confiance qu'ils pla├ºaient dans leur propre communaut├⌐ ethnique ne les mettait pas ├á l'abri des tribulations li├⌐es ├á l'├⌐tablissement dans un nouveau pays. Les nouveaux venus ├⌐taient facilement exploit├⌐s par les gens de m├¬me langue. Les embaucheurs sans scrupule et les escrocs les consid├⌐raient comme des proies faciles et de nombreux immigrants payaient des loyers exorbitants pour vivre dans des ghettos. Dans ces quartiers, le surpleuplement et les insuffisances des installations sanitaires favorisaient les maladies, les ├⌐pid├⌐mies de variole survenues ├á Edmonton et ├á Winnipeg en 1904 en constituant les exemples les plus frappants.
  82.  
  83.      L'expansion urbaine qui pr├⌐c├⌐da la Premi├¿re Guerre mondiale permit la cr├⌐ation de quarante cinq mille emplois en 1911. Employ├⌐s comme briqueteurs, ma├ºons, menuisiers, peintres, tapissiers, plombiers et chaudronniers, les ouvriers de la construction ├⌐taient g├⌐n├⌐ralement bien r├⌐mun├⌐r├⌐s vu la forte demande qui existait pour leurs services. Leur capacit├⌐ salariale ├⌐tait cependant limit├⌐e par la nature saisonni├¿re du travail. Ph├⌐nom├¿ne symptomatique du boom, un grand nombre d'entreprises s'employ├¿rent ├á r├⌐pondre ├á une demande apparemment insatiable de mat├⌐riaux de construction. C'est ainsi que les fabriques de ch├óssis et de portes et les briqueteries occupaient toutes une demi-douzaine d'hommes ou davantage dans les services de la production et des ventes.
  84.  
  85.      Les usines de fabrication employaient trente mille hommes (c'est-├á-dire, 5,4 pour cent de la main-d'oeuvre des Prairies) en 1911, mais compar├⌐e ├á celle du centre du Canada, la capacit├⌐ de production des Prairies ne fut jamais tr├¿s consid├⌐rable. Winnipeg ├⌐tait la seule ville qui produisait des centaines d'articles -- allant des moteurs et des instruments de musique aux harnais et aux combinaisons de travail -- pour le march├⌐ des Prairies. D'autres centres des Prairies se sp├⌐cialisaient dans le traitement des produits agricoles. Les tanneries, les abattoirs, les cr├⌐meries et les minoteries employaient des centaines de personnes lorsque leurs produits ├⌐taient en demande et que les agriculteurs pouvaient fournir les mati├¿res premi├¿res.
  86.  
  87.      Les femmes qui travaillaient dans les villes occupaient des postes semi-sp├⌐cialis├⌐s et non sp├⌐cialis├⌐s tels que commis de magasin, couturi├¿res, marchandes de modes, serveuses, caissi├¿res, blanchisseuses et aides de cuisine. Certaines ├⌐taient employ├⌐es dans de petites fabriques produisant des denr├⌐es telles que v├¬tements, cigares et chocolats. En 1914, une femme d'├óge m├╗r touchait entre 6,50$ et 12$ par semaine pour cinquante ├á soixante heures de travail. Les jeunes femmes de moins de vingt et un ans gagnaient moins d'argent du fait qu'elles ├⌐taient cens├⌐es vivre chez leurs parents et les employ├⌐es de restaurant touchaient un salaire amput├⌐ de la valeur des repas ┬½gratuits┬╗ qu'elles prenaient au travail. M├¬me les femmes qui exer├ºaient les professions les mieux r├⌐mun├⌐r├⌐es, par exemple dans l'enseignement, gagnaient beaucoup moins que l'ouvrier masculin moyen et seulement le tiers environ du salaire d'un ouvrier qualifi├⌐ dans le secteur de la construction. Relativement peu nombreuses ├⌐taient celles qui avaient la chance de recevoir une formation d'infirmi├¿re et d'enseignante, et le nombre des emplois ┬½propres┬╗, par exemple au service d'une compagnie de t├⌐l├⌐phone, ├⌐tait limit├⌐.
  88.  
  89.      Le salaire de la plupart des travailleurs ├⌐tait juste suffisant pour payer le logement, la nourriture de base et des v├¬tements modestes. Beaucoup de familles comptaient sur le produit de leur jardin potager ou sur la viande et les l├⌐gumes fournis par des parents agriculteurs pour compl├⌐ter ce qu'ils pouvaient acheter. Avec l'aide de la famille, des voisins, des amis, des associations religieuses et, au besoin, de l'assistance municipale, les travailleurs et leur famille s'arrangeaient de leur mieux.
  90.  
  91.      Toute personne valide de plus de quatorze ans ├⌐tait cens├⌐e travailler; le ch├┤mage ├⌐tait consid├⌐r├⌐ comme une honte. Sur le chantier, les ouvriers ├⌐taient tenus de travailler rapidement et sans tr├¿ve, et les pauses ├⌐taient peu nombreuses. La journ├⌐e de travail s'├⌐tendait de huit heures du matin ├á six heures du soir, ├á raison de cinq jours et demi ou six jours par semaine. Les p├⌐riodes de repos ├⌐taient laiss├⌐es ├á la discr├⌐tion de l'employeur, pour qui la paresse ├⌐tait un vice aussi grave que l'impi├⌐t├⌐. Pour ├⌐viter les accidents en milieu de travail, les employ├⌐s devaient ├¬tre habiles et alertes, car l'hygi├¿ne et la s├⌐curit├⌐ industrielles ├⌐taient mal r├⌐glement├⌐es. Le principe de l'indemnisation ne fut introduit qu'apr├¿s la Premi├¿re Guerre mondiale et les malheurs personnels tels que les blessures ou les maladies prolong├⌐es pouvaient avoir des effets d├⌐sastreux du point de vue financier. Dans une telle situation, les enfants les plus ├óg├⌐s pouvaient ├¬tre oblig├⌐s d'abandonner l'├⌐cole de bonne heure pour gagner leur vie.
  92.  
  93.      Au moins les Prairies ├⌐taient-elles exempt├⌐es des fum├⌐es et de la salet├⌐ des r├⌐gions industrielles plus anciennes, ainsi que des maladies et des probl├¿mes sociaux qui s'y rattachent. Les trois gouvernements provinciaux avaient beau r├⌐clamer ├á grands cris le d├⌐veloppement de leur secteur industriel pour affranchir leur population de la suj├⌐tion saisonni├¿re ├á l'agriculture, la r├⌐gion des Prairies n'accueillit qu'un petit nombre d'usines.
  94.  
  95.      Dans l'espoir d'am├⌐liorer son sort, le travailleur typique des Prairies faisait la navette entre la ferme et l'usine de la ville. Il ├⌐tait facile de prendre la route plus prometteuse de la ferme pour ├⌐chapper aux frustrations de la vie urbaine lorsque le front pionnier et la ferme se trouvaient ├á deux pas de votre porte. Apr├¿s plusieurs ann├⌐es de grande mobilit├⌐, la plupart se rendirent compte qu'ils ne pourraient jamais r├⌐aliser une am├⌐lioration appr├⌐ciable de leur condition sociale et ├⌐conomique et finirent par s'├⌐tablir ├á la campagne ou ├á la ville.
  96.  
  97. Le d├⌐veloppement d'une conscience de classe chez les ouvriers 
  98.  
  99.      ├Ç l'exception de Winnipeg, les agglom├⌐rations des Prairies ├⌐taient petites et le peu d'importance des villes et le faible peuplement des campagnes constituaient un double obstacle pour les travailleurs d├⌐sireux de se d├⌐finir des objectifs communs. Ce n'├⌐tait l├á qu'un des obstacles au d├⌐veloppement d'un esprit de coh├⌐sion chez la classe ouvri├¿re. Le caract├¿re du milieu naturel des Prairies et la nature du peuplement cr├⌐├¿rent presque autant de tensions parmi les travailleurs eux-m├¬mes qu'entre les classes sociales.
  100.  
  101.      Les nouveaux venus avaient de la difficult├⌐ ├á communiquer entre eux en raison du nombre de langues diff├⌐rentes qu'ils parlaient, et dans certains secteurs il fut donc presque impossible d'unir les ouvriers et d'en faire une force grandissante gr├óce ├á la syndicalisation. De plus, les immigrants originaires de l'Europe continentale ├⌐taient tellement d├⌐sireux d'avoir un emploi qu'ils ├⌐taient pr├¬ts ├á accepter un niveau de vie inf├⌐rieur ├á celui des travailleurs qui vivaient depuis plus longtemps dans les Prairies. Les ouvriers agricoles saisonniers ne s'int├⌐ressaient que m├⌐diocrement ├á leur travail, sinon m├¬me ├á la r├⌐gion o├╣ ils s'installaient, et certains travailleurs, notamment les immigrants de fra├«che date, se raccrochaient ├á la croyance qu'un brillant avenir s'offrait ├á eux dans les Prairies. Par cons├⌐quent, il ├⌐tait difficile de les regrouper.
  102.  
  103.      De plus, le r├┤le jou├⌐ par chacun dans la soci├⌐t├⌐ ├⌐tait plus interchangeable qu'en Europe, car il arrivait que m├¬me des propri├⌐taires soient oblig├⌐s de travailler p├⌐riodiquement pour le compte d'autres personnes afin d'amasser les fonds qui leur ├⌐taient n├⌐cessaires. De plus, les distinctions respect├⌐es ailleurs s'estompaient avec l'arriv├⌐e de nombreux immigrants appartenant au m├¬me niveau socio-├⌐conomique; de plus, on jugeait les gens davantage sur leur m├⌐rite que sur leur provenance familiale, tendance qui d├⌐routait ceux qui ├⌐taient habitu├⌐s ├á un syst├¿me de classes plus structur├⌐.
  104.  
  105.      Malgr├⌐ ce facteur d'homog├⌐n├⌐isation, le contraste entre le niveau de la vie des ouvriers et celui de leurs employeurs devint plus manifeste au fur et ├á mesure que les villes des Prairies perdaient leur allure pionni├¿re et prirent un air de stabilit├⌐ et de permanence. Les commer├ºants ais├⌐s se firent construire des r├⌐sidences confortables dans des rues ├⌐cart├⌐es, bord├⌐es d'arbres et jouissant des belles vues de la localit├⌐. Ils faisaient partie des clubs de golf, de loisirs, de polo et d'hommes d'affaires, o├╣ ils organisaient les affaires de tous en fonction de leurs propres int├⌐r├¬ts. Ils appartenaient surtout aux ├ëglises anglicane, m├⌐thodiste et presbyt├⌐rienne, voyaient leurs noms appara├«tre dans la rubrique mondaine des journaux et accumulaient des objets mat├⌐riels, automobiles et maisons d'├⌐t├⌐, qui correspondaient ├á leur statut social.
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