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Text File  |  1996-06-21  |  54KB  |  237 lines

  1. LES IROQUOIS 
  2.  
  3. Thomas S. Abler 
  4.  
  5. Introduction 
  6.  
  7.      Que savons-nous aujourd'hui des peuples de la ConfÄdÄration iroquoise -- cette remarquable association de nations amÄrindiennes qui maintinrent leur indÄpendance alors qu'elles occupaient la zone intermÄdiaire entre les territoires d'expansion coloniale franìaise et anglaise en AmÄrique du Nord? Les dirigeants des colonies, les soldats, les marchands, les missionnaires et les explorateurs s'intÄressaient tous ê ces AmÄrindiens, qui firent bientÖt l'objet de longues Ätudes -- Moeurs des sauvages amÄriquains (Joseph-Franìois Lafitau, 1724) et The History of the Five Indian Nations of Canada (Cadwallader Colden, 1727). Encore aujourd'hui, ces comptes rendus et d'autres rÄcits de cette Äpoque sur la sociÄtÄ iroquoise valent la peine d'Étre consultÄs pour les observations qu'on y trouve.
  8.  
  9.      Au XIXe siÅcle, des anthropologues amateurs commencÅrent ê collectionner des objets et ê Ätudier des collectivitÄs iroquoises au Canada et aux âtats-Unis. Les vÄritables Ätudes anthropologiques dÄbutÅrent avec la collaboration de Lewis Henry Morgan, un avocat du nord de l'âtat de New York, et d'Ely S. Parker, issu d'une importante famille iroquoise et hÄritier d'une place au Conseil de la ConfÄdÄration iroquoise. Morgan collectionna des objets de la culture matÄrielle iroquoise pour le ╟Cabinet of Antiquities╚ de New York (l'actuel New York State Museum), et des illustrations de certains de ces objets ornÅrent son League of the Ho-dÄ-no-sau-nee [ou] Iroquois, qui parut en 1851 et est considÄrÄ comme la premiÅre Ätude scientifique sur une tribu amÄrindienne d'AmÄrique du Nord.
  10.  
  11.      Morgan visita la rÄserve des Six-Nations en Ontario, mais la premiÅre Ätude approfondie provenant d'Iroquois Ätablis au Canada fut l'ouvrage de Horatio Hale, Iroquois Book of Rites. Tout comme Morgan, Hale Ätait avocat, mais ses intÄrÉts et ses talents en matiÅre linguistique surpassaient ceux de son contemporain amÄricain.
  12.  
  13.      Ces amateurs furent remplacÄs au dÄbut du XXe siÅcle par des anthropologues professionnels. Les Ätudes de Marius Barbeau, d'Alexander Goldenweiser et de F.W. Waugh, tous du MusÄe national d'Ottawa, figurent parmi les premiers travaux anthropologiques professionnels effectuÄs chez les Iroquois. Leurs homologues amÄricains Ätaient tous deux d'origine iroquoise -- J.N.B. Hewitt, de la Smithsonian Institution, et Arthur C. Parker, petit-neveu d'Ely Parker, au service de musÄes ê Rochester et Albany, dans l'âtat de New York. De nombreux spÄcialistes ont complÄtÄ l'oeuvre de ces pionniers, tout particuliÅrement William N. Fenton, qui commenìa ses recherches auprÅs des Iroquois dans les nnÄes 1930 et qui, aujourd'hui encore, domine la scÅne dans le domaine des Ätudes iroquoises. L'intÄrÉt, la passion et le respect de Fenton pour la culture traditionnelle des Iroquois sont Ävidents pour tous ceux qui ont lu ses ouvrages.
  14.  
  15.      L'oeuvre de ces pionniers de l'anthropologie iroquoise constitue une documentation difficile ê Ägaler aussi bien en quantitÄ qu'en qualitÄ, et bien peu de peuples de notre planÅte ont ÄtÄ ainsi ÄtudiÄs. Cela est bien s₧r directement attribuable ê la participation de plusieurs gÄnÄrations d'Iroquois, qui n'ont pas hÄsitÄ ê renseigner les anthropologues et ê fournir ainsi au reste du monde un ensemble de donnÄes tÄmoignant de la richesse de leurs traditions culturelles.
  16.  
  17. Habitation et subsistance 
  18.  
  19.      Lors des premiers contacts avec les EuropÄens, les Iroquois Ätaient une confÄdÄration de cinq nations amÄrindiennes vivant au sud du lac Ontario (Ontario est un mot iroquoien signifiant ╟beau [ou] grand lac╚). D'est en ouest, ces nations Ätaient les Agniers (Mohawks), les Onneiouts (OnÄidas), les OnontaguÄs (Onondagas), les Goyogouins (Cayugas) et les Tsonnontouans (SÄnÄcas). Ils se dÄsignaient eux-mÉmes HodÄnosauni, ce qui signifie ╟peuplades des longues habitations╚. Au XVIIe siÅcle, les Iroquois habitaient tous des longues habitations; celles-ci avaient environ sept mÅtres de largeur et sept mÅtres de hauteur, mais elles Ätaient aussi longues qu'il fallait pour abriter toutes les familles qui y rÄsidaient. Chaque famille vivait d'un cÖtÄ du passage qui longeait le centre de la longue habitation, et partageait un foyer avec la famille qui vivait du cÖtÄ opposÄ. Il y avait un foyer environ tous les sept mÅtres, et la longue habitation typique, qui avait de vingt ê vingt-huit mÅtres de longueur, comportait trois ou quatre foyers et abritait de six ê huit familles. Les longues habitations Ätaient faites de perches recouvertes d'Äcorce, d'orme gÄnÄralement. Des bancs qui servaient de siÅges et de lits s'Ätendaient sur les cÖtÄs de la longue habitation.
  20.  
  21.      En donnant ê leur confÄdÄration le nom de HodÄnosauni, les Iroquois dÄcrivaient mÄtaphoriquement leur patrie comme une longue habitation gÄante ê cinq foyers, un pour chaque nation. Comme ils occupaient l'extrÄmitÄ occidentale de la longue maison, les Tsonnontouans Ätaient appelÄs les Portiers de la ConfÄdÄration.
  22.  
  23.      Chacune des nations iroquoises parlait une langue distincte, mais tous ces idiomes Ätaient Ätroitement apparentÄs, et les locuteurs d'une langue pouvaient avec un certain effort comprendre le parler des autres nations, en particulier celui de leurs plus proches voisins. Bon nombre des peuples qui vivaient prÅs des Iroquois parlaient des langues Ätroitement apparentÄes, qui faisaient toutes partie de la famille linguistique iroquoienne, notamment les Andastes (Susequehannocks) au sud, les Wenros et les âriÄs, ê l'ouest des Tsonnontouans, et les Neutres, les Hurons et les PÄtuns, dans l'actuelle province d'Ontario. D'autres voisins des Iroquois parlaient des langues complÅtement distinctes, appartenant ê la famille linguistique algonquienne. C'Ätaient les Outaouais, qui habitaient au nord des Hurons, les Algonquins de la vallÄe de l'Outaouais, les Montagnais du QuÄbec, et les Mohicans et autres peuples de Nouvelle-Angleterre, qui vivaient ê l'est des Agniers.
  24.  
  25.      Les Iroquois Ätaient un peuple d'agriculteurs, qui s'alimentaient surtout du produit des vastes champs qui entouraient leurs villages. Les semailles et le travail de la terre Ätaient la responsabilitÄ des femmes, mais les hommes aidaient ê la rÄcolte. Le dur travail de dÄfrichage, la transformation de forÉts en champs de culture, Ätait Ägalement rÄservÄ aux hommes. Trois cultures -- le maòs, le haricot et la courge, que les Iroquois appelaient les trois soeurs ou les soutiens de la vie -- Ätaient de loin les plus importantes. Les Iroquois s'y adonnaient depuis des siÅcles. Le maòs Ätait semÄ sur des buttes artificielles; il Ätait ainsi inutile de sarcler le terrain situÄ entre les buttes. Toutes les sept buttes, on plantait Ägalement des haricots et des courges. Les tiges de haricot s'enroulaient autour des tiges de maòs, et les courges poussaient par terre, sur la butte. De nombreuses variÄtÄs de maòs Ätaient cultivÄes pour plaire aux diffÄrents go₧ts, et aussi notamment, pour Étre moulues. Un mortier et un pilon en bois servaient ê moudre le maòs.
  26.  
  27.      Les produits du jardin donnaient aux Iroquois un rÄgime ÄquilibrÄ, mais ils ne nÄgligeaient pas pour autant les aliments fournis par la nature. Le poisson occupait une place particuliÅrement importante dans leur alimentation. Les Iroquois mangeaient des tourtes, dont les vols obscurcissaient le ciel dans leurs migrations, de mÉme que d'autres oiseaux sauvages. Ils se nourrissaient Ägalement de la viande du cerf et de l'ours. Des rÄcits nous apprennent Ägalement que des oursons, capturÄs petits, Ätaient ÄlevÄs dans les villages jusqu'ê ce qu'ils soient assez gros pour figurer au menu d'un banquet. La chasse n'apportait qu'un complÄment au rÄgime, car les produits des champs constituaient au moins soixante-quinze pour cent de l'alimentation quotidienne. Toutefois, la chasse avait une certaine importance comme source de matiÅres premiÅres. Avant de pouvoir se procurer des vÉtements europÄens, les Iroquois se vÉtaient de cuir et de fourrures, et la chasse conservait donc pour l'homme une importance considÄrable, mÉme s'il mangeait surtout les vÄgÄtaux cultivÄs par les femmes de sa famille.
  28.  
  29.      La forÉt fournissait Ägalement des ressources. La sÅve d'Ärable Ätait recueillie chaque printemps. On trouvait des baies sauvages en abondance. Ces aliments servaient ê sucrer et ê assaisonner le rÄgime assez fade (et sans doute monotone), o¥ le maòs dominait.
  30.  
  31.      Ces activitÄs Äconomiques faisaient vivre des populations assez considÄrables. Les villages iroquois n'Ätaient pas des groupes de huttes, mais plutÖt de substantielles agglomÄrations dont la population pouvait atteindre plus de deux mille habitants. Certains Ätaient entourÄs de palissades, murs faits de rondins verticaux de cinq mÅtres de hauteur. Souvent, un village Ätait encerclÄ par deux ou mÉme par trois palissades, distantes d'un mÅtre ou deux.
  32.  
  33. Organisation sociale et politique 
  34.  
  35.      MalgrÄ l'Ätendue et le caractÅre impressionnant de ces villages, il est quand mÉme possible d'affirmer que les Iroquois formaient un peuple mobile. Parfois, les activitÄs Äconomiques entraönaient les gens loin du village, vers les lieux de pÉche, ou vers la forÉt, l'hiver, pour la chasse. On pouvait se rendre dans d'autres villages pour y visiter des parents. Souvent, des gens quittaient leur demeure pour participer ê des activitÄs politiques, car les Iroquois aimaient assister ê des conseils et ê jouir du spectacle de la politique et de la diplomatie. Les talents d'orateur Ätaient prisÄs,et les rites de la diplomatie faisaient les dÄlices de toute la collectivitÄ.
  36.  
  37.      Quand un Iroquois visitait un autre village, il y cherchait souvent des membres de son propre clan. Le noyau des habitants de chaque longue habitation appartenait au mÉme clan, dont le symbole Ätait souvent peint sur la porte, ê l'extrÄmitÄ de la maison. Les Iroquois en visite y Ätaient accueillis par des membres de leur clan, par exemple un frÅre ou une soeur. Comme le clan Ätait une unitÄ de base de la sociÄtÄ iroquoise, on ne peut comprendre celle-ci sans connaötre la nature du clan.
  38.  
  39.      Chacune des nations iroquoises Ätait divisÄe en un certain nombre de clans. L'appartenance au clan Ätait fixÄe ê la naissance -- chaque bÄbÄ Ätait membre du clan de sa mÅre. Le nom du bÄbÄ Ätait choisi parmi une liste de noms qui ╟appartenaient╚ au clan. Il Ätait annoncÄ publiquement avant la cÄrÄmonie du Maòs Vert, l'ÄtÄ, ou la cÄrÄmonie de la Nouvelle AnnÄe. Plus tard dans sa vie, l'individu recevait un nom adulte, tirÄ Ägalement de la liste du clan. Les deux noms avaient ÄtÄ utilisÄs par le passÄ par des membres du clan et, aprÅs la mort, ils seraient de nouveau donnÄs ê un membre du clan appartenant ê une autre gÄnÄration.
  40.  
  41.      Dans un clan, tous les membres de la mÉme gÄnÄration se considÄraient comme frÅres et soeurs. Les termes utilisÄs pour s'adresser ê ses propres frÅres et soeurs Ätaient en fait utilisÄs pour tout membre du clan de la mÉme gÄnÄration. Il Ätait interdit de se marier ê l'intÄrieur du clan, ce qui signifiait Ävidemment que le pÅre n'Ätait pas membre du clan de ses enfants et, l'inverse, que les enfants d'un homme n'Ätaient pas membres de son clan. Comme l'appartenance ê un clan avait une grande importance, le lien d'un individu avec ses frÅres et soeurs et avec la famille de sa mÅre Ätait beaucoup plus important que celui qui le rattachait ê son pÅre. Dans la vie de tout Iroquois, le frÅre de la mÅre, c'est-ê-dire l'aönÄ des hommes de son propre clan, Ätait une personne extrÉmement importante. Il exerìait une influence sur les enfants de sa soeur tout au long de leur vie.
  42.  
  43.      Les clans iroquois portaient des noms relatifs ê des animaux et ê des oiseaux, mais il ne s'agissait pas nÄcessairement des termes utilisÄs pour dÄsigner ces espÅces dans le langage quotidien. Le nom du clan de la Balle fait peut-Étre allusion au comportement du cerf ou de l'oiseau. Mais aujourd'hui, les noms d'animaux et d'oiseaux sont utilisÄs invariablement en anglais ou en franìais pour dÄsigner les clans, de mÉme que dans les ouvrages historiques et anthropologiques sur les Iroquois. Trois clans, ceux du Loup, de l'Ours et de la Tortue, Ätaient communs ê toutes les nations iroquoises, mais la liste des autres clans Ätait particuliÅre ê chaque nation. Les clans des nations iroquoises sont ÄnumÄrÄs dans le tableau 1.
  44.  
  45.      Les nations iroquoises divisaient leurs clans en deux groupes, que les anthropologues appellent moitiÄs. L'astÄrisque du tableau 1 sÄpare les clans en deux moitiÄs. Aujourd'hui, dans certaines localitÄs, ces moitiÄs ne portent pas de nom particulier et sont simplement appelÄes les ╟cÖtÄs╚. Les Tsonnontouans parlaient des clans d'animaux (la moitiÄ comprenant les clans du Loup, de l'Ours, de la Tortue et du Castor) et des clans d'oiseaux (ceux du Cerf, de la BÄcassine, du HÄron, du Faucon); le fait que le clan du Cerf fasse partie des clans d'oiseaux ne semble pas troubler les Tsonnontouans. Les OnontaguÄs appelaient leurs moitiÄs Longue habitation (Loup, Tortue, etc.) et Maison de boue (Faucon, Cerf, Ours et Anguille). L'appartenance ê une moitiÄ Ätait importante dans certaines cÄrÄmonies comme les funÄrailles, o¥ le mort Ätait enseveli par la moitiÄ opposÄe. Les moitiÄs jouaient l'une contre l'autre ê la crosse et ê d'autres jeux, qui Ätaient souvent considÄrÄs par les Iroquois comme des manifestations religieuses agrÄables au CrÄateur.
  46.  
  47.  
  48.      Tableau 1
  49.  
  50.           Clans des Iroquois
  51.  
  52.         AGNIERS            ONNEIOUTS 
  53.  
  54.             Loup                     Loup 
  55.            Tortue                   Tortue 
  56.                *                             * 
  57.             Ours                      Ours 
  58.  
  59.     ONONTAGUâS       GOYOGOUINS 
  60.  
  61.            Loup                      Loup 
  62.           Tortue                    HÄron 
  63.         BÄcassine            BÄcassine 
  64.           Castor                        * 
  65.            Balle                      Cerf 
  66.              *                         Tortue 
  67.           Faucon                   Ours 
  68.            Cerf                      Balle 
  69.           Ours                     Castor 
  70.          Anguille                Anguille
  71.  
  72.           TSONNONTOUANS      
  73.                  Loup
  74.                  Ours 
  75.                 Tortue 
  76.                 Castor 
  77.                     *    
  78.                  Cerf 
  79.              BÄcassine 
  80.                 HÄron 
  81.                Faucon 
  82.  
  83.  
  84.      Chaque clan Ätait divisÄ en plusieurs petits groupes que les anthropologues appellent lignages. Le lignage Ätait le groupe des descendants, par les femmes, d'une ancÉtre connue. La femme la plus ëgÄe d'un lignage exerìait gÄnÄralement un pouvoir considÄrable, et on la dÄsigne habituellement sous le nom de matrone de lignage. Une grande partie des champs des Iroquois Ätaient possÄdÄs et cultivÄs par des lignages, plutÖt que par des personnes, les femmes du lignage formant un groupe de travail chargÄ d'accomplir les tëches agricoles. La figure 1 (voir le glossaire) illustre ce qu'Ätait un lignage. Remarquez que les hommes continuent ê appartenir au mÉme lignage aprÅs leur mariage, et que les enfants n'appartiennent pas au lignage de leur pÅre, mais ê celui de leur mÅre. 
  85.  
  86.      ╦ son mariage, l'homme quittait la demeure de son lignage et allait habiter dans la famille de son Äpouse. C'est ce qu'on appelle la rÄsidence matrilocale. En plus d'indiquer l'appartenance au lignage, la figure 1 dÄsigne Ägalement les personnes qui rÄsidaient ensemble dans la mÉme longue habitation. MÉme s'il avait changÄ de maison, l'homme conservait des liens solides avec son lignage. Si un membre de celui-ci Ätait tuÄ par des ennemis, il devait le venger. De mÉme, l'attribution des charges politiques Ätait directement liÄe ê l'appartenance ê un lignage, mais, avant de nous pencher sur ce sujet, il y aurait lieu de raconter l'histoire de la fondation de la grande confÄdÄration des Iroquois.
  87.  
  88. Deganawida et la Grande Paix 
  89.  
  90.      La ConfÄdÄration iroquoise fut crÄÄe avant les premiers contacts entre les EuropÄens et les Cinq-Nations. Les traditions orales iroquoises racontent l'histoire de sa fondation. Comme dans le cas de nombreuses traditions orales, il existe diffÄrentes versions de l'histoire. Notre connaissance de la fondation de la ConfÄdÄration iroquoise est donc ê la fois enrichie et obscurcie par la lÄgende, racontÄe par des gÄnÄrations successives d'Iroquois, sur toute l'Ätendue de leur territoire.
  91.  
  92.      La ConfÄdÄration fut fondÄe afin de mettre fin ê une pÄriode de violences et de conflits. Le personnage central n'Ätait pas un Iroquois, mais plutÖt un Huron, nÄ d'une mÅre vierge sur les rives de la baie de Quinte, dans l'Ontario actuel. Souhaitant mettre fin aux luttes et aux meurtres courants entre nations et mÉme entre villages du pays iroquois, ce Huron, qui s'appelait Deganawida, se rendit d'abord dans le pays des Agniers pour tenter d'Ätablir la paix. Il y rencontra l'homme le plus fÄroce de cette nation, un cannibale du nom de Hiawatha. Deganawida put rÄformer Hiawatha et le convaincre de suivre le chemin de la paix. Hiawatha devint mÉme l'orateur de Deganawida, et les deux hommes sont les cofondateurs de la ConfÄdÄration. Ils convainquirent une ê une les autres nations iroquoises de se joindre ê la Grande Paix, comme on se mit ê l'appeler. Finalement, seuls les OnontaguÄs se tinrent ê l'Äcart de cette paix, mais ils formaient une population trÅs puissante, dont le chef, Thadodaho, Ätait un sorcier notoire qui avait sept crochets dans le corps et des serpents dans les cheveux. Mais les arguments de Deganawida et de Hiawatha finirent par l'emporter.
  93.  
  94.      Quand les chefs des Cinq-Nations se rÄunirent avec Deganawida pour Ätablir la Grande Paix, ils Ätaient au nombre de cinquante. Les noms de ces cinquante hommes nous sont parvenus, car, lorsqu'un membre du Conseil de la ConfÄdÄration meurt, son successeur prend le nom ou le titre associÄ ê la place. Deganawida, peut-Étre parce qu'il Ätait Ätranger, ne fut pas membre du Conseil, mais le deuxiÅme titre sur la liste des Agniers est celui de Hiawatha.
  95.  
  96.      Les OnontaguÄs devinrent les gardiens des wampums et les gardiens du feu de la ConfÄdÄration (il s'agissait du feu du Conseil qui br₧lait symboliquement au village d'Onondaga), et avaient droit ê un plus grand nombre de places que toute autre nation au Conseil de la ConfÄdÄration. En outre, Thadodaho fut reconnu comme le premier du Conseil de la ConfÄdÄration, mÉme si en thÄorie tous les membres Ätaient Ägaux. ╦ un grand conseil, Hiawatha enleva avec un peigne les serpents de la chevelure de Thadodaho, tandis que Deganawida jetait les armes de guerre au sol et plantait sur elles le Grand Arbre de la Paix, ê l'ombre duquel les nations de la ConfÄdÄration iroquoise allaient siÄger.
  97.  
  98.      Le wampum est fait de perles de coquillages cylindriques, de couleur pourpre ou blanche, tissÄes en ceintures ou enfilÄes sur des ficelles. Le fait de tenir un wampum dÄmontrait la sincÄritÄ de l'orateur. Des ceintures de wampum Ätaient ÄchangÄes quand des nations concluaient des traitÄs ou des alliances. Ces ceintures servaient ê rappeler les traitÄs, et, pÄriodiquement, on les exposait, et on en expliquait la signification. Les OnontaguÄs, en tant que gardiens des wampums pour toute la ConfÄdÄration, jouaient donc un rÖle central dans la diplomatie intertribale.
  99.  
  100.      Chacune des cinquante places au Conseil de la ConfÄdÄration Ätait dÄvolue ê un lignage matrilinÄaire. Quand le titulaire d'une des places mourait, un autre membre du mÉme lignage Ätait choisi pour le remplacer. La mÄthode utilisÄe pour choisir le successeur peut avoir variÄ, mais il est Ävident que les membres fÄminins du lignage avaient une grande influence et que la voix la plus importante dans le choix du chef Ätait la femme qui Ätait ê la tÉte du lignage. Le titre passait habituellement au frÅre de l'homme ou au fils de sa soeur.
  101.  
  102.      Le nombre de chefs variait d'une nation ê l'autre. Les OnontaguÄs en avaient le plus grand nombre, Thadodaho Ätant le premier sur la liste qui en comportait quatorze. Les Agniers et les Onneiouts avaient chacun neuf chefs (mais Hiawatha, le deuxiÅme de la liste des Agniers, n'eut pas de successeurs), les Goyogouins en avaient dix, et les Tsonnontouans, la plus nombreuse des cinq nations iroquoises, disposaient du plus petit nombre de siÅges, huit. En fait, le nombre de chefs n'Ätait pas particuliÅrement important, puisque toutes les dÄcisions du Conseil devaient Étre unanimes. 
  103.  
  104.      Chacun des trois clans des Agniers et des Onneiouts disposait de trois places. La situation Ätait plus complexe pour les trois autres nations, car la reprÄsentation Ätait inÄgale d'un clan ê l'autre, certains ne disposant d'aucune place. Par exemple, chez les Tsonnontouans, le clan de la BÄcassine avait trois places, et le clan du Faucon une seule; parmi les clans d'oiseaux, ceux du Cerf et du HÄron n'Ätaient pas reprÄsentÄs au Conseil de la ConfÄdÄration. Chez les clans d'animaux, deux places revenaient au clan de la Tortue, une au clan de l'Ours, et l'autre au clan du Loup.
  105.  
  106.      ╦ l'heure actuelle, il est difficile d'Ätablir une liste dÄfinitive des places appartenant aux diffÄrents clans chez les OnontaguÄs et les Goyogouins. Par le passÄ, des lignages se sont Äteints ou n'ont pu prÄsenter de successeur convenable ê un poste. Dans ces cas, le titre, quand il devenait vacant, Ätait dÄvolu ê un autre lignage, peut-Étre dans le mÉme clan, mais il y a de nombreux exemples connus de passage ê un autre clan. Par exemple, il y a un certain temps, Thadodaho Ätait un titre du clan de l'Ours, mais, ces derniÅres annÄes, sa place a ÄtÄ occupÄe par un OnontaguÄ du clan du Cerf habitant la rÄserve des Six-Nations, prÅs de Brantford (Ontario).
  107.  
  108.      Il faut Äviter de surestimer ou de sous-estimer l'importance de ce Conseil de la ConfÄdÄration. MalgrÄ son existence, les Iroquois demeurÅrent un peuple Ägalitaire presque complÅtement dÄpourvu d'institutions permettant ê une personne d'imposer sa volontÄ aux autres. Donc, si au sein de la ConfÄdÄration, la majoritÄ voulait adopter une politique, tandis qu'une des nations (ou mÉme une partie encore plus petite de la sociÄtÄ iroquoise) considÄrait qu'il Ätait dans son intÄrÉt de prendre une direction diffÄrente, la majoritÄ ne pouvait empÉcher la minoritÄ de suivre sa propre voie. Les OnontaguÄs restÅrent donc neutres et en paix avec les Hurons dans les derniÅres grandes batailles livrÄes contre cette nation. Toutefois, plus d'un siÅcle aprÅs, une partie des Tsonnontouans combattirent aux cÖtÄs des Franìais et, plus tard, dans le cadre d'un soulÅvement, la RÄbellion de Pontiac (1763), ils luttÅrent contre l'occupation britannique de la partie supÄrieure des Grands Lacs, ê une Äpoque o¥ la plupart des Iroquois, y compris certains Tsonnontouans, Ätaient fermement alliÄs aux Britanniques.
  109.  
  110.      Le Conseil de la ConfÄdÄration Ätait rarement capable de faire front politiquement contre les forces extÄrieures, mais ce serait tout de mÉme une grave erreur d'en sous-estimer l'importance. Le complexe rituel qui entourait le Conseil Ätait beaucoup plus important que l'unitÄ politique rÄelle dÄcoulant de l'existence de celui-ci; son importance rÄsidait dans l'idÄe mÉme de ConfÄdÄration. C'est ainsi que, mÉme si chaque nation suivait sa propre voie, les Iroquois se considÄraient toujours comme ceux qui siÅgent ê l'ombre de l'Arbre de la Paix. Cette image de paix Ätait constamment renouvelÄe par le long rite connu sous le nom de cÄrÄmonie des CondolÄances, au cours de laquelle on racontait la fondation de la ligue par Deganawida et Hiawatha, on ÄnumÄrait toute la liste des cinquante chefs et on prÄsentait les personnes proposÄes pour occuper les siÅges de ceux qui Ätaient morts depuis la derniÅre cÄrÄmonie des CondolÄances. Bien que les relations entre les membres constituants de la ConfÄdÄration aient pu Étre imparfaites ê diffÄrents moments de l'histoire, et risquent de l'Étre de nouveau, la puissante histoire de l'Ätablissement de la Grande Paix et l'objectif d'un retour ê l'unitÄ de cette Åre glorieuse sont toujours demeurÄs vivaces.
  111.  
  112. La religion des Iroquois 
  113.  
  114.      Les Iroquois croyaient qu'avant la crÄation de l'humanitÄ, le monde n'Ätait qu'une vaste mer habitÄe par des crÄatures marines et des oiseaux aquatiques. Ils se reprÄsentaient le ciel comme un Änorme dÖme. Des gens habitaient au sommet du dÖme. Un arbre, dont les fleurs fournissaient la lumiÅre pour ces gens, y croissait en plein centre. Mais le chef de cette population tomba malade. Les Iroquois croyaient que la maladie Ätait causÄe par un souhait non rÄalisÄ. Les habitants du monde cÄleste essayaient de deviner le souhait de l'ëme de leur chef. Il fut dÄterminÄ que le grand Arbre de LumiÅre devait Étre dÄracinÄ. Cela fut fait, et le chef se coucha ê cÖtÄ du trou ainsi crÄÄ et regarda la mer tout en bas. Il appela sa femme ê son cÖtÄ. En fait, il y avait eu un conflit entre eux, et il la soupìonnait d'infidÄlitÄ. Il la poussa dans le trou, et elle tomba en direction de la mer primitive.
  115.  
  116.      En bas, les animaux aquatiques regardÅrent vers le ciel et la virent qui tombait vers eux. Des oies s'envolÅrent, aile contre aile, et l'attrapÅrent dans sa chute. En dessous, les animaux se demandaient qui aurait la force nÄcessaire pour soutenir la femme, et il fut dÄcidÄ de faire appel ê la tortue. Les oies dÄposÅrent donc la femme sur le dos de la tortue, tandis que les animaux plongeaient vers le fond pour ramener de la boue et former le sol sur le dos de la tortue. Mais tous remontÅrent sans vie ê la surface. Cependant, quand on examina les pattes du rat musquÄ, on y trouva des mottes de terre, que l'on plaìa sur le dos de la tortue. Cette boue s'Ätendit rapidement, jusqu'ê atteindre la taille d'un continent.
  117.  
  118.      La Femme du Ciel Ätait enceinte quand son mari l'avait poussÄe dans le trou, et elle vint ê donner naissance ê une fille. Celle-ci grandit et devint femme, mais elle ne suivit pas les instructions de sa mÅre et fut fÄcondÄe par le Vent d'Ouest (dans d'autres versions de ce mythe, la grossesse est causÄe par l'eau ou par un visiteur qui dÄpose des flÅches ê cÖtÄ du lit de la fille). La grossesse fut difficile. La jeune femme se rendit compte qu'elle portait des jumeaux quand elle les entendit se disputer dans son ventre. Un des jumeaux souhaitait naötre de la faìon normale, mais l'autre trouvait plus simple de sortir par l'aisselle de leur mÅre. Le premier avait beau dire que cela tuerait leur mÅre, l'autre Ätait dÄterminÄ ê naötre de cette faìon. La femme alla voir sa mÅre et lui expliqua qu'elle allait mourir en couches et lui donna des instructions pour son enterrement.
  119.  
  120.      Les frÅres jumeaux sortirent du sein de leur mÅre de la faìon qu'ils avaient prÄvue, et le plus jeune (qu'on appela Silex ou Mauvais Esprit) tua sa mÅre en sortant par son cÖtÄ. Quand la Femme du Ciel les trouva, de mÉme que le corps de sa fille, elle demanda qui l'avait tuÄe. Le plus jeune des jumeaux pointa en direction de son frÅre, et la grand-mÅre jeta celui-ci dans les broussailles. L'aönÄ (appelÄ Jeune Arbre ou Bon Esprit) en sortit toutefois indemne et retourna ê la maison de sa grand-mÅre et de son frÅre, qui formÅrent une alliance contre lui.
  121.  
  122.      La mÅre des jumeaux fut ensevelie selon ses instructions. De son corps poussÅrent les trois plantes si importantes dans la vie des Iroquois. La courge sortit de ses pieds, le haricot de ses mains et de ses doigts, le maòs de sa poitrine. Et le tabac, qui a toujours eu une importance religieuse chez les Iroquois, poussa de sa tÉte.
  123.  
  124.      Les jumeaux devinrent adultes, et chacun s'attela ê la tëche de crÄer le monde tel que nous le connaissons. Le Bon Esprit, que les Iroquois vÄnÅrent Ägalement comme le CrÄateur, fit l'homme et la femme, et toutes les choses qui aident les humains. Le Mauvais Esprit, jaloux de son frÅre, fit les choses qui nuisent ê l'humanitÄ. Chaque frÅre essaya de contrecarrer le travail de l'autre, mais aucun ne put dÄtruire ce qui avait ÄtÄ crÄÄ par l'autre. Les plantes crÄÄes pour l'humanitÄ, le Mauvais Esprit les fit plus petites, moins riches et plus difficiles ê transformer. Le Bon Esprit rÄduisit la taille des moustiques, qui Ätaient des gÄants capables de tuer, pour en faire les petites crÄatures qui harcÅlent l'humanitÄ d'aujourd'hui.
  125.  
  126.      Il devint Ävident que les jumeaux auraient ê se battre l'un contre l'autre. Chacun demanda ê l'autre ce qu'il craignait le plus. Le Bon Esprit mentit et dit que c'Ätaient les quenouilles; le Mauvais Esprit dit la vÄritÄ et avoua que c'Ätait le bois de cerf (le Mauvais Esprit Ätait Ägalement appelÄ Silex, et le bois de cerf est un excellent outil pour fabriquer des outils en pierre). Les deux frÅres se battirent et, dans leur lutte, soulevÅrent des montagnes et creusÅrent des vallÄes. Les quenouilles du Mauvais Esprit s'avÄrÅrent inefficaces, mais son frÅre lui infligea de bons coups avec ses armes en bois de cerf. Le Mauvais Esprit fut dÄfait et jetÄ dans une fosse; le Bon Esprit retourna au Monde du Ciel.
  127.  
  128.      Ce combat Äpique est encore rappelÄ par les Iroquois lors des cÄrÄmonies de la Nouvelle AnnÄe et du Maòs Vert (dÄcrites ci-dessous). Au point culminant de ces deux manifestations, les moitiÄs jouent l'une contre l'autre au jeu du bol. Une des moitiÄs reprÄsente le Bon Esprit; l'autre s'identifie au Mauvais Esprit et ê sa grand-mÅre dans leur combat pour la domination du monde.
  129.  
  130.      Les cÄrÄmonies de la Nouvelle AnnÄe et du Maòs Vert sont les deux plus importantes et les deux plus longues parmi les cÄrÄmonies religieuses qui se dÄroulent encore chez les Iroquois. Il est certain que, par le passÄ, le cycle des cÄrÄmonies variait d'une nation ê l'autre et d'un village ê l'autre, comme il varie aujourd'hui d'une localitÄ iroquoise ê l'autre; il n'est pas douteux non plus que certaines cÄrÄmonies se sont perdues ou transformÄes avec le temps pendant les trois siÅcles au cours desquels les Iroquois furent en contact avec les blancs. Toutefois, la liste de cÄrÄmonies et de dates qui suit donne probablement une bonne idÄe des pratiques religieuses des Iroquois ê l'Äpoque de leurs premiers contacts avec des EuropÄens.
  131.  
  132. Tableau 2
  133.  
  134. Cycle des cÄrÄmonies iroquoises
  135.  
  136. CâRâMONIE        DATE                   DURâE
  137.  
  138. Broussailles 
  139.    10 jours aprÅs la Nouvelle AnnÄe  1 jour
  140. ârable 
  141.           de la mi-mars ê la mi-avril       1 jour
  142. Tonnerre 
  143.     avril ou pÄriode de sÄcheresse     1 jour
  144. Lune et soleil 
  145.                     avril                                 1 jour
  146. Semailles 
  147.             avril ê mi-mai                          1 jour
  148. Pousse du maòs 
  149.  3 - 4 semaines aprÅs la prÄcÄdente  1 jour
  150. Fraise 
  151.                    juin                                   1 jour
  152. Framboise 
  153.                  juillet                                  1 jour
  154. Haricot vert 
  155.                 dÄbut ao₧t                           1 jour
  156. DÄgustation du maòs 
  157.               dÄbut septembre                   1 jour
  158. Maòs Vert 
  159.                   septembre                       3 jours
  160. Soutiens de la vie 
  161.       aprÅs le Maòs Vert                        1 jour
  162. Moisson 
  163.    de fin octobre ê dÄbut novembre     1 jour
  164. Nouvelle AnnÄe 
  165.           janvier ou fÄvrier                    9 jours
  166.  
  167.      Ces cÄrÄmonies sont manifestement liÄes au cycle annuel de subsistance, surtout aux pratiques agricoles des Iroquois (le dÄbut de l'annÄe marque le retour du soleil, important pour un peuple qui attend les semailles du printemps). Quelques-unes s'attachent aux produits de la nature qui complÄtaient et assaisonnaient le rÄgime alimentaire iroquois.
  168.  
  169.      Le bien-Étre et la santÄ des individus Ätaient Ägalement importants dans la religion iroquoise. Pour rÄaliser ces objectifs, il existait et il existe encore des sociÄtÄs, souvent appelÄes ╟sociÄtÄs curatives. La SociÄtÄ des Faux Visages est la sociÄtÄ curative qui est de loin la plus cÄlÅbre. Les mÄdecins de cette sociÄtÄ sculptaient des masques en bois. Ces masques sont maintenant dÄcorÄs de laiton ou d'Ätain autour des yeux, et leurs cheveux sont faits de queues de cheval. Les Faux Visages portent de gros hochets faits d'une carapace de tortue (chÄlydre serpentine) et dansent en prenant des attitudes de bossus; ils rÄpandent des morceaux de charbon et des cendres et soufflent sur la personne malade. Ceux qui ont rÉvÄ aux Faux Visages et ceux qui ont ÄtÄ guÄris par eux deviennent membres de la sociÄtÄ. Les masques qu'ils portent sont puissants et doivent Étre traitÄs avec respect. Ils sont pÄriodiquement nourris avec la bouillie de maòs des Faux Visages, et on fait br₧ler du tabac en leur honneur.
  170.  
  171.      Il existait d'autres sociÄtÄs curatives: la SociÄtÄ des GuÄrisseurs (la Citrouille), la SociÄtÄ de la Petite Eau, la SociÄtÄ des Petites Gens (Danse Sombre), la Compagnie des Animaux Mystiques (dont la SociÄtÄ de l'Ours, la SociÄtÄ du Bison, la SociÄtÄ de l'Aigle et la SociÄtÄ de la Loutre), et la SociÄtÄ des Visages en feuilles de maòs. La plupart de ces sociÄtÄs ont des danses et des chants distinctifs. Certaines accomplissent leurs rites en public, d'autres sont secrÅtes et privÄes, et seuls les membres et les personnes qu'elles essaient de guÄrir peuvent assister ê leurs rites. Des reprÄsentations publiques des sociÄtÄs curatives ont lieu dans le cadre de certaines des cÄrÄmonies ÄnumÄrÄes dans le tableau 2.
  172.  
  173.      En 1799, un prophÅte rÄforma et revitalisa la religion iroquoise. Il est connu sous le nom anglais de Handsome Lake (Beau-Lac); il dÄtenait le premier titre sur la liste des chefs tsonnontouans au Conseil de la ConfÄdÄration. Ses enseignements n'Ätaient pas entiÅrement d'origine autochtone. Il prÉcha bel et bien contre certains des maux introduits par les EuropÄens, comme l'alcool et ╟les danses au son du violon╚, mais il transforma probablement la religion iroquoise, donnant plus d'importance qu'auparavant au CrÄateur. Il limita notamment le divorce en renforìant le lien entre mari et femme aux dÄpens de celui qui unissait la femme et sa mÅre. En dÄpit du fait que ses enseignements Ätaient d'origine divine (ils lui avaient ÄtÄ donnÄs par quatre Étres surnaturels alors qu'il Ätait mort ou mourant), ceux qui ne convenaient pas ê la culture iroquoise et ê ses nouvelles tendances furent rejetÄs. Son plus grand Ächec fut son incapacitÄ de supprimer les sociÄtÄs curatives. Le souci que les Iroquois avaient de leur santÄ rendait ces institutions essentielles, d'autant plus que Handsome Lake (Beau-Lac) n'offrait rien pour les remplacer. Presque tout ce qu'on sait de la religion iroquoise date de la pÄriode qui a suivi les rÄformes de Handsome Lake (Beau-Lac).
  174.  
  175. ConsÄquences des contacts des EuropÄens avec les Iroquois 
  176.  
  177.      Les premiers contacts entre Iroquois et Franìais furent violents. En 1609 et 1610, les Agniers furent battus par les Hurons et les Algonquins, aidÄs par Champlain et ses hommes. MalgrÄ tout ce qu'on a dit et tout ce qu'on dit encore, cela ne crÄa pas chez les Iroquois d'inimitiÄ implacable envers les Franìais. Cela conduisit mÉme les Agniers ê canaliser leur agression vers l'est plutÖt que vers le nord. Les Mohicans les empÉchaient en effet d'avoir accÅs aux commerìants hollandais Ätablis ê Fort Orange (l'actuelle Albany). Les Agniers chassÅrent cette nation de la partie infÄrieure de la vallÄe de la Mohawk et Ätablirent des liens commerciaux directs avec les Hollandais.
  178.  
  179.      Entre temps, Champlain et ses alliÄs envahirent en 1615 le pays iroquois. Ils attaquÅrent une ville onneioute, ou peut-Étre onontaguÄe. La ville fut fortifiÄe d'une triple palissade, Champlain fut blessÄ, le siÅge Ächoua, et Champlain se replia sur le Saint-Laurent.
  180.  
  181.      Le conflit entre les Iroquois et leurs voisins du nord ne s'intensifia qu'aprÅs 1635. Les Iroquois Ätaient devenus dÄpendants de la traite des fourrures, et le castor avait presque disparu de leur propre pays. Les Agniers rÄagirent ê cette situation en se livrant ê la piraterie. Ils tendirent des embuscades aux canots hurons chargÄs de fourrures ê Ächanger avec les Franìais sur le Saint-Laurent et arrivant du pays huron par la riviÅre des Outaouais. ╦ l'autre extrÄmitÄ de la ConfÄdÄration, les Tsonnontouans agrandissaient leur territoire de chasse en se dÄplaìant vers l'ouest. Les Wenros, voisins des Tsonnontouans, furent expulsÄs de leurs terres en 1638.
  182.  
  183.      En 1649, les Agniers et les Tsonnontouans effectuÅrent une campagne militaire dÄcisive. Une armÄe, dont les effectifs furent ÄvaluÄs ê un millier de guerriers, parcourut le sud de l'Ontario pendant l'hiver. En mars, elle envahit le pays huron et dÄtruisit les villages de Saint-Ignace et de Saint-Louis, o¥ se trouvaient des missions. Un grand nombre de Hurons contre-attaquÅrent et reprirent Saint-Louis. Toute l'armÄe des Agniers et des Tsonnontouans se jeta sur les Hurons et dÄtruisit leur armÄe au cours d'une fÄroce bataille qui dura jusque dans la nuit. Les Agniers et les Tsonnontouans jugÅrent s'Étre assez battus et retournÅrent dans leur pays.
  184.  
  185.      Les Hurons Ätaient dÄjê dÄmoralisÄs par une baisse de leur population (leur nombre avait ÄtÄ rÄduit de moitiÄ par des ÄpidÄmies de maladies europÄennes au cours des dÄcennies prÄcÄdentes) et Ätaient dÄchirÄs par de graves conflits entre partisans et adversaires des missionnaires. Ils abandonnÅrent leurs villages ê l'ÄtÄ 1649, et un grand nombre moururent de faim l'hiver suivant. Les survivants se dispersÅrent. Beaucoup cherchÅrent refuge chez leurs anciens ennemis iroquois. De fait, beaucoup d'Iroquois d'aujourd'hui ont sans aucun doute des ancÉtres hurons, et la culture iroquoise a probablement incorporÄ des ÄlÄments hurons suite ê l'afflux d'un grand nombre de rÄfugiÄs de cette nation en pays iroquois.
  186.  
  187.      La dispersion des Hurons ne libÄra pas suffisamment de territoires de chasse pour les Iroquois. Les PÄtuns, les Neutres et les âriÄs interdirent l'accÅs ê des territoires de chasse au castor ou entrÅrent en compÄtition ê propos de ces derniers. Les PÄtuns furent attaquÄs les premiers, et leur agglomÄration principale, âtharita (peuplÄe de plus de cinq cents familles) tomba en dÄcembre 1649. Deux villages neutres furent dÄtruits en 1650 et 1651, et les Neutres semblent avoir fui leur patrie dans les deux annÄes qui suivirent. Les OnontaguÄs et les Tsonnontouans se tournÅrent apparemment ensuite contre les âriÄs, qui Ätaient si isolÄs qu'aucun EuropÄen n'Ätait parvenu dans leur pays. Une grande agglomÄration ÄriÄe tomba en 1654, les attaquants iroquois, surtout des OnontaguÄs, s'Ätant servis de leurs canots comme d'Ächelles pour escalader la palissade.
  188.  
  189.      Les nÄcessitÄs de la guerre contre les âriÄs semblent avoir conduit les Iroquois ê nÄgocier une paix avec les Franìais en 1653. Celle-ci dura cinq ans et permit l'Ätablissement d'une mission jÄsuite ê Onondaga. Au cours des cinquante annÄes suivantes, pÄriodes de paix et pÄriodes de guerre se succÄdÅrent entre la Nouvelle-France et la ConfÄdÄration iroquoise; il Ätait courant qu'une ou deux nations soient en guerre, tandis que le reste de la ConfÄdÄration Ätait en paix avec les Franìais. Des villes agniÅres furent br₧lÄes par les Franìais en 1666, puis de nouveau en 1693; des villages tsonnontouans furent dÄtruits en 1687, et en 1696, les Onneiouts virent leurs villes br₧lÄes par les Franìais, et leurs voisins onontaguÄs incendiÅrent eux-mÉmes leur ville devant la menace d'une invasion.
  190.  
  191.      Tandis que les armÄes de Nouvelle-France envahissaient le pays iroquois en pÄriode de guerre, les missionnaires arrivaient pendant les intermÅdes de paix. Leurs succÅs furent variables, mais ils convainquirent les Iroquois, surtout Agniers, qu'ils purent convertir de s'Ätablir sur les rives du Saint-Laurent. Ils Ätaient ainsi soustraits ê l'influence de leurs compatriotes non chrÄtiens et de leurs voisins anglais (l'Angleterre s'Ätait emparÄe de la Nouvelle-Hollande et avait rebaptisÄ la colonie New York). Ces convertis s'Ätaient si fermement ralliÄs ê la cause franìaise qu'ils combattraient au sein des forces franìaises qui allaient envahir le pays iroquois ê la fin du XVIIe siÅcle.
  192.  
  193.      En 1701, la ConfÄdÄration entiÅre nÄgocia des traitÄs avec la France et l'Angleterre. Au XVIIIe siÅcle, la plupart des Iroquois demeurÅrent neutres dans les conflits entre ces deux pays. Les Agniers, Ätant proches d'Albany, servaient parfois d'auxiliaires dans les armÄes anglaises, tandis qu'une partie des Tsonnontouans s'alliait parfois aux Franìais, particuliÅrement aprÅs que ceux-ci eurent Ätabli un poste ê Niagara en 1720. Les Agniers catholiques du Saint-Laurent Ätaient Ävidemment d'actifs alliÄs des Franìais.
  194.  
  195.      Dans une tentative en vue de cimenter les liens entre les Agniers et la couronne anglaise, trois chefs agniers (accompagnÄs d'un chef mohican) furent emmenÄs ê Londres en 1710. La prÄsence des quatre chefs fit sensation et, lors de leurs apparitions publiques, ils furent surnommÄs les ╟Quatre Rois du Canada╚. Pour contrebalancer l'influence des jÄsuites franìais, on promit aux chefs agniers l'envoi de missionnaires anglicans. La reine Anne fit don de vases sacrÄs en argent pour une chapelle de la vallÄe de la Mohawk.
  196.  
  197.      Au cours des premiÅres annÄes du XVIIIe siÅcle, la ConfÄdÄration prit un groupe de rÄfugiÄs sous sa protection. Les Tuscaroras, qui parlaient une langue du groupe iroquoien du nord, vivaient cependant jusque-lê en Caroline du Nord. Des conflits avec les Blancs les obligÅrent ê abandonner leurs territoires et ê chercher refuge sous l'Arbre de la Paix de la ConfÄdÄration iroquoise. MÉme s'ils ne purent jamais siÄger au Conseil de la ConfÄdÄration, celle-ci fut souvent appelÄe ConfÄdÄration des Six-Nations aprÅs leur Ätablissement en pays iroquois.
  198.  
  199.      Les Agniers furent attirÄs fermement dans l'orbite britannique grëce aux efforts et ê l'influence de sir William Johnson. Celui-ci fit appel ê des guerriers agniers dans ses batailles victorieuses du lac George et de Niagara, qui accrurent son influence dans l'armÄe britannique et dans la hiÄrarchie coloniale. Au lac George, Hendrick, un des chefs qui avaient ÄtÄ prÄsentÄs ê la reine Anne une quarantaine d'annÄes auparavant, fut tuÄ par une baòonnette franìaise. L'influence de Johnson chez les Agniers, qui Ätait dÄjê grande, augmenta ê la suite de son mariage avec Mary Brant, membre d'une importante famille agniÅre, en 1759. Sa connaissance de la culture iroquoise et ses liens personnels avec d'importants Iroquois lui donnÅrent une influence sans Ägale chez les AmÄrindiens du Nord-Est.
  200.  
  201.      Les Tsonnontouans de l'ouest Ächappaient toutefois ê son emprise. Ils combattirent aux cÖtÄs des Franìais jusqu'ê ce que les Britanniques viennent assiÄger Niagara; ils changÅrent alors prudemment de cÖtÄ. Mais aprÅs la conquÉte, ils partagÅrent le dÄgo₧t des autres AmÄrindiens des Grands Lacs supÄrieurs pour les Britanniques, qui avaient remplacÄ les Franìais dans cette rÄgion. Les Tsonnontouans de l'ouest participÅrent sans rÄserve ê la rÄbellion de Pontiac. ╦ Devil's Hole, sur la gorge du Niagara, ils infligÅrent une grave dÄfaite ê un convoi de ravitaillement britannique ainsi qu'au groupe envoyÄ pour le secourir.
  202.  
  203.      Sir William Johnson mourut en 1774, avant le dÄclenchement de la guerre de l'IndÄpendance amÄricaine. Au dÄbut, les Iroquois adoptÅrent une attitude neutre devant ce ╟conflit entre pÅre et fils╚. En 1777, ils furent entraönÄs dans la guerre. Joseph Brant, (le frÅre de Mary Brant) Ätait revenu de Londres (o¥ James Boswell l'avait interrogÄ), et avait jetÄ tout le poids de son influence en faveur d'un soutien actif de la couronne. Mais les exhortations de sa soeur eurent probablement au moins autant d'importance. Les Agniers devinrent ainsi d'actifs alliÄs des Britanniques et des loyalistes. D'autres fonctionnaires du dÄpartement des affaires indiennes rÄussirent ê s'assurer le soutien des Tsonnontouans et des Goyogouins, mais les OnontaguÄs restÅrent neutres (jusqu'ê ce que les rebelles amÄricains br₧lent leur ville), et les Onneiouts, sous l'influence de Samuel Kirkland, missionnaire de Nouvelle-Angleterre, combattirent en fait du cÖtÄ des rebelles.
  204.  
  205.      On pourrait soutenir que les Iroquois et leurs alliÄs britanniques et loyalistes Ätaient en train de gagner la guerre ê la frontiÅre de la colonie de New York. Il est vrai que les villes goyogouines et bon nombre de villes tsonnontouanes furent br₧lÄes en 1779 par une armÄe rebelle commandÄe par le gÄnÄral John Sullivan, mais cette dÄfaite ne fut pas plus grande que celles que les Iroquois infligÅrent aux rebelles, aussi bien avant qu'aprÅs cette date. La frontiÅre de la colonie de New York fut repoussÄe jusqu'ê Schenectady.
  206.  
  207.      La guerre fut perdue sur d'autres fronts et, quand on fit la paix, les Britanniques ne tinrent pas compte du sang versÄ pour la couronne par les alliÄs iroquois de Sa MajestÄ. La nouvelle frontiÅre internationale laissait les territoires iroquois ê la nouvelle rÄpublique amÄricaine.
  208.  
  209.      ╦ Londres, les fonctionnaires jugÅrent opportun d'ignorer les Iroquois, mais les fonctionnaires en poste au Canada trouvÅrent difficile de faire de mÉme. Deux Ätendues de territoire furent rÄservÄes aux Iroquois. Les Agniers du capitaine John Deseronto s'Ätablirent dans une rÄserve situÄe sur la baie de Quinte, au bord du lac Ontario; sous la direction de Joseph Brant, un grand nombre d'Iroquois des six nations s'installÅrent sur la Grande RiviÅre (leurs descendants occupent maintenant la rÄserve des Six-Nations, tout ce qui reste de ce qui leur avait ÄtÄ octroyÄ ê l'origine, prÅs de Brantford, en Ontario). Les vases sacrÄs en argent donnÄs aux Agniers par la reine Anne furent rÄpartis entre ces deux Ätablissements.
  210.  
  211.      La plus grande nation de la ConfÄdÄration choisit dans l'ensemble de rester dans l'âtat de New York. Les Tsonnontouans, mÉme s'ils avaient signÄ des traitÄs par lesquels ils abandonnaient presque tous leurs territoires, rÄussirent ê conserver un certain nombre de rÄserves dans l'ouest de l'âtat. Une partie de celles-ci fut plus tard vendue ê des spÄculateurs, mais les Tsonnontouans conservÅrent trois rÄserves dans l'âtat de New York -- Allegany, Cattaraugus et Tonawanda. Environ la moitiÄ des OnontaguÄs restÅrent Ägalement dans cet âtat et ont encore une rÄserve prÅs de Syracuse.
  212.  
  213.      Les AmÄricains voulaient les terres des Onneiouts, dont une grande partie s'Ätaient pourtant battus aux cÖtÄs des rebelles. Quelques Onneiouts rÄussirent ê conserver des terres dans leurs anciens territoires, mais la plupart durent se dÄplacer. Certains se rendirent au Wisconsin, et un autre groupe de 242 personnes acheta des terres prÅs de London (Ontario), en 1829.
  214.  
  215.      L'histoire des Ätablissements iroquois catholiques dans la vallÄe du Saint-Laurent est complexe, mais qu'il suffise de dire qu'il y a actuellement quatre rÄserves -- trois au Canada et une autre ê cheval sur la frontiÅre canado-amÄricaine -- o¥ habitent des descendants de ceux qui s'Ätablirent au XVIIe siÅcle sur le Saint-Laurent. Il s'agit de Caughnawaga et d'Oka, toutes deux prÅs de MontrÄal; de Saint-RÄgis (Akwesasne), en Ontario, au QuÄbec et dans l'âtat de New York, prÅs de Cornwall (Ontario); et de Gibson, en Ontario, sur la baie Georgienne. MÉme s'il s'agissait ê l'origine de missions, on trouve des fidÅles du culte traditionnel aussi bien ê Caughnawaga qu'ê Saint-RÄgis, ceux de Caughnawaga ayant adoptÄ la religion de Handsome Lake (Beau-Lac) dans les annÄes 1920, les autres ayant fait de mÉme une dizaine d'annÄes plus tard.
  216.  
  217.      Nous avons mis en relief dans ces pages, peut-Étre exagÄrÄment, les aspects militaires et diplomatiques de l'histoire de la ConfÄdÄration iroquoise, et plus particuliÅrement les relations de celle-ci avec les rÄgions situÄes au nord de son territoire. L'espace ne nous permet pas de prÄsenter une histoire culturelle dÄtaillÄe, mais il sera question de quelques changements importants survenus dans la vie des Iroquois au cours des trois siÅcles o¥ ils ont eu des contacts intensifs avec les EuropÄens.
  218.  
  219.      C'est dans le domaine matÄriel que la rencontre avec la civilisation europÄenne eut le plus de consÄquences. Des objets europÄens Ätaient parvenus en pays iroquois au moins un demi-siÅcle avant les vÄritables contacts entre EuropÄens et Iroquois. Une fois ces biens disponibles en grandes quantitÄs, les Iroquois ne tardÅrent pas ê abandonner la fabrication de nombreux articles. La hache de pierre fut remplacÄe par des produits en fer ou en acier; la poterie en terre par des marmites en laiton; les vÉtements de cuir par des habits en laine et en coton. Le wampum, qui Ätait si important dans la diplomatie iroquoise, ne fut abondant qu'aprÅs l'introduction des forets europÄens. Les arcs furent supplantÄs par les armes ê feu, et l'armure en bois jadis portÄe par les guerriers iroquois fut abandonnÄe. Les perles de verre complÄtÅrent et vinrent ê remplacer les piquants de porc Äpic et le poil d'orignal dans la dÄcoration des vÉtements.
  220.  
  221.      De nouveaux aliments, empruntÄs ê leurs voisins non amÄrindiens, entrÅrent dans le rÄgime des Iroquois. En 1675, les Tsonnontouans Älevaient des cochons. Un siÅcle plus tard, ils avaient des vergers de pommiers et de pÉchers et cultivaient la pomme de terre, le concombre, l'oignon et la pastÅque, outre les trois soeurs, le maòs, le haricot et la courge. Les Iroquois commencÅrent ê saler leurs aliments (on dit que les moustiques ne gÉnaient pas les Autochtones avant que le sel entre dans leur alimentation).
  222.  
  223.      Les modes de peuplement changÅrent au fil des ans. Les longues habitations abritant des familles Ätendues devinrent de moins en moins courantes, les familles nuclÄaires occupant de prÄfÄrence des domiciles distincts. DÅs 1666, les Agniers construisaient des maisons de rondins, plutÖt que des ouvrages ê armature de perches recouverte d'Äcorce. La palissade circulaire de l'Äpoque prÄhistorique fut remplacÄe par de complexes fortifications rectangulaires, dÄfendues par des bastions. Avec l'augmentation de la puissance des Iroquois, ces fortifications furent abandonnÄes, et la population se dispersa dans des villages de moindre importance. Comme ces petits Ätablissements n'Äpuisaient pas le sol ou le bois de chauffage autant que les grands villages des dÄbuts de l'Äpoque historique, ils n'avaient pas ê Étre reconstruits pÄriodiquement ê de nouveaux endroits. Le fait que les Iroquois disposaient de chevaux comme animaux de trait entra Ägalement en ligne de compte, puisqu'il devenait possible de ramasser du bois de chauffage plus loin du village. ╦ l'Äpoque de la guerre de l'IndÄpendance amÄricaine, l'habitation des Iroquois et une grande partie de leur culture matÄrielle Ätaient devenues identiques ê celles de leurs voisins blancs.
  224.  
  225.      Les femmes continuÅrent ê assumer les tëches agricoles dans les villages iroquois. Les hommes dÄfrichaient les champs et chassaient (les peaux de cerf Ätaient encore importantes pour la fabrication des mocassins). DÅs les annÄes 1760, des hommes gagnaient un salaire comme porteurs aux portages du pays des Onneiouts et ê Niagara. En 1800, des Iroquois de la vallÄe du Saint-Laurent Ätaient engagÄs comme pagayeurs par la Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie de la baie d'Hudson.
  226.  
  227.      AprÅs la crÄation des rÄserves, certains hommes s'adonnÅrent ê l'agriculture, mais, pour de nombreuses raisons, peu d'entre eux rÄussirent. Un grand nombre entrÅrent sur le marchÄ du travail et prirent des emplois aussi divers que ceux de leurs voisins blancs. On a dÄjê fait mention des nombreux Mohawks (Agniers) de Caughnawaga qui au XIXe siÅcle Ätaient pagayeurs (ce qui conduisit le gÄnÄral Garnet Wolseley ê en recruter pour transporter son armÄe sur le Nil en 1884-1885); au XXe siÅcle, les hommes de cette rÄserve sont devenus spÄcialistes du montage des charpentes mÄtalliques.
  228.  
  229.      Sur le plan politique, des conflits Ätaient nÄs au sein du Conseil de la ConfÄdÄration, des deux cÖtÄs de la frontiÅre canado-amÄricaine, ê la suite de la migration de Joseph Brant et des siens vers la Grande RiviÅre, en Ontario. Les Tsonnontouans des rÄserves d'Allegany et de Cattaraugus, dans l'âtat de New York, remplacÅrent en 1848 les chefs traditionnels par un conseil Älu; dans les autres rÄserves de l'âtat de New York, les chefs traditionnels continuent ê gouverner. ╦ la rÄserve des Six-Nations, un gouvernement Älu fut mis en place par une faction en 1924, avec l'appui de la Gendarmerie royale du Canada. Un grand nombre continuÅrent ê affirmer que le Conseil de la ConfÄdÄration, qui avait ÄtÄ au pouvoir jusque-lê, constituait toujours le gouvernement authentique et lÄgitime de la rÄserve. La rÄserve des Six-Nations reste profondÄment divisÄe sur cette question aprÅs plus de soixante ans.
  230.  
  231.      D'importants changements ont modifiÄ la vie des Iroquois depuis que Deganawida et Hiawatha convainquirent Thadodaho de s'asseoir sous l'Arbre de la Paix. Il est vrai que des ritualistes iroquois ont reconnu et regrettÄ la perte des traditions (adaptation d'une traduction faite au siÅcle dernier par Hale):
  232.  
  233.      Salut, mes aòeux! PrÉtez l'oreille pendant que vos petits-fils crient vers vous, pleins de mÄlancolie, parce que la Grande Ligue que vous avez Ätablie a vieilli. Nous espÄrons qu'ils pourront entendre. Salut, mes aòeux! Vous avez dit que triste serait le sort de ceux qui viendraient dans les derniers temps.
  234.  
  235. MÉme si ╟la Grande Ligue... a vieilli╚, les peuples qui la composent ont fait preuve d'une vigueur remarquable. Ils restent solidement attachÄs au passÄ, et le rÄaffirment chaque annÄe. Dans les quatre Longues habitations de la rÄserve des Six-Nations, de mÉme que dans les Longues habitations de plusieurs autres localitÄs iroquoises du Canada et de l'âtat de New York, les vieilles cÄrÄmonies se dÄroulent toujours. Le Code de Handsome Lake (Beau-Lac) continue d'Étre rÄcitÄ pour orienter le comportement de ses adeptes. Le jeu du bol reconstitue la lutte entre le Bon Esprit et le Mauvais Esprit pour la domination du monde. Le son du tambour ê eau et du hochet fait d'une carapace de tortue accompagne toujours les communications que les Iroquois font au CrÄateur.  
  236.  
  237.