home *** CD-ROM | disk | FTP | other *** search
/ Canadas Visual History / Canadas_Visual_History_CD-ROM_1996_WIN31-95.iso / pc / v75 / v75fpre.x < prev   
Text File  |  1994-06-10  |  37KB  |  77 lines

  1. LA TRANSFORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE DANS LES MARITIMES (1867-1925) 
  2.  
  3. D.A. Muise 
  4.  
  5. Introduction 
  6.  
  7.      Les vestiges des Θtablissements industriels jadis florissants et les innombrables mines et usines abandonnΘes dΘmontrent α l'Θvidence que des douzaines de communautΘs de la Nouvelle-╔cosse et du Nouveau-Brunswick ont ΘtΘ profondΘment touchΘes par la transformation industrielle qui a suivi la ConfΘdΘration. Seule l'╬le-du-Prince-╔douard, gΘographiquement isolΘe et bien pourvue, a conservΘ son Θconomie rurale fondΘe essentiellement sur l'agriculture et la pΩche. De nombreuses communautΘs -- telles Amherst, New Glasgow, Sydney et Moncton -- ont abandonnΘ leur subordination traditionnelle α la mer et aux terres, dans une virevolte qui s'est accompagnΘe de la transformation radicale de leur main-d'oeuvre. Au tournant du siΦcle, la Nouvelle-╔cosse et le Nouveau-Brunswick comptaient une main-d'oeuvre industrielle Θquivalente α celle de nombreuses autres rΘgions du pays. └ cette nouvelle conjoncture, les travailleurs ont rΘagi de diffΘrentes faτons.
  8.  
  9. La pΘriode prΘindustrielle 
  10.  
  11.      Les luttes entre l'Angleterre et la France pour la domination des pΩcheries du nord-ouest de l'Atlantique ont dΘterminΘ la fondation des premiers centres urbains de la rΘgion. Vers l'an 1700, St John's (Terre-Neuve) devient le point de convergence de l'activitΘ britannique. AprΦs la rΘduction de ses revendications territoriales α Terre-Neuve, en exΘcution du traitΘ d'Utrecht signΘ en 1713, la France Θrige la forteresse de Louisbourg sur l'εle Royale (Cap Breton) pour protΘger les intΘrΩts qu'elle conserve dans la pΩcherie la plus riche du monde. Un demi-siΦcle plus tard, plus prΘcisΘment vers 1749, la rivalitΘ persistante presse les Britanniques de fonder Halifax en rΘponse aux menaces exercΘes par Louisbourg. Choisies pour leurs emplacements stratΘgiques et dΘveloppΘes pour soutenir les diverses revendications concernant les pΩcheries et les territoires environnants les trois villes portuaires attirent les immigrants et deviennent des centres d'activitΘ commerciale et politique.
  12.  
  13.      C'est dans ces ports actifs que les premiΦres classes ouvriΦres urbaines ont ΘmergΘ, crΘant une communautΘ hΘtΘrogΦne o∙ s'entremΩlaient spontanΘment et sans difficultΘ pΩcheurs, marins, dΘbardeurs, menuisiers, maτons fonctionnaires et nouveaux immigrants. Les activitΘs quotidiennes de ces premiers travailleurs urbains nous sont inconnues, mais leurs fonctions ne le sont pas. Ils ont donnΘ corps aux rΩves d'un empire qui, durant le dix-huitiΦme siΦcle a connu la grandeur et la dΘcadence. La plupart d'entre eux Θtaient des travailleurs migrants, vendant leurs services au mieux offrant. En effet, les crises chroniques de main-d'oeuvre donnaient mΩme aux ouvriers non qualifiΘs l'occasion de se dΘplacer librement en quΩte d'une vie meilleure. Ces travailleurs poursuivaient leurs rΩves de libertΘ et de sΘcuritΘ dans le Nouveau Monde, mais pour beaucoup d'entre eux, malgrΘ des perspectives d'avenir et des salaires qui semblaient souvent meilleurs qu'en Europe, la vie dans les communautΘs portuaires agitΘes de la colonie Θtait souvent menacΘe par les fluctuations saisonniΦres. Seuls les ouvriers aisΘs ou hautement qualifiΘs pouvaient aspirer α une vie rΘellement protΘgΘe contre le ch⌠mage pΘriodique et la pauvretΘ.
  14.  
  15.      AprΦs sa conquΩte du Canada en 1763 et, deux dΘcennies plus tard, la perte de ses anciennes colonies d'AmΘrique, la Grande-Bretagne dΘcida d'intΘgrer plus fortement les Maritimes dans l'Θconomie impΘriale. Durant la plus grande partie du siΦcle suivant, les intΘrΩts coloniaux devaient Ωtre subordonnΘs aux objectifs globaux de la politique impΘriale. Les habitants des Maritimes, α l'instar de tous les colons, Θtaient censΘs alimenter le systΦme commercial de la mΦre-patrie et, le cas ΘchΘant, garantir la disponibilitΘ des produits essentiels. Les produits agricoles, le bois de construction et le poisson Θtaient nΘcessaires pour soutenir la rΘvolution industrielle de la Grande-Bretagne et satisfaire les besoins du pays durant ses guerres intermittentes avec la France. Pendant plusieurs dΘcennies, aprΦs la guerre de l'IndΘpendance amΘricaine, les producteurs des Maritimes Θtaient prΘoccupΘs par l'exportation du poisson, du bois et des produits agricoles de base vers les ½εles du sucre╗ des Antilles dont les produits hautement estimΘs Θtaient autrement indisponibles en Europe.
  16.  
  17.      La plupart des colons arrivaient sans argent, avec juste ce qu'ils pouvaient transporter, et leur installation Θtait souvent une dure Θpreuve. Le marchΘ de l'emploi de la pΘriode prΘindustrielle Θtait caractΘrisΘ par une chaεne complexe de rythmes saisonniers. Le bois Θtait coupΘ durant l'hiver et transportΘ jusqu'aux terres inondΘes α la marΘe haute, zones dont les quais, durant les saisons de navigation, connaissaient une activitΘ frΘnΘtique. Dans les rΘgions rurales o∙ les diffΘrents emplois saisonniers se complΘtaient l'un l'autre, un ouvrier chanceux pouvait espΘrer Θponger ses dettes et exercer un certain contr⌠le sur son propre matΘriel agricole ou attirail de pΩche. Vers le milieu du siΦcle la quasi-totalitΘ des terres arables de la rΘgion Θtait distribuΘe. Peu aprΦs, les fermes existantes devenant incapables d'absorber les seconde et troisiΦme gΘnΘrations, des milliers d'ouvriers se virent forcΘs α trouver d'autres emplois dans les villes de la rΘgion. Toutefois, jusqu'α la derniΦre moitiΘ du dix-neuviΦme siΦcle, la population restait en majoritΘ rurale et orientΘe vers les produits de premiΦre nΘcessitΘ.
  18.  
  19.      Dans les rΘgions urbaines, les travailleurs devaient souvent faire face aux problΦmes crΘΘs par la main-d'oeuvre excΘdentaire vΘhiculΘe par les vagues successives d'immigrants. Les ouvriers qualifiΘs assistaient α la dΘvaluation de leurs services, au fur et α mesure que le marchΘ de l'emploi Θtait envahi par des jeunes ouvriers venus des fermes environnantes et ayant pour tout bagage leur mobilitΘ, leur adaptabilitΘ et leur enthousiasme pour n'importe quelle forme d'emploi stable. La construction navale et le charbonnage, qui avaient commencΘ comme entreprises saisonniΦres pour une main-d'oeuvre tout-venant, ont peu α peu constituΘ leurs effectifs permanents et se sont imposΘs dans la rΘgion comme les premiΦres industries de grande envergure. Cette tendance vers la constitution d'une main-d'oeuvre spΘcialisΘe et α plein temps devait s'observer, au cours de la seconde moitiΘ du siΦcle, dans un grand nombre d'autres industries.
  20.  
  21.      Tant qu'elles Θtaient orientΘes vers la production des denrΘes essentielles destinΘes α des sociΘtΘs plus dΘveloppΘes, les communautΘs coloniales demeuraient sensibles aux fluctuations de la demande de leurs produits. L'adjonction du bois, du charbon et des navires aux produits traditionnels de la pΩche et de l'agriculture, a diversifiΘ en quelque sorte leur Θconomie sans pour autant modifier son cachet fondamental: une Θconomie d'exportation. Les constructeurs de navires et armateurs rΘalisaient des profits considΘrables dans le transport des produits de base et dans l'approvisionnement des communautΘs coloniales en produits manufacturΘs. Par ailleurs, ils procuraient un gagne-pain aux milliers d'employΘs affectΘs α la construction et α l'exploitation de leurs navires. En fin de compte, leurs ressources financiΦres jouΦrent un r⌠le prΘdominant dans le passage des Θconomies coloniales au niveau suivant de dΘveloppement. DΘterminΘs α crΘer des industries complΘmentaires, ils commencΦrent α rΘinvestir leurs profits dans d'autres secteurs de l'Θconomie de la rΘgion. Le service des intΘrΩts de l'empire, objectif au demeurant satisfaisant, perdait tout son Θclat aux yeux de ceux qui Θtaient mis au dΘfi d'Θdifier une nouvelle nation. Les objectifs Θtaient plus ou moins dΘterminΘs dΦs le dΘbut, il n'empΩche que les initiatives des industries manufacturiΦres devaient finalement transformer la situation Θconomique et politique de la rΘgion.
  22.  
  23. La rΘaction de la main-d'oeuvre 
  24.  
  25.      Les dΘbuts du mouvement ouvrier dans les Maritimes ne sont pas suffisamment documentΘs. Des associations de travailleurs vaguement organisΘes ont apparu dΦs l'Θpoque des guerres napolΘoniennes, lorsque les gens du mΘtier de la construction, notamment ceux qui travaillaient dans les fortifications de Halifax, bΘnΘficiΦrent d'un salaire ΘlevΘ durant une pΘriode d'essor stimulΘe par la guerre. Les dΘbardeurs ont Θgalement rΘalisΘ un certain degrΘ de solidaritΘ, notamment α Saint John, o∙ la nature saisonniΦre de l'exportation du bois renforτait annuellement, pendant de brΦves pΘriodes de temps, leur pouvoir de nΘgociation. Les menuisiers de la construction navale, dans les grands centres urbains, s'organisaient occasionnellement pour rΘsister α l'ingΘrence des travailleurs moins qualifiΘs, mais ils ne pouvaient tenir ferme que lorsque leurs services Θtaient fortement demandΘs. S'ils Θtaient intensΘment surpassΘs en nombre par des travailleurs disposΘs α accepter des salaires plus bas, ou si la demande de navires passait par l'une de ses pΘriodes cycliques de dΘclin, ils avaient plus de difficultΘ α avoir le dernier mot. Les premiΦres organisations ouvriΦres recherchaient une certaine protection mutuelle contre les tribulations du ch⌠mage saisonnier, des accidents de travail et de la vieillesse. Associations bΘnΘvoles inspirΘes surtout par un sentiment de fraternitΘ, elles tentaient rarement d'Θtablir les conditions de travail aux termes d'une convention collective.
  26.  
  27.      Tels qu'ils Θtaient, les syndicats d'avant la ConfΘdΘration luttaient contre des forces insurmontables. Les ouvriers pouvaient occasionnellement empΩcher les rΘductions salariales arbitraires, en cessant spontanΘment le travail, mais ils n'avaient pas le droit de former des organisations permanentes ou efficaces, celles-ci Θtant bannies par une lΘgislation calquΘe sur la jurisprudence britannique. Les employeurs pouvaient faire appel α l'armΘe pour mettre la loi en vigueur, si jamais les ouvriers protestaient contre leur position de subordonnΘs, et les gouvernements, qui Θtaient dominΘs par les grands commerτants et les classes possΘdantes, rΘpondaient promptement α ces appels. Dans une pΘriode prΘ-dΘmocratique, les ouvriers ne pouvaient que se soumettre, bon grΘ mal grΘ, au despotisme et parfois α la force brutale de la loi. Leur unique solution de rechange, indΘpendamment de la rΘbellion, Θtait de se tourner vers des horizons plus accueillants, souvent les ╔tats-Unis, o∙ il Θtait toujours plus facile de promettre un emploi que de le donner.
  28.  
  29.      La main-d'oeuvre des Maritimes est restΘe extraordinairement migrante durant tout le dix-neuviΦme siΦcle. Par ailleurs, extrΩmement versatile, elle Θchappait au contr⌠le des employeurs aussi bien qu'au contr⌠le des organisateurs syndicaux qui tentaient d'en dΘterminer le nombre en vue d'une nΘgociation collective efficace. ╔tant relativement peu nombreux et fort ΘparpillΘs, les travailleurs urbains, quelle que f√t leur situation, eurent beaucoup de difficultΘ α s'organiser en une classe distincte. La disponibilitΘ croissante des travailleurs provenant de la rΘgion et de l'Θtranger et l'introduction des technologies nouvelles ont concouru α donner plus d'ampleur α la domination patronale. Devant ce marchΘ du travail, α la fois libre et capitaliste, les ouvriers qualifiΘs se trouvΦrent forcΘs α dΘfendre collectivement les droits limitΘs dont ils jouissaient α l'intΘrieur du systΦme. Dans les conflits de travail qui devaient se produire, les travailleurs des Maritimes adoptΦrent, dans la plupart des cas, les mΩmes stratΘgies que leurs collΦgues de Grande-Bretagne et d'AmΘrique du Nord, parce qu'ils Θtaient gagnΘs aux thΘories et aux pratiques qui, partout au monde, accompagnaient le processus de l'industrialisation qui a marquΘ le dernier tiers du dix-neuviΦme siΦcle.
  30.  
  31. La grandeur et la dΘcadence des industries des Maritimes 
  32.  
  33.      L'expansion spectaculaire du commerce mondial vers le milieu du siΦcle a stimulΘ la production des matiΦres premiΦres, compensant ainsi les pertes rΘsultant du relΓchement graduel de la protection britannique des produits coloniaux. Entre-temps, ½le gouvernement responsable╗ faisait naεtre de nouveaux espoirs Θconomiques et sociaux, tandis que le chemin de fer annonτait l'imminence du changement des sociΘtΘs coloniales. L'Θchec des tentatives pour la construction coopΘrative d'un chemin de fer ½intercolonial╗ n'a pas empΩchΘ chaque colonie de s'embarquer dans ses propres projets ferroviaires. Halifax et Saint John trouvent dans le chemin de fer le moyen de renforcer leur contr⌠le de leurs arriΦre-pays respectifs. En Nouvelle-╔cosse, une ligne construite en 1858 relie d'abord Halifax α Truro et α Windsor puis, dix ans plus tard, α Pictou au nord et α Annapolis au sud. Durant la mΩme pΘriode, le Nouveau-Brunswick construit des lignes entre Saint John et Shediac, Saint John et Fredericton et Saint Andrews et Woodstock. Entrant dans le jeu un peu plus tard, l'╬le-du-Prince-╔douard construit au dΘbut des annΘes 1870 une ligne couvrant toute la longueur de l'εle. Avant mΩme que le chemin de fer ½intercolonial╗ ne soit enfin construit en 1876 par le nouveau gouvernement du Canada, des centaines de kilomΦtres de voies ferrΘes s'entrecroisent d'un bout α l'autre de la rΘgion.
  34.  
  35.      Le chemin de fer change dΘfinitivement les relations entre le gouvernement et l'Θconomie. Les subventions et les fonds budgΘtaires requis pour la construction et l'exploitation du rΘseau ferroviaire obligent les politiciens α se prΘoccuper de l'Θconomie plus sΘrieusement que jamais. Cherchant le moyen de mettre fin α la situation prΘcaire de la colonie -- notamment α cause du refus des ╔tats-Unis de proroger au-delα de 10 ans le terme du traitΘ de RΘciprocitΘ de 1854 -- ils adoptent une stratΘgie de remplacement particuliΦrement ambitieuse. L'objectif essentiel poursuivi par les dirigeants des Maritimes durant les nΘgociations de la ConfΘdΘration Θtait l'interdΘpendance Θconomique des provinces et la promesse formelle de terminer le chemin de fer ½intercolonial╗. La ConfΘdΘration devait dΘtourner l'Θconomie des Maritimes de ses prΘoccupations traditionnelles centrΘes sur les activitΘs portuaires et l'exportation des produits de premiΦre nΘcessitΘ, pour l'orienter vers l'intΘrieur et plus particuliΦrement vers l'expansion du potentiel de l'industrie de transformation. De toute Θvidence, ce dΘveloppement allait avoir des rΘpercussions Θnormes sur la configuration de la population active des villes des Maritimes.
  36.  
  37.      En 1878-1879, le gouvernement rΘcemment rΘΘlu de sir John A. Macdonald rΘpond aux appels pour une nouvelle stratΘgie industrielle par sa ½Politique nationale╗, un programme α trois volets prΘvoyant l'instauration de droits de douane protecteurs pour les produits manufacturΘs, la construction d'un rΘseau de chemin de fer transcontinental et local, et l'encouragement de l'immigration. Ce programme promettait de renforcer l'industrie dans d'autres communautΘs de l'Est, et les abondantes rΘserves de charbon de la Nouvelle-╔cosse Θtaient jugΘes essentielles pour son succΦs. EspΘrant stabiliser le rendement de leurs investissements, les entrepreneurs des Maritimes rΘagissent avec enthousiasme et transfΦrent leurs capitaux α de nouveaux secteurs industriels. Ces ΘvΘnements ont transformΘ rapidement l'Θconomie de la rΘgion. Vers 1885, les Maritimes dont la population reprΘsentait moins de 20 pour cent de la population canadienne se flattaient d'avoir huit des vingt-trois filatures de coton, trois des cinq raffineries de sucre, deux des sept corderies, les deux seules aciΘries et six des douze usines de laminage du Canada, sachant que cette nouvelle base industrielle Θtait renforcΘe et diversifiΘe par toute une gamme de fabriques de lainages, de fils, de savon, de confiserie, de meubles et de machines agricoles. La production de ces secteurs a vite dΘpassΘ celle du secteur primaire, notamment en Nouvelle-╔cosse o∙ se concentrait le gros de l'industrie lourde. ParallΦlement α cela, les anciennes routes c⌠tiΦres qui desservaient les communautΘs rΘgionales Θtaient remplacΘes par un rΘseau ferroviaire mieux organisΘ.
  38.  
  39.      La rΘgion fut caractΘrisΘe par deux types de dΘveloppement industriel, chacun Θtant dΘterminΘ par un ensemble distinct de paramΦtres gΘographiques. Le secteur de la mΘtallurgie lourde et du charbonnage donna naissance α une chaεne d'entreprises industrielles le long d'un corridor couvrant le nord de la Nouvelle-╔cosse et le sud du Nouveau-Brunswick. Le traitement, en vue de la rΘexportation, des matiΦres premiΦres importΘes -- notamment le coton et le sucre -- a dΘterminΘ l'Θmergence d'une seconde zone d'activitΘ autour de Saint John et, plus au sud, autour des villes nΘo-Θcossaises, telles Halifax et Yarmouth. Ce dernier secteur tendait α s'intΘgrer au commerce traditionnel avec les Antilles et devait faire appel α la participation directe des entrepreneurs existants. Tablant sur l'expansion potentielle des marchΘs canadiens et Θtrangers, ces entreprises ne contribuaient que trΦs peu au dΘveloppement des ressources destinΘes α la consommation locale. └ de rares exceptions prΦs, elles ont toutes disparu avant le tournant du siΦcle, victimes d'une tendance α l'unification de la production et α la rΘalisation d'une capacitΘ excΘdentaire.
  40.  
  41.      Durant les dΘcennies correspondant au tournant du siΦcle, les limitations des marchΘs restrictifs nationaux ont intensifiΘ la concurrence au sein du systΦme commercial de l'Atlantique du Nord. Poursuivant incessamment l'amΘlioration des taux de rendement de leurs capitaux, les investisseurs canadiens se sont dirigΘs tout d'abord vers les grosses usines puis vers les grands centres industriels, tels que MontrΘal, Toronto et Hamilton, pour bΘnΘficier des Θconomies d'Θchelles et des avantages rΘsultant de la position de ces centres α proximitΘ des marchΘs importants. Au fur et α mesure que les capitaux Θtaient polarisΘs par un groupe de plus en plus restreint de gΘants industriels, les entreprises moins importantes et moins compΘtitives Θtaient chassΘes du marchΘ. Ce phΘnomΦne devait drainer les capitaux du pays, au demeurant limitΘs, vers le Canada central et priver les entreprises des Maritimes des capitaux dont elles disposaient. Juste au moment o∙ son Θconomie Θtait intΘgrΘe α celle du Canada, la rΘgion des Maritimes commenτa α subir les effets de la dΘsindustrialisation. La rΘvolution industrielle des Maritimes, qui a fait tant de tapage, n'aura durΘ que l'espace d'un Θclair.
  42.  
  43.      De toutes les industries, au demeurant nombreuses, qui pourraient servir α illustrer ce processus, il en est une qui, bien que relativement petite, se rΘvΦle particuliΦrement instructive. Vers les annΘes 1880, la rΘgion de Trenton (Nouvelle-╔cosse) comptait trois verreries o∙ une main-d'oeuvre de 200 α 300 hommes et enfants produisait une large gamme d'articles destinΘs aux marchΘs rΘgional et national. Comptant sur la protection promise par la Politique nationale, ces entreprises ont dotΘ la rΘgion d'un ensemble de technologies et d'habiletΘs nouvelles qui lui permettaient de satisfaire largement ses besoins en matiΦre d'articles en verre. Au cours des vingt annΘes subsΘquentes, Diamond Glass de MontrΘal, alors la plus importante productrice de verre industriel du Canada, rΘussit α acquΘrir les trois compagnies locales. La prise en charge Θtait agrΘmentΘe de promesses d'expansion et de modernisation, mais ces promesses n'ont pas empΩchΘ les trois usines de fermer leurs portes peu de temps aprΦs, victimes d'un processus d'unification qui devait priver la rΘgion de son autarcie non seulement par rapport aux produits en verre mais encore par rapport α la plupart des biens de consommation. AprΦs avoir joui, tout au moins pendant une brΦve pΘriode de temps, d'une Θconomie industrielle diversifiΘe, la rΘgion devenait tributaire des manufacturiers du Canada central, qui tendaient de plus en plus α ne lui assigner que les fonctions d'entreposage.
  44.  
  45.      Le centre de l'industrie du charbonnage et de la mΘtallurgie lourde dans le nord de la Nouvelle-╔cosse n'a pas ΘtΘ aussi gravement touchΘ; nΘanmoins, au fur et α mesure que l'Θconomie industrielle urbaine de la rΘgion se concentrait sur les villes du charbon et de l'acier de Cape Breton et Pictou-Cumberland, les compagnies concernΘes tombaient, elles aussi, sous la coupe des financiers de MontrΘal et de Toronto.
  46.  
  47.      └ l'instar des produits primaires de la pΘriode commerciale antΘrieure, la production de charbon et d'acier Θtait sensible aux fluctuations de la demande des marchΘs extΘrieurs. Les marchΘs stimulΘs par la construction du chemin de fer transcontinental et l'ouverture de l'Ouest canadien ont soutenu pendant un certain temps le fonctionnement des hauts fourneaux de Sydney et des usines de locomotives d'Amherst et de Moncton, mais cette situation n'Θtait que provisoire, car sit⌠t que le projet toucha α sa fin, ces industries sont devenues aussi sensibles α la dΘsindustrialisation que les industries des biens de consommation. Le dΘclin des secteurs de l'industrie lourde a ΘtΘ retardΘ pendant quelque temps par l'essor Θconomique qui a accompagnΘ la PremiΦre Guerre mondiale, mais la rΘduction substantielle des investissements, l'anciennetΘ du matΘriel d'exploitation et l'Θpuisement inexorable des rΘserves de charbon, tous ces facteurs ont agi de concert pour placer les industries du charbon et de l'acier de la Nouvelle-╔cosse, jadis florissantes, en marge de l'Θconomie canadienne. Rapide, dΘcisive et fatale, cette derniΦre dΘbΓcle du potentiel industriel de la rΘgion, durant les annΘes 1920, a eu sur la main-d'oeuvre locale des rΘpercussions catastrophiques.
  48.  
  49. La rΘaction de la main-d'oeuvre industrielle 
  50.  
  51.      Avant la ConfΘdΘration, les rΘactions de la main-d'oeuvre aux rΘductions salariales ou aux mauvaises conditions de travail tendaient α Ωtre fragmentΘes, mΩme au sein du corps de mΘtiers directement concernΘ. └ de rares exceptions prΦs, ces rΘactions n'ont jamais tΘmoignΘ d'une solidaritΘ rΘelle ou d'une organisation soutenue. Les ouvriers imprimeurs et les tΘlΘgraphistes dans les grandes villes de la rΘgion constituaient une exception, mais il faut souligner que la nature de leur travail leur permettait de communiquer plus facilement entre eux, et les hautes qualifications dont ils faisaient preuve les rendaient difficilement remplaτables du jour au lendemain. Les succΦs rΘalisΘs par les ouvriers imprimeurs et les tΘlΘgraphistes de Halifax et de Saint John encouragΦrent d'autres corps de mΘtiers soucieux de protΘger leurs domaines de spΘcialisation contre les intrus, mais les premiΦres actions collectives Θtaient pour la plupart dΘfensives et dΘrivaient du dΘsir de maintenir un certain contr⌠le sur les processus de travail. Les rΘactions les plus violentes ont ΘtΘ provoquΘes par les dΘcisions unilatΘrales concernant la modification des pratiques Θtablies, notamment par l'introduction des innovations technologiques qui minimisaient la valeur des habiletΘs acquises pendant toute une vie. Ces initiatives Θtaient insuffisamment coordonnΘes et aboutissaient rarement α des nΘgociations collectives pour la dΘtermination des conditions d'emploi; il n'empΩche qu'elles ont rΘsolu certains problΦmes concernant les ouvriers qualifiΘs et, malgrΘ leurs consΘquences limitΘes, ont contribuΘ dans une certaine mesure α la conscientisation de la classe ouvriΦre des Maritimes.
  52.  
  53.      L'union massive des travailleurs n'a ΘmergΘ dans la rΘgion qu'aprΦs l'instauration d'un rΘgime de dΘveloppement industriel systΘmatique. Elle a pris naissance dans les mines de charbon, o∙ les travailleurs, exposΘs aux mΩmes dangers et appartenant au mΩme milieu culturel, ont fait preuve d'une solidaritΘ sans prΘcΘdent. Entre la ConfΘdΘration et la fin de la PremiΦre Guerre mondiale, le nombre de mineurs est passΘ d'environ 800 α plus de 12 000. Les NΘo-╔cossais Θtaient gagnΘs graduellement aux traditions des mineurs de fond originaires de la Grande-Bretagne et recrutΘs avant eux. Ces mineurs britanniques ont apportΘ avec eux des habitudes de travail sΘculaires, notamment la formule des sociΘtΘs bΘnΘvoles et coopΘratives, qui s'est dΘveloppΘe en rΘponse α l'oppression exercΘe par les exploitants des mines de charbon.
  54.  
  55.      Les rΘductions salariales ou les dΘcisions unilatΘrales modifiant les pratiques d'usage ont provoquΘ des conflits occasionnels, mais aucune organisation permanente n'a ΘtΘ Θtablie avant 1878-1879, date de dΘclaration de la Politique nationale, pour exprimer les opinions des mineurs.
  56.  
  57.      L'expansion qui a suivi la ConfΘdΘration s'est traduite Θgalement par la disparitΘ des taux de salaire et la dΘtΘrioration des conditions de sΘcuritΘ α l'intΘrieur des mines. Durant la grande dΘpression des annΘes 1870, les exploitants des mines se sont entendus pour rΘduire les salaires et ont tentΘ, par des intrigues de couloir, de rehausser les tarifs appliquΘs au commerce interprovincial. En 1879, lorsque les ouvriers de la mine Cumberland Coal Company de Springhill ont dΘbrayΘ pour protester contre une autre rΘduction des salaires, un nouveau syndicat, la Provincial Workman's Association (PWA), est nΘ, et dans l'espace d'un an tous les mineurs de la Nouvelle-╔cosse, α de rares exceptions prΦs, y ont adhΘrΘ. Les nΘgociations collectives pour la dΘtermination des taux de salaires dans l'ensemble de l'industrie n'ont jamais abouti; toujours est-il que la PWA a dΘfendu non sans succΦs les droits des mineurs, au cours des quatre dΘcennies suivantes, dans les milieux de l'industrie et du gouvernement.
  58.  
  59.      Robert Drummond, le premier ½Grand secrΘtaire╗ de la PWA, se dΘtermina α prendre le contre-pied d'une opinion courante selon laquelle les mineurs reprΘsentaient dans la main-d'oeuvre provinciale une coterie indisciplinΘe, un groupe de fauteurs de troubles. Dans le journal hebdomadaire de l'Association, The Trades Journal, il soutenait incessamment que la participation sΘrieuse des mineurs aux dΘcisions touchant l'industrie, et plus particuliΦrement les dΘcisions ayant trait α la sΘcuritΘ et aux conditions de travail dans les mines, augmenterait la productivitΘ et amΘliorerait le travail et la vie des mineurs. EntiΦrement fidΦle α l'industrie et α la rΦgle de droit, Drummond mena la PWA α des victoires Θclatantes dans la lΘgislation relative α la sΘcuritΘ des travailleurs et α l'indemnisation des accidents de travail. Malheureusement pour les mineurs, cette lΘgislation n'Θtait jamais rigoureusement appliquΘe et bien de bonnes lois sont restΘes sans effet longtemps aprΦs leur promulgation. L'aptitude de la PWA α nΘgocier des conventions exΘcutoires au nom de ses membres demeurait une question confuse et considΘrablement dΘbattue. L'Association n'a jamais prΘtendu exercer une influence α l'Θchelle de toute l'industrie; elle prΘfΘrait plut⌠t traiter les problΦmes de chaque mine ou localitΘ au fur et α mesure qu'ils se posaient. Tant qu'ils approuvaient l'opinion du patronat, selon laquelle les mineurs Θtaient, par dΘfinition, des producteurs quasi indΘpendants, Drummond et son successeur James Moffatt devaient accepter les coupes sombres faites dans les salaires durant les pΘriodes de crise. Ainsi la portΘe des nΘgociations collectives concernant les salaires ou les autres conditions d'emploi est restΘe rΘduite jusqu'au jour o∙ les leaders ont dΘfini les relations en des termes plus agressifs.
  60.  
  61.      ╔tant donnΘ que le secteur du charbonnage frayait les voies α l'industrialisation et α la syndicalisation dans les Maritimes, son Θvolution Θtait surveillΘe de prΦs par le reste de la communautΘ ouvriΦre de la rΘgion. Les tendances fondamentales des nΘgociations collectives Θtaient normalement mises en avant par les mineurs avant d'Ωtre plus gΘnΘralement adoptΘes. Pour rΘduire les co√ts, les conglomΘrats canadiens, qui sont parvenus α dominer l'industrie du charbonnage de la Nouvelle-╔cosse α partir de 1900, ont procΘdΘ α la mΘcanisation et α l'Θlectrification des installations de fond. Cette mesure a fait perdre aux mineurs une grande partie du contr⌠le qu'ils exerτaient auparavant. La production croissante du charbon entre les annΘes 1900 et 1914 augmentait occasionnellement les revenus des mineurs qualifiΘs mais cela n'a pas empΩchΘ la disparition graduelle de la protection lΘgislative et du pouvoir de nΘgociation, que la PWA avait obtenus au prix de longs efforts. Les mineurs partisans de mesures plus radicales ont demandΘ une participation plus efficace que celle qui Θtait offerte par la PWA. Tirant parti d'une conjoncture caractΘrisΘe par la demande de l'Θconomie de temps de guerre et par l'intervention des dirigeants de la main-d'oeuvre du Canada central, ils ont rΘussi en 1918-1919, aprΦs un long et dur combat, α remplacer la PWA par la United Mine Workers of America (UMWA).
  62.  
  63.      Ces mineurs ont ouvert la voie α l'instauration d'un mouvement ouvrier radical dans la rΘgion. J.B. McLachlan, secrΘtaire permanent de l'UMWA, exhortait tous les travailleurs des Maritimes α dΘfinir leur position dans l'Θconomie rΘgionale selon des normes associΘes plus directement α leur classe sociale. Avec d'autres dirigeants de la main-d'oeuvre rΘgionale, il tenta de sensibiliser le public α la condition servile des travailleurs sous le rΘgime capitaliste existant. L'adoption des concepts socialistes marqua l'Θmergence d'un mouvement nouveau, propre α supporter puissamment les intΘrΩts des travailleurs de la rΘgion. MalgrΘ l'Θchec de leurs tentatives rΘitΘrΘes pour se faire reprΘ- senter aux paliers provincial ou national avant la PremiΦre Guerre mondiale, ces nouveaux socialistes ont rΘussi α se faire entendre par les travailleurs. Fait encore plus important, ils ont offert α ces derniers un substitut du consensus capitaliste concernant la structure de l'Θconomie et la place qu'ils y occupaient.
  64.  
  65.      Les conflits de travail, endΘmiques dans les mines depuis le tournant du siΦcle, ont prolifΘrΘ au cours de la dΘcennie qui a suivi la fin de la PremiΦre Guerre mondiale, lorsqu'une dΘpression gΘnΘralisΘe imposa des mesures rΘductrices sur tous les plans. Dans beaucoup de secteurs, les travailleurs rΘclamaient le droit de choisir des reprΘsentants pour les nΘgociations collectives. Les ouvriers hautement qualifiΘs ont utilisΘ l'organisation syndicale du travail pour rΘpondre aux tentatives du patronat visant α neutraliser le r⌠le central qu'ils jouaient dans le processus de production. Au fur et α mesure que les contrats exΘcutoires entre les travailleurs industriels et leurs employeurs prenaient une valeur normative dans les diffΘrentes rΘgions de l'AmΘrique du Nord, la tendance vers les nΘgociations collectives gagnait des dimensions nouvelles dans les Maritimes. Les mineurs de l'industrie du charbonnage auraient pu redΘfinir plus rapidement et plus clairement les relations entre le patronat et la main-d'oeuvre, mais dans l'ensemble de la rΘgion, les travailleurs menaient campagne pour exercer plus de contr⌠le sur leurs salaires et leurs conditions de travail. Malheureusement, cette prise de conscience ne s'est matΘrialisΘe qu'α l'Θpoque o∙ leur pouvoir de nΘgociation tombait trΦs bas sous l'action de la dΘsindustrialisation.
  66.  
  67. Conclusion 
  68.  
  69.      Les tout premiers conflits de travail ont ΘtΘ provoquΘs par le refus des employeurs de faire participer les travailleurs α la dΘfinition du processus de production. Les travailleurs des Maritimes, α l'instar de leurs collΦgues en tous lieux, ont dΘfendu les pratiques traditionnelles durant les annΘes de formation du syndicalisme. MalgrΘ l'hostilitΘ des employeurs, le nombre de syndicats actifs dans la rΘgion, extrΩmement rΘduit au cours des annΘes 1880, se situait au-delα de 200 au cours des annΘes 1920 et regroupait tous les niveaux de qualification dans des communautΘs largement rΘpandues. Parmi ces syndicats, certains n'Θtaient que des petites divisions de grandes organisations nationales ou internationales, d'autres constituaient principalement un mouvement local en rΘponse aux conditions rΘgionales. Le gros de ces organisations Θtait caractΘrisΘ par le recrutement croissant de membres exerτant des mΘtiers et des emplois peu qualifiΘs, malgrΘ le fait que les premiΦres associations d'artisans -- ironique retour des choses -- avaient ΘtΘ crΘΘes spΘcialement pour Θliminer la concurrence de la main-d'oeuvre non qualifiΘe. MalgrΘ ces tendances, les travailleurs des Maritimes, dans leur immense majoritΘ, sont restΘs inorganisΘs jusqu'aux annΘes 1920. └  l'exception des mineurs de l'industrie du charbonnage, les travailleurs du secteur primaire ignoraient le syndicalisme. La communautΘ industrielle prΘsentait de grosses lacunes, α preuve que des groupes aussi importants que les ouvriers des aciΘries sont restΘs fragmentΘs et inorganisΘs jusque aprΦs la Seconde Guerre mondiale.
  70.  
  71.      Les travailleurs des Maritimes ont-ils jamais ΘtΘ motivΘs par une prise de conscience α la dimension de la rΘgion? Cela reste α prouver. L'industrialisation postΘrieure α 1880 a donnΘ naissance α une main-d'oeuvre urbaine qui Θtait, α de rares exceptions prΦs, entiΦrement nouvelle, et dont le plus grand segment ne reprΘsentait qu'une seule gΘnΘration arrachΘe de son milieu rural. Les luttes pour la reconnaissance des droits n'Θtaient peut-Ωtre pas coordonnΘes, mais la classe ouvriΦre a commencΘ α se considΘrer comme telle, malgrΘ la rigueur qui caractΘrisait la dΘfinition de ses objectifs. Eu Θgard α la fragmentation politique et sociale, tous les sentiments d'unitΘ rΘgionale -- comme la plupart des aspects de la vie des Maritimes -- Θtaient plus virtuels que rΘels. Les mineurs de la Nouvelle-╔cosse ont militΘ plus que les autres groupes pour la redΘfinition des relations patron-ouvrier, mais malgrΘ l'influence qu'ils ont exercΘe, ils ne reprΘsentaient pas la communautΘ rΘgionale, au sens large du terme, qui tendait plus α la modΘration ainsi qu'α l'application des normes nord-amΘricaines.
  72.  
  73.      Les villes de l'industrie lourde, notamment les villes relevant des mines de charbon et des aciΘries, Θtaient les plus avancΘes sur le plan de l'organisation syndicale et des politiques ouvriΦres. Leurs grosses concentrations d'ouvriers qualifiΘs ont donnΘ naissance α une Θlite d'½aristocrates╗ expΘrimentΘs qui Θtaient soucieux d'exercer une certaine influence sur le rΘgime du travail et de participer aux dΘcisions touchant le bien-Ωtre gΘnΘral de leurs communautΘs. Dans ces villes, les mouvements syndicaux Θtaient dans le droit fil de ceux qui se sont dΘveloppΘs dans les autres rΘgions de l'AmΘrique du Nord durant l'industrialisation. Les ouvriers qualifiΘs de New Glasgow, d'Amherst et de Moncton relevaient les mΩmes dΘfis et aspiraient au mΩme r⌠le que leurs collΦgues d'Ontario ou de Pennsylvanie. Leurs syndicats Θtaient affiliΘs α des Θquivalents nationaux ou internationaux et l'on peut dire qu'ils ont frayΘ la voie α la formation des fΘdΘrations nationales du travail. Au sein de leurs communautΘs respectives, ils ont souvent combinΘ les actions politiques et les interventions auprΦs des gouvernements locaux et provinciaux dans le but d'accorder plus de droits aux ouvriers. Ils n'ont pas obtenu autant de succΦs qu'ils l'auraient voulu; n'empΩche qu'ils Θtaient disposΘs, le cas ΘchΘant, α agir de concert pour atteindre les objectifs communs. Le trait distinctif de la rΘgion des Maritimes rΘsidait dans la grande diversitΘ de son expΘrience industrielle et, de cause α effet, dans la fragmentation de la conscience de classe.
  74.  
  75.      Lorsque le processus de dΘsindustrialisation provoqua l'effondrement de la plus grande partie de la base industrielle de la rΘgion, les travailleurs des Maritimes ne disposaient d'aucune stratΘgie efficace pour empΩcher la fuite des capitaux et des emplois. Avec le transfert des capitaux vers les autres rΘgions du pays, les syndicats n'avaient plus leurs coudΘes franches. Lorsque les capitalistes non rΘsidants dΘcidΦrent de fermer les usines plut⌠t que de nΘgocier avec les reprΘsentants des travailleurs, ce fut un coup de Jarnac mΩme pour les syndicats bien Θtablis. Les mineurs ont fait face α des pressions accablantes, aprΦs la PremiΦre Guerre mondiale, lorsque la British Empire Steel and Coal Company tenta de les priver du tiers environ de leur salaire. La chaεne de grΦves acharnΘes et d'actes de violence, qui s'est soldΘe par leur dΘfaite en 1925, annonτa au reste de la communautΘ que le syndicalisme militant ne pouvait pas freiner le dΘclin. ╔tant donnΘ qu'il fallait choisir entre la rΘduction du salaire et le ch⌠mage indΘfini ou le dΘmΘnagement α l'extΘrieur de la rΘgion, ceux qui sont restΘs ont d√ accepter un revenu moindre et se rΘsigner α un r⌠le secondaire dans la dΘtermination du rΘgime de travail. Que rΘcoltent les Maritimes de tous ces ΘvΘnements? Une industrie bouleversΘe et un mouvement ouvrier qui, gravement fractionnΘ et chroniquement minΘ par l'Θmigration de ses plus puissants dirigeants, ne compte dans ses rangs que des travailleurs rΘsignΘs α jouer un r⌠le relativement mineur dans les affaires rΘgionales.  
  76.  
  77.