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Text File  |  1996-06-21  |  59KB  |  132 lines

  1. LA PRâHISTOIRE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE 
  2.  
  3. Knut R. Fladmark 
  4.  
  5. Introduction 
  6.  
  7.      La rÄgion connue sous le nom de Colombie-Britannique fut l'une des derniÅres contrÄes de latitude moyenne du monde ê Étre dÄcouverte par les EuropÄens, il y a un peu plus de 200 ans. La prÄsence europÄenne, aujourd'hui dominante, n'est qu'un mince vernis recouvrant une histoire riche en cultures autochtones remontant ê plus de 10 000 ans dans le passÄ. En fait, ceux qui dÄplorent le manque d'histoire de l'Ouest canadien font allusion ê la superficialitÄ de l'enracinement europÄen au pays puisque l'histoire humaine de la Colombie-Britannique dans son ensemble est au moins aussi longue que celle d'une grande partie de l'Europe septentrionale. Les ancÉtres des AmÄrindiens* qui ont accueilli le capitaine James Cook et Alexander Mackenzie y avaient vÄcu des centaines de gÄnÄrations. Ce fut une ÄpopÄe de l'adaptation humaine aux changements environnementaux qui aboutit, aprÅs des milliers d'annÄes, ê des sociÄtÄs tribales des plus complexes. Cette histoire nous est rÄvÄlÄe surtout par l'archÄologie (l'Ätude des vestiges de la culture matÄrielle), puisque les Indiens de Colombie-Britannique n'avaient aucune langue Äcrite et que les vieilles traditions orales disparaissent rapidement chez leurs descendants.
  8.  
  9.      Nous allons tenter dans les pages qui suivent de dÄmÉler l'Ächeveau du passÄ prÄhistorique de la Colombie-Britannique avant l'arrivÄe des EuropÄens et de l'Äcriture. Cette prÄhistoire a l'aspect d'une Ätoffe usÄe, trÅs lacunaire et dÄchirÄe par des thÄories archÄologiques divergentes. Pour le moment, notre comprÄhension des cultures anciennes de la Colombie-Britannique est sans doute trÅs imparfaite et plusieurs des interprÄtations soumises ici seront inÄvitablement modifiÄes par l'apport de nouvelles dÄcouvertes.
  10.  
  11. Le pays, ses populations 
  12.  
  13.      La Colombie-Britannique possÅde des environnements variÄs, allant des cÖtes pluvieuses du Pacifique, aux plateaux intÄrieurs dessÄchÄs, aux sommets des montagnes Rocheuses et jusqu'aux plaines de la riviÅre de la Paix. La grande diversitÄ des modes de vie historiques des Autochtones reflÅte la myriade d'adaptations culturelles possibles dans un pays naturellement riche et variÄ. L'hÄtÄrogÄnÄitÄ culturelle de la Colombie-Britannique dans les temps historiques s'illustre bien par les 34 langues indigÅnes distinctes parlÄes ê travers la province, toutes aussi diffÄrentes les unes des autres que le franìais et l'anglais. Les cultures amÄrindiennes historiques constituent une source importante de comparaison et aussi un dÄfi imposant dans nos efforts pour dÄcouvrir qui et quoi est apparu d'abord. Les anthropologues regroupent les diffÄrents modes de vie amÄrindiens de la Colombie-Britannique en trois grandes rÄgions culturelles: la cÖte, le plateau (partie sud de l'intÄrieur) et la rÄgion presque arctique (partie nord de l'intÄrieur). Cet essai est conìu en fonction de ces rÄgions parce que, contrairement aux langues et autres aspects culturels non matÄriels qui ne sont pas prÄservÄs archÄologiquement, les caractÄristiques matÄrielles des rÄgions culturelles peuvent Étre retracÄes et comparÄes tout au long de la prÄhistoire.
  14.  
  15. La cÖte:   Les peuples de la cÖte habitaient en majeure partie de grands villages de maisons de planches o¥ des coutumes sociales ÄlaborÄes et un art sophistiquÄ Ätaient maintenus grëce ê l'exceptionnelle richesse de l'ocÄan et des riviÅres. MalgrÄ leurs langues complÅtement diffÄrentes, des groupes tels les Haidas des öles de la Reine-Charlotte, les Tsimshians de la rÄgion continentale nord et les Nootkas de la cÖte ouest de l'öle de Vancouver ont tous fait montre d'un mode de vie tribal des plus complexes. Il y avait des aristocrates et des esclaves, des hÄros-guerriers et des artistes, des mystiques et des marchands utilisant, pour rÄcolter les richesses du sol et de la mer, une technologie ÄlaborÄe basÄe sur le travail du bois, de l'os et de la pierre. Les plus importantes de ces richesses Ätaient le saumon du Pacifique que l'on pÉchait, lors de sa migration annuelle massive, comme une rÄcolte mobile, et les grands cÅdres rouges ê fil droit qui fournissaient le bois mou facile ê fendre essentiel ê la construction des grandes maisons de planches et pour les canots creusÄs.
  16.  
  17.      Des variations rÄgionales des thÅmes culturels ont permis aux anthropologues de diviser la cÖte nord-ouest historique en trois sous-rÄgions, soit le nord, le centre et le sud. Ainsi que nous le verrons, cette rÄgionalisation a persistÄ tout au long de la prÄhistoire connue.
  18.  
  19. Le plateau:   Les tribus de l'intÄrieur, dans le sud de la Colombie-Britannique vivaient dans une rÄgion de montagnes couvertes de forÉts et de vallÄes ouvertes o¥ coulent les fleuves Fraser et Columbia. La plupart des peuples habitant la rÄgion, comme les Shuswaps et les Thompsons, par exemple, parlaient des langues de la famille linguistique salishenne apparentÄes ê celles parlÄes sur la rive sud du Fraser, prÅs de son embouchure. Par contre, les Kootenays du coin sud-est de la province ne s'apparentent linguistiquement ê aucun autre groupe. L'Äconomie du plateau dÄpendait d'une combinaison de chasse, pÉche et cueillette alors que les habitants riverains du Fraser s'orientaient plutÖt vers la pÉche au saumon. L'habitation d'hiver typique Ätait une maison de rondins en fosse (dont le sol d'habitation est sous le niveau du sol extÄrieur) recouverte de terre alors que des tentes couvertes de nattes et des appentis suffisaient pour les camps d'ÄtÄ.
  20.  
  21. La rÄgion presque arctique:   L'intÄrieur de la partie nord de la Colombie-Britannique Ätait habitÄ par les peuples de langues athapascanes tels les Porteurs, les Tahltans et les Castors. Cet environnement Ätait plus rigoureux que le plateau ou la cÖte, et la culture athapascane reflÅte un besoin de mobilitÄ et de flexibilitÄ d'adaptation. Certains Athapascans avaient accÅs au saumon du Pacifique et pouvaient de ce fait se permettre des installations plus stables et une culture plus ÄlaborÄe. Mais la plupart avaient une existence mouvante, pÉchant le poisson, chassant caribou et petit gibier lorsqu'ils Ätaient disponibles et construisant des abris temporaires avec des broussailles, des peaux et de l'Äcorce pour leurs camps saisonniers.
  22.  
  23.      Il est nÄcessaire de connaötre ces cultures historiques autochtones pour comprendre et reconstituer les modes de vie prÄhistoriques. Les archÄologues ne peuvent dÄterrer les langues et autres aspects non matÄriels des cultures; il est donc malaisÄ d'affirmer qu'un site prÄhistorique Ätait habitÄ par les ancÉtres d'une tribu historique spÄcifique. MalgrÄ tout, les rÄgions culturelles nous permettent de comparer des collections archÄologiques d'objets faìonnÄs et autres vestiges avec ceux de cultures historiques et d'en identifier les tendances et l'Ävolution.
  24.  
  25. Les premiers habitants 
  26.  
  27.      Il est dommage que nous en sachions bien moins sur les premiers humains ê arriver en Colombie-Britannique que sur les ╟dÄcouvreurs╚ europÄens venus beaucoup plus tard, parce que ces premiers pionniers indiens de Colombie-Britannique ont participÄ ê l'une des plus grandes aventures humaines de tous les temps: la colonisation premiÅre de tout l'hÄmisphÅre occidental. Les premiers habitants sont probablement venus ê pied du nord-est de l'Asie jusqu'en Alaska il y a quelque 20 000 ê 15 000 ans, alors qu'en raison de l'emprisonnement des eaux dans les glaciers continentaux le niveau de la mer Ätait 100 m plus bas, laissant le dÄtroit de BÄring ê sec. L'Alaska et le Yukon Ätaient en grande partie libres de glaces et habitables mais il Ätait impossible de descendre vers le sud tant que les glaces n'eurent pas commencÄ ê se retirer. Lorsque les glaciers commencÅrent leur rÄgression il y a 13 000 ê 12 000 ans, il s'est d'abord ouvert deux routes au sud de l'Alaska: l'une longeant la cÖte du Pacifique et l'autre, souvent appelÄe le ╟corridor sans glace╚, parallÅle au flanc est des montagnes Rocheuses. Les premiers habitants de Colombie-Britannique sont venus du nord par l'une de ces routes, faisant partie d'un important mouvement de population en AmÄrique du Nord ê la fin de la derniÅre pÄriode glaciaire.
  28.  
  29.      Bien qu'il soit possible que des gens soient arrivÄs dans certaines rÄgions de Colombie-Britannique il y a dÄjê 12 000 ans, aucun indice archÄologique n'est encore venu corroborer cette hypothÅse. De fait, la datation au carbone 14, une technique mesurant la quantitÄ d'isotopes de carbone radioactifs prÄsents dans les matiÅres organiques, ne fait remonter les plus anciens sites de la province qu'entre 10 000 et 10 500 ans. Il est pourtant presque certain que des dÄcouvertes plus anciennes d'au moins mille ans surviendront Äventuellement. Au moment mÉme o¥ vous lisez ces pages, il se peut qu'un fermier labourant son champ ou qu'un enfant jouant sur la plage fasse la dÄcouverte initiale par inadvertance.
  30.  
  31. Phase Ancienne dans l'intÄrieur (plus de 10 500 ê 8 000 annÄes avant nos jours) 
  32.  
  33.      Le plus ancien site archÄologique connu en Colombie-Britannique est situÄ ê Charlie Lake Cave prÅs de Fort St. John dans le district de la riviÅre de la Paix au nord-est (rÄgion presque arctique) de la Colombie-Britannique. Devant une petite grotte s'est formÄe une profonde accumulation de sÄdiments dans laquelle on a retrouvÄ Äpars des os d'animaux et des objets faìonnÄs qu'avaient laissÄs derriÅre eux des Indiens lors de courts sÄjours sur ce site utilisÄ pendant des milliers d'annÄes. On a retrouvÄ dans les niveaux les plus profonds avec plusieurs objets de pierre un certain nombre de gros os de bisons, dont certains portent des Ägratignures et des fractures rÄsultant du dÄpeìage fait par des humains. Parmi les objets faìonnÄs se trouvait une seule pointe de lance d'un type que les archÄologues appellent pointe cannelÄe parce que plusieurs grosses cicatrices d'enlÅvement, ou cannelures, s'Ätendent vers le haut ê partir de la base. ╦ part cette pointe, les niveaux les plus anciens de Charlie Lake Cave contenaient aussi un gros chopper de pierre taillÄe et, chose Ätonnante, une petite perle de pierre tendre perforÄe. Cette derniÅre, qui peut avoir dÄcorÄ un vÉtement en peau, est l'un des ornements de pierre les plus anciens d'AmÄrique du Nord puisque cette perle de pierre et d'autres dÄcouvertes sont reliÄes ê trois datations au carbone 14 de 10 500 annÄes en moyenne.
  34.  
  35.      Le nord de la Colombie-Britannique subissait encore les effets de la derniÅre glaciation ê l'Äpoque de la premiÅre occupation ê Charlie Lake Cave. Un grand lac formÄ par un barrage de glace sur la riviÅre de la Paix achevait apparemment de s'Äcouler et les vallÄes de ruissellement actuelles commenìaient ê se former. La grotte est situÄe prÅs de la rive la plus rÄcente de l'ancien lac, lê o¥ un Ätranglement devait servir de passage aux animaux, ce qui en faisait un emplacement privilÄgiÄ pour les chasseurs ê l'aff₧t du bison.
  36.  
  37.      Sur le plateau, le seul vestige appartenant ê la Phase Ancienne consiste en un squelette humain incomplet trouvÄ prÅs de la ville de Kamloops et qui a ÄtÄ datÄ ê 8 200 ans. On n'a retrouvÄ aucun objet faìonnÄ auprÅs de l'homme de Gore Creek, qui semble avoir ÄtÄ victime d'une crue subite; une analyse chimique des os a rÄvÄlÄ qu'il Ätait plus dÄpendant des mammifÅres terrestres que du saumon pour son alimentation. MalgrÄ l'importance historique du saumon dans cette rÄgion, cette hypothÅse semble raisonnable puisque, jusqu'ê il y a 8 000 ans environ, le plateau possÄdait des prairies plus Ätendues qu'aujourd'hui, amÄliorant ainsi l'habitat des grands herbivores. ╦ la mÉme Äpoque, le rÄgime des riviÅres Ätait probablement encore affectÄ par la derniÅre glaciation et ces riviÅres n'Ätaient probablement pas aussi propices au frai du saumon qu'elles le sont maintenant. Quelques dÄcouvertes Äparses en surface de pointes de lance cannelÄes ou ê pÄdoncule qui ne peuvent Étre datÄes directement Ävoquent aussi ces temps anciens o¥ les chasseurs indiens poursuivaient leurs proies autour des lacs nouvellement formÄs et dans les vallÄes de l'intÄrieur de la Colombie-Britannique.
  38.  
  39. Phase Lithique de la cÖte (plus de 10 000 ê 5 500 annÄes avant nos jours) 
  40.  
  41.      Il semble y avoir eu peu de changements majeurs dans le mode de vie des populations de la cÖte depuis les premiÅres occupations jusqu'ê il y a environ 5 500 ans. Par consÄquent, on dÄsigne l'ensemble de cette pÄriode sous le vocable de ╟Phase Lithique╚, un terme signifiant que le matÄriel archÄologique consiste surtout d'outils de pierre taillÄe (d'o¥ l'adjectif lithique). On ne peut que dater provisoirement certains des sites possiblÄment les plus anciens de la cÖte. On y retrouve surtout des outils sur galet. Les galets de plage, de forme arrondie, Ätaient taillÄs d'un cÖtÄ pour former une solide arÉte abrupte, alors qu'on laissait le talon intact pour assurer une bonne prise ê la main. La plupart de ces outils Ätaient probablement utilisÄs pour travailler le bois et dÄpecer la viande. Bien qu'ils semblent primitifs au premier abord, ces outils sur galet reprÄsentent en fait une ingÄnieuse adaptation ê un environnement o¥ abondaient d'adÄquates pierres ╟vierges╚. Certains spÄcimens, trouvÄs sur des terrasses de riviÅres ÄlevÄes ou ÄparpillÄs sur nos plages modernes, pourraient remonter ê 10 000 ans mais on ne peut les dater au carbone 14 vu l'absence de matÄriaux organiques associÄs. La recherche de sites anciens sur la cÖte se complique du fait que le niveau de la mer a fluctuÄ ÄnormÄment dans le passÄ, atteignant des altitudes beaucoup plus hautes, ou plus basses, que les plages actuelles. Le niveau de la mer Ätait encore affectÄ par la derniÅre glaciation durant la Phase Lithique et le littoral actuel a finalement ÄtÄ atteint entre 5 000 et 2 000 annÄes avant nos jours.
  42.  
  43.      De 10 000 ê 9 000 avant aujourd'hui, le niveau de la mer Ätait assez proche de ce qu'il est maintenant pour permettre la prÄservation et la dÄcouverte de sites archÄologiques apparentÄs. Cela explique probablement pourquoi tous les sites connus de la cÖte et datÄs au carbone 14 remontent ê moins de 10 000 ans. âtant donnÄ que les objets faìonnÄs prÄsentent des variantes considÄrables d'une rÄgion ê l'autre, les cultures de la Phase Lithique ont ÄtÄ catÄgorisÄes en variantes nord et sud avec une zone intermÄdiaire sur la cÖte centrale. L'archipel de la Reine-Charlotte et le sud-est de l'Alaska nous ont fourni presque toute l'information que nous possÄdons sur les cultures de la Phase Lithique de la cÖte septentrionale. Il est surprenant qu'aucun site ancien n'ait ÄtÄ identifiÄ sur la cÖte septentrionale de Colombie-Britannique. Les sites de l'archipel de la Reine-Charlotte ont ÄtÄ datÄs au carbone 14 ê 7 200 ans et sont associÄs ê un littoral situÄ de 12 ê 15 m plus haut qu'aujourd'hui. Mais la prÄsence sur le site de Lawn Point d'une couche culturelle non datÄe sous-jacente au niveau datÄ ê 7 200 ans indique que des humains avaient dÄjê atteint ces öles mille ans auparavant, ce qui aurait nÄcessitÄ des embarcations capables de tenir la mer. Par contre une arrivÄe antÄrieure ê cela aurait pu Étre facilitÄe par le niveau plus bas de la mer et une rÄduction de la surface d'eau ê traverser.
  44.  
  45.      Les sites anciens des öles de la Reine-Charlotte et d'Alaska se distinguent par des objets faìonnÄs caractÄristiques appelÄs microlames. Il s'agit de petits Äclats de pierre rectangulaires et tranchants produits en sÄrie ê partir d'un noyau spÄcialement taillÄ; on pouvait les insÄrer au bout de manches d'os, de bois ou d'andouiller en guise de pointe ou pour en faire des couteaux. Tout comme les lames de couteaux utilitaires modernes, ces petits outils de pierre pouvaient servir de lames modulaires jetables pour une variÄtÄ de pointes de lance composites et autres outils. On a retrouvÄ des microlames sur des sites vieux de 20 000 ans dans le nord-est de l'Asie et cette technologie atteignit l'intÄrieur de l'Alaska et du Yukon il y a environ 15 000 ê 12 000 ans. Le concept s'est ensuite rÄpandu vers le sud pour atteindre le littoral de la Colombie-Britannique il y a au moins 10 000 ê 8 000 ans. Sans compter les microlames, les sites anciens de l'archipel de la Reine-Charlotte contenaient des outils sur galet et nombre d'Äclats de pierre au tranchant biseautÄ d'un seul cÖtÄ destinÄs ê couper, gratter et tailler les matiÅres organiques. Aucune pointe de lance en pierre taillÄe ni d'objet ê taille bifaciale (taillÄ sur leurs deux faces) n'apparaöt sur les sites anciens de la cÖte septentrionale. Cela distingue ces cultures de toutes les cultures contemporaines de l'AmÄrique du Nord continenale et donne de la crÄdibilitÄ ê la thÄorie selon laquelle les premiers peuples de la cÖte auraient possÄdÄ des traditions culturelles trÅs distinctes de celles de l'intÄrieur. Malheureusement aucun vestige organique n'a ÄtÄ prÄservÄ, sauf du charbon de bois, sur les sites de l'archipel de la Reine-Charlotte et on ne peut que spÄculer sur les prÄfÄrences alimentaires des premiers habitants de la cÖte et sur l'utilisation qu'ils faisaient d'outils de bois, d'os et autres matiÅres organiques. D'aprÅs l'environnement, on peut prÄsumer que les ressources de la mer et de l'estran Ätaient exploitÄes; le gibier, caribou inclus, Ätait peut-Étre pourchassÄ aussi. Aucun vestige de maison ou d'autres structures n'a ÄtÄ identifiÄ; les camps de la Phase Lithique de la cÖte septentrionale Ätaient probablement simples et temporaires.
  46.  
  47.      Les sites de la Phase Lithique sur la cÖte mÄridionale sont concentrÄs autour du dÄtroit de GÄorgie et prÅs de l'embouchure du Fraser. Les industries lithiques des sites de Milliken, Glenrose et d'autres sites de la cÖte mÄridionale ont en commun avec leurs contemporains du nord des outils sur galet et sur Äclat mais ne comptent pas de microlames. ╦ la place, les outils les plus caractÄristiques sont de grosses pointes de lance et des lames de couteaux foliacÄes dont l'origine rÄside probablement chez des cultures antÄrieures de l'intÄrieur des âtats de Washington et d'Oregon. L'emplacement riverain de plusieurs des sites de la Phase Lithique de la cÖte mÄridionale laisse supposer un intÄrÉt pour la pÉche au saumon bien que les migrations n'aient pas d₧ Étre aussi abondantes il y a 9 000 ans qu'elles le sont de nos jours. Des noyaux de cerises br₧lÄs trouvÄs sur le site de Milliken dans le canyon du Fraser indiquent que la population y venait pour intercepter le saumon rouge du Pacifique qui remonte le fleuve ê l'Äpoque o¥ les cerises sauvages m₧rissent. Le canyon du Fraser prÅs de Milliken Ätait historiquement un centre de pÉche extrÉmement important pour les Salish de la cÖte qui s'y rendaient annuellement venant de toute la partie mÄridionale de la cÖte. MÉme de nos jours, quelques AmÄrindiens y viennent encore prendre le saumon et en font sÄcher la chair rouge sur des treillis de gaules exposÄs aux vents chauds du canyon.
  48.  
  49.      D'aprÅs les indices fournis par quelques os et coquillages trouvÄs sur le site de Glenrose dans le delta du Fraser, les populations anciennes de la cÖte mÄridionale exploitaient, en plus du saumon, des sources d'alimentation variÄes incluant le wapiti, le cerf, le phoque, le saumon, l'esturgeon, le poisson-chandelle (un Äperlan ê chair huileuse), des coquillages et crustacÄs. La prÄsence de petits Äclats d'obsidienne (un verre volcanique servant ê confectionner des outils trÅs tranchants comme les microlames) qui, selon une analyse chimique, proviendrait de l'Oregon ê 600 km de distance, laisse penser que le commerce se dÄveloppait dÄjê sur de longues distances dans le nord-ouest de l'AmÄrique du Nord ê cette Äpoque reculÄe.
  50.  
  51.      Glenrose est le premier d'une longue sÄrie d'Ätablissements ê l'embouchure du Fraser qui culmine avec la ville moderne de Vancouver. Nous ne savons pas vraiment quel genre de maison habitaient les gens dans la rÄgion il y a 8 000 ans et plus; il s'agissait probablement d'habitations relativement petites faites de perches et d'Äcorce. Le travail du bois semble avoir ÄtÄ rudimentaire si l'on en juge par l'absence d'herminettes; les cÅdres rouges Ätaient aussi beaucoup plus rares alors qu'aujourd'hui.
  52.  
  53.      Les cultures anciennes de la cÖte septentrionale et mÄridionale sont caractÄrisÄes par la prÄsence soit de microlames soit de pointes de lance taillÄes; par contre, sur la cÖte centrale du continent et dans la partie occidentale de l'öle de Vancouver, ces deux modÅles semblent s'Étre confondus. Le site le plus important de la rÄgion centrale se trouve ê Namu, lê o¥ les ruines d'une ancienne conserverie de poisson du XXe siÅcle s'ÄlÅvent sur un emplacement recelant des dÄpÖts remontant jusqu'ê 10 000 ans. Le matÄriel de la Phase Lithique dÄcouvert ê Namu inclut microlames et pointes foliacÄes en plus des fameux outils sur galet et sur Äclat. Ainsi que l'indiquent des ossements trouvÄs ê un niveau datÄ ê 6 000 ans, ê la fin de la Phase Lithique, la population de Namu,en plus du cerf et du poisson, consommait aussi du phoque, de l'otarie, de la loutre marine et du marsouin, ce qui implique pour l'Äpoque une adresse considÄrable ê la chasse aux mammifÅres marins.
  54.  
  55.      En essayant d'Ävaluer nos connaissances actuelles sur les premiÅres cultures de la cÖte nord-ouest, on se rend vite compte que les sous-rÄgions septentrionale, centrale et mÄridionale Ätaient dÄjê distinctes il y a 9 000 ans. Aussi bien que l'on puisse en juger par le tableau flou que nous trace l'archÄologie, les fondements des modes de vie de la cÖte nord-ouest reposent sur l'interaction de deux anciennes traditions culturelles, l'une venue de l'Alaska au nord et l'autre de l'intÄrieur au sud, qui se sont rencontrÄes et fusionnÄes le long des cours d'eau de l'öle de Vancouver et de la cÖte centrale du continent.
  56.  
  57. Phase IntermÄdiaire dans l'intÄrieur (8 000 ê 4 500 annÄes avant nos jours) 
  58.  
  59.      La pÄriode correspondant approximativement ê la Phase Lithique de la cÖte se divise pour l'intÄrieur en deux pÄriodes culturelles, soit les Phases Ancienne et IntermÄdiaire. L'un des ÄvÄnements les plus importants de la Phase IntermÄdiaire, et qui la distingue de la pÄriode prÄcÄdente, est l'apparition il y a environ 7 500 ans de la pÉche au saumon dans l'intÄrieur. C'est au site de Drynock Slide dans la vallÄe de la riviÅre Thompson qu'on en a dÄcouvert la manifestation la plus ancienne.
  60.  
  61.      Les cultures matÄrielles anciennes de Drynock avaient ÄtÄ ensevelies sous un Änorme Äboulement de terrain aprÅs que le site eut ÄtÄ abandonnÄ, et elles n'ont ÄtÄ ramenÄes ê la lumiÅre que rÄcemment lors de la construction d'une autoroute. Le glissement de terrain n'a pas ÄtÄ le seul ÄvÄnement naturel dramatique ê affecter ce site par le passÄ. La couche de sable Äolien contenant les objets faìonnÄs est recouverte par un voile de cendres d'un blanc Äclatant provenant du mont Mazama. La cendre volcanique (en fait, de la pierre ponce ou de la lave pulvÄrisÄe) crachÄe par le mont Mazama (aujourd'hui Crater Lake, Oregon) fut projetÄe sur une vaste rÄgion de l'ouest de l'AmÄrique du Nord il y a environ 6 800 ans. On peut facilement imaginer l'impact de cet ÄvÄnement impressionnant sur les anciennes populations.
  62.  
  63.      Parmi les objets dÄcouverts ê Drynock figurent une ou deux microlames, une petite pointe de lance ou couteau ê cÖtÄs droits, des Äclats informes ainsi que des arÉtes de saumon et des ossements de mammifÅres terrestres non identifiÄs. Les restes de saumon de Drynock constituent l'indice le plus ancien de pÉche par les Autochtones de l'intÄrieur. Les microlames de ce site sont aussi les exemples les plus anciens de cette technologie sur le plateau de Colombie-Britannique; il est probable que l'idÄe ait ÄtÄ transmise des cultures de la Phase Lithique de la cÖte vers l'intÄrieur mÄridional.
  64.  
  65.      On trouve des sites de la Phase IntermÄdiaire qui datent d'il y a 6 000 ê 5 000 ans dans la rÄgion presque arctique et sur le plateau. Leurs objets caractÄristiques sont des pointes de trait de grosseur moyenne sur Äclat avec des encoches sur les cÖtÄs et les coins pour faciliter l'emmanchement. Ce ne sont probablement pas des pointes de flÅche, puisque l'on suppose que l'arc est apparu en AmÄrique du Nord il y a 4 000 ê 3 000 ans, mais plutÖt des pointes pour des lances lÄgÅres que l'on projetait l'aide d'un atlatl ou propulseur. Un atlatl (on prononce at-la-til) est une espÅce de hampe avec un crochet ê une extrÄmitÄ dans lequel on insÅre le bout de la lance; la longueur et la flexibilitÄ de l'atlatl donnaient une force supplÄmentaire au lancer du chasseur. Aucun atlatl prÄservÄ n'a ÄtÄ retrouvÄ sur les sites de Colombie-Britannique mais les indices amassÄs sur les sites de l'ouest des âtats-Unis permettent de prÄsumer qu'il Ätait utilisÄ dans l'intÄrieur au moins durant la Phase IntermÄdiaire.
  66.  
  67.      On trouve aussi des microlames sur certains sites de la Phase IntermÄdiaire. Les microlames dÄcouvertes dans la rÄgion presque arctique proviennent du mont Edziza dans le nord-ouest de l'intÄrieur prÅs de la petite ville de Telegraph Creek. Le mont Edziza est la plus grosse source d'obsidienne au Canada et dans ce spectaculaire paysage montagneux, un Äpais tapis de fragments d'obsidienne recouvre le sol lê o¥ se concentraient les ateliers de taille d'outils prÄhistoriques. Les Autochtones venaient probablement au mont Edziza il y a 10 000 ans, et 5 000 ans plus tard l'obsidienne d'Edziza Ätait prÄsente sur tous les sites du nord de la Colombie-Britannique et des rÄgions avoisinantes. Il se peut que toute cette exploitation miniÅre se soit produite alors que les tempÄratures Ätaient un peu plus chaudes que de nos jours et que les neiges Ätaient moins abondantes dans la zone alpine. De semblables exploitations de carriÅres de pierre avaient aussi cours dans les rÄgions de Chilcotin et de Kootenay pendant les Phases prÄhistoriques IntermÄdiaire et RÄcente.
  68.  
  69.      Sauf pour les dÄtails sur leur technique de taille de la pierre, on ne sait pas grand-chose des coutumes et croyances des habitants de l'intÄrieur durant la Phase IntermÄdiaire. Aucun vestige de maison ou autre structure importante n'a ÄtÄ dÄcouvert sur les sites fouillÄs jusqu'ê ce jour; les camps de la Phase IntermÄdiaire, comme ceux de la Phase Lithique sur la cÖte, devaient Étre simples et temporaires. Les modes de subsistance semblent Étre demeurÄs non spÄcialisÄs; on chassait cerf, wapiti, caribou et autre gros gibier lê o¥ on en rencontrait ainsi que les petits animaux et le poisson. On a dÄcouvert sur un site datant de 5 500 ans prÅs d'Ashcroft dans le sud-ouest du plateau nombre de galets encochÄs servant de plombÄes ê filet et semblant indiquer l'usage de filets de pÉche (seine ou filet maillant) ê cette Äpoque. La pÉche au saumon a probablement continuÄ ê prendre de l'importance le long des systÅmes riverains du Pacifique pendant la Phase IntermÄdiaire. Ces changements ont Ätabli la base des nouveaux modes de vie qui ont caractÄrisÄ l'intÄrieur pendant les 4 500 ans prÄcÄdant le contact avec les EuropÄens.
  70.  
  71. Phase de DÄveloppement sur la cÖte (de 5 500 annÄes avant nos jours jusqu'ê la prise de contact avec les EuropÄens) 
  72.  
  73.      Entre 5 500 et 2 500 avant nos jours, la population de la cÖte nord-ouest franchit une Ätape importante, passant d'un mode de vie de chasse et cueillette relativement simple ê des modÅles culturels semblables ê ceux connus historiquement. Cette transition se manifeste de plusieurs maniÅres dans le matÄriel archÄologique, l'une des plus frappantes Ätant l'apparition d'amas coquilliers de taille importante il y a 5 500 ê 5 000 ans avant nos jours. Les amas coquilliers sont des dÄbris de coquilles de palourdes et de moules mÉlÄs ê des cendres, des pierres ÄclatÄes par le feu, des ossements d'animaux et autres dÄbris de campement. C'est une caractÄristique des cultures cÖtiÅres partout dans le monde. Certains des amas coquilliers de la Colombie-Britannique, tel le cÄlÅbre site de Marpole ê Vancouver, Ätaient originellement immenses, d'une Äpaisseur de 3 ê 4 m et couvrant plusieurs hectares. Malheureusement, une grande partie de ces amas a ÄtÄ dÄtruite par le dÄveloppement moderne mais, ici et lê dans les jardins et terrains vagues de Vancouver et d'autres agglomÄrations on peut remarquer des fragments blancs de coquilles, derniÅres traces d'anciens campements.
  74.  
  75.      L'apparition d'amas coquilliers le long de la cÖte nord-ouest a probablement ÄtÄ le rÄsultat d'une sÄrie de facteurs, l'un des plus importants Ätant une stabilisation du niveau de la mer il y a environ 5 000 ans, ce qui permit aux ÄcosystÅmes cÖtiers et riverains de s'Äquilibrer et de s'enrichir. Les populations de mollusques, de saumon et autres espÅces comestibles atteignirent une densitÄ beaucoup plus ÄlevÄe. Des migrations de plus en plus abondantes de saumon en ÄtÄ et en automne signifiaient de plus abondantes rÄserves sÄchÄes pour l'hiver. Les amas coquilliers nous rÄvÅlent non seulement les prÄfÄrences alimentaires des populations de la Phase de DÄveloppement mais indiquent aussi que ces gens pouvaient demeurer au mÉme endroit plus longtemps que ce n'Ätait possible ê leurs ancÉtres de la Phase Lithique. Les grands amas coquilliers reprÄsentent donc peut-Étre le dÄbut du type historique de village d'hiver semi-permanent.
  76.  
  77.      Tous les aspects complexes ou d'envergure de la culture de la cÖte nord-ouest Ätaient concentrÄs dans ces villages d'hiver historiques. C'est lê qu'on retrouvait les grandes maisons de planches, l'art monumental et les rites ÄlaborÄs; c'est lê aussi que les distinctions sociales entre nobles, gens du commun et esclaves Ätaient les plus Ävidentes. On trouve des indices de ces caractÄristiques trÅs tÖt dans la Phase de DÄveloppement et il semble que tous les ÄlÄments fondamentaux de la culture historique de la cÖte nord-ouest aient ÄtÄ en place il y a au moins 2 500 ans.
  78.  
  79.      La plus ancienne maison qui ait ÄtÄ fouillÄe sur la cÖte de Colombie-Britannique est une Ätonnante habitation semi-souterraine qui date d'il y a 4 000 ê 5 000 ans situÄe dans la basse vallÄe du Fraser et qui ressemble plus ê une maison en fosse historique de l'intÄrieur qu'ê une habitation cÖtiÅre. Il y a environ 3 000 ans, un village de longues maisons Ätroites partiellement creusÄes dans le flanc d'une pente abrupte Ätait occupÄ sur le site de Paul Mason le long du cours infÄrieur de la riviÅre Skeena. Bien qu'elles soient disposÄes en rangs serrÄs comme dans les villages historiques de la cÖte septentrionale, les maisons du site de Paul Mason semblent Étre de construction plus lÄgÅre. Ce n'est qu'il y a 2 500 ans qu'apparaissent les preuves incontestables de la construction du type de maisons historiques ê poutres et poteaux massifs sur des sites comme Marpole sur la cÖte mÄridionale. L'adoption d'un style de construction plus massif peut Étre due ê une plus grande abondance de grands cÅdres rouges sur la cÖte durant les trois derniers millÄnaires et au dÄveloppement de la technologie autochtone de menuiserie.
  80.  
  81.      Bien qu'on ait retrouvÄ quelques coins d'andouiller dans les niveaux de la Phase Lithique rÄcente de Glenrose, les premiÅres lames d'herminettes en pierre ne sont apparues dans le matÄriel archÄologique qu'il y a 3 500 ans. Elles sont plutÖt petites au dÄbut puis gagnent en taille et en diversitÄ avec le temps. La plupart sont faites de pierre verte et dure comme la nÄphrite ou le jade du Fraser. Les premiers maillets sans manche (ressemblant aux anciens rÄcepteurs de tÄlÄphone), qu'on utilisait pour enfoncer les coins de bois ou d'andouiller, pour fendre le cÅdre ou creuser les canots, sont apparus il y a environ 2 500 ans sur la cÖte mÄridionale. Dans le nord, les lourds maillets ê manche et les herminettes caractÄristiques de l'outillage historique du menuisier de cette rÄgion sont apparus mille ans plus tard. Le matÄriel d'origine continentale retrouvÄ sur les sites vieux de 3 000 ê 5 000 ans de l'archipel de la Reine-Charlotte suggÅre que la construction de canots creusÄs Ätait assez perfectionnÄe pour permettre des communications rÄguliÅres par le dangereux dÄtroit d'HÄcate. Mais la plus ancienne preuve de navigation sur la cÖte nord-ouest consiste en plusieur pagaies de bois ëgÄes de 1 600 ans qui ont ÄtÄ prÄservÄes dans des dÄpÖts saturÄs d'eau du port de Prince-Rupert.
  82.  
  83.      Nombre de sites saturÄs d'eau nous donnent un aperìu des objets prÄhistoriques faits de bois et de fibres qui ne survivent pas dans un environnement d'amas coquillier. Ces dÄcouvertes comprennent de la vannerie, des cordages, des chapeaux tissÄs, des nattes, des coins de bois, des fragments de planches, des morceaux de boötes et de bols en bois et d'autres objets pÄrissables qui remontent jusqu'ê il y a 3 000 ans. De nombreux objets anciens ressemblent remarquablement aux paniers et objets de bois utilisÄs ê l'Äpoque historique sur la cÖte nord-ouest. Les contenants de vannerie, les boötes de bois pliÄ et la vaisselle de bois creusÄ tenaient la place de la cÄramique pour la prÄparation et la conservation des aliments. Les Autochtones de Colombie-Britannique ignoraient totalement l'usage de la cÄramique. On trouve aussi de rares sculptures sur bois prÄhistoriques et des objets dÄcorÄs dans les sites saturÄs d'eau de la cÖte nord-ouest. L'un des plus remarquables est un atlatl en bois d'if reprÄsentant un monstre marin dressÄ au-dessus d'une tÉte humaine que l'on a draguÄ de l'embouchure d'une riviÅre de l'âtat de Washington, juste au sud de la frontiÅre canadienne et qui a ÄtÄ datÄ ê 1 700 ans. Un manche de cÅdre dÄcorÄ ayant appartenu ê une boöte ou un bol trouvÄ dans le port de Prince-Rupert et datÄ ê 1 600 ans dÄmontre que le style artistique historique qui a fait le renom des Haidas, Tlingits et Tsimshians Ätait dÄjê bien dÄveloppÄ ê cette Äpoque. Une productivitÄ artistique utilisant une grande variÄtÄ de techniques caractÄrisait la Phase de DÄveloppement et se perpÄtua sur la cÖte nord-ouest jusqu'ê l'Äpoque historique. Les premiÅres sculptures en ronde bosse, d'abord faites d'andouiller, Ätaient dÄjê apparues il y a 4 500 ans, et mille ans plus tard, une grande variÄtÄ de sculptures, gravures et ornements faits d'andouiller, d'os, de dents, de coquillages et de pierre dÄmontre qu'un certain intÄrÉt se dÄveloppait au sein de la sociÄtÄ pour les symboles de richesse et de pouvoir spirituel. La sculpture sur pierre de grande qualitÄ apparut il y a 2 500 ans sur la cÖte septentrionale et mÄridionale bien qu'elle soit demeurÄe trÅs rare sur la cÖte centrale. Les objets d'art en pierre de la cÖte mÄridionale incluent des figurines et des bols de formes humaines ou animale variÄes. Parmi les exemples remarquables de sculpture sur pierre on compte les ╟bols ê forme humaine assise╚: une forme humaine accroupie tenant un bol sur ses genoux et entrelacÄe d'ÄlÄments d'animaux ou de serpents. Ces bols faisaient peut Étre partie de l'attirail du chaman mais on ne sait pas grand-chose de leur fonction. Les exemplaires datÄs remontent ê 2 500-1 500 ans, mais il est possible que de tels bols aient ÄtÄ utilisÄs jusqu'ê l'Äpoque du contact europÄen. Il y a aussi d'autres objets d'art prÄhistoriques en pierre tels des sculptures anthropomorphes de pierre dure hautes de 50 cm, des bols de pierre en forme de tÉte humaine, des massues de pierre ê dÄcor ÄlaborÄ et des pÄtroglyphes.
  84.  
  85.      Les pÄtroglyphes sont des dessins piquetÄs ou gravÄs sur les affleurements de roc et les rochers reprÄsentant des visages, des humains, des animaux et des Étres mythiques. On en a identifiÄ des centaines le long de la cÖte de Colombie-Britannique; la plupart ne peuvent Étre datÄs de faìon absolue mais il est possible que cet art rupestre remonte loin dans la Phase de DÄveloppement. Certains pÄtroglyphes peuvent avoir ÄtÄ utilisÄs pour des rites secrets vu leur emplacement isolÄ et dissimulÄ, d'autres ont peut-Étre marquÄ des sites de pÉche importants.
  86.  
  87.      Plusieurs des sculptures sur pierre de petite taille de la cÖte mÄridionale Ätaient faites de stÄatite, une pierre verte et tendre qu'on retrouve aux abords du Fraser. On utilisait ce matÄriau facile ê travailler pour fabriquer des ornements personnels comme les labrets, une espÅce de tige ê rebords qu'on insÄrait dans une perforation de la lÅvre infÄrieure, et des ╟earspools╚, un ornement ressemblant ê une bobine qu'on portait au lobe de l'oreille. On portait dÄjê les labrets il y a 4 500 ans sur la cÖte septentrionale et mÄridionale de Colombie-Britannique mais ils n'ont jamais ÄtÄ populaires sur la cÖte centrale. Les peuples historiques de la cÖte septentrionale tels les Haidas et les Tsimshians portaient encore les labrets alors qu'ils n'Ätaient plus en vogue sur la cÖte mÄridionale il y a 1 500 ans. Les ╟earspools╚ n'Ätaient apparemment rÄpandus que sur la cÖte mÄridionale entre 3 500 et 2 500 avant aujourd'hui; plusieurs sculptures sur pierre et andouiller tÄmoignent de leur usage. Il existe aussi une sÄrie de petits objets de stÄatite finement travaillÄs contemporains des ╟earspools╚ sur la cÖte mÄridionale et connus sous le nom de ╟whatzits╚ (contraction de ╟what is it╚, qu'est-ce que c'est, en anglais) parmi les archÄologues locaux. Les ╟whatzits╚ sont de forme Ätrange, certains perforÄs, d'autres pas et peuvent avoir servi d'ornements ou avoir fait partie de costumes cÄrÄmoniaux bien que, ainsi que le nom l'indique, nous n'en possÄdions aucune certitude.
  88.  
  89.      En plus des labrets, ╟earspools╚ et ╟whatzits╚, les peuples de la Phase de DÄveloppement se paraient aussi de perles d'ardoise et de coquillages et d'une grande variÄtÄ de pendentifs unis ou ornÄs faits d'os, d'andouiller, de dents d'animaux et de coquillages. On trouve mÉme parfois des objets en cuivre natif qui provenait probablement d'Alaska et qui Ätait martelÄ ê froid pour en faire bracelets et pendentifs. De tels objets prÄcieux symbolisaient et soulignaient sans doute la richesse et le pouvoir d'un noble et de sa famille. Il se peut qu'un dÄsir croissant de se procurer des objets exotiques de valeur chez les sociÄtÄs de la cÖte nord-ouest, de plus en plus prÄoccupÄes de prestige, ait favorisÄ le dÄveloppement de rÄseaux d'Ächanges sur longue distance, qui ont amenÄ des coquillages du Pacifique jusque dans le sud de la Saskatchewan il y a dÄjê 3 500 ans. Les sculptures de stÄatite et autres pierres semblent avoir diminuÄ en nombre au cours des 1 500 derniÅres annÄes de la prÄhistoire de la cÖte mÄridionale, mais deux nouvelles caractÄristiques culturelles furent introduites ê cette Äpoque, probablement grëce aux contacts commerciaux avec les rÄgions du sud et de l'est de l'AmÄrique du Nord. Durant les 1 500 derniÅres annÄes, des pipes sculptÄes et parfois dÄcorÄes de formes animales ou humaines sont apparues sur les sites de la cÖte mÄridionale; des fusaòoles et des drapiÅres (Äpingles courtes et grosses pour couvertures) annoncent la naissance d'une industrie tisserande. Une fusaòole est un disque de bois, d'os ou, plus rarement, de stÄatite, parfois dÄcorÄ, utilisÄ comme poids pour assurer la rotation du fuseau ê main. Les Autochtones filaient des fibres locales tel le poil de chien ou de chÅvre de montagne. Le tissage s'est propagÄ jusque sur la cÖte septentrionale avant le contact europÄen, mais le tabac semble n'avoir ÄtÄ fumÄ que dans le sud jusqu'ê la fin du XVIIIe siÅcle; on le mëchait plutÖt dans le nord, aprÅs l'avoir mÄlangÄ ê une poudre faite de coquilles br₧lÄes. Il est intÄressant de constater que les AmÄrindiens de la cÖte septentrionale au dÄbut de la pÄriode historique cultivaient le tabac dans de petits jardins et que les principes de base de l'horticulture Ätaient dÄjê connus sur la cÖte de Colombie-Britannique avant le contact europÄen. Il est pourtant improbable que le jardinage et mÉme les plantes sauvages aient beaucoup contribuÄ ê la diÅte des Autochtones sur la cÖte; les plantes domestiques comme le maòs, le haricot et la courge Ätaient d'ailleurs complÅtement inconnues dans la province.
  90.  
  91.      Les populations de la Phase de DÄveloppement s'alimentaient ê partir d'un ensemble impressionnant de ressources marines, riveraines et terrestres. Grëce ê la stabilisation du niveau de la mer il y a environ 5 000 ans et aux populations optimales de saumon et autres poissons qui en dÄcoulÅrent, la population adopta des modes de subsistance de plus en plus spÄcialisÄs, investissant beaucoup de temps et d'Änergie dans un seul type de ressources. ╦ partir d'il y a au moins 4 500 ans, les amas coquilliers de la Phase de DÄveloppement nous livrent des vestiges d'Äquipement complexe utilisÄ pour la pÉche et la chasse aux mammifÅres marins et qui correspondent ê l'Äquipement de la pÄriode historique. Cela inclut plusieurs sortes de harpons ê pointe barbelÄe faits d'os ou d'andouiller et des foænes, des hameìons en os, des plombÄes de filet en pierre piquetÄe, des couteaux d'ardoise polie et de coquille et des pointes de trait. Avec le temps, cet inventaire de base s'est Älargi et diversifiÄ. Par exemple, les pointes de harpon dÄtachables, qui pivotent dans la chair de la proie perpendiculairement ê l'axe de la traction exercÄe sur la ligne et s'avÅrent ainsi plus efficaces que les harpons ê pointe barbelÄe pour la chasse aux mammifÅres marins et aux gros poissons, sont apparus d'abord il y a 3 500 ans. Il y a 1 000 ans, les harpons ê pointe dÄtachable variaient de grands harpons composites armÄs de lames tranchantes faites de coquille pour la chasse ê la baleine jusqu'aux petites pointes destinÄes ê la pÉche au saumon. D'autres aspects de la technologie de subsistance ont suivi une diversification et une spÄcialisation similaires pendant la Phase de DÄveloppement, indiquant un besoin constant d'amÄliorer l'efficacitÄ de la pÉche et de la chasse, peut-Étre en rÄaction ê une pression dÄmographique grandissante.
  92.  
  93.      Les objets de pierre taillÄe traditionnels tels les outils sur galet ont continuÄ ê Étre utilisÄs aux cÖtÄs d'innovations techniques pendant la Phase de DÄveloppement presque tout le long de la cÖte. Sur la cÖte septentrionale et centrale, les microlames ont cessÄ d'Étre utilisÄes ê partir de 5 500-4 500 ans avant nos jours, au moment mÉme o¥ elles apparaissaient sur la cÖte mÄridionale. Les pointes de lance foliacÄes plus anciennes se sont diversifiÄes au cours des derniÅres 5 500 annÄes en une variÄtÄ de formes pÄdonculÄes et ê encoche; de petites pointes de flÅche font leur apparition pour la premiÅre fois dans le matÄriel archÄologique il y a 1 200 ans. Par ailleurs, de nouvelles techniques de fabrication des outils de pierre ont gagnÄ en popularitÄ au dÄbut de la Phase de DÄveloppement pour remplacer Äventuellement la pierre taillÄe dans les derniers siÅcles de la prÄhistoire.
  94.  
  95.      La premiÅre de ces nouvelles techniques consistait ê piqueter un bloc de granit ou de diorite ê l'aide d'un marteau de pierre pour en user la surface petit ê petit et ensuite polir l'Äbauche rugueuse avec un matÄriau abrasif. Cette mÄthode permettait de travailler des types de roches qui se taillent ou se polissent difficilement et rendait possible des formes creusÄes ou perforÄes dans la pierre. L'invention de ce ╟piquetage et polissage╚ a entraönÄ l'apparition de lourdes plombÄes de pierre, de massues, d'herminettes, de bols et de sculptures dans le matÄriel archÄologique. L'autre nouvelle technique consistait ê polir de l'ardoise ou d'autres pierres semblables relativement faciles ê travailler pour fabriquer des pointes de lance, des couteaux et autres objets ê long tranchant droit. Les premiÅres pointes de lance d'ardoise polie sont apparues sur la cÖte de Colombie-Britannique il y a environ 5 000 ans; 3 500 ans plus tard d'habiles artisans rÄussissaient ê produire de minces pointes de lance longues de 40 cm. Ces longues pointes dÄlicates ainsi que certaines belles grandes pointes de lance de pierre taillÄe devaient avoir de la valeur en tant que symboles de richesse ou de statut social en plus de servir d'armes.
  96.  
  97.      Les coquillages neutralisent l'aciditÄ des sols cÖtiers, amÄliorant ainsi les conditions de prÄservation d'ossements et autres matÄriaux organiques en comparaison avec les sites prÄcÄdents dÄpourvus d'amas coquilliers. Cela nous fournit donc un matÄriel et des objets faìonnÄs plus abondants en os, en andouiller et en coquille, sans oublier les ossements humains, pour les 5 500 derniÅres annÄes dans les sites de la Phase de DÄveloppement. La majoritÄ des sÄpultures prÄhistoriques cÖtiÅres remontent ê entre 4 500 et 1 500 ans avant nos jours. Pour la plupart, on enterrait simplement les individus couchÄs en position repliÄe, parfois avec plusieurs grosses pierres qui devaient fermer le couvercle de la tombe. Il arrive ê l'occasion qu'on retrouve des ornements ou des armes dans les sÄpultures, ce qui semble indiquer le rang social ÄlevÄ du dÄfunt. On trouve aussi des sÄpultures multiples qui Ävoquent peut-Étre des catastrophes collectives, par exemple la noyade d'un Äquipage de canot. Il existe sur la cÖte mÄridionale des sÄpultures sous cairn, elles-mÉmes ensevelis sous des accumulations de coquillages et on a aussi trouvÄ des tumuli avec de petites chambres mortuaires aux murs empierrÄs. La frÄquence des sÄpultures sous les amas coquilliers diminue au cours des derniers 1 000 ê 1 500 ans, reflÄtant probablement l'adoption des mÄthodes historiques de sÄpulture - dans les arbres, en mët mortuaire, en maison mortuaire et dans les grottes.
  98.  
  99.      Certains des squelettes humains de la cÖte nord-ouest prÄsentent des blessures probablement subies au combat, et on possÅde d'autres indices d'une activitÄ guerriÅre croissante au long de la Phase de DÄveloppement. Il y a, entre autres, l'apparition de massues en pierre et en os de baleine, parfois dÄlicatement dÄcorÄes, vieilles de 2 500 ê 3 500 ans; des sites fortifiÄs ont Ägalement ÄtÄ ÄrigÄs au cours des derniers 1500 ans de la prÄhistoire. Ces derniers incluent sur la cÖte mÄridionale des forts retranchÄs avec fossÄs et remblais protÄgeant un promontoire d'une attaque dirigÄe contre la terre ferme. Il existe aussi sur les cÖtes septentrionale et centrale des öles rocheuses et des collines dont le sommet est entourÄ de palissades. Un cÄlÅbre exemple historique de village palissadÄ sur la cÖte septentrionale est la colline fortifiÄe de Kitwanga sur la riviÅre Skeena. L'activitÄ guerriÅre de la cÖte semble avoir atteint son zÄnith tout de suite aprÅs le contact avec les EuropÄens, rÄsultat d'une compÄtition entre chefs et tribus rivales pour s'assurer le contrÖle des rÄseaux d'Ächanges. L'activitÄ guerriÅre prÄhistorique devait avoir des motifs semblables: le contrÖle du commerce, l'accroissement du prestige d'un chef et la capture d'esclaves et d'autres biens de valeur.
  100.  
  101.      Lorsque les premiers navires europÄens sont apparus au large de la cÖte de Colombie-Britannique ê la fin du XVIIe siÅcle, les marins furent confrontÄs ê des cultures riches en traditions issues de 10 000 ans d'adaptation humaine. Bien qu'il soit possible que des bateaux ou des Äpaves asiatiques aient touchÄ la cÖte nord-ouest avant l'arrivÄe attestÄe des premiers marins espagnols et britanniques, rien n'indique que de tels contacts aient contribuÄ de faìon significative au dÄveloppement des cultures prÄhistoriques de Colombie-Britannique. Au contraire, les modes de vie de la cÖte nord-ouest ont ÄvoluÄ sur place, les besoins et les occasions d'adaptation uniques ê l'environnement du Pacifique Nord ayant faìonnÄ les thÅmes culturels autochtones rÄpandus en AmÄrique du Nord.
  102.  
  103. Phase RÄcente dans l'intÄrieur (4 500 annÄes avant nos jours jusqu'ê la prise de contact avec les EuropÄens) 
  104.  
  105.      A l'instar de leurs voisins de la cÖte, les peuples de l'intÄrieur ont dÄveloppÄ des cultures de plus en plus complexes et diversifiÄes au cours des quatre derniers millÄnaires de la prÄhistoire. Bien qu'ils n'aient pas produit de grands amas coquilliers, on retrouve parfois de petites accumulations de coquilles de moules d'eau douce sur les sites du plateau. La caractÄristique culturelle dominante qui unifie la prÄhistoire rÄcente de la partie sud de l'intÄrieur est la maison en fosse, apparue dans le matÄriel archÄologique il y a environ 4 500 ê 4 000 ans. Bien que cette habitation semble Étre une confortable adaptation ê un climat rigoureux, il appert que le concept de la maison en fosse ait pÄnÄtrÄ en Colombie-Britannique par le sud; on en trouve qui remontent jusqu'ê 6 000 ans dans le bassin du Columbia et dans le nord de la Californie. Il existait toute une variÄtÄ de formes et de tailles de maisons en fosse incluant des plans rectangulaires, oblongs et circulaires et des fosses profondes ou superficielles de 20 m de diamÅtre. Un type frÄquent Ätait circulaire, de 5 ê 10 m de diamÅtre et 1 ê 2 m de profondeur, avec un toit conique en terre soutenu par des poteaux et des chevrons de bois. Au centre du toit, un trou pour la fumÄe laissait pÄnÄtrer air et lumiÅre et servait en mÉme temps d'entrÄe, on y avait accÅs au moyen d'une Ächelle de rondins encochÄs; certaines maisons avaient aussi une entrÄe sur le cÖtÄ. Les maisons en fosse historiques Ätaient occupÄes l'hiver, et les archÄologues ont retrouvÄ des villages comptant jusqu'ê 200 de ces fosses semblables ê des cratÅres. On ne connaöt aucune maison en fosse en Colombie-Britannique au nord des bassins du Fraser et de la Skeena, mais beaucoup moins de recherches archÄologiques ont ÄtÄ effectuÄes dans la rÄgion presque arctique que sur le plateau.
  106.  
  107.      Comme les amas coquilliers de la cÖte, les maisons en fosse sont l'indice d'Ätablissements saisonniers sÄdentaires, et leur apparition dans le matÄriel archÄologique coòncide avec la prÄdominance du saumon et des plantes sauvages comestibles dans l'Äconomie du plateau. Les harpons, plombÄes de filet et autre Äquipement de pÉche et des arÉtes de saumon apparaissent plus frÄquemment sur les sites archÄologiques de la Phase RÄcente particuliÅrement au cours des derniers 2 500 ans. Les fosses d'entreposage, qu'on utilisait pour conserver le saumon sÄchÄ en sÄcuritÄ, sont apparues sur le plateau il y a environ 3 500 ans et on en trouve parfois des centaines prÅs de sites de villages anciens. On a aussi utilisÄ, au cours des 2 000 ê 3 000 derniÅres annÄes, des fosses pour la cuisson, de 5 m de diamÅtre, remplies de cendres et de pierres ÄclatÄes par le feu, pour cuire des rÄcoltes sauvages comme les racines de balsamine, une fleur d'un jaune Äclatant qui recouvre les vallÄes et les prÄs du plateau au dÄbut de l'ÄtÄ. On trouve aussi sur les sites de la Phase RÄcente des manches en andouiller qui Ätaient fixÄs sur des bëtons ê fouir pointus en bois que les femmes utilisaient pour dÄterrer les racines. Par contre, on ne connaöt aucune fosse ê cuisson ni de manche de bëton ê fouir dans la rÄgion presque arctique o¥ les forÉts septentrionales comptent peu de plantes comestibles.
  108.  
  109.      Un autre aspect important du tableau archÄologique de l'intÄrieur de la Colombie-Britannique sont les nombreux sites de pictogrammes. Ces pictogrammes sont des formes animales, humaines ou surnaturelles ou des dessins gÄomÄtriques peints en ocre rouge sur les rochers et les escarpements. Les pictogrammes ne peuvent Étre datÄs directement mais leurs emplacements ê dÄcouvert suggÅrent qu'ils datent de 200 ê 300 ans. Certains semblent avoir servi de ╟babillards╚ le long des sentiers et des cours d'eau alors que d'autres plus isolÄs ont peut-Étre ÄtÄ exÄcutÄs par des adolescents en ╟quÉte de l'esprit╚, la quÉte d'un esprit protecteur personnel qui se faisait seul dans une rÄgion sauvage. On ne trouve pas de pictogrammes dans la majeure partie de la rÄgion presque arctique de la province.
  110.  
  111.      DiffÄrentes pointes d'atlatl encochÄes ou ê pÄdoncule constituent la plus grande partie des armes de la Phase RÄcente. Au cours des derniers 1 500 ans, de petites pointes de flÅches ê encoche annoncent l'apparition de l'arc. Dans la rÄgion presque arctique, de grandes pointes de lances ê tranchant droit semblables aux types de la Phase Ancienne ont ÄtÄ utilisÄes au cours des 3 000 ê 4 000 derniÅres annÄes de la prÄhistoire parallÅlement ê d'autres types. L'outillage de l'intÄrieur comprenait plusieurs pointes ê forer, des grattoirs, des couteaux et mÉme des bracelets et pendentifs en pierre taillÄe en plus de pointes de trait. La plupart de ces objets Ätaient faits de basalte, une roche volcanique ê grain fin de couleur gris-noir, qu'on confond parfois de nos jours avec le silex. Certains noms d'emplacements actuels Ävoquent encore les anciennes carriÅres de ce matÄriau, par exemple les ╟Arrowstone Hills╚ (collines de la pierre ê flÅche) prÅs de la ville de Cache Creek sur le plateau.
  112.  
  113.      Comme leurs contemporains de la cÖte, les rÄsidents prÄhistoriques de l'intÄrieur ont commencÄ ê utiliser des techniques de piquetage et de polissage pour faìonner la pierre au cours de la Phase RÄcente. Leurs rÄalisations les plus spectaculaires comprennent entre autres de longues lames d'herminette en nÄphrite finement polie et de rares ciseaux et couteaux de petite taille en jade. La nÄphrite verte et translucide Ätait parfois associÄe au monde marin et il en existe des sources prÅs de certaines grandes pÉcheries le long du Fraser. Sans compter leur usage normal pour travailler le bois, les lames d'herminette qu'on retrouve sur de grandes distances devaient Étre des symboles de richesse. Les peuples de la prÄhistoire rÄcente du plateau sculptaient aussi la stÄatite, et leur art se compare favorablement au travail de la pierre sur la cÖte. On trouve mÉme des bols de pierre ê motifs de serpent ê sonnettes sur la cÖte mÄridionale provenant probablement de l'intÄrieur. On a trouvÄ beaucoup d'amulettes, de bols et de statuettes zoomorphes et anthropomorphes dans les bassins du Fraser et de la riviÅre Thompson, lê o¥ les peuples de la prÄhistoire rÄcente semblent avoir d'Ätroits contacts culturels avec la cÖte. Les pipes de stÄatite ê fourneau en forme de trompette ÄvasÄe et ê tuyau droit sont un autre type d'objet caractÄristique du dernier millÄnaire de la prÄhistoire du plateau.
  114.  
  115.      On compte aussi des arcs miniatures, des massues, des alÉnes, des pendentifs, des perles en os ou en andouiller et des objets de pierre, tous dÄcorÄs de motifs gÄomÄtriques, parmi les objets d'art du plateau. Les cultures matÄrielles prÄhistoriques de l'intÄrieur incluaient aussi ê l'origine des sculptures sur bois, des bols, des boötes et des masques de bois ainsi que de nombreux objets de vannerie, d'Äcorce de bouleau et de cordage; malheureusement, seuls de rares fragments de ces matÄriaux pÄrissables ont ÄtÄ prÄservÄs sur les sites archÄologiques. Les peuples de la rÄgion presque arctique, limitÄs par leur pÄriple saisonnier et un environnement moins productif que le plateau, semblent s'Étre contentÄs de travailler les peaux, le cuir et l'Äcorce.
  116.  
  117.      On connaöt aussi des sÄpultures humaines pour la Phase RÄcente de la prÄhistoire; les plus anciennes Ätaient placÄes sous les sols des maisons en fosse. Plus tard, on les retrouve concentrÄes dans les collines, les pentes et les promontoires surplombant des vallÄes ou des confluents de riviÅres. On a retrouvÄ de grandes lames d'herminette, des sculptures, perles, armes et autres objets faìonnÄs dans certaines sÄpultures mais pas dans toutes, un indice de diffÄrenciation sociale parmi la population des cimetiÅres.
  118.  
  119.      Les ethnographes ont parfois soutenu que les sociÄtÄs historiques du plateau Ätaient Ägalitaires, mais des facteurs tels que les riches sÄpultures, un art ÄlaborÄ et occasionnellement, de trÅs grandes maisons en fosse suggÅrent que certains individus ou familles prÄhistoriques possÄdaient un rang social et des richesses plus importantes que leurs semblables.
  120.  
  121.      Bien que l'intÄrieur ait aussi connu une activitÄ guerriÅre durant la prÄhistoire rÄcente, elle ne semble pas avoir ÄtÄ aussi intense que sur la cÖte. Des rÄcits historiques dÄcrivent plusieurs batailles, particuliÅrement entre Shuswaps et Chilcotins et entre Chilcotins et Porteurs. Le matÄriel archÄologique assimilÄ ê la guerre comprend des massues de pierre, d'andouiller et d'os de baleine, ces derniers apportÄs de la cÖte par le commerce, et des squelettes avec des pointes de flÅches dans la cavitÄ abdominale. MalgrÄ cela, la plupart des sites que les habitants actuels de l'intÄrieur identifient comme des ╟champs de bataille indiens╚ ê cause de la prÄsence de pointes de flÅches et de lances se rÄvÅlent souvent Étre en fait des villages ou campements de chasse.
  122.  
  123.      Les Chilcotins figurent frÄquemment dans les rÄcits historiques de combats entre tribus parce qu'ils faisaient partie d'un groupe de langue athapascane qui s'Ätait dÄplacÄ vers le sud avanìant dans le plateau durant la prÄhistoire rÄcente. Des peuples aussi ÄloignÄs que les Navajos et les Apaches du Sud-Ouest amÄricain parlent des langues apparentÄes ê celles de la rÄgion presque arctique de Colombie-Britannique ê cause de cette mÉme grande migration des Athapascans hors de l'extrÉme nord-ouest. Les motifs de cette migration ne sont pas clairs, bien qu'on ait citÄ une Äruption volcanique massive dans le bassin du Yukon comme un facteur possible. Les archÄologues ont tentÄ d'obtenir des indices sur l'arrivÄe initiale des Athapascans dans l'intÄrieur de la Colombie-Britannique, avec un succÅs mitigÄ. D'ailleurs, les bandes d'Athapascans nomades auraient probablement acquis la plupart des caractÅres culturels de leurs voisins avant de s'Ätablir dÄfinitivement dans une rÄgion, devenant par le fait mÉme archÄologiquement indistincts de ces peuples.
  124.  
  125.      L'imagerie populaire concernant les cultures autochtones de la Colombie-Britannique s'attarde souvent aux peuples de la cÖte ê l'exclusion de leurs voisins de l'intÄrieur. Il existe mÉme une notion, mise de l'avant dans certains Äcrits anthropologiques, soutenant que l'intÄrieur Ätait simplement une rÄgion marginale entre la cÖte nord-ouest et les plaines o¥ les dÄveloppements culturels importants prenaient place. Cette perception peut Étre le fait d'une attention centrÄe sur des donnÄes historiques et ethnographiques recueillies aprÅs que les cultures autochtones aient ÄtÄ profondÄment altÄrÄes par le contact europÄen. Par contre, l'archÄologie, qui demeure notre seul moyen de reconstituer les modes de vie antÄrieurs au contact, nous rÄvÅle des cultures distinctes et dynamiques dans l'intÄrieur au cours de la prÄhistoire rÄcente, qui n'avaient rien ê envier en complexitÄ ê n'importe laquelle des rÄgions avoisinantes. Le plateau, et mÉme certaines portions de la rÄgion presque arctique, Ätait une contrÄe aux richesses naturelles capable d'assurer le maintien de populations autochtones considÄrables et d'alimenter l'Ävolution de cultures dynamiques et crÄatives.
  126.  
  127.      De nos jours, il ne reste que peu de traces des anciens modes de vie de l'intÄrieur et la plupart des habitants actuels vivent sans penser aux nombreuses gÄnÄrations qui les ont prÄcÄdÄs. A l'occasion, un promeneur s'arrÉtera par hasard devant quelques formes rouges dansant sur un rocher et se demandera l'espace d'un instant qui Ätait l'artiste qui les a peintes il y a bien des annÄes alors que le monde n'Ätait que montagnes et lacs.
  128.  
  129.  
  130.   * Dans le prÄsent ouvrage, nous distinguons le terme Indiens, ê savoir les personnes qui ont vÄcu pendant la pÄriode prÄhistorique (prÄcÄdant le contact avec les EuropÄens) du terme AmÄrindiens, ê savoir les personnes qui ont vÄcu pendant la pÄriode historique (suivant le contact avec les  EuropÄens).  
  131.  
  132.