Les provinces Maritimes n'Θvoquent pas ordinairement une rΘgion o∙ l'esclavage Θtait tolΘrΘ, ni une rΘgion habitΘe par un grand nombre de Noirs. Pourtant, la vΘritΘ est tout autre: l'esclavage y existait effectivement, tout comme aux ╔tats-Unis et dans les autres parties de l'AmΘrique du Nord britannique. En outre, des Noirs habitent les Maritimes depuis le dΘbut de la colonisation europΘenne. Ils vinrent comme esclaves, Noirs libres, ou domestiques liΘs par contrat, et ils furent au nombre des premiers colons de la rΘgion. Ils ont donc ΘtΘ associΘs α la colonisation dΦs ses dΘbuts, mais ils n'ont pas ΘtΘ traitΘs comme des associΘs Θgaux, et leur histoire est celle d'une longue lutte, qui se poursuit aujourd'hui, contre les prΘjugΘs raciaux et la discrimination raciale.
De nos jours, on trouve des Noirs dans les quatre provinces Maritimes, bien que leur nombre soit trΦs restreint α Terre-Neuve et α l'╬le-du-Prince-╔douard. Il est difficile d'obtenir des statistiques prΘcises sur le nombre des Noirs au Canada, ou dans une province donnΘe. Toutefois, on estime que leur nombre en Nouvelle-╔cosse se situe entre 25 000 et 30 000, ce qui reprΘsente environ trois pour cent de la population. PrΦs de la moitiΘ d'entre eux vivent dans un rayon de 40 kilomΦtres de Halifax. Au Nouveau-Brunswick, les Noirs constituent moins d'un pour cent de la population, et la majoritΘ sont dans la ville de Saint John. Dans l'╬le-du-Prince-╔douard et α Terre-Neuve, les Noirs sont peu nombreux et il n'y a aucune communautΘ noire comme telle.
Les Noirs sous le RΘgime franτais
De toute Θvidence, des Noirs vivent dans les provinces Maritimes depuis aussi longtemps que les Blancs. Le premier Θtablissement permanent dans la rΘgion remonte α la tentative du Sieur de Monts et de Samuel de Champlain de fonder une colonie dans l'εle de Sainte-Croix en 1604. Cette tentative fut un Θchec dΘsastreux et l'annΘe suivante ils se transportΦrent de l'autre c⌠tΘ de la baie de Fundy ou ils fondΦrent Port Royal, qui devint la capitale de l'Acadie. └ cette Θpoque, l'esclavage Θtait lΘgal dans les colonies franτaises et des esclaves vivaient probablement dans la plupart des lieux de peuplement. Il est fort possible que des Noirs aient ΘtΘ parmi les premiers colons de l'Acadie. Un serviteur noir est mort α Port Royal en 1606, et le gouverneur de la colonie avait un serviteur noir en 1608. Les colons franτais et anglais parlaient ordinairement de serviteurs pour dΘsigner leurs esclaves, et la plupart des serviteurs noirs Θtaient en fait des esclaves.
Il n'est fait aucune mention de la prΘsence d'esclaves ou de Noirs dans l'╬le-du-Prince-╔douard durant le RΘgime franτais, et il est fait Θtat pour la premiΦre fois de Noirs α Terre-Neuve dans les annΘes 1670, alors qu'un colon anglais au moins avait un serviteur noir. Au Nouveau-Brunswick, on retrouve pour la premiΦre fois la prΘsence d'un Noir dans les annΘes 1690. Il s'agissait d'un esclave qui avait ΘtΘ capturΘ par les troupes franτaises au cours d'une incursion en Nouvelle-Angleterre. Il fut ramenΘ dans la vallΘe de la riviΦre Saint-Jean et affranchi en 1696 α la suite de l'attaque des Θtablissements franτais par une expΘdition venue de Nouvelle-Angleterre dans le territoire du Nouveau-Brunswick actuel.
Noirs de l'Θpoque prΘloyaliste et Noirs loyalistes
AprΦs la cession de l'Acadie aux Anglais en 1713, des colons venus d'Angleterre et des colonies amΘricaines ont commencΘ α s'installer dans les territoires occupΘs aujourd'hui par la Nouvelle-╔cosse. Il ne fait pas de doute que certains de ces colons ont amenΘ des esclaves avec eux. Les esclaves noirs ont aidΘ α la construction de Halifax aprΦs sa fondation en 1749. Il s'agissait d'hommes de mΘtier expΘrimentΘs et quand leurs services n'Θtaient plus nΘcessaires, ils Θtaient ramenΘs dans les colonies amΘricaines et vendus, comme l'indique l'avis qui suit publiΘ dans un journal de Boston en 1751: ½Tout juste arrivΘs de Halifax pour Ωtre vendus, 10 hommes noirs forts et robustes, pour la plupart des hommes de mΘtier, comme des calfats, des charpentiers, des voiliers et des cordiers.╗ Les journaux en Nouvelle-╔cosse ont commencΘ eux aussi α publier des annonces pour la vente d'esclaves α la mΩme Θpoque.
AprΦs la chute de la Nouvelle-France, de plus en plus de colons se sont installΘs en Nouvelle-╔cosse, amenant avec eux encore plus d'esclaves, et vers les annΘes 1780 il y avait probablement entre 500 et 600 esclaves noirs dans la rΘgion, sans compter les esclaves des Bermudes qui travaillaient sur les bateaux de pΩche autour de Terre-Neuve. Mais l'afflux le plus important restait α venir.
Quand la guerre d'IndΘpendance amΘricaine prit fin en 1783, les Britanniques ont eu α dΘcider de ce qu'ils allaient faire avec les loyalistes, colons restΘs fidΦles α la Grande-Bretagne qui devaient maintenant partir pour Θchapper α la vengeance des rebelles victorieux, ou parce qu'ils prΘfΘraient vivre sous le drapeau britannique. Entre 30 000 et 35 000 loyalistes sont venus dans les provinces Maritimes, la majoritΘ en Nouvelle-╔cosse. Un grand nombre se sont Θtablis dans la vallΘe de la riviΦre Saint-Jean et en 1784 la colonie sΘparΘe du Nouveau-Brunswick Θtait crΘΘe. Un petit nombre ΘmigrΦrent dans l'╬le-du-Prince-╔douard et α Terre-Neuve. Plusieurs milliers de Noirs, suffisamment pour constituer au moins dix pour cent de la population de la Nouvelle-╔cosse, vinrent avec les loyalistes blancs. Environ 3 000 d'entre eux Θtaient des Noirs libres ou des loyalistes noirs; les autres Θtaient des esclaves ou des serviteurs liΘs par contrat, anciens esclaves qui avaient acceptΘ de travailler pour des Blancs durant une certaine pΘriode en Θchange de nourriture, de vΩtements et parfois de gages. Les domestiques liΘs par contrat Θtaient souvent aussi mal traitΘs que des esclaves.
Les Noirs libres, ou loyalistes noirs, Θtaient d'anciens esclaves qui s'Θtaient ΘchappΘs de chez leurs maεtres durant la guerre. Environ un tiers d'entre eux Θtaient dans les rΘgiments britanniques ou loyalistes, ou dans les Black Pioneers, rΘgiment formΘ de soldats noirs encadrΘs par quelques officiers blancs. Ils avaient autant le droit d'Ωtre appelΘs loyalistes que beaucoup de Blancs qui ne se sont joints aux Britanniques lors de leur Θvacuation par New York que pour obtenir des terres et des provisions gratuitement.
Les loyalistes noirs escomptaient Ωtre traitΘs de la mΩme faτon que les loyalistes blancs, mais ils furent profondΘment dΘτus. Tous les loyalistes Θtaient censΘs recevoir des provisions pour trois ans, ainsi qu'une terre gratuitement. Toutefois, peu de Noirs libres reτurent des concessions de terrain, et quand ils en eurent elles Θtaient ordinairement plus petites que celles donnΘes aux Blancs. Les Noirs recevaient 50 acres (20 ha), alors que les Blancs obtenaient de 100 α 1 000 acres (40 α 404 ha). En outre, les Noirs recevaient habituellement une terre pauvre que personne ne voulait, ou une terre si ΘloignΘe des points de peuplement qu'il Θtait presque impossible d'y Θtablir des fermes. Dans les quelques cas o∙ ils reτurent une terre que les Blancs voulaient, les Noirs ont ΘtΘ contraints d'aller ailleurs.
Les loyalistes noirs ont Θgalement reτu trΦs peu au chapitre des provisions et des fournitures. Au lieu de provisions pour trois ans, la plupart n'en recevaient que pour cinq ou six mois, et malgrΘ cela ils devaient travailler avant de recevoir quelque chose. Les loyalistes blancs se plaignaient Θgalement des promesses non tenues; ils n'ont pas tous eu des terres facilement, ni les provisions promises. NΘanmoins, les Noirs en gΘnΘral Θtaient beaucoup plus mal nantis, et leurs besoins n'ont pas retenu autant l'attention que ceux des loyalistes blancs.
Certains Noirs ont eu la possibilitΘ de travailler comme cultivateurs α bail sur des terres occupΘes par des Blancs. D'autres pouvaient travailler uniquement comme domestiques ou manoeuvres. Cela Θtait particuliΦrement vrai dans des endroits comme Saint John, qui a ΘtΘ constituΘ en ville en 1785. La charte de la ville interdisait aux Noirs de devenir des hommes libres de la ville, ce qui signifiait qu'ils ne pouvaient pas exploiter un commerce, exercer un mΘtier, ou pΩcher dans les eaux du port de Saint John sans un permis spΘcial dΘlivrΘ par le maire et le conseil. Par consΘquent, ils pouvaient travailler dans la ville uniquement comme domestiques ou manoeuvres, situation qui convenait aux Blancs, car il y avait une pΘnurie de main-d'oeuvre α l'Θpoque. Ce genre de discrimination s'est poursuivie α Saint John jusqu'en 1849.
Les Noirs libres du Nouveau-Brunswick Θtaient exposΘs α d'autres formes de discrimination. Lors des premiΦres Θlections qui eurent lieu dans la province, tous les citoyens libres et les colons de la province Θtaient censΘs Ωtre habilitΘs α voter. Toutefois, par ordonnances spΘciales du conseil exΘcutif, les shΘrifs des divers comtΘs ont reτu instruction ½de ne pas accepter les votes des Noirs╗. Cette pratique persista pendant de nombreuses annΘes, jusqu'au moment o∙, quand les Noirs obtinrent finalement le droit de vote, il Θtait devenu obligatoire d'Ωtre propriΘtaire pour pouvoir voter. Cela signifiait que les habitants de la province devaient possΘder une propriΘtΘ d'une certaine valeur pour avoir le droit de voter. Cette disposition a empΩchΘ beaucoup de Blancs pauvres, ainsi que la majoritΘ des Noirs de la province, de voter.
En Nouvelle-╔cosse, les Noirs Θtaient non seulement privΘs du droit de vote, mais aussi du droit d'avoir un jugement par jury. Dans des endroits comme Shelburne, ils n'avaient pas non plus la permission de tenir des sΘances de ½danses noires╗ ou de ½spectacles noirs╗; s'ils enfreignaient cette interdiction, ils Θtaient arrΩtΘs et accusΘs de ½comportement sΘditieux╗. Par la suite, quand les Noirs se sont plaints de la faτon dont ils Θtaient traitΘs, le gouverneur Thomas Carleton du Nouveau--Brunswick rΘpondit qu'Θtant donnΘ que les Noirs libres s'Θtaient joints aux Britanniques uniquement pour Θchapper α leurs maεtres, ils n'avaient droit α rien du gouvernement α part la libertΘ, et que c'Θtait, quant α lui, une justification suffisante pour ne pas leur accorder le droit de vote.
Il existe de nombreuses preuves que beaucoup de Noirs libres ont ΘtΘ maltraitΘs. PrΦs de Shelburne, par exemple, des Noirs s'Θtaient Θtablis α Birchtown, o∙ des terres avaient ΘtΘ dΘlimitΘes pour eux. Beaucoup d'entre eux travaillaient pour des Blancs α Shelburne α des salaires infΘrieurs α ceux des journaliers blancs. Ces derniers ont donc dΘcidΘ de chasser les Noirs hors de la ville. Benjamin Marston, arpenteur blanc, dΘcrit dans son journal ce qui s'est passΘ en juillet 1784:
Il y a eu une grande Θmeute aujourd'hui. Les soldats licenciΘs se sont soulevΘs contre les Noirs libres afin de les chasser de la ville, parce qu'ils travaillaient α des salaires infΘrieurs α ceux des soldats. L'Θmeute continue. Les militaires ont contraint les Noirs libres α quitter la ville, et ils ont dΘmoli une vingtaine de leurs maisons.
Plusieurs chefs sont apparus parmi les loyalistes noirs, notamment des pasteurs comme David George, Moses Wilkinson et Cato Perkins. Thomas Peters Θtait un autre dirigeant noir Θminent, ancien sergent des Black Pioneers. MΘcontent de la faτon dont les Noirs libres Θtaient traitΘs en Nouvelle-╔cosse, Peters a essayΘ, sans succΦs, de leur obtenir des terres au Nouveau-Brunswick. Puis il dΘcida de se rendre en Angleterre pour exposer leurs dolΘances aux autoritΘs britanniques. Pendant qu'il Θtait en Angleterre, il eut connaissance d'un projet de philanthropes britanniques de former une colonie pour les Noirs libres au Sierra Leone, sur la c⌠te occidentale de l'Afrique. Peters dΘcida d'aller s'installer dans la nouvelle colonie, et il Θtait s√r que des incidents comme l'Θmeute de Shelburne, ainsi que la difficultΘ que rencontraient les Noirs pour obtenir des terres, en convaincraient beaucoup d'autres de s'Θtablir eux aussi en Afrique.
Peters fit le tour de la Nouvelle-╔cosse et du Nouveau-Brunswick pour diffuser la nouvelle au sujet de Sierra Leone. Il se heurta alors α l'opposition de certains Blancs qui ne souhaitaient pas perdre leur source de main-d'oeuvre α bon marchΘ, mais en dΘpit de cette opposition les autoritΘs britanniques dΘcidΦrent d'aider α partir les Noirs qui le dΘsiraient. Quinze navires furent envoyΘs α Halifax pour les transporter en Afrique. Certains Noirs se rendirent α pied de Halifax α Saint John ou ils se joignirent aux autres qui Θtaient arrivΘs des divers lieux de peuplement de Nouvelle-╔cosse. Quand les bateaux prirent la mer en janvier 1792, 1 196 Noirs libres Θtaient α bord. Ce groupe comprenait la plupart des chefs des colonies noires, notamment Thomas Peters et le pasteur David George, ainsi que la plupart des artisans noirs. Ce sont donc les plus dΘmunis qui demeurΦrent au Nouveau Brunswick et en Nouvelle-╔cosse, o∙ ils continuΦrent α travailler pour les Blancs comme domestiques et journaliers. Un certain nombre de petites communautΘs noires continuΦrent de subsister en Nouvelle-╔cosse, tandis qu'au Nouveau-Brunswick la plupart des Noirs libres abandonnΦrent leurs efforts dans le domaine de l'agriculture et allΦrent s'installer α Saint John.
L'esclavage dans les colonies de l'Atlantique
Les Noirs libres Θtaient capables d'Θchapper α la pauvretΘ et α la discrimination au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-╔cosse, mais il y avait toujours des esclaves. En regard du droit, l'esclavage continua d'exister dans les colonies de l'Atlantique jusqu'α ce qu'il soit finalement aboli dans l'Empire britannique en 1833. Les Noirs avaient nΘanmoins ΘtΘ affranchis longtemps avant cette date. L'esclavage ne s'implanta jamais vΘritablement dans la rΘgion, car il n'y avait pas de vastes plantations ou de fermes nΘcessitant une main-d'oeuvre esclave. Les esclaves co√taient cher, et la majoritΘ appartenaient α d'anciens officiers loyalistes et α des responsables gouvernementaux importants.
Il s'agissait ordinairement de serviteurs ou de garτons d'Θcurie, de cochers et de palefreniers. Les annonces pour la vente d'esclaves continuaient de paraεtre dans les journaux aprΦs 1800, mais beaucoup moins frΘquemment. Les journaux publiaient aussi α l'occasion des annonces comme la suivante, offrant des rΘcompenses pour retrouver des esclaves:
FUGITIFS
Dans un CANOT DE BOULEAU, du soussignΘ deux hommes et une jeune fille noirs, qui ont emportΘ diverses choses avec eux. SAM, entre Noir et MulΓtre ΓgΘ de 17 ou 18 ans, de taille moyenne et mince, α la parole vive, essaie de jouer du VIOLON, et vΩtu d'un manteau de couleur brune de Londres, de culottes de toile et d'autres vΩtements.
BELLER, soeur de SAM, entre Noire et MulΓtresse, 16 ans, de taille moyenne et mince, maigre, porte une cicatrice entre un oeil et la tempe, parle avec lenteur, porte un chapeau recouvert de noir avec doublure blanche, et vivait naguΦre chez le juge Peters α Saint John. TONY SMITH, certains l'appellent JOE, Noir libre, mais embauchΘ pour un certain temps, il est grand et mince, parle mal, porte un manteau bleu ou brun, des culottes de toile, et transporte d'autres vΩtements. Deux des domestiques susmentionnΘs ont ΘtΘ ΘlevΘs dans la famille. Toute personne qui les arrΩte ou donne des renseignements α M. Ezra Scoflield, Kint Street, Saint John, ou au soussignΘ, recevra une GUIN╔E pour chacun d'eux, et s'ils sont pris α l'extΘrieur de Saint John, des frais raisonnables seront payΘs. S'ils sont repris hors de la province, il est demandΘ qu'ils puissent Ωtre mis en prison jusqu'α ce qu'on vienne les chercher. Tous les capitaines de navire et toute autre personne sont avertis de ne pas transporter l'un de ces Noirs, ou de leur donner refuge ou de les cacher, au risque d'avoir α en rΘpondre.
THOMAS LESTER
Waterborough, le 19 juin 1787
Le dernier avis concernant un esclave fugitif a ΘtΘ publiΘ vers 1818. └ cette Θpoque, l'esclavage n'Θtait plus trΦs bien vu dans les colonies de l'Atlantique. Un certain nombre de procΦs avaient eu lieu α ce sujet et bien que cette pratique f√t encore lΘgale, les magistrats avaient tendance α considΘrer avec sympathie le sort de l'esclave. Dans les cas de diffΘrends au sujet de leurs droits de propriΘtΘ, les propriΘtaires d'esclaves devaient avoir une preuve irrΘfutable de propriΘtΘ pour espΘrer gagner. AprΦs un procΦs qui s'est dΘroulΘ au Nouveau-Brunswick en 1800, un juge qui possΘdait lui-mΩme des esclaves fut gagnΘ α la cause de ceux qui s'opposaient α l'esclavage et libΘra ses propres esclaves. En 1822, le gouvernement du Nouveau-Brunswick indiquait qu'il n'y avait pas d'esclaves dans la province. Cela Θtait probablement vrai pour les autres colonies de l'Atlantique Θgalement. Quand l'esclavage fut aboli dans l'Empire britannique en 1833, les esclaves ont pu demander leur libertΘ et aucun esclave ne le fit dans les colonies de l'Atlantique, ce qui permet de supposer que tous les esclaves avaient dΘjα ΘtΘ libΘrΘs.
Les Noirs marrons
AprΦs les loyalistes noirs, le groupe suivant de Noirs α venir s'installer dans la rΘgion des Maritimes fut celui des Noirs marrons, qui se sont Θtablis en Nouvelle-╔cosse en 1796. Les Noirs marrons Θtaient des esclaves fugitifs qui avaient Θtabli des colonies libres α la Jama∩que. Ils y combattirent les Britanniques, et furent amenΘs par un subterfuge α se rendre en 1795. Environ 500 d'entre eux furent envoyΘs en Nouvelle-╔cosse, o∙ on les installa dans les faubourgs de Halifax. Fiers et intraitables, ces Noirs refusΦrent d'accepter les conditions dΘgradantes qu'ils trouvΦrent en Nouvelle-╔cosse. On leur offrit du travail α la construction de la citadelle de Halifax, mais ils Θtaient toujours mΘcontents et exigΦrent d'Ωtre envoyΘs en Afrique. En 1800, cette demande fut accordΘe et les Noirs marrons furent envoyΘs au Sierra Leone afin de se joindre aux Noirs libres qui s'y Θtaient installΘs huit ans auparavant.
Les rΘfugiΘs noirs
Un afflux important de Noirs dans la rΘgion survint ensuite en 1815. Il s'agissait des rΘfugiΘs noirs, anciens esclaves du Maryland et de la Virginie, qui s'Θtablirent pour la plupart en Nouvelle-╔cosse. Durant la guerre de 1812, les Britanniques avaient fait le blocus de presque toute la c⌠te Atlantique des ╔tats-Unis et avaient occupΘ la baie de Chesapeake pendant un certains temps. Durant cette occupation, les esclaves avaient ΘtΘ encouragΘs α fausser compagnie α leurs maεtres et ils trouvΦrent refuge α bord des navires de guerre britanniques. Quand la guerre se termina, les Britanniques dΘcidΦrent de les envoyer en Nouvelle-╔cosse, Θtant donnΘ que beaucoup de Noirs y vivaient dΘjα. Les responsables gouvernementaux α Halifax avaient des sentiments mΩlΘs au sujet de savoir s'il fallait permettre aux 2 000 rΘfugiΘs Noirs de venir s'y installer.
Nombre de NΘo-╔cossais estimaient qu'il y avait dΘjα beaucoup trop de Noirs dans la colonie. Le lieutenant-gouverneur demanda donc au gouvernement du Nouveau-Brunswick d'accepter environ 500 rΘfugiΘs, ce que fit ce dernier, et environ 380 dΘbarquΦrent en fin de compte α Saint John.
Certains proposΦrent de faire travailler les rΘfugiΘs noirs comme apprentis ou ouvriers de ferme. Toutefois, il fut dΘcidΘ finalement que des terres seraient mises de c⌠tΘ pour eux afin qu'ils forment des points de peuplement qui leur soient propres. Des petits villages furent amΘnagΘs en Nouvelle-╔cosse prΦs de Halifax, et au Nouveau-Brunswick α Willow Grove prΦs de Saint John. Les petits terrains Θtaient d'environ 20 hectares au Nouveau-Brunswick et de 3,2 α 4 hectares dans la plupart des points de peuplement de la Nouvelle-╔cosse. La majeure partie de ces terres Θtaient presque sans valeur pour l'agriculture. Les rΘfugiΘs noirs recevaient ordinairement des permis d'occupation, mais aucune aide pour former des peuplements. Cela signifiait qu'ils pouvaient occuper la terre, mais comme ils n'en Θtaient pas propriΘtaires, ils ne pouvaient pas la vendre ni la lΘguer α leurs descendants. Les rΘfugiΘs sont donc restΘs libres, mais misΘrables. En 1818, le juge Chipman du Nouveau-Brunswick dΘclara que le gouvernement avait agi cruellement en les envoyant sous ces cieux inhospitaliers, et en ne leur donnant aucune aide pour y fonder un point de peuplement. Pendant des annΘes par la suite, les responsables des indigents et les autres reprΘsentants du comtΘ ont d√ fournir des vivres aux rΘfugiΘs pour les empΩcher de mourir de faim ou de maladie. Certains Noirs abandonnΦrent leurs terres et vinrent s'installer en ville.
En 1825, aprΦs avoir essayΘ pendant dix ans d'obtenir des titres de propriΘtΘ, ceux qui restaient obtinrent des baux de 99 ans, mais ils voulaient des titres francs d'hypothΦques, les mΩmes qu'avaient les Blancs. Au Nouveau-Brunswick, cette lutte pour obtenir des concessions de terrains dura plus de vingt ans. Quand des terres furent concΘdΘes, un grand nombre de rΘfugiΘs noirs vivaient α Saint John et avaient pratiquement abandonnΘ leurs terres. La colonie de Willow Grove continua d'exister, mais au fil des ans, de plus en plus de jeunes Noirs partirent pour la ville. Au dΘbut du XXe siΦcle, le point de peuplement fut abandonnΘ et la terre passa aux mains des Blancs qui possΘdaient des terrains dans la mΩme rΘgion. Dans certains endroits de la Nouvelle-╔cosse, cela prit encore plus de temps avant que les Noirs obtiennent un titre de propriΘtΘ, et certains ne reτurent jamais de titres francs d'hypothΦques.
Les immigrants noirs dans les provinces Maritimes
Il n'y a pas eu d'autres afflux importants de Noirs dans la rΘgion des Maritimes aprΦs 1815. Quelques esclaves fugitifs rΘussirent α atteindre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-╔cosse au cours de la pΘriode de 1830 α 1860. Ils furent aidΘs par les abolitionnistes aux ╔tats-Unis, et la plupart ont atteint Saint John ou Halifax par bateau. Leur nombre Θtaient restreint, mais plusieurs d'entre eux devinrent des dirigeants de la communautΘ noire α Saint John.
Vers la fin du XIXe siΦcle, un certain nombre de Noirs antillais furent amenΘs au Cap-Breton pour travailler dans les mines de charbon α Sydney. Quelques-uns de leurs descendants y habitent toujours. Par la suite, au cours de la PremiΦre Guerre mondiale, plusieurs centaines d'autres ont ΘtΘ recrutΘs pour les mines du Cap-Breton, et quelques-uns allΦrent α Saint John et d'autres α Halifax o∙ ils travaillΦrent au chantier naval. En 1920, l'immigration des Noirs au Canada avait pratiquement cessΘ, Θtant donnΘ que la politique du gouvernement Θtait de n'admettre que des colons blancs. Ce n'est qu'aprΦs la Seconde Guerre mondiale que cette politique fut dΘnoncΘe par les Noirs du Canada, et ce n'est qu'en 1961 que le gouvernement modifia sa politique pour donner α plus d'Antillais la possibilitΘ de s'Θtablir au Canada.
Ces derniΦres annΘes, la plupart des Antillais se sont installΘs en Ontario et au QuΘbec, mais quelques-uns sont allΘs en Nouvelle-╔cosse et au Nouveau-Brunswick. Toutefois, la majoritΘ des Noirs des provinces Maritimes continuent d'Ωtre des descendants des esclaves, des loyalistes noirs et des rΘfugiΘs noirs. Ces premiers Noirs Θprouvent en gΘnΘral un certain ressentiment α l'Θgard des nouveaux venus des Antilles, en partie parce que ces derniers sont plus instruits et moins disposΘs α accepter les emplois non spΘcialisΘs et de service normalement occupΘs par les Noirs. Un grand nombre de Noirs nouvellement arrivΘs s'estiment supΘrieurs aux Noirs nΘs au Canada. Au fil des annΘes, des efforts ont ΘtΘ faits pour unir les Noirs α travers le Canada, mais ces efforts n'ont pas ΘtΘ fructueux.
Les Noirs et la religion
Les Noirs des provinces Maritimes ont toujours ΘtΘ trΦs religieux. Depuis l'Θpoque o∙ les premiers Noirs libres ont commencΘ α s'installer en Nouvelle-╔cosse et au Nouveau-Brunswick, ils ont formΘ leurs propres congrΘgations religieuses et ont eu leurs propres pasteurs.
La majoritΘ adhΘra finalement α l'╔glise baptiste; d'autres qui essayΦrent de frΘquenter les Θglises blanches Θtablies y ont souvent trouvΘ un accueil peu enthousiaste. Beaucoup d'Θglises au dΘbut du XIXe siΦcle louaient des bancs α leurs paroissiens, et les pauvres, Blancs ou Noirs, Θtaient obligΘs de s'asseoir α l'arriΦre de l'Θglise. └ l'occasion, des Θglises allaient encore plus loin dans la discrimination et rΘservaient des bancs pour les Noirs α l'arriΦre de l'Θglise ou au balcon, les isolant ainsi mΩme des Blancs pauvres.
Les Noirs se sentaient rarement les bienvenus mΩme dans les Θglises o∙ il leur Θtait permis de s'asseoir avec les Blancs et ils prΘfΘraient donc leurs propres Θglises. En Nouvelle-╔cosse, un ministre baptiste noir, Richard Preston, groupa les Θglises baptistes noires en une association baptiste, l'African Baptist Association of Nova Scotia, formΘe en 1854. On dΘnombrait plus de vingt Θglises baptistes noires en 1897 en Nouvelle-╔cosse, et la plupart sont encore ouvertes. Des Θglises noires sΘparΘes existaient Θgalement au Nouveau-Brunswick α Elm Hill et α Saint John jusqu'au dΘbut du siΦcle. Ces Θglises Θtaient trΦs importantes pour les Noirs, du fait qu'elles servaient α la fois une fonction sociale et religieuse, et plusieurs ministres du culte sont devenus des dirigeants des diverses communautΘs noires.
Les Noirs et l'Θducation
Dans le domaine de l'Θducation, les Noirs ont ΘtΘ Θgalement l'objet de discrimination. Ils furent contraints parfois d'Θtablir leurs propres Θcoles pour que leurs enfants puissent apprendre α lire et α Θcrire. Dans certains cas, lorsqu'il y avait peu de Noirs, ils pouvaient envoyer leurs enfants dans les Θcoles des Blancs, mais en de nombreux endroits les Blancs refusaient d'envoyer leurs enfants α l'Θcole si les enfants noirs y Θtaient admis. Les Noirs ont donc prΘsentΘ au gouvernement, parfois avec l'aide de l'╔glise anglicane, une demande d'aide pour Θtablir leurs propres Θcoles. C'est ainsi qu'au dΘbut du XIXe siΦcle, il y avait des Θcoles noires sΘparΘes en plusieurs endroits, notamment α Fredericton, Halifax, Preston, Saint John et Hammond Plains. Ces Θcoles dites africaines ont reτu par la suite l'aide financiΦre du gouvernement et ce n'est que ces derniΦres annΘes que ces Θcoles sΘparΘes ont disparu dans la plupart des localitΘs.
Au dΘbut, les Noirs n'avaient aucune possibilitΘ de faire des Θtudes collΘgiales ou universitaires. Encore en 1949, seulement trois Noirs Θtaient titulaires d'un dipl⌠me universitaire en Nouvelle-╔cosse. Plus rΘcemment, les choses se sont amΘliorΘes, et aujourd'hui des Noirs nΘs au Canada Θtudient dans la plupart des universitΘs des Maritimes.
Les Noirs au XXe siΦcle
Jusqu'α tout rΘcemment, la principale prΘoccupation des Noirs dans les provinces Maritimes a ΘtΘ simplement de survivre. Ils ne pouvaient qu'espΘrer ne pas mourir de faim en acceptant n'importe quel emploi que les Blancs voulaient bien leur laisser. La discrimination dans l'emploi Θtait pratiquΘe presque partout. De ce fait, les Noirs sont demeurΘs pauvres et toute mobilitΘ vers le haut leur Θtait pratiquement impossible. Les immigrants noirs plus rΘcents, qui Θtaient plus instruits ou avaient la formation nΘcessaire pour occuper des postes plus prestigieux, ont ΘtΘ en mesure d'atteindre un niveau de vie plus ΘlevΘ que celui de la plupart des Noirs nΘs au Canada.
La majoritΘ des Noirs continuΦrent de vivre dans des rΘgions rurales isolΘes α la pΘriphΘrie des villes blanches, ordinairement sans logement ou services publics convenables. Le seul espoir d'amΘliorer leur sort Θtait d'Θmigrer dans des villes telles que Saint John ou Halifax o∙ les possibilitΘs de travail, bien que limitΘes α certains types d'emplois, Θtaient beaucoup plus nombreuses. La plus importante colonie noire au Nouveau-Brunswick, Willow Grove, a disparu au dΘbut du XXe siΦcle, les jeunes Noirs allant s'installer α Saint John ou hors de la province. La majoritΘ des Noirs de l'╬le-du-Prince-╔douard Θtaient α Charlottetown, o∙ la plupart travaillaient comme journaliers et jardiniers.
Dans les villes, les Noirs vivaient dans certains quartiers ou dans les faubourgs, comme Africville α Halifax. Dans les localitΘs comme Africville, les Noirs Θtaient autorisΘs α construire des maisons, mais les autoritΘs locales se montraient peu disposΘes α fournir des services mΩme essentiels. Les efforts dΘployΘs par les Noirs d'Africville pour obtenir des services d'aqueduc, d'Θclairage et d'Θgout, et des bonnes routes furent sans succΦs. Beaucoup de Blancs de Halifax considΘraient qu'Africville offrait un spectacle honteux pour les yeux, et entachait le caractΦre distinctif de la ville.
Finalement, les autoritΘs dΘcidΦrent de dΘmΘnager les Noirs qui y habitaient. Africville fut dΘtruite afin que d'autres amΘnagements urbains puissent Ωtre effectuΘs dans cette zone et les Noirs furent replacΘs dans des quartiers de la ville o∙ ils avaient tous les services municipaux essentiels, des logements plus salubres et un meilleur accΦs aux services gouvernementaux et aux Θcoles.
Les tentatives prΘcΘdentes pour persuader les Noirs d'aller s'Θtablir dans d'autres parties de la Nouvelle-╔cosse avaient ΘchouΘ.
Dans le cas d'Africville, les rΘsidants n'avaient pas grand choix. La localitΘ fut dΘtruite et les personnes qui y habitaient, dΘplacΘes. Cependant, les rΘsultats ne furent pas conformes α ce qu'avaient escomptΘs les planificateurs. Beaucoup de Noirs n'Θtaient pas heureux dans leurs nouveaux logements. L'esprit communautaire et le sentiment d'unitΘ qu'ils ressentaient α Africville avaient ΘtΘ dΘtruits en mΩme temps que la localitΘ elle-mΩme. Vu les sentiments nΘgatifs ΘprouvΘs par ceux qui furent contraints de dΘmΘnager, il est trΦs peu probable qu'un gouvernement essaie de nouveau une expΘrience de ce genre.
Au Nouveau-Brunswick, Elm Hill, prΦs de Gagetown, est la seule petite localitΘ noire encore en existence. La majoritΘ des Noirs de la province se sont Θtablis α Saint John ou α Fredericton. En Nouvelle-╔cosse, un certain nombre de petites communautΘs existent toujours, mais la majoritΘ des Noirs habitent Halifax mΩme ou α proximitΘ.
Au cours des annΘes 1960, un nouvel esprit Θtait apparu parmi les Noirs de la rΘgion. En partie en raison du mouvement en faveur de l'ΘgalitΘ des droits aux ╔tats-Unis, les Noirs ne voulaient plus accepter, sans se plaindre, la faτon dont la sociΘtΘ blanche les traitait. En mΩme temps, les attitudes du gouvernement α l'Θgard des droits de la personne et des droits des minoritΘs Θtaient en train de changer. Les gouvernements se montraient plus disposΘs α essayer d'Θliminer certains des obstacles auxquels les Noirs faisaient face dans leur lutte pour l'ΘgalitΘ. Les coiffeurs blancs n'avaient plus le droit de refuser de couper les cheveux d'un noir; la direction d'un thΘΓtre ne pouvait plus obliger les Noirs α s'asseoir aux balcons; les restaurateurs ne pouvaient plus refuser de les servir; les propriΘtaires n'avaient plus le droit de refuser de louer α des Noirs. Par le biais d'organisations comme la Commission des droits de la personne au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-╔cosse, et le Black United Front, les Noirs ont commencΘ α contester plusieurs types de discrimination qu'ils avaient acceptΘs pendant des annΘes sans rien dire.
Des efforts sΘrieux ont ΘtΘ faits pour offrir de meilleures possibilitΘs d'Θducation aux jeunes Noirs. Des programmes comme Transition Year α l'UniversitΘ Dalhousie a donnΘ aux Noirs de plus grandes possibilitΘs d'entrer α l'universitΘ. La crΘation du Black Cultural Centre α Dartmouth en 1983 a fait beaucoup pour aider α inculquer aux jeunes Noirs une connaissance de leur histoire et des luttes qu'ont d√ mener leurs ancΩtres uniquement pour survivre dans une sociΘtΘ qui refusait de les traiter en Θgaux.
Les jeunes Noirs font encore face α beaucoup de difficultΘs pour essayer d'obtenir l'ΘgalitΘ que les gouvernements leur promettent, mais les entraves α leur progrΦs social et Θconomique ne sont plus aussi rigides qu'elles Θtaient. Leurs perspectives sont beaucoup plus reluisantes que celles des loyalistes noirs et des rΘfugiΘs noirs qui sont arrivΘs dans les provinces Maritimes en quΩte de libertΘ uniquement pour constater que les prΘjugΘs raciaux et la discrimination raciale rΘduisaient la plupart d'entre eux α un Θtat voisin de l'esclavage. Que ces pionniers aient rΘussi α persΘvΘrer tout en conservant leur dignitΘ et leur fiertΘ est un vΘritable exploit que Noirs comme Blancs ne doivent pas oublier.