IMMIGRATION BRITANNIQUE EN AMâRIQUE DU NORD BRITANNIQUE (1815-1860)
H.J.M. Johnston
La pÄriode des annÄes 1815 ê 1860 s'avÅre l'une des plus importantes dans l'histoire de l'immigration du Canada. Les colonies de l'Est reìurent la majoritÄ des immigrants bien que certains tentÅrent leur chance dans les prairies de l'Ouest. On attribue a Lord Selkirk l'Ätablissement de deux ê trois cents immigrants Äcossais ê la RiviÅre Rouge entre les annÄes 1811 et 1815; quelques centaines d'immigrants britanniques ont atteint l'öle Vancouver par le Cap Horn vers le dÄbut des annÄes 1850; parmi le nombre des mineurs qui participÅrent ê la ruÄe de l'or au Kootenay en 1858, se trouvaient Ägalement certains sujets britanniques. ╦ part cela, il n'y eut presque pas d'immigration britannique vers l'Ouest. Le texte prÄsentÄ ici se limite ê montrer la condition de l'immigrant du dÄbut du dix-neuviÅme siÅcle, depuis le moment o¥ il quitte sa demeure dans l'ancien continent jusqu'ê son arrivÄe dans la partie est du nouveau continent.
Les annÄes aprÅs 1815 marquent le dÄbut de l'immigration britannique aux deux Canadas. Auparavant, les efforts des autoritÄs coloniales pour attirer des immigrants de Grande-Bretagne n'avaient guÅre ÄtÄ fructueux. Au dix-huitiÅme siÅcle, le gouvernement britannique, comme les autres gouvernements europÄens, jaloux de sa population, pratiquait une politique d'Ämigration restrictive. MÉme si le gouvernement Ätait plus libÄral, les habitants de l'Angleterre et de presque toute l'âcosse et l'Irlande ignoraient les possibilitÄs d'Ämigration et jusqu'ê l'existence de colonies en AmÄrique du Nord. S'il y a un dÄbut d'intÄrÉt, il est noyÄ pendant le quart de siÅcle dominÄ par la guerre contre la France de la RÄvolution, puis de NapolÄon. Pendant cette pÄriode, le Canada se dÄveloppera grëce ê l'accroissement naturel de la population canadienne-franìaise et ê l'arrivÄe de colons loyalistes et post-loyalistes des âtats-Unis. ExceptÄe la venue d'habitants des Highlands (âcosse) en Nouvelle-âcosse, au Cap Breton et dans l'öle du Prince-âdouard, l'immigration britannique aux deux Canadas et dans les colonies maritimes demeure nÄgligeable.
Des pressions d'ordre social et Äconomique se faisaient nombreuses en Angleterre. La dÄfaite de NapolÄon ê Waterloo en 1815 allait marquer une Åre d'Ämigration de masse. L'augmentation rapide de la population et tout le bouleversement provoquÄ dans l'Äconomie par la rÄvolution industrielle entraönÅrent un malaise dans la classe ouvriÅre, du chÖmage, et un nombre croissant d'indigents. L'attitude du gouvernement alla aussitÖt changer, et il se met ê encourager l'Ämigration. Les possibilitÄs d'Ätablissement aux colonies Ätaient connues du public grëce ê des brochures, des journaux et les lettres encourageantes envoyÄes par les immigrants ê leurs parents et amis. Les chiffres sont Äloquents: avant 1815, le nombre des Ämigrants britanniques au Canada britannique et aux âtats-Unis n'excÄdait pas 10 000 ou 15 000 la meilleure annÄe. AprÅs 1815, la moyenne annuelle d'Ämigration Ätait la suivante:
1815 - 1829 20,000
1830 - 1839 67,000
1840 - 1849 150,000
1850 - 1859 240,000
La famine due ê la pÄnurie de pommes de terre en Irlande en 1846 a ÄtÄ ê l'origine de la dÄcade la plus dÄsespÄrÄe et la plus dramatique de l'histoire de l'Ämigration au dix-neuviÅme siÅcle. De 130 000 en 1846, la vague d'Ämigrants passa ê 258 000 en 1847 et ê 368 000 en 1852. La population d'Irlande subit une baisse de 1,6 million entre 1841 et 1851, essentiellement ê cause de l'Ämigration. Bien s₧r, l'AmÄrique du Nord britannique ne reìut qu'une partie de tous les Ämigrants de Grande-Bretagne et d'Irlande, mais une partie substantielle, et ce jusqu'aux annÄes 1850.
Il n'est pas possible de fournir des donnÄes exactes pour dÄcrire l'impact de l'immigration dans les deux Canadas et dans les colonies de l'Atlantique au dÄbut du dix-neuviÅme siÅcle. Cependant, un calcul approximatif peut Étre fait. En 1815, ces colonies comptaient ensemble une population d'ê peine 600 000 habitants. Pendant les quarante-cinq annÄes suivantes, 1 100 000 Ämigrants firent voile vers l'AmÄrique du Nord britannique qui, vers 1860, avait une population de 3 500 000 habitants. Certains Ämigrants ne survÄcurent pas au voyage et beaucoup parmi les autres ont continuÄ directement vers les âtats-Unis. D'autres se sont installÄs pour quelques annÄes dans les colonies, puis, attirÄs par de meilleurs salaires ou des terres moins chÅres, traversÅrent la frontiÅre. On ne peut pas dÄterminer de faìon exacte le nombre de ceux qui sont restÄs.
La perspective d'une Ämigration massive n'apparaissait pas aux habitants de l'AmÄrique du Nord britannique, comme une mesure des plus avantageuses. Immigration pouvait tout aussi bien signifier l'appauvrissement que l'enrichissement du pays. Dans les annÄes 1820, les deux Canadas avaient peu de capitaux et ne faisaient que peu de commerce; leur production de blÄ suffisait ê peine ê nourrir la population d'alors. Tandis que les autoritÄs du Haut-Canada soutenaient que l'on avait besoin de l'immigration pour dÄvelopper le pays et stimuler l'Äconomie, les autoritÄs du Bas-Canada se prÄoccupaient davantage des foules d'immigrants indigents pour lesquels il n'y avait pas d'emploi, et qui risquaient de devenir une charge pour les habitants de QuÄbec et de MontrÄal. Les consÄquences de l'immigration sur la physionomie politique des colonies Ätaient un sujet de prÄoccupations constantes. C'est pour cette raison que l'on s'efforìa de maintenir les colons amÄricains hors des deux Canadas aprÅs 1815. Quand le juge en chef du Haut-Canada fut consultÄ ê propos de l'intÄgration des immigrants irlandais catholiques ê la colonie, dans les annÄes 1820, il eut un moment d'hÄsitation, puis dÄclara qu'il prÄfÄrait ceux qui sont ╟pauvres, ignorants, sous la tutelle des prÉtres╚ ê ceux qui ╟dÄcident pour eux-mÉmes en matiÅre de gouvernement et de religion, et trop souvent se trompent.╚
Des trois principaux groupes d'immigrants, les Irlandais viennent en tÉte et les âcossais au dernier rang. Mais, que le mouvement fut anglais, Äcossais ou irlandais, c'est dans des campagnes o¥ sÄvissaient pauvretÄ et chÖmage, ces sous-produits de la surpopulation et de la rÄforme agraire, qu'il prit naissance. En Irlande, les deux tiers de la population vivaient d'agriculture. La majoritÄ des familles possÄdaient des lopins de moins d'un acre. On avait subdivisÄ la terre au maximum et l'Äconomie de subsistance de l'Irlande agricole ne pouvait faire vivre plus de monde. Les grands propriÄtaires ne le savaient que trop, eux qui n'avaient de cesse que de dÄbarrasser leurs domaines des petits fermiers trop pauvres pour payer leur part. En âcosse, la situation Ävoluait dans le mÉme sens. Grëce ê de meilleures conditions de transport, il devint possible d'expÄdier du boeuf et de l'agneau d'âcosse dans les centres industries en pleine expansion d'Angleterre, et les propriÄtaires des Highlands congÄdiÅrent leurs fermiers pour laisser la place au bÄtail et aux moutons. Cette population rejetÄe se dirigea vers les villes et les citÄs des Lowlands, ou encore elle Ämigrait outre-mer. Autre consÄquence de la RÄvolution industrielle, l'Angleterre rurale traversait une phase de rÄadaptation complexe. Les usines textiles remplaìaient peu ê peu la paysanne derriÅre son mÄtier ê tisser ou son rouet, tandis que des clÖtures autour des prÄs communaux supprimaient le droit de mener paötre ses moutons et ses porcs. De nouvelles mÄthodes d'exploitation agricole d'un meilleur rendement mais aussi d'un prix de revient plus ÄlevÄ entraönÅrent la hausse gÄnÄrale des fermages, de mÉme qu'un malencontreux systÅme de lois d'assistance publique maintint les salaires ê des niveaux dÄrisoires. Les petits fermiers s'appauvrirent et les ouvriers agricoles devinrent des mendiants.
Le chÖmage et la pauvretÄ ont toujours sÄvi parmi la population rurale du Sud de l'Angleterre, de l'Irlande et de l'âcosse. Mais c'est toujours au cours d'annÄes de crise aiguæ que se sont dÄclenchÄes les grandes Ämigrations. La chute du prix du blÄ, dans les annÄes 1817-1821, entraöna un grand nombre de dÄparts. Les fermiers ne pouvaient plus payer leurs redevances et les ouvriers agricoles n'avaient plus de travail. Certains eurent recours ê la violence et se mirent ê br₧ler des granges et des batteuses pour Äpancher leur colÅre. D'autres ÄmigrÅrent. AprÅs une amÄlioration du marchÄ du blÄ en 1822, le nombre des Ämigrants diminua. Le dÄbut des annÄes 1830 connut ê nouveau une pÄriode de dÄpression agricole et de profonds malaises. Enfin, de mauvaises rÄcoltes de pommes de terre, non seulement en 1846, mais aussi en 1847, ont prÄcipitÄ le grand exode de la fin des annÄes 1840 et du dÄbut des annÄes 1850.
En gÄnÄral, les gens les plus pauvres et les plus dÄmunis ne pouvaient se permettre d'Ämigrer, le co₧t d'un voyage transatlantique dÄpassant leurs moyens. Ceux qui viennent des campagnes anglaises se dirigent vers les grands centres industriels. Pour leur part, les Irlandais partent pour l'Angleterre. Quant ê ceux qui peuvent alors Ämigrer en AmÄrique du Nord britannique ce sont les personnes qui peuvent compter soit sur l'assistance d'un parent qui y rÄside -- et c'est chose courante ê l'Äpoque -- soit encore sur l'aide du gouvernement ou d'un bienfaiteur quelconque. Les colonies britanniques d'AmÄrique du Nord et les âtats-Unis, ê la diffÄrence de l'Australie, n'aidÅrent aucunement les immigrants ê dÄfrayer le co₧t de leur voyage. Par contre, le gouvernement britannique a secouru des Ämigrants pauvres ê quelques occasions pendant la pÄriode antÄrieure ê 1830. Quelques paroisses anglaises et Äcossaises, quelques propriÄtaires et certains organismes de charitÄ offraient des passages gratuits et un peu d'argent pour l'arrivÄe. Cependant, les Ämigrants qui bÄnÄficient d'une aide ne sont qu'une faible minoritÄ parmi ceux qui viennent en AmÄrique du Nord britannique.
Jusqu'ê 1830, la plupart des Ämigrants Ätaient des Irlandais protestants de l'Ulster -- petits fermiers forcÄs de quitter leurs terres ê cause des redevances et des impÖts trop lourds, et par la concurrence des exploitations plus importantes. Ouvriers et petits exploitants agricoles de toutes les rÄgions d'Irlande avaient toutefois commencÄ ê Ämigrer depuis les annÄes vingt. AprÅs 1830, les catholiques irlandais du Sud et du Sud-Ouest formÅrent le groupe le plus important des Ämigrants britanniques. En 1832, par exemple, le port de QuÄbec accueillit 5 500 Ämigrants d'âcosse, 17 481 d'Angleterre et 28 204 d'Irlande. Beaucoup d'Irlandais s'embarquÅrent dans des ports anglais aprÅs avoir tentÄ leur chance dans le pays; dans les annÄes 1850, Liverpool devint, ê l'opposÄ de Belfast ou Dublin, le premier port d'Ämigration des Irlandais.
Le prix du voyage au Canada britannique dÄpendait de l'itinÄraire et des conditions ê bord. Pour 30 livres, l'Ämigrant pouvait avoir une cabine avec peut-Étre deux couchettes, un divan et un hublot, sur un paquebot ê voiles de la ligne Liverpool-New York. Mais pour beaucoup, cette somme reprÄsente plus d'un an de travail; c'Ätait bien s₧r hors de question. L'Ämigrant devait alors voyager sur les entreponts encombrÄs et partager une couchette avec deux ou mÉme quatre personnes. En 1834, un passage de cette catÄgorie pour New York en partant de Liverpool co₧te 5.10.0 livres. D'un port irlandais ê New York, il revient ê 4.10.0 livres. Les bateaux ê destination de ports amÄricains tombaient sous le coup de la loi amÄricaine relative aux passagers, laquelle Ätait plus rigoureuse que sa contrepartie britannique. Par consÄquent, les prix des armateurs amÄricains Ätaient plus ÄlevÄs. Si l'Ämigrant ne pouvait se permettre d'aller jusqu'ê New York, il s'embarquait pour l'AmÄrique du Nord britannique. En 1834, le voyage sur entrepont de Liverpool ê QuÄbec co₧te 4.10.0 livres, mais ê partir de Cork et Limerick, le prix tombe ê 2.10.0 livres, et de Dublin, Belfast et Londonderry, ê 1.10.0 livre. Une grande partie des bateaux qui quittaient l'Irlande Ätaient utilisÄs pour le transport du bois; ils charriaient du bois Äquarri d'ouest en est et amenaient des passagers au retour. Il y avait une faìon encore moins chÅre de faire la traversÄe. Pour dix shillings, l'Ämigrant irlandais pouvait monter dans un bateau de pÉche en direction de Terre-Neuve. Beaucoup l'ont fait, bien que leur nombre ne soit pas officiellement connu.
Toutes sortes de navires prirent part au transport des Ämigrants. Ceux qui ralliaient l'AmÄrique du Nord britannique et l'Irlande Ätaient gÄnÄralement petits -- entre 150 et 500 tonnes -- et transportaient frÄquemment beaucoup plus de passagers que ne le permettait le rÅglement. Le 334 tonnes Ulster par exemple, dÄchargeait 505 immigrants ê QuÄbec le 5 juillet 1831; la loi ne lui en autorise que 250 ê bord. MÉme sans enfreindre la loi, il Ätait possible d'entasser des Ämigrants dans un espace incroyablement petit, dans les soutes sans fenÉtre des entreponts. Aucun contrÖle n'Ätait effectuÄ, car il n'y avait en Angleterre au cours des quatre premiÅres dÄcennies du XIXe siÅcle aucune campagne publique dÄnonìant les conditions de transport des Ämigrants. Les intÄrÉts en jeu des compagnies maritimes Ätaient trop importants et, les rÅglements vont mÉme devenir plus permissibles. La loi de 1803 relative aux passagers permet aux navires britanniques de transporter un passager pour deux tonnes; la loi de 1817, deux passagers pour trois tonnes et la loi de 1828, trois passagers pour quatre tonnes. Fait Ätonnant, des milliers d'Ämigrants arrivent sains et saufs, et Äcrivent plus tard ê leurs amis les encourageant ê les rejoindre.
Beaucoup d'immigrants aux âtats-Unis y sont arrivÄs via l'AmÄrique du Nord britannique parce que le prix du voyage Ätait moins ÄlevÄ. En 1826, on estime que sur 10 000 immigrants dÄbarquant chaque annÄe ê QuÄbec et MontrÄal, pas plus de 500 s'installent au Bas-Canada et pas plus de 1 500 dans le Haut- Canada. Les 8 000 autres vont s'Ätablir aux âtats-Unis. Dans les dÄcennies qui suivent, cette tendance changea. Comme le rÄseau de transports intÄrieurs ne cessait de s'amÄliorer, et comme les agents du gouvernement s'efforìaient de venir en aide aux immigrants, ceux-ci furent plus nombreux ê se fixer dans les deux Canadas. En 1831, l'agent d'immigration ê QuÄbec rapportait que seulement douze pour-cent des arrivants avaient continuÄ leur route vers les âtats-Unis. La proportion Ätait encore la mÉme dix ans plus tard. Dans le mÉme temps, de nombreux immigrants arrivÅrent au Canada en passant par New York et Oswego. Il s'Ätablit ainsi une sorte d'Ächange: les immigrants pauvres entraient aux âtats-Unis par les ports de l'AmÄrique du Nord britannique, tandis que les immigrants plus aisÄs passaient des âtats-Unis au Canada.
La majoritÄ des immigrants de dirigÅrent vers l'intÄrieur du continent; QuÄbec et MontrÄal Ätaient les ports d'immigration les plus importants des colonies nord-amÄricaines. En 1832, par exemple, 51,700 immigrants dÄbarquÅrent ê QuÄbec, contre seulement 14,500 ê Halifax ou dans d'autres ports des Maritimes. En 1847, il en arriva 89,500 ê QuÄbec et seulement 20,100 dans le reste de l'AmÄrique du Nord britannique. La prise en charge des immigrants arrivÄs malades et sans argent posa un Änorme problÅme ê QuÄbec et ê MontrÄal. Ces villes n'avaient que peut ê offrir en matiÅre de logement, d'alimentation, et d'hospitalisation aux immigrants nÄcessiteux. Pour couvrir une partie des dÄpenses, le gouvernement colonial fixa un impÖt par tÉte pour tous les immigrants. MalgrÄ cela, QuÄbec n'Ätait pas de taille ê faire face aux milliers d'Irlandais pauvres et terrassÄs par la fiÅvre, qui arrivÅrent en 1847. Au moment le plus critique, en ao₧t, on ne soigne pas moins de 2 000 cas de typhoòde et de dysenterie par jour. Des abris et des tentes sont installÄs pour supplier au manque d'espace dans les hÖpitaux. En 1848, le gouvernement canadien porta l'impÖt par tÉte de 5 ê 10 shillings. ConsÄquemment, la vague d'immigration se dÄplaìa irrÄsistiblement vers les âtats-Unis.
Beaucoup d'immigrants quittÅrent QuÄbec pour le Haut-Canada, la colonie de l'Ouest qui possÅde les plus grandes surfaces de terre fertile, propice ê la colonisation. Entre 1806 et 1861, la population du Bas-Canada faisait plus que quadrupler, celle de la Nouvelle-âcosse quintuplait et celle du Nouveau- Brunswick se multipliait par sept. Dans le mÉme temps toutefois, la population du Haut-Canada devenait vingt fois ce qu'elle Ätait. En 1806, la Nouvelle- âcosse et le Haut-Canada ont ê peu prÅs la mÉme population: la premiÅre compte 65 000 habitants et l'autre 70,000. Cinquante-cinq ans plus tard, l'Äquivalence n'existe plus: il y a 330 800 habitants en Nouvelle-âcosse, mais 1 396 000 dans le Haut-Canada, qui est devenu la vÄritable patrie des immigrants et de leurs enfants. Dans les annÄes 1860, un habitant anglophone du Haut-Canada sur trois avait vu le jour en dehors du pays. Dans les Maritimes, par contre, seulement un sur huit n'Ätait pas natif d'une des colonies de l'Atlantique.
Jusqu'ê 1850, les notions d'immigration et de colonisation Ätaient Ätroitement liÄes; les immigrants qui manquaient de ressources et d'Änergie pour travailler la terre n'Ätaient pas ê leur place dans les colonies; toutefois, on demandait bien de la main-d'oeuvre dans les chantiers de b₧cherons des forÉts de la vallÄe de l'Outaouais et du Nouveau-Brunswick. Plusieurs immigrants s'embauchÅrent ê la construction des canaux Welland, Rideau et Lachine. L'industrie de la construction navale offrait quelques emplois et de temps en temps, il Ätait possible de travailler au dÄblaiement des routes ou au creusement de rigoles d'Äcoulement. ╦ part cela, il n'y avait que trÅs peu d'emplois payants, sauf peut-Étre pour les domestiques. Beaucoup d'immigrants durent choisir entre l'Ätablissement sur une terre, le chÖmage ou l'Ämigration vers les âtats-Unis.
Cependant, vers 1850, presque toutes les bonnes terres des deux Canadas et des Maritimes Ätaient dÄjê divisÄes en concessions, si ce n'est dÄfrichÄes. Au cours de la dÄcade suivante, les colonies se lancÅrent dans de grands projets de construction ferroviaire, ce qui permit l'ouverture du marchÄ du travail et stimula l'Äconomie d'une faìon spectaculaire. Le schÄma traditionnel immigration-colonisation ne prÄvalait plus. Les immigrants irlandais des annÄes 1850 deviennent ouvriers -- ils travaillent au chemin de fer et gravitent vers les villes en pleine expansion de l'AmÄrique du Nord britannique.
Au cours du demi-siÅcle qui prÄcÅde la ConfÄdÄration, l'immigrant type en AmÄrique du Nord britannique est fermier ou travailleur agricole; c'est un Irlandais; il a ÄmigrÄ entre 1846 et 1854; et il est venu dans le Haut-Canada ou il a tentÄ, parfois pendant trÅs peu de temps, de s'Ätablir sur une terre ou de trouver un emploi agricole. Pris individuellement, cet immigrant-lê ne pÅse pas lourd. Sa religion, son Äducation, et son statut social, font que lui et ses enfants sont presque invariablement exclus des postes importants du monde politique et financier ainsi que des professions libÄrales. Mais il a pour lui le nombre, et grëce ê son labeur, les paysages de fermes en plein bois et des chemins boueux disparaötront pour faire place ê une contrÄe dÄgagÄe, des vies industrielles et des voies ferroviaires. La plupart des oeuvres que nous vous prÄsentons illustrent son expÄrience. Ce sont ses contemporains qui les ont dessinÄes ou peintes.