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Text File  |  1996-08-11  |  33KB  |  93 lines

  1. LA MIGRATION D'ENFANTS BRITANNIQUES 
  2.  
  3. Joy Parr 
  4.  
  5.      Il y a ├á peine cinquante ans, les familles canadiennes ├⌐tablies sur des fermes cultivaient la terre, ├⌐levaient des enfants, faisaient la r├⌐colte, l'├⌐levage du b├⌐tail et des volailles, sans le secours du tracteur, de la trayeuse automatique, de la machine ├á laver, du r├⌐frig├⌐rateur ou de la cuisini├¿re ├⌐lectrique. Les travaux de ferme ├⌐taient p├⌐nibles et, concentr├⌐s en saison estivale, n├⌐cessitaient une importante main-d'oeuvre. Certaines familles ├⌐taient nombreuses et seuls le p├¿re, la m├¿re et les enfants assuraient alors la bonne marche de la ferme. Quant aux familles moins grandes et celles o├╣ les enfants, devenus adultes, ├⌐taient partis vivre ├á la ville ou aux ├ëtats-Unis, elles devaient recruter une main-d'oeuvre suppl├⌐mentaire ├á l'ext├⌐rieur. 
  6.  
  7.      Dans l'Est du Canada, il devint difficile de trouver une telle main-d'oeuvre ├á partir de 1880. Les nouveaux immigrants s'├⌐tablissaient, d├¿s leur arriv├⌐e, dans l'Ouest, o├╣ il ├⌐tait plus facile de trouver des terres. Les salaires et le mode de vie urbains attiraient les jeunes gens; aussi quittaient-ils leurs r├⌐gions rurales d'origine pour s'installer ├á la ville. 
  8.  
  9.      Dans les provinces de l'Atlantique et au Qu├⌐bec, mais particuli├¿rement dans le Sud de l'Ontario, on fit venir de Grande-Bretagne des enfants pour regarnir les rangs de la main-d'oeuvre rurale. Les enfants ├⌐taient accueillis dans des foyers canadiens et ils travaillaient aux c├┤t├⌐s des membres de la famille comme ouvriers agricoles en apprentissage ou comme domestiques, un contrat bilat├⌐ral apportait des pr├⌐cisions quant aux soins, ├á l'├⌐ducation et au salaire qu'ils devaient recevoir. Entre 1868 et 1915, 77 000 gar├ºons et filles britanniques vinrent au Canada, sur l'initiative d'agences d'immigration, et plusieurs autres milliers arriv├¿rent de 1920 ├á 1939. On les appelait, en anglais, les ┬½Home Children┬╗, ├⌐tant donn├⌐ qu'ils ├⌐taient envoy├⌐s par des organismes ou ┬½foyers┬╗, de placement britanniques ├⌐tablis dans diverses villes canadiennes, mais peut-├¬tre ├⌐galement parce qu'ils arrivaient de Grande-Bretagne, la m├¿re patrie des Canadiens anglais. Leur histoire pr├⌐sente un int├⌐r├¬t car la triste situation de ces enfants para├«t pratiquement invraisemblable aux observateurs d'aujourd'hui, et elle met en lumi├¿re la vie des enfants au XIXe si├¿cle. 
  10.  
  11.      Au cours du si├¿cle qui s├⌐para les guerres napol├⌐oniennes de la Premi├¿re Guerre mondiale, un nombre sans pr├⌐c├⌐dent d'Europ├⌐ens ├⌐migr├¿rent en Am├⌐rique du Nord. Certains ├⌐taient mus par le d├⌐sespoir, apr├¿s que la r├⌐volution industrielle ou les r├⌐formes agraires les eussent spoli├⌐ de leurs moyens d'existence; les autres ├⌐taient attir├⌐s vers les terres plus riches d'outre mer, aux populations moins denses, par des r├¬ves de fortune et de puissance. Presque toujours, les ├⌐migrants choisissaient eux-m├¬mes leur destination, payaient la travers├⌐e et s'installaient sur le nouveau continent sans avoir obtenu d'aide du gouvernement. Les ┬½Home Children┬╗ faisaient toutefois exception ├á cette situation habituelle. Dix pour cent d'entre eux venaient de maisons de redressement britanniques et leur passage pour le Canada ├⌐tait d├⌐fray├⌐ par la Grande-Bretagne; des institutions philanthropiques anglaises et ├⌐cossaises recueillaient des fonds aupr├¿s des particuliers afin de patronner les autres. 
  12.  
  13.      C'est en 1826 que fut ├⌐mise pour la premi├¿re fois l'id├⌐e de subventionner l'├⌐migration de jeunes gens, quand un juge d'instruction anglais d├⌐clara que la ville de Londres contenait ┬½un trop grand nombre d'enfants┬╗ et qu'en cons├⌐quence le taux de d├⌐linquance juv├⌐nile augmentait. L'├⌐migration serait une soupape par laquelle on pourrait se lib├⌐rer, dans l'int├⌐r├¬t de l'ordre public, des tensions caus├⌐es par l'explosion de la population. Une soci├⌐t├⌐ en faveur de la suppression du vagabondage juv├⌐nile, la Children's Friend Society, envoya quelques jeunes gens dans le Haut Canada et au cap de Bonne Esp├⌐rance au cours des ann├⌐es 1830. La Shaftesbury Society patronna, tout au long des ann├⌐es 1850, l'├⌐migration vers l'Australie et le Canada de groupes de gar├ºons des ┬½ragged schools┬╗ de Londres, oeuvres de bienfaisance faisant office d'├⌐coles du soir pour les enfants qui travaillaient. Mais c'est au cours de la crise persistante du dernier quart du si├¿cle que l'├⌐migration devint la solution au surplus d'orphelins, d'enfants abandonn├⌐s, n├⌐glig├⌐s ou d├⌐linquants qui erraient dans les villes britanniques. Jusqu'en 1930, la plupart des jeunes gens qui ├⌐migraient de la Grande-Bretagne sous le patronage d'une institution quelconque venaient au Canada. Par la suite, l'Australie devint leur principale destination. 
  14.  
  15.      Il existe un parall├¿le entre l'origine, l'application et le d├⌐clin de la politique d'├⌐migration juv├⌐nile comme solution au surplus d'enfants en Grande-Bretagne d'une part, et l'├⌐volution des id├⌐es au sujet de la nature m├¬me de l'enfance d'autre part, id├⌐es qui ont beaucoup ├⌐volu├⌐ au cours du dix-neuvi├¿me si├¿cle. Les concepts entourant le monde de l'enfance sont changeants, car ce stade de la vie est d├⌐fini sur le plan social plut├┤t que physique. 
  16.  
  17.      Au cours des premiers mois suivant la naissance, la physiologie des enfants est diff├⌐rente de celle des adultes, la capacit├⌐ de leur estomac ├á dig├⌐rer les aliments n'est pas la m├¬me, non plus que leur facult├⌐ de focalisation visuelle. Quand ils perdent ces caract├⌐ristiques physiologiques, principalement lorsqu'ils sont sevr├⌐s et qu'ils ne d├⌐pendent plus seulement du lait pour se nourrir, c'est que le stade de la prime enfance est termin├⌐, et l'attitude des adultes envers eux se modifie. La nature et la dur├⌐e de ce premier stade de l'enfance ont toujours ├⌐t├⌐ les m├¬mes d'une ├⌐poque ├á l'autre, car les soins et l'attention ├á apporter ├á ces enfants en bas ├óge sont d├⌐termin├⌐s fondamentalement par leurs besoins physiques. 
  18.  
  19.      Par contre, l'enfance qui suit est essentiellement d├⌐finie par la culture, et les concepts qui s'y rapportent varient selon l'endroit et l'├⌐poque. Qui sont les enfants et quelles sont les activit├⌐s et les caract├⌐ristiques qui leur sont propres? Voil├á autant d'id├⌐es qui varient suivant la conjoncture sociale et ├⌐conomique. Au XIXe si├¿cle, on attribuait aux enfants des droits et des r├┤les diff├⌐rents selon que leurs parents ├⌐taient riches ou pauvres. 
  20.  
  21.      L'├⌐volution de l'attitude vis-├á-vis de l'enfance entra├«na d'autres changements sur le plan l├⌐gislatif qui eurent des r├⌐percussions sociales et ├⌐conomiques d'envergure. C'est au cours des ann├⌐es 1830 que furent envoy├⌐s au Canada les premiers enfants, apr├¿s que le Parlement britannique e├╗t vot├⌐ des lois ├⌐nergiques stipulant que les personnes ├óg├⌐es de moins de treize ans ne devaient pas travailler dans les usines aussi longtemps que les adultes ni ├¬tre astreints ├á des t├óches aussi dures, et que leur r├┤le de travailleurs industriels devait ├¬tre d├⌐fini diff├⌐remment. Les propri├⌐taires d'usines ├⌐taient moins enclins ├á embaucher des enfants s'ils ne pouvaient exiger d'eux une journ├⌐e compl├¿te de travail dans tout secteur o├╣ le besoin s'en faisait sentir. Ce changement dans la conception des droits des enfants appartenant ├á la classe ouvri├¿re pauvre ne fit qu'aggraver le probl├¿me des maisons de redressement et des oeuvres de bienfaisance qui ne suffisaient plus ├á la t├óche; aussi, au cours des vingt ann├⌐es qui suivirent, les autorit├⌐s britanniques allaient-elles envoyer par intermittence des gar├ºons et des filles dans les colonies o├╣ il n'y avait aucune restriction quant ├á l'embauchage d'enfants comme ouvriers agricoles ou comme domestiques. 
  22.  
  23.      Vers 1870, tandis que les premiers contingents de jeunes britanniques d├⌐barquaient au Canada chaque ann├⌐e, les directeurs d'orphelinats, de maisons de redressement et d'├⌐tablissements du genre en Grande-Bretagne avaient commenc├⌐ ├á s'interroger sur les caract├¿res individuels de leurs pensionnaires et sur la valeur de leur travail. Jusqu'alors, on s'├⌐tait content├⌐ d'inculquer aux jeunes gens des principes moraux. ├Ç pr├⌐sent, les enseignants et les travailleurs sociaux soutenaient que les enfants, ├á l'instar des plantes, d├⌐veloppent un caract├¿re fort dans un milieu sain, et un caract├¿re an├⌐mique dans un milieu d├⌐ficient. Le milieu le plus sain croyait-on, ├⌐tait la famille rurale. 
  24.  
  25.      Durant la premi├¿re moiti├⌐ du XIXe si├¿cle, les jeunes pensionnaires des instituts britanniques avaient v├⌐cu dans de grandes casernes entour├⌐es de murs ├⌐lev├⌐s ou ils ├⌐tait soumis ├á une discipline rigide, voyaient peu du monde ext├⌐rieur et recevaient peu d'affection. Ils s'adaptaient en devenant impassibles, soumis et r├⌐serv├⌐s. 
  26.  
  27.      Les dirigeants de ces institutions craignaient que leurs pensionnaires ne deviennent ni de bons travailleurs, ni de bons parents, une fois rendus ├á l'├óge adulte. Certaines institutions plus philanthropiques tent├¿rent d'am├⌐liorer l'ambiance dans laquelle vivaient leurs pensionnaires en rempla├ºant les baraques par des pavillons et les aust├¿res ┬½matrones┬╗ par des surveillantes plus ┬½maternelles┬╗. Cependant, il semblait de plus en plus que le milieu id├⌐al pour les orphelins et les enfants abandonn├⌐s ou n├⌐glig├⌐s ├⌐tait celui des foyers priv├⌐s, o├╣ ils pouvaient ├¬tre plac├⌐s en pension ou en apprentissage. En Grande-Bretagne, il y avait plus d'enfants abandonn├⌐s que de foyers pouvant accueillir des pensionnaires ou des apprentis, mais, dans les fermes canadiennes, ces enfants ├⌐taient les bienvenus ├⌐tant donn├⌐ l'aide qu'ils apportaient. En outre, ils ne repr├⌐sentaient qu'un l├⌐ger fardeau suppl├⌐mentaire, car, comme le faisait remarquer un fermier ├á l'├⌐poque, ┬½il est aussi facile de nourrir un enfant que de nourrir un poulet┬╗. 
  28.  
  29.      Les agences qui se chargeaient de l'immigration des jeunes gar├ºons et des jeunes filles britanniques ne s'attendaient pas ├á ce que leurs prot├⌐g├⌐s soient adopt├⌐s par les couples canadiens, ni ├á ce qu'ils soient int├⌐gr├⌐s aux familles canadiennes au point d'en partager le patrimoine. Les jeunes Britanniques ├⌐taient, dans leur apparence, leur langage et leur comportement, si diff├⌐rents des enfants canadiens du m├¬me ├óge que les Canadiens pourraient difficilement les traiter comme les leurs; ils seraient, de pr├⌐f├⌐rence, consid├⌐r├⌐s comme des membres de la maison, des pensionnaires et des apprentis, salari├⌐s plut├┤t que participants au patrimoine familial. Toutefois, les institutions britanniques esp├⌐raient que leurs jeunes, en tant que membres des foyers o├╣ ils ├⌐taient plac├⌐s, recevraient plus d'attention individuelle, adopteraient de meilleures m├⌐thodes de travail et seraient mieux pr├⌐par├⌐s ├á fonder plus tard leur propre famille. 
  30.  
  31.      Le programme de placement de jeunes Britanniques en pension ou en apprentissage dans des foyers canadiens, tel qu'il fut men├⌐ durant la derni├¿re partie du XIXe si├¿cle, est analogue ├á la politique adopt├⌐e par le gouvernement ontarien ├á l'endroit des orphelins et des enfants abandonn├⌐s, depuis les premiers jours du Haut-Canada. Au sein de la colonie toutefois, les entants ├⌐taient plac├⌐s en apprentissage dans des foyers plut├┤t que dans des institutions, non par parce que l'on consid├⌐rait les premiers naturellement pr├⌐f├⌐rables aux secondes, mais bien parce que les fonds gouvernementaux ├⌐taient insuffisants et le nombre d'enfants dans le besoin trop peu ├⌐lev├⌐ pour justifier la cr├⌐ation de grands orphelinats. 
  32.  
  33. Agences d'├⌐migration des enfants 
  34.  
  35.      Les pionniers du mouvement d'├⌐migration des jeunes au Canada furent deux femmes aux motifs et aux caract├¿res fort diff├⌐rents. Maria Susan Rye, une f├⌐ministe de Londres, s'├⌐tait occup├⌐e de l'├⌐migration de groupes de femmes vers l'Australie et la Nouvelle-Z├⌐lande au cours des ann├⌐es 1860, esp├⌐rant leur trouver un travail utile et leur assurer un statut de femmes mari├⌐es et respectables, ce qu'elles ne pouvaient attendre de la m├¿re patrie, o├╣ les possibilit├⌐s de mariage ├⌐taient aussi minces que les possibilit├⌐s d'emploi. En 1868, elle changea leur destination pour le Canada et, en 1869, elle abandonna son travail pour la cause des jeunes femmes afin de concentrer ses efforts sur l'├⌐migration des jeunes filles. Comptant parmi ses relations des personnages influents, Maria Susan Rye fit conna├«tre publiquement la politique du gouvernement britannique concernant l'├⌐migration des enfants, et elle lui gagna l'appui de politiciens canadiens ├⌐minents. 
  36.  
  37.      Quant ├á Annie Macpherson, une quakeresse d'origine ├⌐cossaise, elle commen├ºa ├á envoyer au Canada des enfants de son ├⌐tablissement, le London Home of Industry, en 1870. Membre bien connu du mouvement ├⌐vang├⌐lique des chr├⌐tiens britanniques, elle voyait dans l'├⌐migration au Canada la solution d'un probl├¿me ├á la fois religieux et social. Le passage des ┬½repaires de l'iniquit├⌐┬╗ britanniques aux foyers ruraux du Canada, dont l'ambiance ├⌐tait ├á la mod├⌐ration et ├á la d├⌐votion, serait salutaire pour les jeunes ├ómes et assurerait aux enfants la sauvegarde de leurs futurs moyens d'existence. 
  38.  
  39.      Au cours des ann├⌐es 1870, beaucoup d'autres institutions ├⌐vang├⌐liques bien connues envoy├¿rent au Canada des jeunes, accompagn├⌐s par Mlle Macpherson ou par sa soeur, Louisa Birt, afin qu'ils soient plac├⌐s par leurs agences canadiennes ├á Knowlton, au Qu├⌐bec, et ├á Belleville, Galt et Stratford, en Ontario. Par la suite, plusieurs des ces institutions, dont les Dr. Barnardo's Homes de l'est de Londres, les William Quarrier's Homes de Bridge of Weir, dans le Renfrewshire, les Leonard Shaw's Manchester Boys and Girls Refuges, les refuges J.W.C. Fegan des quartiers de Southwark et de Westminster, Miss Stirling d'Edimbourg et de Leith, et la Church of England Waifs and Strays Society, fond├¿rent leurs propres agences canadiennes. 
  40.  
  41.      Vers 1890, les foyers du Dr Barnardo ├⌐taient devenus les plus actifs et les plus avant-gardistes au sein du mouvement; un tiers des enfants britanniques qui ├⌐migr├¿rent au Canada dans le cadre de programmes d'assistance, entre la naissance de la Conf├⌐d├⌐ration et la Premi├¿re Guerre mondiale, ├⌐taient envoy├⌐s par cette seule institution. 
  42.  
  43.      Deux autres organismes protestants, les Middlemore Homes de Birmingham et les National Children's Homes, patronn├⌐s par l'├ëglise m├⌐thodiste d'Angleterre, cr├⌐├¿rent des programmes d'├⌐migration ind├⌐pendants de ceux d'Annie Macpherson. Les organisations catholiques dioc├⌐saines en Angleterre oeuvraient dans le m├¬me sens; environ dix pour cent des enfants plac├⌐s dans les foyers canadiens ├⌐taient catholiques. 
  44.  
  45.      Les soci├⌐t├⌐s britanniques avaient des raisons majeures, tant sur le plan financier que religieux et social, pour ├⌐tablir des agences canadiennes. Les programmes d'├⌐migration constituaient une mesure venant ├á la rescousse de leur situation financi├¿re. Le prix de la travers├⌐e ├⌐quivalait environ au montant annuel de la pension dans un ┬½foyer┬╗ anglais. Une fois plac├⌐ dans la colonie, l'enfant co├╗tait tr├¿s peu ├á l'institution. De plus, la proximit├⌐ du Canada en faisait la destination la moins co├╗teuse, et donc la plus avantageuse, pour les ├⌐migrants. Chaque enfant qui s'embarquait pour la colonie laissait derri├¿re lui un lit libre, ce qui permettait aux oeuvres de bienfaisance d'├⌐tendre leur secours ├á d'autres enfants sans avoir ├á agrandir leurs installations. 
  46.  
  47. La vie des jeunes immigrants 
  48.  
  49.      La plupart des enfants qui d├⌐barqu├¿rent au Canada entre 1869 et 1924 ├⌐taient n├⌐s en Grande-Bretagne, principalement ├á Londres, Liverpool, Manchester, Bristol et Glasgow. Ils se retrouvaient dans les institutions dot├⌐es de programmes d'├⌐migration pour diverses raisons. Harry Gossage, qui avait ├⌐t├⌐ vendu ├á deux joueurs d'orgue de Barbarie par sa m├¿re, ├á l'├óge de onze ans, et abandonn├⌐ plusieurs mois apr├¿s dans un petit village de campagne, fut plac├⌐ dans un orphelinat par un pasteur de l'endroit qui voulait lui ├⌐viter la maison de redressement. Harry fut envoy├⌐ au Qu├⌐bec parce que les autorit├⌐s de l'orphelinat craignaient que sa m├¿re ne v├«nt le r├⌐clamer, ce qu'elle fit d'ailleurs quatre jours avant son d├⌐part. 
  50.  
  51.      Le p├¿re de Sally et d'Alice Cooper abandonna leur m├¿re qui chercha alors refuge, pour elle et sa famille, ├á la maison de redressement de Kenilworth, parce qu'elle ne pouvait subvenir aux besoins des siens avec son salaire de couturi├¿re. L'assistance fournie par la communaut├⌐ ├⌐tait des plus minces et deux des enfants moururent. En proie ├á la crainte, la femme quitta l'├⌐tablissement pour reprendre son travail de couturi├¿re. Elle constata de nouveau que son salaire ├⌐tait insuffisant et, pour r├⌐duire le nombre de bouches ├á nourrir, elle c├⌐da Sally et Alice ├á un ┬½foyer┬╗. Apr├¿s quelque temps, les dirigeants de l'├⌐tablissement, submerg├⌐s de demandes et optimistes quant aux perspectives qui s'offraient aux enfants dans les colonies, lui firent savoir que ses deux petites filles seraient envoy├⌐es au Canada. Elle protesta mais les autorit├⌐s lui rappel├¿rent qu'elle avait consenti par ├⌐crit ├á l'├⌐migration de ses deux enfants, lorsqu'elle les avait confi├⌐es au ┬½foyer┬╗. ├Ç l'├óge de neuf et de onze ans, les deux jeunes soeurs Cooper ├⌐migr├¿rent donc au Canada pour y ├¬tre plac├⌐es en apprentissage. 
  52.  
  53.      La plupart des enfants qui ├⌐migr├¿rent au Canada n'├⌐taient pas orphelins. Ils laissaient en Grande-Bretagne une famille, qui ├⌐tait incapable de subvenir ├á leurs besoins ├á une ├⌐poque o├╣ il n'y avait ni assurance-ch├┤mage, ni assistance publique, ni pension de veuves. Certains enfants quittaient des foyers o├╣ ils avaient ├⌐t├⌐ souvent maltrait├⌐s; certains ├⌐taient des enfants qu'on avait trouv├⌐s et dont on ne connut jamais les parents, et certains ├⌐taient envoy├⌐s au Canada parce que leurs parents ├⌐taient en prison, ├á l'h├┤pital ou ├á l'asile, ou encore se livraient ├á des activit├⌐s ou avaient des relations que les agents d'├⌐migration jugeaient immorales. Mais dans l'ensemble, les enfants qui ├⌐migraient au Canada y ├⌐taient forc├⌐s par la pauvret├⌐ de leurs familles alli├⌐e ├á celle des institutions philanthropiques qui tentaient d'aider les familles en d├⌐tresse. 
  54.  
  55.      On incitait les enfants ├á concevoir l'├⌐migration comme un aventure. Les jeunes gar├ºons qui avaient regard├⌐ passer les grands navires sur la Tamise et qui s'├⌐taient d├⌐lect├⌐ des r├⌐cits d'outre-mer br├╗laient du d├⌐sir d'aller au Canada, mais les jeunes filles envisageaient souvent cette perspective avec plus d'agitation. Assur├⌐ment, certains enfants avaient entendu des adultes qui craignaient que l'├⌐migration ne s'av├⌐r├ót une triste aventure et une mesure disciplinaire; ces appr├⌐hensions se rencontraient souvent parmi la classe ouvri├¿re. Mais les promesses des autorit├⌐s surent convaincre les enfants. Aucun enfant ne s'embarqua pour le Canada sans y avoir d'abord consenti, soi-disant de son plein gr├⌐. 
  56.  
  57.      Avant son d├⌐part, chaque enfant recevait de nouvelles chaussures, des v├¬tements d'├⌐t├⌐ et d'hiver, ainsi qu'une bible. Tous ces articles ├⌐taient plac├⌐s dans la traditionnelle malle en bois de l'├⌐migrant, qui portait le nom du ┬½futur┬╗ canadien, inscrit ├á la peinture. 
  58.  
  59.      Les jeunes ├⌐migrants se rendaient d'abord en train jusqu'├á Liverpool, o├╣ ils prenaient le bateau pour Halifax ou St-Jean si le Saint-Laurent ├⌐tait pris par les glaces, ou encore pour Qu├⌐bec si la saison s'y pr├¬tait. Au port d'arriv├⌐e, des fonctionnaires du service canadien de l'immigration effectuaient un examen m├⌐dical superficiel, apr├¿s quoi les enfants montaient ├á bord de wagons sp├⌐ciaux pour entreprendre la derni├¿re ├⌐tape de leur voyage qui les conduirait dans de nombreux foyers de placements r├⌐partis ├á travers l'Est du Canada. 
  60.  
  61.      Ces foyers portaient bien leur nom; ils ne pouvaient accommoder que le personnel de bureau, les pr├⌐pos├⌐s ├á l'inspection et un petit nombre d'enfants. Les nouveaux arrivants ├⌐taient log├⌐s temporairement dans des baraques, en attendant d'├¬tre plac├⌐s dans les foyers canadiens. 
  62.  
  63.      Les fermiers et les ma├«tresses de maison qui ├⌐crivaient aux foyers de placement pour r├⌐clamer les services d'un enfant immigrant ├⌐taient pri├⌐s de remplir un formulaire et d'y indiquer leur appartenance religieuse ainsi que le nombre de leurs enfants. On sollicitait ├⌐galement des r├⌐f├⌐rences confidentielles aupr├¿s de leur pasteur, apr├¿s quoi on pouvait proc├⌐der ├á la s├⌐lection. Il n'y avait normalement aucune entrevue, ni aucune inspection des foyers. 
  64.  
  65.      On pr├⌐f├⌐rait placer tous les enfants dans un milieu rural. La plupart des gar├ºons ├⌐taient envoy├⌐s dans des fermes pour y entreprendre leur apprentissage du travail agricole, mais les jeunes gens moins robustes entraient comme domestiques ├á l'emploi de personnes exer├ºant des professions lib├⌐rales. Les jeunes filles ├⌐taient envoy├⌐es dans de petites villes ou encore dans des foyers ruraux pour y travailler elles aussi comme domestiques. 
  66.  
  67.      Pour beaucoup de jeunes Britanniques, l'adaptation ├á la vie au sein d'une famille canadienne n'├⌐tait pas chose facile; pas plus qu'il n'├⌐tait facile pour les familles canadiennes d'accepter les curieuses fa├ºons de ces jeunes ├⌐trangers. La plupart d'entre eux souffraient du fait qu'ils ├⌐taient en apprentissage et non pas adopt├⌐s, et qu'ils ├⌐taient membres de la maisonn├⌐e plut├┤t que membres de la famille. 
  68.  
  69.      Les signes de la tension ainsi cr├⌐├⌐e ├⌐taient nombreux. Les jeunes britanniques plac├⌐s en apprentissage changeaient souvent de foyer; la moyenne ├⌐tait de quatre pendant les cinq premi├¿res ann├⌐es pass├⌐es au Canada. Entre 1888 et 1892, une petite fille eut onze foyers diff├⌐rents, de 9 ├á 13 ans. 
  70.  
  71.      Beaucoup d'enfants ├⌐taient renvoy├⌐s par leurs ┬½employeurs┬╗ parce qu'ils ├⌐taient trop petits, c'est-├á-dire pas assez robustes ni assez exp├⌐riment├⌐s pour accomplir le travail qu'on attendait d'eux. ├Ç ce chapitre, les exigences des fermiers et des ma├«tresses de maison n'├⌐taient pas excessives mais, semble-t-il, plut├┤t irr├⌐fl├⌐chies. Ils croyaient que les gar├ºons et les filles britanniques seraient comme les enfants canadiens qu'ils connaissaient, et qu'ils auraient la m├¬me taille, la m├¬me r├⌐sistance physique et les m├¬mes dispositions ├⌐motives. Or, les jeunes Britanniques affaiblis qui venaient ├á peine de d├⌐barquer au Canada ├⌐taient de taille plus petite et de force moindre que les enfants canadiens ├⌐lev├⌐s ├á la campagne. Ils avaient ├⌐t├⌐ moins bien nourris et ils avaient grandi dans un entourage qui n'├⌐tait pas aussi sain. En outre, ils ├⌐taient en proie ├á l'anxi├⌐t├⌐ dans ce nouveau milieu qui leur ├⌐tait peu familier. Ce qui ├⌐tait cependant plus ennuyeux pour leurs ma├«tres et pour leurs ma├«tresses, c'est qu'ils ne connaissaient rien des travaux de la ferme et tr├¿s peu du mode de vie des foyers ruraux. Les Canadiens pouvaient facilement se m├⌐prendre sur la situation difficile dans laquelle se trouvaient leurs jeunes apprentis et, confondant le manque d'exp├⌐rience avec le manque d'intelligence, les renvoyer pour leur lourdeur ou leur stupidit├⌐. 
  72.  
  73.      Il y avait ├⌐galement des raisons ├⌐conomiques aux fr├⌐quents changements de foyer. La contribution des gar├ºons et des filles aux travaux de la ferme et ├á l'entretien m├⌐nager augmentait avec l'├óge et l'exp├⌐rience. Aussi, les repr├⌐sentants des agences britanniques, soucieux d'obtenir un traitement ├⌐quitable pour leurs prot├⌐g├⌐s, demandaient-ils r├⌐guli├¿rement une augmentation de salaire en reconnaissance des capacit├⌐s accrues de ceux-ci. Ces n├⌐gociations pouvaient ├¬tre p├⌐nibles pour le jeune immigrant, car les ma├«tres et les ma├«tresses de maison faisaient alors ressortir toutes les d├⌐faillances pour les opposer aux ├⌐l├⌐ments justifiant une nouvelle entente salariale. Quand les n├⌐gociations ├⌐chouaient, les jeunes plac├⌐s en apprentissage ├⌐taient retir├⌐s du foyer pour ├¬tre envoy├⌐s dans un autre, d'un district diff├⌐rent. Ce transfert d'un foyer ├á l'autre rappelait douloureusement ├á l'enfant que les foyers canadiens faisaient une diff├⌐rence entre les domestiques et les membres de la famille. 
  74.  
  75.      La situation particuli├¿re du jeune Britannique plac├⌐ en apprentissage avait ├⌐galement une incidence sur sa fr├⌐quentation scolaire. ├Ç l'├⌐poque, dans les r├⌐gions rurales, la plupart des enfants n'allaient pas ├á l'├⌐cole lorsqu'on avait besoin d'eux ├á la maison. Les gar├ºons les plus ├óg├⌐s y allaient en hiver, alors qu'il n'y avait pas de travaux ├á faire dans les champs; les gar├ºons et filles les plus jeunes ├⌐taient envoy├⌐s ├á l'├⌐cole en ├⌐t├⌐, pour ne pas nuire ├á la bonne marche des travaux; quant aux filles les plus ├óg├⌐es qui devaient s'occuper des jeunes et entretenir la maison pendant toute l'ann├⌐e, il leur ├⌐tait difficile de fr├⌐quenter l'├⌐cole de fa├ºon r├⌐guli├¿re, quelle que soit la saison. Les jeunes immigrants devaient se soumettre ├á cet ├⌐tat de chose; de plus, comme ils avaient ├⌐t├⌐ embauch├⌐s pour se rendre utiles sur la ferme et dans la maison, il ├⌐tait peu probable qu'on leur accord├ót le ┬½loisir┬╗ de fr├⌐quenter l'├⌐cole plut├┤t qu'aux jeunes Canadiens qui travaillaient ├á leurs c├┤t├⌐s. Nombre de ces enfants ne fr├⌐quentaient jamais plus l'├⌐cole de fa├ºon r├⌐guli├¿re, une fois d├⌐barqu├⌐s au Canada, ce qui constituait un handicap qui limitait leurs chances de r├⌐ussite future. 
  76.  
  77.      Durant leurs premi├¿res ann├⌐es au Canada, les jeunes plac├⌐s en apprentissage ├⌐taient souvent seuls, en proie au vague ├á l'├óme et ├á la nostalgie du pays natal, de la famille et de leurs amis, abattus par le caract├¿re morne de la vie dans une ferme isol├⌐e (eux qui avaient connu la vie tr├⌐pidante et color├⌐e des villes britanniques), et suspects aux yeux des employeurs canadiens comme ├á ceux de leurs voisins, ├á cause de leurs origines obscures et de leur accent ├⌐tranger. 
  78.  
  79.      Il y avait toutefois des avantages ├á arriver au Canada durant l'enfance plut├┤t qu'├á l'├óge adulte. La nourriture y ├⌐tait moins ch├¿re et plus abondante, l'air et l'eau plus purs. La condition physique des enfants s'am├⌐liorait nettement apr├¿s ├⌐migration. Ils devenaient plus grands et plus vigoureux, plus r├⌐sistants aux maladies des poumons, de la peau et des yeux, v├⌐ritables fl├⌐aux des bas-quartiers en Grande Bretagne. Une fois leur apprentissage termin├⌐, ils ├⌐taient plus habitu├⌐s aux m├⌐thodes de travail et aux coutumes de la soci├⌐t├⌐ canadienne; il leur ├⌐tait donc plus facile de s'y int├⌐grer en tant qu'adultes que cela ne l'├⌐tait pour les immigrants britanniques qui ├⌐taient arriv├⌐s apr├¿s eux, ├á un ├óge plus avanc├⌐. En outre, la nostalgie du pays s'├⌐tait estomp├⌐e, ils ├⌐taient maintenant entour├⌐s d'amis canadiens et avaient acquis un certain sens des possibilit├⌐s qui leur ├⌐taient offertes au Canada. 
  80.  
  81.      D'habitude, les hommes et les femmes qui avaient immigr├⌐ au Canada dans leur enfance quittaient les r├⌐gions rurales peu apr├¿s avoir termin├⌐ leur apprentissage. ├Ç l'instar de beaucoup de jeunes Canadiens au tournant du si├¿cle, ils quittaient les fermes isol├⌐es o├╣ ils avaient grandi pour chercher fortune et une vie plus passionnante dans les grandes villes canadiennes ou am├⌐ricaines. Ceux dont l'apprentissage avait ├⌐t├⌐ rude ou ceux qui avaient connu la solitude avaient perdu leur conception souvent romantique de la vie ├á la ferme. Certains partaient bien vers l'Ouest -- souvent par train, dans le cadre des voyages sp├⌐ciaux organis├⌐s ├á l'├⌐poque des moissons -- pour tenter leur chance comme fermiers dans les Prairies. Peu d'entre eux cependant restaient sur leur terre bien longtemps, car les ├⌐conomies d'un apprenti n'├⌐taient pas suffisantes pour lui permettre d'acheter tout l'├⌐quipement dont il avait besoin pour s'installer ├á son compte. 
  82.  
  83.      Les jeunes immigrants poss├⌐daient rarement l'instruction ou l'argent n├⌐cessaires pour acqu├⌐rir une formation professionnelle et embrasser une carri├¿re d'infirmier, d'enseignant, de m├⌐decin ou de pasteur; peu d'entre eux poss├⌐daient m├¬me une scolarit├⌐ suffisante pour leur permettre d'occuper un poste de ┬½col blanc┬╗ comme celui d'employ├⌐ de bureau. On les retrouvaient d'habitude dans des occupations reli├⌐es au secteur des services, au secteur manufacturier, ainsi que celui de l'exploitation des ressources. 
  84.  
  85.      Le ┬½dossier┬╗ des jeunes Britanniques ayant immigr├⌐ du Canada est admirable: de toute ├⌐vidence, ils n'├⌐taient ni paresseux, ni d├⌐biles, ni criminels. Leur ├⌐migration au Canada ne leur a pas souvent apport├⌐ richesse ni gloire, mais elle leur a quand m├¬me assur├⌐, dans une certaine mesure, une prosp├⌐rit├⌐ et une s├⌐curit├⌐ qu'ils n'auraient pu trouver durant cette p├⌐riode agit├⌐e en Grande-Bretagne De plus, les possibilit├⌐s offertes ├á leurs enfants, n├⌐s au Canada, s'en trouv├¿rent consid├⌐rablement accrues. 
  86.  
  87.      Au cours des ann├⌐es qui suivirent la Premi├¿re Guerre mondiale, les concepts entourant l'enfance ├⌐volu├¿rent de nouveau, ce qui allait se refl├⌐ter, en Grande-Bretagne comme au Canada, dans les politiques visant l'├⌐migration ou l'immigration d'enfants. Au Canada, un nombre croissant de travailleurs sociaux soutenaient que les agences d'├⌐migration britanniques ne r├⌐pondaient pas aux nouvelles normes de protection des enfants, tant dans leurs services de placement que dans leur r├┤le de tuteurs. Ces personnes pr├┤naient la s├⌐lection des jeunes candidats ├á l'├⌐migration selon des crit├¿res de sant├⌐ physique et mentale, ainsi que la s├⌐lection des foyers selon les besoins individuels de chaque enfant. Faisant valoir la vuln├⌐rabilit├⌐ des jeunes plac├⌐s dans des foyers ├⌐trangers, ils r├⌐clamaient des r├¿glements plus stricts pour les prot├⌐ger de l'exploitation et des mauvais traitements. 
  88.  
  89.      De m├¬me, en Grande Bretagne, se formaient de nouveaux concepts de l'enfance et des normes de protection raisonnables ├á leur ├⌐gard. Les travailleurs avaient accept├⌐ d'aller d├⌐fendre leur nation pendant la guerre. ├Ç leur retour, ils exigeaient, par la voix de leurs syndicats et par celle du parti travailliste, que la nation s'occupe de tous ses citoyens avec la m├¬me ├⌐quanimit├⌐ que celle dont elle avait fait preuve pour l'appel aux armes. Ils revendiquaient pour les enfants de la classe ouvri├¿re le droit de grandir dans leur propre famille et de b├⌐n├⌐ficier d'une p├⌐riode d'exemption de travail de quatorze ans afin de se pr├⌐parer (├á l'├⌐cole et au sein de leur famille) ├á leur vie future, droits dont les enfants de la classe moyenne jouissaient depuis longtemps. Aucun enfant, pensaient-ils, ne devait ├¬tre enlev├⌐ aux siens pour ├¬tre envoy├⌐ ensuite outre-mer, ├á moins qu'il n'e├╗t atteint l'├óge de quitter l'├⌐cole et qu'il n'e├╗t acquis une maturit├⌐ suffisante pour comprendre les cons├⌐quences de son consentement ├á ├⌐migrer. En 1925, sur la recommandation du gouvernement britannique, les autorit├⌐s canadienne responsables du programme d'immigration d├⌐cr├⌐t├¿rent que les enfants ├óg├⌐s de moins de quatorze ans ne seraient plus admis. On fit bien quelques exceptions ├á ce r├¿glement au cours des ann├⌐es 1930, mais dans l'ensemble, ├á partir de 1924, les agences d'├⌐migration ne recrut├¿rent plus que des adolescents ayant quitt├⌐ l'├⌐cole pour les envoyer au Canada y trouver leurs premiers emplois. Ni les Canadiens, ni les Britanniques ne voulaient tol├⌐rer plus longtemps une politique selon laquelle les enfants, quelle que fut la classe sociale dont ils ├⌐taient issus, devaient travailler pour assurer leur subsistance, m├¬me dans un milieu aussi sain que la ferme agricole. 
  90.  
  91.      En r├⌐sum├⌐, le mouvement d'├⌐migration destin├⌐ ├á faire passer au Canada un surplus de jeunes Britanniques commen├ºa dans les ann├⌐es 1830, en m├¬me temps que l'on reconnaissait la diff├⌐rence entre le travail de l'enfant et celui de l'adulte. Apr├¿s 1870, le mouvement entra dans une phase d'expansion sous la pression des institutions philanthropiques qui cherchaient ├á placer leurs prot├⌐g├⌐s dans des milieux familiaux. Il prit fin lorsque les repr├⌐sentants de la classe ouvri├¿re en Grande-Bretagne, forts de l'appui des travailleurs sociaux canadiens, exig├¿rent et obtinrent pour leurs fils et leurs filles la reconnaissance int├⌐grale des droits de l'enfant, c'est-├á-dire le droit ├á la nourriture, le droit au g├«te et le droit ├á l'├⌐ducation dans son pays natal.  
  92.  
  93.