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Text File  |  1996-06-21  |  30KB  |  107 lines

  1. LES INUIT DE LA MER DU LABRADOR 
  2.  
  3. J. Garth Taylor 
  4.  
  5. Introduction 
  6.  
  7.      Les Inuit qui habitaient la cÖte ÄchancrÄe de la mer du Labrador furent parmi les premiers peuples de langue esquimaude ê Étre ╟dÄcouverts╚ par le monde extÄrieur. En bonne partie parce qu'ils subirent tÖt les influences euro-canadiennes, la vie des Inuit du Labrador avait ÄtÄ dÄjê grandement modifiÄe longtemps avant l'essor de l'ethnographie, qui est la description scientifique des cultures humaines. La culture traditionnelle des Inuit de la mer du Labrador est donc loin d'Étre aussi bien connue aujourd'hui que celle des peuples apparentÄs de l'Arctique central canadien, par exemple les Esquimaux du cuivre et les Netsilik qui sont restÄs isolÄs jusqu'ê une Äpoque relativement rÄcente. Afin de combler cette lacune et de redÄcouvrir beaucoup des aspects, oubliÄs depuis longtemps, de la culture inuit du Labrador, nous devons maintenant compter en grande partie sur les tÄmoignages archÄologiques et les documents d'archives.
  8.  
  9. Origines des Inuit du Labrador 
  10.  
  11.      Les ancÉtres prÄhistoriques des Inuit d'aujourd'hui sont sans doute arrivÄs dans le nord du Labrador entre 1300 et 1450. Ils amenÅrent avec eux un mode de vie propre que les archÄologues appellent la culture thulÄenne et qui semble s'Étre Äpanouie dans l'ouest de l'Arctique pendant trois ou quatre siÅcles, avant de s'Ätendre vers l'est dans le reste de l'Arctique canadien, puis au Groenland et au Labrador. Comme les Esquimaux de ThulÄ Ätaient des gens de la mer, habiles dans l'art de manier le kayak et l'oumiak, il leur aurait ÄtÄ assez facile de naviguer de l'öle de Baffin au Labrador. Leur premier point d'atterrissage a peut-Étre ÄtÄ dans les öles tudjat (pierres de guÄ) situÄes prÅs de Killinek, ê la pointe nord-est du Labrador. MÉme s'il est impossible de connaötre les circonstances exactes de leur premiÅre dÄcouverte du Labrador, on n'en peut pas moins conjecturer leur premiÅre impression.
  12.  
  13.      Les monts Torngat, aux contours dÄchiquetÄs, qui se dressent au-dessus de !a cÖte nord-est du Labrador auraient semblÄ familiers aux nouveaux arrivants thulÄens, habituÄs aux pics ÄlevÄs de l'est de l'öle de Baffin. En examinant de plus prÅs le milieu naturel, ces immigrants auraient pu constater que la plupart des lichens, des mousses, des graminÄes et des plantes ê fleurs, vÄgÄtaux communs ê tout l'Arctique, Ätaient aussi prÄsents le long de la cÖte du Labrador. Toutefois, un ÄlÄment du paysage radicalement diffÄrent du nord dÄpourvu d'arbres aurait ÄtÄ les forÉts  d'Äpinettes et de mÄlÅzes recouvrant la majeure partie de l'intÄrieur du Labrador, mais ces forÉts n'auraient pas ÄtÄ immÄdiatement visibles ê la premiÅre vague d'immigrants, car la limite des arbres se situe ê quelques centaines de kilomÅtres plus au sud.
  14.  
  15.      Au Labrador, les chasseurs thulÄens rencontrÅrent les mÉmes espÅces animales que celles qui avaient servi ê assurer leur subsistance comme celle de leurs ancÉtres. Outre le morse aux dÄfenses dangereuses, mais utiles, on comptait de nombreuses espÅces de phoques: les gros phoques barbus, ê la peau Äpaisse et rÄsistante, ainsi que les phoques communs et annelÄs, plus petits. ╦ la fin de l'automne, les phoques et les baleines du Groenland faisaient leur apparition, lors de leur migration vers le sud, immÄdiatement avant que les eaux cÖtiÅres et celles des baies ne gÅlent, formant une Ätroite lisiÅre de glace cÖtiÅre solide. ╦ l'intÄrieur, des hardes de caribous parcouraient le haut plateau onduleux parsemÄ de lacs o¥ foisonnaient la truite et l'omble.
  16.  
  17.      Les ancÉtres thulÄens des Inuit d'aujourd'hui ne furent pas les premiers habitants du Labrador. Plusieurs milliers d'annÄes avant leur arrivÄe, la cÖte fut occupÄe alternativement par les AmÄrindiens et les PalÄo-Esquimaux. Les premiers humains que les Inuit rencontrÅrent dans cette nouvelle contrÄe furent peut-Étre les derniers descendants d'une population palÄo-esquimaude rÄpandue autrefois dans tout l'est de l'Arctique et dans certaines rÄgions de Terre-Neuve et que les archÄologues appellent DorsÄtiens. Il est possible que ces DorsÄtiens furent les tunit qui occupent une place de premier plan dans les lÄgendes inuit et que les Inuit du Labrador prÄtendent avoir finalement chassÄs aprÅs une pÄriode de conflits.
  18.  
  19.      Par ailleurs, les adlat, AmÄrindiens de langue algonquienne vivant dans la forÉt, doivent avoir ÄtÄ moins familiers aux ThulÄens que les DorsÄtiens. Traditionnellement, les Inuit et les AmÄrindiens se craignaient et se mÄfiaient les uns des autres, et chaque ethnie a sans doute ÄvitÄ l'autre le plus possible. Les tensions entre Inuit et AmÄrindiens, dÄgÄnÄrant parfois en conflits, s'accrurent probablement au cours des premiÅres annÄes o¥ ces deux groupes vinrent en contact avec un autre peuple Ätranger, les kablunat.
  20.  
  21. Premiers contacts avec les EuropÄens 
  22.  
  23.      Il est impossible de prÄciser exactement ê quelle date les Inuit du Labrador virent pour la premiÅre fois des EuropÄens, gens qu'ils appelaient kablunat. Les premiers EuropÄens qui atteignirent le Labrador furent sans doute des explorateurs scandinaves venus d'Islande et du Groenland et dont les sagas, qui datent des environs de l'an 1 000, dÄcrivent des rencontres avec un peuple appelÄ Skraelings vivant dans un lieu appelÄ Markland. On se demande toujours si les ╟Skraelings╚ Ätaient des AmÄrindiens ou des PalÄo-Esquimaux comme les DorsÄtiens, mais il semble probable que les Inuit du Labrador, descendants des migrants thulÄens, ne furent mis en contact avec des EuropÄens que plusieurs siÅcles plus tard. Les premiers contacts entre les EuropÄens et les Inuit historiques de cette rÄgion n'eurent probablement lieu qu'ê la fin du XVe siÅcle lorsque Jean Cabot, entre autres, commenìa ê explorer la cÖte, attirant des pÉcheurs et des chasseurs de baleines dans les riches eaux du sud du Labrador.
  24.  
  25.      Les premiers pÉcheurs et chasseurs de baleines laissÅrent rarement des tÄmoignages Äcrits sur leurs premiers contacts avec les Autochtones du Labrador, et les documents qui sont parvenus jusqu'ê nous sont parfois encore plus vagues que les traditions orales des premiers Vikings. Le compte rendu du voyage de John Davis, effectuÄ en 1586, nous apprend, par exemple, que deux de ses hommes furent tuÄs par des archers autochtones, prÅs de l'inlet Hamilton, mais il ne donne pas suffisamment de dÄtails pour nous permettre de savoir si les indigÅnes qualifiÄs d'╟Äpouvantables scÄlÄrats╚ Ätaient des Inuit ou des AmÄrindiens.
  26.  
  27.      Les textes rapportant des tÄmoignages oculaires sur les Autochtones du Labrador restÅrent vagues pendant la majeure partie du XVIIe siÅcle. Nous pouvons conjecturer que les indigÅnes ╟ê nez plat╚, qui tuÅrent, en 1606, deux membres du groupe d'exploration de John Knight furent probablement des Inuit, tout comme ceux qui ÄchangÅrent des peaux de phoque avec les explorateurs franìais -- Des Groseilliers et Radisson -- lorsqu'ils mirent pied ê terre en 1683 lors de l'expÄdition qui les mena de QuÄbec ê la baie d'Hudson. Ces deux rencontres semblent avoir eu lieu dans la rÄgion Nain-Okak de la cÖte centrale.
  28.  
  29.      Les Inuit sont dÄcrits plus en dÄtail dans le journal de Louis Jolliet qui, en 1694, explora la cÖte jusqu'ê une rÄgion aussi septentrionale que celle de Nain. ╦ cette Äpoque, les Inuit du Labrador possÄdaient dÄjê de nombreux articles de fabrication europÄenne, dont des bateaux de bois munis de voiles et de grappins, des barils, des coffres de bord, des vis et des clous, des couteaux, du tissu et quelques vÉtements. Jolliet, qui acheta des phoques et de l'huile de phoque ê plusieurs groupes autochtones, prÄsuma que les Inuit n'avaient pas de contacts commerciaux rÄguliers avec les EuropÄens, et qu'ils troquaient leurs produits avec les navires de pÉche qui abordaient ê Terre- Neuve uniquement lorsque l'occasion se prÄsentait.
  30.  
  31. L'essor des relations commerciales avec les Ätrangers 
  32.  
  33.      Le troc rudimentaire avec les navires europÄens se dÄveloppa en 1714 lorsque cinq navires hollandais accostÅrent dans la rÄgion d'Okak et troquÅrent leurs produits avec les Autochtones contre des peaux de phoque. DÅs 1733, les Ächanges commerciaux entre les Inuit du Labrador et les chasseurs de baleines europÄens Ätaient une tradition bien Ätablie, certains navires hollandais faisant mÉme un voyage spÄcial au Labrador ê la fin de chacune de leurs expÄditions de pÉche ê la baleine au Groenland.
  34.  
  35.      La mÄsentente mutuelle et l'hostilitÄ dÄclarÄe Ätaient courantes entre les nouveaux arrivants europÄens et les Inuit. L'engrenage de la violence marquÄe par des mesures de reprÄsailles et des tueries se dÄveloppa dans la rÄgion du dÄtroit de Belle-Isle o¥ Ätaient concentrÄs les postes franìais et espagnols de sÄchage de poisson. AbandonnÄs au cours du long hiver, ces postes permettaient aux Inuit de faire facilement main basse sur des bateaux et du matÄriel, y compris des clous de fer qu'on pouvait aisÄment obtenir en mettant le feu aux cadres de sÄchage. Lorsqu'ils revenaient au Labrador, l'ÄtÄ suivant, les pÉcheurs europÄens furieux se vengeaient sur tout Inuit qui leur tombait sous la main.
  36.  
  37.      Les Franìais s'Ätablirent en 1702 prÅs de la riviÅre Saint-Paul dans la rÄgion du dÄtroit de Belle-Isle en y construisant le Fort Pontchartrain, qui leur servit de poste pour la pÉche, le piÄgeage et le troc. Les rapports annuels prÄsentÄs par les deux premiers seigneurs du fort mentionnent rÄguliÅrement les excursions estivales des Inuit dans le dÄtroit de Belle-Isle et dans le nord de Terre-Neuve o¥ ils se rendaient jusqu'ê un endroit aussi loin au sud que Port-aux-Choix. On signala aussi de frÄquentes escarmouches au cours desquelles les EuropÄens et leurs alliÄs amÄrindiens, tous armÄs, forcÅrent des groupes d'Inuit non armÄs ê s'Äloigner des installations ê terre.
  38.  
  39.      Les Franìais en vinrent ê dominer les Ächanges commerciaux effectuÄs par navire durant la premiÅre moitiÄ du XVIIIe siÅcle, et dÅs le milieu de ce siÅcle, un commerce rÄgulier avec les navires franìais Ätait solidement Ätabli. Le principal produit fourni par les Inuit, ê cette Äpoque,Ätait le fanon, longue lame cornÄe souple faisant office de crible dans la bouche de la baleine du Groenland, qui servait ê fabriquer des brosses et des corsets et valait trÅs cher sur le marchÄ international. Les intermÄdiaires inuit, qui avaient dÄjê inventÄ un jargon pour commercer avec les pÉcheurs franìais du sud du Labrador, apportaient de la cÖte nord la plupart des fanons qu'ils Ächangeaient ê l'inlet Hamilton.
  40.  
  41.      Les relations entre les EuropÄens et les Inuit furent temporairement perturbÄes en 1763 lorsque le Labrador devint possession britannique et que les Franìais ne furent plus autorisÄs ê rester sur la cÖte. Cette perturbation fut attribuÄe en partie ê l'inexpÄrience des Britanniques et des AmÄricains qui s'efforcÅrent de reprendre le lucratif commerce des fanons de baleine. Afin de mettre un terme aux hostilitÄs dÄclarÄes qui Ätaient de nouveau monnaie courante, le gouverneur de Terre-Neuve chercha ê nÄgocier une trÉve avec les Inuit en 1765.
  42.  
  43.      MÉme si le traitÄ de 1765 n'Älimina pas entiÅrement les mÄsententes et les tueries, il n'en fut pas moins bientÖt suivi par la rapide expansion des Ätablissements blancs le long de la cÖte du Labrador. Les colons europÄens Ätaient concentrÄs dans la rÄgion situÄe au sud de l'inlet Hamilton, o¥ ils recevaient frÄquemment la visite d'Inuit itinÄrants dont les habitations permanentes se trouvaient beaucoup plus au nord. ╦ cette Äpoque, la population inuit de toute la cÖte Ätait d'environ 1500 personnes.
  44.  
  45. ActivitÄs missionnaires 
  46.  
  47.      Les premiers non-autochtones qui s'Ätablirent au nord de l'inlet Hamilton furent des missionnaires de la secte protestante des FrÅres moraves, dont les origines europÄennes remontent ê 1457. ╦ l'Äpoque o¥ ils Ätablirent leur premier poste au Labrador, ê Nain, en 1771, les FrÅres moraves Ätaient dÄjê actifs dans d'autres pays dont le Groenland. Leurs activitÄs au Labrador s'accr₧rent ê la suite de la fondation d'Okak (1776), de Hopedale (1782), de Hebron (1830), de Zoar (1865), de Ramah (1871), de Makkovik (1895) et de Killinek (1904). Au cours du XXe siÅcle, les Ätablissements permanents situÄs au nord de Nain furent graduellement abandonnÄs pour diverses raisons et de nos jours, seuls trois postes de la secte des FrÅres moraves, Nain, Hopedale et Makkovik, existent toujours sur la cÖte du Labrador. En 1957, la secte dÄmÄnagea son administration centrale dans la nouvelle ville de Happy Valley o¥ plusieurs familles d'Inuit s'Ätaient Ätablis aprÅs la Seconde Guerre mondiale.
  48.  
  49.      Sans doute la principale prÄoccupation des premiers FrÅres moraves Ätait-elle de propager le christianisme, mais il n'en reste pas moins que dÅs les dÄbuts, ils s'intÄressÅrent ê de nombreux aspects non religieux de la vie inuit. Pour les Inuit qui avaient besoin dÅs lors d'un vaste Äventail de produits europÄens, un attrait particuliÅrement important du premier poste missionnaire Ätait le magasin de traite. MÉme si les missionnaires espÄraient qu'en ouvrant des comptoirs commerciaux dans le nord, les Inuit ne se sentiraient plus forcÄs de rendre rÄguliÅrement visite aux commerìants europÄens du sud du Labrador, ces voyages ne s'en poursuivirent pas moins pendant de nombreuses annÄes. MÉme aprÅs 1784, date ê laquelle les FrÅres moraves cÄdÅrent finalement aux pressions des Inuit et acceptÅrent de leur vendre des fusils et des munitions, le sud offrait beaucoup de produits attrayants comme le brandy que seuls les commerìants de cette rÄgion voulaient leur vendre. En 1925, les FrÅres moraves vendirent leurs commerces ê la Compagnie de la baie d'Hudson qui fut plus tard remplacÄe par le gouvernement de Terre-Neuve. Celui-ci exploite les magasins de la plupart des localitÄs du nord du Labrador.
  50.  
  51.      Jusqu'au siÅcle actuel, l'âglise morave fut sans aucun doute l'un des agents les plus puissants de changements culturels parmi les Inuit du Labrador. Heureusement, les premiers missionnaires de la secte nous ont laissÄ de minutieux comptes rendus de leur vie chez les Inuit sous forme de journaux et d'autres documents. Ces textes, Äcrits principalement en allemand et conservÄs dans les archives de la secte en Allemagne, en Angleterre et aux âtats-Unis, sont une mine de renseignements sur l'histoire et la culture traditionnelle des Inuit de la mer du Labrador.
  52.  
  53. Modes traditionnels de subsistance 
  54.  
  55.      D'aprÅs les renseignements contenus dans les journaux des missions du Labrador, il est possible de reconstituer le cycle annuel des activitÄs Äconomiques au cours de pÄriodes dÄterminÄes. Nous dÄcrirons ici un cycle annuel typique des annÄes 1770, Äpoque o¥ on se servait du matÄriel de chasse et de pÉche traditionnel pour toutes les activitÄs de subsistance. Les Inuit n'achetÅrent pas de fusils avant 1784.
  56.  
  57.      La plupart des Inuit du Labrador passaient l'automne et la majeure partie de l'hiver dans des campements situÄs ê l'embouchure des fjords ou dans certaines des öles du large les mieux protÄgÄes contre les intempÄries. Ils y construisaient des maisons semi-souterraines en terre et en pierre dans lesquelles ils s'installaient vers le milieu d'octobre, deux mois environ avant que la bande cÖtiÅre de la mer gÅle et se transforme en glace solide. Les campements d'automne-hiver rÄunissaient en moyenne 36 personnes.
  58.  
  59.      MontÄs ê bord de kayaks, les hommes chassaient le gibier ê portÄe, notamment le phoque du Groenland qui migrait vers le sud en novembre et en dÄcembre. Long d'environ deux mÅtres, un harpon ê tÉte dÄtachable qu'on lanìait ê la main permettait de prendre l'animal. Une longue ligne en peau d'animal Ätait attachÄe au centre de la tÉte du harpon. Sous l'effet de la tension, celle-ci tournoyait et s'enfonìait dans le corps de l'animal. ╦ l'autre extrÄmitÄ de la ligne, on trouvait un flotteur en peau de phoque et un poids servant ê empÉcher la fuite de la proie blessÄe, laquelle Ätait habituellement achevÄe au moyen d'un coup de lance.
  60.  
  61.      ╦ cette Äpoque de l'annÄe, de nombreux chasseurs inuit du Labrador poursuivaient aussi les Änormes baleines du Groenland, qui avaient quittÄ leurs aires d'alimentation estivales dans l'ExtrÉme-Arctique pour migrer vers le sud. Le harpon utilisÄ pour la pÉche ê la baleine Ätait deux fois plus long que celui rÄservÄ ê la chasse au phoque et Ätait muni d'un poids Änorme et de deux ou trois flotteurs. On le lanìait sur une baleine endormie ê partir de la proue d'un oumiak, large embarcation ouverte mue ê la pagaie par environ douze hommes. Parfois, les Äquipages de deux ou trois oumiaks rÄunissaient leurs efforts pour capturer une seule baleine, qui pouvait fournir ê un campement de la nourriture et du combustible pour plusieurs mois.
  62.  
  63.      La pÉche ê la baleine prenait fin ê la mi-dÄcembre en raison du gel de la mer, et les phoques devaient Étre harponnÄs aux trous de respiration que ces animaux creusaient dans la nouvelle glace. Les Inuit capturaient de cette maniÅre quelques phoques migrateurs du Groenland surpris le long de la cÖte par la formation soudaine de la glace, mais la grande majoritÄ de leurs prises Ätaient des phoques barbus et annelÄs non migrateurs. La chasse aux phoques sur la glace nouvelle Ätait extrÉmement productive. Au cours des premiÅres semaines suivant le gel, les phoques Ätaient si abondants qu'on pouvait souvent en mettre quelques-uns en rÄserve dans des caches. ╦ cette Äpoque de l'annÄe, les hommes et les garìons pouvaient quitter leurs campements d'hiver pendant plusieurs jours en vue de trouver des endroits o¥ la glace venait de se former.
  64.  
  65.      Au fur et ê mesure que la glace de mer s'Äpaississait et Ätait recouverte d'une solide couche de neige, il devenait plus difficile de capturer des phoques aux trous de respiration. AprÅs la mi-janvier, la chasse aux phoques se limitait essentiellement ê de petites Ätendues d'eau libre prÅs de forts courants et ê la lisiÅre des glaces, lê o¥ de nouvelles plaques s'Ätaient parfois formÄes ê la suite de la rupture de la glace et du regel. Lorsque le temps s'y prÉtait, on chassait les phoques qui se chauffaient au soleil en rampant vers eux sur la glace jusqu'ê Étre ê portÄe de harpon, mÄthode connue sous le nom de uuttuq, mot signifiant phoque paresseux. Dans les rÄgions nordiques, les morses Ätaient importants du fait qu'ils arrivaient dans les eaux libres, au large de la lisiÅre des glaces, en fÄvrier et mars.
  66.  
  67.      Alors que les mammifÅres marins fournissaient la plus grande partie de la nourriture et du combustible, de nombreuses autres sources alimentaires permettaient de varier le rÄgime quotidien et servaient parfois en cas d'urgence. Par exemple, en janvier et fÄvrier, les oiseaux marins comme le mergule nain, l'eider, le guillemot et le macareux se trouvaient en grand nombre ê la lisiÅre des glaces et prÅs des Ätendues d'eau libre. En mars et avril, on dÄcoupait des trous dans la glace afin de pÉcher la morue de roche ê la dandinette, en eau salÄe, et l'omble arctique, ê la lance, en eau douce. Pendant les durs hivers, la viande mise en rÄserve, y compris la chair de baleine, de phoque et de caribou ainsi que le poisson qu'on trouvait dans les caches, Ätait la seule protection en cas de disette. Vers la fin de l'hiver, certains Inuit abandonnaient leurs maisons de terre afin de construire des iglous plus prÅs de terrains de chasse et de lieux de pÉche plus productifs.
  68.  
  69.      Lorsque le soleil prenait de la force vers la fin d'avril, les Inuit abandonnaient leurs maisons de terre et leurs iglous et montaient des tentes. En mai et juin, la plupart des Autochtones allaient s'installer dans les öles o¥ ils chassaient le phoque, le bÄluga et l'eider et ramassaient les oeufs de canard. On utilisait la plupart du temps un kayak pour aller chasser dans les Ätendues d'eau libre dont la superficie ne cessait d'augmenter. Les phoques du Groenland revenaient du sud et la nourriture Ätait souvent si abondante qu'on pouvait ê nouveau remplir les caches de pierres avec des provisions pour l'hiver suivant.
  70.  
  71.      Lorsque la couche solide de glace craquait en juin, les familles habitant dans les campements ÄparpillÄs dans les öles au large se rendaient dans les campements d'ÄtÄ situÄs sur le pourtour des baies. Les phoques et les bÄlugas, qui rÄapparaissaient dans les baies ê cette Äpoque, continuaient d'Étre la principale source d'alimentation. Les Inuit chassaient aussi les oiseaux marins, l'ours noir, l'ours blanc et tout caribou ÄgarÄ sur la cÖte. On se servait aussi bien de crochets que de foænes pour attraper l'omble arctique qui migrait des lacs d'eau douce de l'intÄrieur jusqu'ê la mer. Par ailleurs, le saumon atlantique qui migrait en sens inverse Ätait capturÄ au moyen des mÉmes techniques le long de la partie sud de la cÖte.
  72.  
  73.      Au dÄbut d'ao₧t, pÄriode o¥ la peau du caribou qui allait servir ê fabriquer des vÉtements d'hiver et des fournitures de lit Ätait au summum de sa beautÄ, la plupart des familles mettaient leurs oumiaks en lieu s₧r ê l'embouchure des fjords et des baies et entreprenaient ê travers le plateau, avec tentes, kayaks et chiens, la longue marche vers l'intÄrieur qui leur permettrait d'intercepter les hardes de caribous migrateurs. Avant l'apparition du fusil, la technique de chasse la plus fructueuse consistait ê faire entrer les caribous dans les lacs ou les riviÅres o¥ on pouvait les atteindre au moyen de lances jetÄes ê partir des kayaks. En octobre, lorsque les chasseurs retournaient ê la cÖte pour prÄparer leurs habitations pour l'hiver, le cycle annuel des activitÄs de subsistance Ätait complet.
  74.  
  75. Vie sociale et religieuse 
  76.  
  77.      En plus de documenter les activitÄs Äconomiques, les archives des premiÅres missions sont Ägalement une bonne source d'information sur la vie sociale et religieuse. La structure de la sociÄtÄ inuit traditionnelle du Labrador s'appuyait surtout sur les liens entre les individus, principalement les liens de parentÄ. En l'absence de toute organisation politique ou tribale d'ensemble, il n'est pas surprenant de constater que les groupements par parents et familles constituaient des unitÄs sociales primordiales.
  78.  
  79.      Un bon exemple en Ätait la famille Ätendue, qui comprenait normalement environ vingt personnes qui partageaient la mÉme maison de terre en automne et en hiver. Pendant les autres saisons, les membres de la famille Ätendue voyageaient souvent dans la mÉme embarcation et montaient leurs tentes les unes prÅs des autres. Ce groupe pouvait comprendre un couple mariÄ ëgÄ ainsi que leurs fils et filles mariÄs et leurs familles, mais il pouvait aussi se composer de personnes ayant d'autres types de liens de famille et, ê l'occasion, non apparentÄes.
  80.  
  81.      Les unitÄs familiales composant la famille Ätendue se limitaient rarement ê la famille nuclÄaire composÄe du mari, de la femme et des enfants. On pouvait aussi y trouver la mÅre ou des soeurs veuves de l'un ou l'autre conjoint ou, comme c'Ätait frÄquemment le cas, d'autres femmes. La polygamie Ätait une source de grand prestige chez les Inuit, et les hommes en vue pouvaient avoir deux ou mÉme trois femmes. Comme les femmes nubiles Ätaient trÅs demandÄes, elles se mariaient habituellement dÅs les premiÅres annÄes de leur adolescence.
  82.  
  83.      Alors qu'il y avait habituellement une autoritÄ forte au sein de la famille nuclÄaire et de la famille Ätendue, elle Ätait carrÄment faible dans des campements comportant de nombreux mÄnages et encore plus faible au-delê du niveau du campement. Les activitÄs exigeant un nombre de personnes supÄrieur ê celui de la famille Ätendue Ätaient parfois supervisÄes par des conseillers temporaires qui Ätaient choisis pour leur sagesse et leurs capacitÄs. Toutefois, ces chefs n'avaient pas l'autoritÄ nÄcessaire pour imposer leur volontÄ aux autres et les conflits entre des factions opposÄes pouvaient occasionner une effusion de sang, ce qui arrivait souvent. âtant donnÄ que le meurtre d'un Inuk devait Étre vengÄ par son plus proche parent, un assassinat dÄclenchait souvent une sÄrie interminable de vengeances rÄciproques.
  84.  
  85.      On confiait la direction des affaires religieuses aux angekut (pluriel d'angekok), hommes et femmes influents qui contrÖlaient les esprits pouvant amener le succÅs ou le dÄsastre. En cas de famine, de tempÉte ou de maladie, les Inuit se tournaient vers les angekut pour chercher ê savoir ce qu'on avait fait pour mettre les esprits en colÅre et ce qu'on pouvait faire pour les apaiser. De leur cotÄ, les angekut s'adressaient ê leurs propres esprits gardiens, invisibles aux autres Inuit et dÄsignÄs sous le nom de tornait (pluriel de torngak), afin d'obtenir leurs conseils et leur aide.
  86.  
  87.      Pendant les cÄrÄmonies chamanistes au cours desquelles les angekut cherchaient ê influencer leurs esprits gardiens, tentes et maisons Ätaient plongÄes dans l'obscuritÄ. Les cÄrÄmonies visant ê obtenir de meilleures chasses ou ê prÄdire et ê contrÖler le temps Ätaient offertes gratuitement ê la collectivitÄ, alors qu'on exigeait habituellement une forte rÄcompense pour les tentatives de guÄrison d'un malade. Certains angekut prÄtendaient pouvoir blesser ou tuer leurs ennemis par la sorcellerie.
  88.  
  89. Une culture en pleine Ävolution 
  90.  
  91.      La culture des Inuit du Labrador a subi de nombreuses transformations au cours des deux derniers siÅcles. L'un des premiers changements touchant leur cycle annuel de subsistance survint lorsqu'ils commencÅrent ê chasser le caribou ê l'intÄrieur des terres, ê la fin de l'hiver et au dÄbut du printemps. Cela faisait suite ê l'adoption du fusil ê la fin des annÄes 1780, innovation qui rendait beaucoup plus facile la chasse au caribou sur la toundra gelÄe. Au fur et ê mesure que la nouvelle chasse au caribou d'hiver et de printemps gagnait en importance, elle remplaìait peu ê peu la chasse traditionnelle de la fin de l'ÄtÄ.
  92.  
  93.      Dans les premiÅres dÄcennies du XIXe siÅcle, la pÉche ê la baleine n'avait plus beaucoup d'importance et l'on chassait les phoques avec des fusils et des filets. Les innovations techniques postÄrieures, ainsi que l'essor et le dÄclin du piÄgeage commercial et de la pÉche ê la morue, l'expansion rÄcente des pÉcheries de saumons et d'ombles arctiques, et l'accroissement des importations de produits alimentaires, tout cela a eu des consÄquences encore plus spectaculaires, qui se font sentir dans l'Äconomie actuelle. Toutefois, le gibier a encore beaucoup d'importance comme source alimentaire, et les Inuit du Labrador Äprouvent toujours de la satisfaction aprÅs une bonne prise.
  94.  
  95.      Beaucoup des croyances et pratiques religieuses traditionnelles des Inuit du Labrador ont ÄtÄ modifiÄes ou abandonnÄes par suite des efforts constants des premiers missionnaires moraves. Parmi les traditions moraves adoptÄes par les Inuit du Labrador sont les festivals particuliers ê l'intention de diffÄrents groupes fondÄs sur l'ëge et le sexe, appelÄs ╟choeurs╚, dans lesquels se rÄpartit chaque congrÄgation. La passion pour la musique religieuse en est une autre. La plupart des choeurs, des fanfares et des orchestres ê cordes des Inuit dans les missions actuelles ont leur origine dans la premiÅre partie du siÅcle dernier.
  96.  
  97.      AprÅs le premier baptÉme survenu ê Nain en 1775, les missionnaires poursuivirent leur oeuvre de conversion jusqu'en 1935, annÄe o¥ les derniers Inuit non chrÄtiens devinrent membres de nom de la congrÄgation morave d'Hebron. ╦ cette Äpoque, les Inuit des autres missions pratiquaient dÄjê depuis plusieurs gÄnÄrations leur forme de protestantisme morave. Le premier des Inuit du Labrador ê Étre ordonnÄ ministre, Phillipus Hunter, est actuellement ê la tÉte de l'âglise morave de Nain, aujourd'hui le village le plus au nord de toute la rÄgion cÖtiÅre du Labrador.
  98.  
  99.      Le mouvement de la population, des Ätablissements traditionnels d'hiver vers les villages de mission moraves, annonìait les changements ê venir non seulement en matiÅre religieuse, mais aussi dans l'organisation sociale. L'une des consÄquences fut la diminution de l'importance attachÄe ê la famille Ätendue, coòncidant avec l'adoption de la maison unifamiliale au cours du XIXe siÅcle. Toutefois, de nouvelles associations furent crÄÄes, qui contribuÅrent ê donner une certaine cohÄsion aux villages de mission, regroupant souvent plusieurs centaines d'habitants. L'une des plus anciennes associations politiques est le conseil d'administration, Ätabli par les missionnaires dans les postes moraves. Le conseil d'administration comprend plusieurs ╟anciens╚, c'est-ê-dire des hommes Älus pour trois ans par la population de la localitÄ. Aujourd'hui, beaucoup d'affaires locales sont du ressort de conseils locaux Älus, qui se composent non seulement d'Inuit, mais aussi de gens issus de croisements entre des Inuit et des pÉcheurs-commerìants europÄens, que l'on appelle ╟settlers╚ (╟colons╚) au Labrador.
  100.  
  101.      Il existe aussi un nombre croissant d'organisations qui, par leur champ d'action et leur composition, dÄpassent les cadres de la localitÄ. L'une d'entre elles est la Labrador Inuit Association, crÄÄe en 1973 et affiliÄe ê l'organisation nationale appelÄe Inuit Tapirisat (fraternitÄ esquimaude). La Labrador Inuit Association, dont le siÅge est ê Nain, s'efforce de dÄfendre les intÄrÉts de tous les Inuit vivant dans la province de Terre-Neuve et du Labrador pour ce qui concerne la langue, l'Äducation, les rÅgles de la chasse et la reprÄsentation politique.
  102.  
  103.      En dÄpit de toutes les modifications dÄjê survenues dans leur mode de vie et des pressions actuelles en vue de nouvelles transformations, les Inuit du Labrador n'en ont pas moins conservÄ leur langue et un fort sentiment d'identitÄ culturelle. Dans une publication rÄcente de la Labrador Inuit Association, Our Footprints Are Everywhere, un habitant de Nain exprimait ses espoirs dans l'avenir en ces termes:
  104.  
  105.      Nous ne devons pas perdre ce qui nous caractÄrise en tant qu'Inuit -- parce que nous sommes Inuit! Le mieux, ce serait que nos enfants soient constamment en situation d'assimiler notre langue et notre mode de vie. Nous sommes de vrais Inuit et nos ancÉtres Ätaient de vrais Inuit... Cela ne doit pas disparaötre.  
  106.  
  107.