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1995-04-11
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657 lines
:SLMGDM
:
:
: Saint Louis Marie Grignon de Montfort
#100
:
- Témoin de la surabondance de l'Amour -
:
:
: I. Quelques éléments biographiques (incomplets)
:
: En Bretagne, chez ses parents
#101
Vers 1610, Charles Grignon est modeste greffier d'une petite
seigneurie aux alentours de Montfort-la-Cane (aujourd'hui
Montfort-sur-Meu), à 20 km environ de Rennes. Peu à peu, il
acquiert quelque terres, et avec l'aide de son fils Eustache,
devient conseiller et syndic de Montfort, puis en 1659 devient
représentant de sa petite cité aux Etats provinciaux de Rennes.
Ses fils: Félix accède à la noblesse; Jean-Baptiste, jeune
avocat, se lance dans la procédure et se marie à la fille d'un
échevin de la ville.
:
: II. Quelques aspects de spiritualité mariale
:
: Totus tuus
#150
Le saviez-vous ?
Les armoiries du Saint Père évoquent Marie coredemptrice au
pied de la croix. Il a tiré du "Traité de la vraie dévotion" sa
devise épiscopale: "Tout à Toi".
"Je me rappelle l'avoir (le traité) porté longtemps sur moi,
même à l'usine de soude, si bien que sa belle couverture était
tachée de chaux. Je me suis aperçu bien vite qu'il s'agissait de
quelque chose de fondamental. Il s'en est suivi que la dévotion
de mon enfance et même de mon adolescence envers la mère du
Christ a fait place à une nouvelle attitude, une dévotion venue
du plus profond de ma foi, comme du coeur même de la réalité
trinitaire et christologique.
Alors qu'auparavant je me tenais en retrait, de crainte que la
dévotion mariale ne masque le Christ au lieu de lui céder le pas,
j'ai compris à la lumière du traité de Grignon de Montfort, qu'il
en allait en vérité tout autrement. Notre relation intérieure à
la Mère de Dieu résulte organiquement de ntore lien au mystère du
Christ. Il n'est donc pas question que l'un nous empêche de voir
l'autre. Bien au contraire, la "vraie dévotion à la Sainte
Vierge" se révèle de plus en plus, précisément à celui qui avance
dans le mystère du Christ, Verbe incarné, et dans le mystère
trinitaire qui a l'Incarnation pour centre. On peut même dire
qu'à celui qui s'efforce de la connaître et de l'aimer, le Christ
lui-même désigne sa mère, comme il l'a fait au Calvaire pour son
disciple Jean. Qui plus est, cette 'dévotion parfaite' est
indispensable à qui entend se donner sans réserve au Christ et à
l'oeuvre de la Rédemption. Grignon de Montfort nous introduit
dans l'agencement même des mystères dont vit notre foi, qui la
font croître et la rendent féconde."
Voilà en quelques mots partagés à André Frossard, un excellent
point de départ pour l'étude et la découverte de la spiritualité
et de la théologie de SLMGDM. Nous allons essayer de cheminer à
l'école du Saint, afin de découvrir son "secret"...
: La force de l'apôtre
#151
Lorsque l'on regarde SLMGDM, l'on découvre en premier lieu un
prêtre missionnaire, au zèle extraordinaire pour faire connaître
l'amour et la sagesse de Jésus crucifié. C'est ce mystère qui a
saisi de manière exclusive son âme de chrétien et de prêtre.
Il s'étonnera lui-même de ne comprendre que plus tard que la
Sagesse de Dieu ait voulu se manifester par une médiation
gratuite, une surabondance: celle de Marie. Progressivement, il
entre dans une réflexion théologique et plus encore dans une très
forte expérience spirituelle de Marie, pour saisir la place que
Dieu dans sa sagesse a voulu lui donner: le mystère de la
maternité divine de Marie auprès de Jésus. Dieu a eu besoin d'une
femme, d'une Mère, pour que le mystère de l'incarnation se
réalise parmi nous. Au delà de l'événement de cette maternité,
Dieu veut nous faire comprendre, en se servant de Marie, que
c'est par elle que nous devons "remonter" au Christ.
SLMGDM, prédicateur si proche et si aimant du peuple de Dieu,
parlant de Marie dans un langage très simple, nous exhorte a
toujours regarder Jésus en premier lieu. Alors, on découvre
nécessairement la place de Marie: "Jésus Christ doit être la fin
dernière de toutes nos dévotions".
: Dévotion au Christ, Sagesse incarnée
#152
Le mot "dévotion" correspond içi non pas à une pratique
personnelle, mais au sens très large de notre attitude de Foi
vis-à-vis de Dieu. Jésus est notre unique maître qui doit nous
enseigner, notre unique seigneur de qui nous devons dépendre,
notre unique chef auquel nous être uni, notre unique modèle
auquel nous devons nous conformer, notre unique médecin qui doit
nous guérir, notre unique pasteur qui doit nous nourrir, notre
unique cep auquel nous devons être uni, notre unique voie qui
doit nous conduire, notre unique vérité que nous devons croire,
notre unique vie qui doit nous vivifier, notre unique tout en
toute chose qui doit nous suffire: il n'a pas été donné d'autre
nom sous le ciel que le nom de Jésus par lequel nous devons être
sauvé. Jésus est le fondement de tout salut, de toute gloire:
tout édifice qui ne reposerait pas sur Lui tomberait tôt ou tard.
Aucune créature du ciel ou de la terre ne pourra nous séparer
de l'Amour qu'est le Christ, si nous lui sommes uni: voilà le
centre du message de SLMGDM, la sagesse du Christ crucifié... Il
a même consacré son plus consistant ouvrage à "L'amour de la
Sagesse Eternelle". Ne serait-ce qu'en poids de papier, on ne
peut accuser Montfort de "mariolatrie" ! Dans tous ses écrits, au
contraire, il place toujours la figure du Christ au sommet de sa
théologie, référant ultime de toute sagesse. Il est intéressant
de noter que la "dévotion" qu'il propose est "premièrement
intérieure", donc souvent plus spirituelle que les "pratiques"
mariales de son époque: compagnies du saint Rosaire, pélérinages
mondains, etc...
(par rapport aux vraies et fausses dévotions, voir VD 90-114)
: Ad Jesum per Mariam: le mystère de l'unité de coeur
#153
Mais en même temps que se dessine la "dévotion" qu'il propose,
nous découvrons tout l'amour de tendresse extraordinaire qu'il
vit envers Marie: "Si donc nous établissons la solide dévotion de
la très Sainte Vierge, ce n'est que pour établir plus
parfaitement celle de Jésus Christ". Notre Foi en Marie n'a pas
d'autre finalité que de nous enraciner dans le Christ. Marie sera
le moyen "aisé et assuré pour trouver Jésus Christ", selon
l'expression de l'apôtre. "Si la dévotion à Marie éloignait de
Jésus Christ, il faudrait la rejeter, comme une illusion du
diable. Mais tant s'en faut, au contraire, comme j'ai déjà fait
voir, que cette dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver
Jésus Christ parfaitement, l'aimer tendrement, et le servir
fidèlement".
On ne peut séparer ce que le Père, dans sa sagesse, a uni d'une
manière si forte: cette conviction capitale doit devenir nôtre.
Mais cela n'est possible qu'en scrutant la Sagesse de Dieu le
Père, en découvrant le lien qui uni Marie à Jésus.
Laissons Montfort expliquer Montfort:
"Je me tourne içi un moment vers vous, ô mon aimable Jésus,
pour me plaindre amoureusement à votre divine majesté de ce que
la plupart des chrétiens, même des plus savants, ne savent pas la
liaison nécessaire qu'il y a entre vous et votre sainte Mère.
Vous êtes Seigneur toujours avec Marie, et Marie est toujours
avec Vous, et ne peut être sans vous. Autrement, elle cesserait
d'être ce qu'elle est. Elle est tellement transformée en vous par
la grâce, qu'elle ne vit plus, qu'elle n'est plus: c'est Vous
seul, mon Jésus, qui vivez et régnez en Elle, plus parfaitement
qu'en tous les anges et les bienheureux. Ah! Si on connaissez la
gloire et l'amour que vous recevez en cette admirable créature,
on aurait de vous et d'elle bien d'autre sentiment qu'on a pas.
Elle vous est si intimement unie qu'on séparerait plutôt la
lumière du soleil, la chaleur du feu, je dis plus: on séparerait
plutôt tous les anges et les saints de Vous que la divine Marie,
parce qu'elle vous aime plus ardemment, et vous glorifie plus
parfaitement que toutes les autres créatures ensemble."
... magnifique intuition mystique et contemplative du lien
entre Marie et Jésus ! Sa vie de prière, d'intimité à Dieu et de
service des hommes lui a appris qu'il est inconcevable dans la
Foi d'établir une rivalité, une opposition entre les deux.
#200
L'amour que SLMGDM a dans son coeur pour Jésus est en même
temps un amour d'enfant et un amour d'homme: il unit les deux, en
maintenant toujours (et c'est une grâce qu'il faut demander) une
extraordinaire tendresse et une grande force. SLMGDM est un
lutteur, un prédicateur de foules, et en même temps il gardera
une tendresse extraordinaire pour le Christ. Sa vie, comme nous
l'avons vu, nous montre la fureur de l'apôtre ayant découvert le
secret du coeur de Jésus et de coeur de Marie. On ne peut pas
comprendre SLMGDM sans aller jusqu'au plus intime de son
expérience spirituelle: et là, c'est une expérience de l'Amour de
Dieu que nous trouvons. Une expérience intime, donc une
révélation de "coeur à coeur".
Et dans le coeur du Christ, ce qu'il a de plus intime, après
l'amour qu'il a pour le Père, ou plus exactement dans l'amour
qu'il a pour le Père, est son amour pour sa Mère. Et au plus
intime du coeur de Marie, c'est l'amour pour Jésus... unité
mystérieuse d'amour... "Père, qu'ils soient un" (@Jn 17,21@): ce
que le Christ souhaite aux chrétiens n'est pas une unité
administrative, une reconnaissance hiérarchique. Il s'agit d'une
unité d'amour. L'intuition que SLMGDM a puisé dans la
contemplation est que cette unité est réalisée en premier lieu
entre le coeur blessé de Jésus et le coeur transpercé de Marie
dans son mystère de compassion, de manière toute particulière à
la croix. (Syméon semble même affirmer la place mystérieusement
"complémentaire" de Marie dans le plan de la rédemption - cf
@Lc 2,35@ et EDM 157)
: Etre esclave de Marie
#154
Le grand secret de la vie de SLMGDM réside dans cette unité.
"Le secret de Marie" nous invite à avoir vis-à-vis de Marie un
amour semblable à celui de Jésus pour Marie. Mais, en
missionnaire réaliste, Grignon sait très bien que notre situation
vis-à-vis de Marie est tout autre. Il employera alors une belle
expression, mais qui n'a pas "la côte" dans notre
langage d'aujourd'hui: le "saint esclavage".
SLMGDM ne porte pas un jugement moral sur l'institution et la
pratique de l'esclavage: il prend appui sur ce qui existait
encore de son temps pour illustrer les réalités spirituelles
qu'il vit et dont il veut nous faire part. Cette pratique
intolérable marque profondément l'époque à laquelle vit le saint:
fin du XVIIème, début du XVIIIème... Il faut -là encore- faire
l'herméneutique de cette expression. Un "comprendre historique"
qui permet de découvrir la richesse spirituelle de SLMGDM, au
delà du "baroque" des mots.
Ce "saint esclavage" consiste en un lien à Marie dans
l'intimité de ceux qui savent tout reçevoir d'elle, qui savent
être libéré par elle de l'esclavage du péché.
Précisons les termes... Dans le Secret, il distingue trois
formes d'esclavage:
. esclavage de nature: toutes les créatures sont "esclaves" de
Dieu, car dépendantes de lui, par leur condition-même de
créature.
. esclavage de contrainte: les démons et les damnés sont
"esclaves" de Dieu de cette manière. Les hommes sont esclaves du
péché de cette manière.
. esclavage de volonté: les saints ont répondu à l'amour de
Dieu, qui demande non pas seulement une adhésion partielle
(intellectuelle ou morale), mais une adhésion du coeur, de la
volonté amoureuse.
Par cet esclavage, on choisit, plus que toute autre chose, Dieu
et son service, même si la nature ne nous y oblige pas. Cette
forme d'esclavage traduit un lien d'Amour, d'adoration, dans une
volonté de dépendance à l'égard de Dieu le Père.
SLMGDM aime à montrer la totale différence entre un serviteur
et un esclave: le serviteur ne donne pas tout ce qu'il est, ce
qu'il possède, ce qu'il peut acquérir par lui-même ou par autrui;
l'esclave se donne tout entier à son maître. Un serviteur peut
quitter son maître quand il le désire. Mais un esclave n'est pas
en droit de le faire, parce qu'il est pris totalement par son
maître.
: L'esclavage: une voie spirituelle
#155
Mais cette troisième forme d'esclavage se réalise dans un
choix, et non pas une contrainte: le don de tout nous-même. Vous
allez dire: "Ouais! Mê Babar y sait même pas qu'c'est l'esprit
des voeux des religieux". Et vous avez raison ! Il s'agit de se
relier à Dieu d'une manière tellement radicale qu'on a plus rien
à soi. On comprend alors pourquoi quelqu'un qui vit de l'esprit
des voeux de religion ne peut quitter son divin Maître.
Mais ce n'est pas parce que l'on est laïc ou que l'on se
prépare à être prêtre diocésain qu'il faut rejetter "en bloc"
tout ce qui touche de près ou de loin aux voeux des religieux...
Il s'agit en Marie d'une voie spirituelle à part entière, donc
que nul ne peut négliger.
Reprenons l'image de l'esclavage. Il est entendu que le maître
a droit de vie et de mort sur son esclave: il peut le vendre ou
le tuer comme une bête de somme... on pourrait se scandaliser...
mais Jésus nous dit en parabole: "si le grain de blé tombé en
terre ne meurt"... Et cette mort volontaire à l'égard du Christ
rappelle non seulement le baptême, mais aussi l'expérience des
grands mystiques. La voie d'abandon de Charles de Foucauld, la
petite voie de Thérèse de Lisieux, le mariage mystique de Thérèse
d'Avila, la nuit des sens, de l'esprit, de la Foi de Jean de la
Croix... Chacun a vécu personnellement cette mort à soi-même, cet
acte de dépossession radical qui engage tout l'être, dans une
soumission totale à la volonté du Père.
L'image de l'esclavage traduit donc de façon tout-à-fait
pertinente le lien substantiel que la Charité peut réaliser dans
un choix libre à l'égard de Dieu, à l'égard de Marie.
Vouloir de la manière la plus radicale "appartenir à Marie",
parce qu'elle est notre Mère: voilà l'image de l'esclavage que
propose SLMGDM. Le Christ lui même a pris la condition de
l'esclave -"formam servi accipiens". Marie elle-même se dit la
"servante du Seigneur". Les chrétiens sont appelés dans
l'Ecriture plusieurs fois "servi Christi". Le titre du saint Père
est "Serviteur des serviteurs de Dieu"... Le mot "servus"
signifiait autrefois esclave: il n'y avait pas encore de
serviteurs comme aujourd'hui, avec sécurité sociale, indemnités
de licenciement...
Pourquoi un don si intime de sa personne ? C'est pour nous
ouvrir à l'action directe de l'Esprit Saint et de Marie. Pour
être entièrement saisi par Marie. Pour n'être qu'à elle, ne
vouloir que ce qu'elle veut.
: La consécration par Marie
#156
"Le secret de Marie" consiste donc à réaliser l'intimité la
plus grande possible entre notre coeur et celui de Marie. Et nous
avons vu que cette réalisation passe par un choix. SLMGDM utilise
le terme courant à son époque de "consécration". Il s'agit içi non
pas d'un grand succès médiatique à la Patrick Bruel, mais bien
d'une promesse engageant l'être dans sa totalité: cela va même
plus loin que l'esprit des voeux (esprit de virginité, de
pauvreté, d'obéissance), puisque dans cette consécration, nous
reçevons de Marie elle-même, et non de notre propre mérite, la
grâce de vivre ces voeux. Les voeux deviennent alors une adhésion
spirituelle, aimante, et ne risque plus de tomber dans l'écueil
d'une réduction à un souhait affectif ou à une pratique
matérielle.
Etudions donc la richesse de ces voeux vécues en Marie.
Notre Mère met d'abord en nous l'esprit de virginité. Lui
appartenir complètement permet d'être comme elle dans l'esprit de
virginité: elle est la Vierge par excellence. La consécration
virginale de Marie s'exprime en deux aspects. D'abord, elle se
vit dans l'offrande totale de soi, l'offrande de l'adoration, la
consécration à la jalousie de l'amour, une "jalousie" au sens
biblique de "Dieu jaloux": un amour exclusif car ayant Dieu pour
unique partenaire. Ensuite, loin de la caricature qu'est
l'étroitesse de coeur des "vieilles filles", cette virginité est
féconde, source d'un amour plus grand : c'est en cela que la
Tradition peut affirmer la virginité de Marie avant, dans et
après l'enfantement de Jésus. (EDM 32)
Esprit de pauvreté aussi. Marie vit cette pauvreté. De l'humble
vie cachée à Nazareth jusqu'à la dépossession totale au pied de
la croix, elle est vraiment "l'humble servante": peut-on imaginer
mère qui ait vécu tant de pauvreté humaine ? SLMGDM nous
exorte ainsi à l'humilité, fruit de la pauvreté matérielle:
"notre coeur est souillé, [...] rempli de milles passions et par
conséquent indigne de posséder une si noble et si sainte hôtesse"
(ASE 209-210). Ce paradoxe, ce déséquilibre se résoud par l'amour
d'une Mère pour ses enfants: "Partout ailleurs, (Dieu) est le
Pain des forts et des anges; mais, en Marie, il est le Pain des
enfants..." (SM p.25)
Marie a vécu dans un esprit d'obéissance absolu, acceptant
jusqu'à la croix la volonté de Dieu: "qu'il me soit fait selon ta
parole"... "Femme, voiçi ton fils"... On peut dire que Marie, qui
est totalement l'esclave de Dieu, au sens que nous avons
développé, Marie qui est aussi totalement l'esclave de Jésus
(comment ne le serait-elle pas, puisque son Fils est vrai Dieu),
devient notre esclave. Elle nous est totalement donnée, parce
qu'elle est notre Mère. En étant Mère des hommes, elle est petite
servante de chacun d'entre nous, elle va jusqu'au bout du service
que Dieu lui confie (cf archétype maternel).
: En pratique: tout faire par, pour, avec et en Marie
#157
On commence alors à comprendre pourquoi SLMGDM insiste
tellement sur ce "saint esclavage": pour que le mystère de Marie
pénètre pleinement dans notre vie, dans notre coeur, dans notre
intelligence et notre volonté... un mystère de maternité féconde
de la part de celle qui se fait esclave de tous les membres du
corps du Christ. Il s'agit d'une réalité mystique, mais très
logique par rapport à l'ensemble du plan de Dieu.
Pour qu'elle puisse être totalement à notre service, il faut -
puisque tout amour est exigeant - que nous soyons totalement
donné à son service. Un homme pourrait-il dire à sa femme: je
t'aime, je t'épouse, mais je ne ferai jamais la vaisselle, même
si tu me le demande ? Un prêtre peut-il refuser d'administrer un
sacrement parce qu'il n'a "pas le temps" ? Un religieux peut-il
refuser une intention de prière que l'Eglise lui confie ? Et
bien, dans l'ordre de notre intimité avec Marie, l'amour devra
être un amour de réciprocité dans la petitesse, dans la pauvreté,
dans l'obéissance, dans la virginité. (SDM p62:) "Si vous avez
trouvé le trésor caché dans le champ de Marie, la perle
préciseuse de l'Evangile, il faut tout vendre pour l'acquérir"
(la parabole de Mt 13,44_46 précise que cette dépossession se
fait dans la joie).
SLMGDM propose donc de "se donner tout entier, en qualité
d'esclave, à Marie et à Jésus par elle; ensuite, à faire toute
chose avec Marie, en Marie, par Marie et pour Marie" (SM p.32)
SM p.43-46:
* "en Marie": d'abord regarder Marie, "s'accoutumer peu à peu à
se recueillir au dedans de soi-même pour y former une petite
idée (d'elle), [...] un Oratoire pour y faire toutes ses
prières."
* "avec Marie": c'est-à-dire "prendre la Sainte Vierge pour le
modèle accompli de tout ce qu'on doit faire". Ainsi, uni à elle
de façon permanente, on se laisse - comme Jésus l'a été - former
par elle, comme dans un moule vivant. Marie, dit Saint Augustin,
est 'forma dei'. (SM p.21-22)
* "par Marie": "n'aller jamais à Notre Seigneur que par son
intercession". On n'est jamais seul dans la prière, avec Marie...
comme douce avocate !
* "pour Marie": l'esclave "ne travaille plus que pour elle",
donc renoncer à son amour propre, et même - ce qui est unique
dans cette "dévotion" - à toutes les grâces reçues. Dire Amen à
Marie.
: Fruits de la maternité de Marie
#158
Citation SDM page 48-50: par Marie, l'Esprit Saint oeuvre au
plus secret de notre âme. "C'est l'opération de Marie en toi, et
par conséquent, elle sera très relevée et très digne de Dieu."
(SM p.46)
Comme le don de Sagesse nous lie au Père dans une filiation
d'amour, jusqu'à nous faire dire "Abbah-Père", on découvre aussi
la "paternité" du Christ. C'est quelque chose d'extraordinaire:
"Qui a le Fils a la vie; qui n'a pas le Fils n'a pas la vie"
(@1Jn 5,12@). Alors, à la suite du disciple bien aimé, l'Esprit
Saint nous fait découvrir la maternité de Marie, et nous fait
dire "Mère".
"Comme, dans l'ordre naturel, il faut qu'un enfant ait un père
et une mère, de même, dans l'ordre de la grâce, il faut qu'un
vrai enfant de l'Eglise ait Dieu pour père et Marie pour mère;
et, s'il se glorifie d'avoir Dieu pour père, n'ayant point la
tendresse d'un vrai enfant pour Marie, c'est un trompeur qui n'a
que le démon pour père..." (SM 11 p.19)
En effet, si l'incarnation continue aujourd'hui dans les
"autres Christs" que nous sommes, alors nécessairement naissent
eux aussi comme Jésus, de l'Esprit Saint et de Marie, ayant Dieu
pour Père et Marie pour Mère. Une Mère qui est "petite soeur en
humanité", une mère qui nous engendre à la Vie, une mère "aqueduc
de la grâce", comme dit Saint Bernard.
: Un secret de grâce
#159
Ce lien d'amour fait que Marie vit au plus intime de l'âme de
celui, de celle qui l'a choisie pour être Mère et Reine de son
petit serviteur, de son esclave d'amour. Alors, Marie peut
"s'installer" en l'âme, comme le dit SLMGDM: "Marie seule est
l'arbre de vie, Jésus seule en est le fruit" (ASE 204 et "la
culture et l'accroissement de l'Arbre de Vie, autrement dit la
manière de faire vivre et régner Marie dans nos Ames" en SM 70-78
p.62-64). La plénitude d'Amour du coeur de Marie saisit l'âme de
celui qui se donne à Elle. C'est vraiment ce qu'il y a de plus
intime dans le mystère de notre grâce chrétienne, ce qui permet
d'aller jusqu'au bout dans notre acceptation du don de la Vie
même de Dieu.
Il ne s'agit absolument pas d'une série de "recettes"
spiritualo-magique qui "marchent" par exemple si on porte une
médaille... qui ne doit n'être qu'un petit signe de tendresse
entre elle et nous, une manière d'incarner et de manifester les
désirs de notre coeur.
La maternité de Marie est réelle au niveau de la grâce: Jésus,
de qui provient toute grâce venant du Père, se sert de Marie pour
tous ceux qui la reconnaîtront en vérité comme Mère. Mais il
s'agit d'un SECRET, qu'à ce titre on ne doit pas - à la
différence du mystère du Christ-Sauveur - communiquer à n'importe
qui. Un secret tellement lié au mystère du coeur du Christ qu'il
peut être facilement dénaturé dans un monde si peu spirituel.
Voilà pourquoi SLMGDM introduit le "Secret de Marie" par une mise
en garde contre la passivité. Il ne faut pas gacher la grâce de
Dieu apparaissait nettement à travers la "transparence" de l'âme
de Marie, "pleine de grâce".
Tous les enfants de Dieu peuvent découvrir en eux l'appel au
Salut par le Christ. Mais pour "profiter" (le terme est affreux
dans notre contexte) pleinement de la grâce par la personne de
Marie, il faut s'unir à elle totalement, comme un esclave. Cela
ne peut supporter de tiédeur. SLMGDM est conscient que Marie nous
fait toujours "brûler les étapes", aller plus vite dans cette
intimité avec Jésus qui constitue tout l'être de Marie. Et un
moyen si "sophistiqué" (le mot ne convient pas mieux que celui de
tout-à-l'heure) nécessite un entrainement spécifique: on
n'accepte pas n'importe qui pour piloter un avion de chasse !
La théologie peut nous aider à comprendre ce mystère plus en
profondeur. Saint Thomas montre que la causalité principale de la
grâce est Dieu, puisque la grâce est participation à la Vie même
de la Sainte Trinité. Le don de la grâce est donc toujours
actuel. De même, la causalité instrumentale de Jésus Christ sur
nous est elle aussi toujours actuelle.
Enfin, la causalité instrumentale de Marie sur nous est
toujours actuelle: a c t u e l l e m e n t Marie nous enfante à
la vie divine si nous la choisissons comme Mère, comme le
disciple que Jésus aimait. Comme Mère, Marie nous communique la
grâce même qu'elle a reçue, elle nous donne tout ce qu'elle a
vécu: en elle nous devenons immaculés, nous pouvons comme elle
vivre pleinement de notre sacerdoce royal et mystique reçu au
baptême, dans la complémentarité à l'égard du sacerdoce de Jésus.
Mais comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de quelque chose
qui s'ajoute à la grâce chrétienne; il est "simplement"
question être totalement chrétien. En Marie, le modèle de toute
vie chrétienne nous est DONNE. Voilà le trésor caché que Jésus
nous a proposé à la croix.
: La croix, source d'eau vive
#160
Voilà la grande spiritualité de SLMGDM. Si simple, si
évangélique, si johannique, puisqu'elle se ramène à l'alliance
réalisée à la croix: "Femme voilà ton Fils" ... "Voilà ta Mère".
A partir de ce moment, Jean la pris chez lui, au plus intime de
son âme, et comme SLMGDM, se laisse dépouiller par elle, afin que
l'amour de Marie envers le Père et Jésus s'empare de son coeur.
La maternité de Marie envers les hommes s'enracine donc à la
croix. La spiritualité Montfortaine ne sépare jamais la Croix de
l'amour: "si quelqu'un veut venir après moi, [...] qu'il mette la
Croix dans son coeur par l'amour pour la rendre un buisson ardent
qui brûle jour et nuit du pur amour de Dieu sans se consumer"
(LAC 16,19). La première trouve dans la deuxième sa
signification. Cela n'a rien à voir avec un obscure dolorisme
masochiste et narcissique: il s'agit d'une fécondité apostolique
extraordinaire.
Le lien privilégié entre les coeurs blessés de Marie et de
Jésus à la croix nous conduit au sommet de la vie chrétienne
qu'est le sacrifice eucharistique. Le rôle tout à fait
particulier de Marie est bien de nous conduire, de nous préparer,
de nous faire aimer Jésus-Eucharisitie. Elle veut nous faire
découvrir l'adhésion du coeur du Christ à la volonté rédemptrice
de son Père, pour que, par notre initimité avec elle, nous
changions notre coeur dans celui de Jésus.
La "dévotion" (encore le mot !) eucharistique de Saint Louis
Marie Grignon de Montfort est empreinte de cette fécondité
spirituelle de Marie. Il conclue son Traité (266-273) en
précisant le rapport de Marie à l'Eucharistie. Il propose de
placer dans les mains de Marie ce don même, laisser "d'autant
plus agir Marie pour Jésus et Jésus en Marie que vous vous
humilierez plus profondément" [...] "sans vous mettre en peine de
voir, goûter, ni sentir: [...] la sainte communion est une action
de foi". La véritable fécondité de Marie s'exprime içi en vivant
le sacrement davantage dans l'adhésion aimante à la foi que dans
la sensibilité personnelle: en nous dépossédant en elle -même de
ce bien précieux qu'est pour nous l'Eucharistie-, nous reçevons
et donnons davantage encore...
En effet l'alliance dans l'Eucharistie est ultime pour
l'humanité: c'est en elle que le chrétien peut vivre - et d'une
certaine manière - compléter le sacerdoce du Christ. Mais Jésus
réalisa cette alliance le Jeudi Saint, avant sa mort, parce qu'il
devait, en Législateur absolu, être totalement libre. Le
Testament "légal" ou "institutionnel" de Jésus est ainsi: "Faites
ceci en mémoire de moi".
La deuxième alliance, l'alliance avec Marie s'est faite dans
d'autres circonstances. Jésus n'a alors plus qu'une liberté
sacerdotale intérieure: sur la croix, il n'a plus aucune liberté
physique, ni politique. Alors, le Christ donne à Marie ce qu'on
pourrait appeler le "sacerdoce du coeur". L'évangéliste Jean
souligne d'ailleurs l'importance de ce don: "sachant que tout
était achevé" écrit-il. Le Testament "familial" de Jésus est
alors: "Voici ta Mère".
Ce secret d'Eglise (vous savez bien que "l'Eglise n'est pas le
bureau de Pierre, mais la maison de Jean où habite Marie") n'a pu
se livrer que dans la souffrance. SLMGDM, utilisant l'image de
Marie - Arbre de Vie, souligne combien son prix est bien plus de
chose que la vie humaine de Jésus: Marie est le fruit de son
sacerdoce éternel de Fils bien-aimé.
: Etre apôtre selon le coeur de Dieu
#161
En nous donnant Marie, Jésus veut nous donner tous les secrets
de la "bonne terre" qui a gardé la parole de Dieu, Il veut nous
donner SON secret, tout ce que le Père lui a transmis.
Le mystère de Marie s'achève dans la gratuité du mystère du coup
de lance transperçant le coeur blessé de l'Agneau (cf Ap).
La troisième alliance se fait avec Pierre, après la
Résurrection: c'est l'ultime Testament du Christ dans l'ordre
chronologique. Jésus possède alors la liberté absolue de la
gloire du Verbe. L'autorité qu'il transmet à Pierre n'est plus du
tout transmise sous le même mode que l'alliance avec Marie:
Jésus, en effet, lui pose une question: "M'aimes-tu ?". Le
pouvoir du vicaire du Christ est un pouvoir de gloire, enraciné
dans l'amour. Mais ce pouvoir n'est pas un pouvoir de possession:
Jésus parle de SES brebis (et non des brebis de Pierre). Il
s'agit donc de tous les hommes que le Christ avait donné à sa
Mère lors de la "deuxième alliance".
Le coeur de Marie, c'est-à-dire l'amour qui y règne, exerce une
maternité toute particulière sur Pierre, ainsi que les autres
apôtres. L'intuition de SLMGDM réside içi dans l'unité du plan
que Dieu a réalisé avec Marie dans chacune des trois alliances
que nous venons d'étudier.
SLMGDM nous fait comprendre que ce lien avec Marie doit animer
les véritables apôtres, ceux des "derniers temps". Les esclaves,
les serviteurs, les apôtres véritables de la vierge Marie seront
"brûlants du saint Evangile dans la bouche, et le saint Rosaire à
la main [...], ministres du Seigneur, qui mettront le feu de
l'Amour divin partout, comme des flèches aigues dans la main de
la puissante Marie" (PE 12). Des apôtres bien modelés à l'école
de Marie, celle-là même qui forma Jésus. Des hommes fermement
attachés à Dieu, portant "l'or de l'amour dans les coeurs,
l'encens de l'oraison dans l'esprit, et la myhrre de la
mortification dans le corps, laissant partout la bonne odeur de
Jésus Christ aux pauvres et aux petits, tandis qu'ils seront une
odeur de mort aux richesses, aux orgueilleux mondains. Ce seront
des nuées volantes au moindre souffle du Saint Esprit, qui, sans
s'attacher à rien, ni s'étonner de rien, ni se mettre en peine de
rien, répandront la pluie de la Parole de Dieu et de la vie
éternelle, et tonneront contre le péché, gronderont contre le
monde, frapperont le diable et ses suppots, perceront d'outre en
outre les âmes par le glaive tranchant de la Parole de Dieu. Ce
seront des apôtres véritables des derniers temps, à qui le
Seigneur des vertus donnera la parole et la force pour opérer des
merveilles, laissant dans les lieux ou ils auront préché que l'or
de la charité qui est l'accomplissement de toute la loi. Ce
seront de vrais disciples de Jésus Christ, marchant sur les
traces de sa pauvreté, de son humilité, de son mépris du monde et
de sa charité enseignant la voie étroite de Dieu dans la dure
vérité selon le Saint Evangile, et non selon les maximes du
monde, sans épargner, écouter ni craindre aucun mortel, quelque
puissant qu'ils soient"... (VD 55-59)
Voilà une description peu banale des missionnaires liés à
Marie au plus intime de leur coeur ! Par elle, aimer follement
Jésus pour devenir ceux qui iront là où l'Esprit Saint désire
qu'ils se rendent. Ce n'est pas eux qui auront des plans
d'avance, qui choisiront leur apostolat: ils seront des esclaves
dans les mains de Marie, dans les mains de la sagesse de Dieu,
n'ayant d'autre désir que d'accomplir pleinement cette volonté
crucifiante et aimante du Christ.
: La force des "témoins de la faiblesse"
#162
On retrouve cette spiritualité chez Saint Maximilien-Marie
Kolbe, et je crois aussi au plus intime du coeur de notre Pape:
"Totus Tuus"... (voir finale de Redemptoris Mater en MFDD
p.13) Ces grands amis de Marie, lui ayant tout donné, reçoivent
tout d'elle: cela explique l'efficacité prodigieuse de leur vie
apostolique. Non pas des méthodes, des "trucs" humains: c'est
l'Esprit Saint qui se sert de Marie pour aller jusqu'au bout de
sa communication d'amour, de l'enrichissement du coeur de
l'homme, pour agir avec force et suavité dans leur témoignage.
Marie, Reine des martyrs, rend ses enfants témoins de l'Amour
de Dieu. Saint Maximilien Marie Kolbe est martyr de la charité
fraternelle: il a donné sa vie entière pour l'amour de ses
frères. Le saint Père donne toutes ses forces (nous l'avons bien
vu à Rome), il "s'use" totalement, ne gardant rien pour lui,
étant témoin de l'absolu de l'amour divin.
Je concluerais en citant Jean Morinay:
" Face au déferlement du mal et aux torrents d'iniquité qui
menacent de tout emporter, l'Eglise ne sera jamais que ce petit
troupeau au-devant duquel s'avance, pour le guider vers son Fils,
"cette petite fille": Marie (cf VD 18). "
Voilà peut-être exprimé le mystère de la surabondance d'amour
que le Christ lie en Marie avec tous les hommes.
"Ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes"
(@1Co 1,25@)