Devant l'entrÄe des femmes dans les forces armÄes, la grande compÄtence manifestÄe par certaines dans des mÄtiers traditionnellement masculins et enfin l'adoption du pantalon, beaucoup se mirent ê craindre que ne disparaissent le principe d'une division du travail fondÄe sur les sexes et celui de l'autoritÄ de l'homme sur la femme: en d'autres termes, on commenìa ê craindre un bouleversement des rÖles conventionnels. Certains Ätaient d'avis que les femmes des forces armÄes et des industries de guerre perdraient leur ╟fÄminitÄ╚. La propagande de recrutement chercha donc ê rassurer les esprits en garantissant aux Äventuelles recrues qu'elles n'auraient pas moins de charme ou de sÄduction si elles travaillaient dans l'armÄe ou ê une chaöne de montage.
Les mÄdias s'efforìaient eux aussi de faire Ävoluer l'opinion. Ainsi, Lotta Dempsey Äcrivit un article, intitulÄ ╟Elles sont toujours fÄminines!╚ qui comportait cette insertion en caractÅres gras: ╟L'habit ne fait pas le moine, et ce n'est pas l'uniforme ou la combinaison qui dÄtruira la femme.╚ En Ontario, les usines de guerre Älisaient des reines de beautÄ qui participaient ensuite au concours ╟Miss Travailleuse de guerre 194-╚, lequel avait lieu dans l'amphithÄëtre de l'Exposition nationale canadienne pendant les Jeux de la police de Toronto, en juillet. Par ailleurs, les fabricants de savons de toilette et de cosmÄtiques laissaient entendre que l'ouvriÅre d'usine ou la militaire ne resteraient ╟fÄminines╚ que si elles utilisaient leurs produits.
L'inquiÄtude suscitÄe par la nouvelle image des femmes voilait une crainte plus profonde mais moins souvent formulÄe: on avait le sentiment que les femmes envahissaient le territoire des hommes et se faisaient trop indÄpendantes. Dans un article publiÄ en 1942 par la revue Maclean's sur ╟le pouvoir des femmes╚, Thelma Lecocq Änonìait avec un demi-sourire un certain nombre de possibilitÄs propres ê ╟faire Äcumer les hommes forts╚: par exemple, celle qu'ê la fin des hostilitÄs les milliers de travailleuses de guerre ╟refusent de laisser tomber pantalon et enveloppe de paye╚; ╟qu'arriverait-il si elles dÄcidaient de se chercher un gentil garìon sachant faire la cuisine et disposÄ ê les accueillir tendrement, le soir ê la maison, pantoufles ê la main? Et si l'industrie devait se rÄorganiser pour leur donner des congÄs d'un an lorsqu'elles auraient des bÄbÄs?╚
En septembre 1945, toutefois, aprÅs que 80 000 travailleuses de guerre eurent dÄjê ÄtÄ licenciÄes, Maclean's pouvait faire paraötre le dessin que l'on voit ici, dont l'humour vient justement de la prÄtendue absurditÄ d'une inversion des rÖles.
Source: BibliothÅque de la revue Maclean's, Toronto