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Text File  |  1994-06-10  |  34KB  |  115 lines

  1. LA POTERIE ET LA PORCELAINE DANS LES FOYERS CANADIENS └ L'╔POQUE VICTORIENNE 
  2.  
  3. Elizabeth Collard 
  4.  
  5.      Thomas Babington Macaulay, historien du XIXe siΦcle, affirmait qu'il fallait inspecter les tables et les ΘtagΦres d'une nation pour faire revivre l'histoire. L'histoire doit saisir le quotidien. Dans ce contexte, la poterie et la porcelaine sont des documents historiques particuliΦrement prΘcieux. Parce qu'ils faisaient partie du quotidien dans les foyers canadiens pendant le long rΦgne de la reine Victoria, de 1837 α 1901, les objets en cΘramique Θclairent les conditions sociales, culturelles et Θconomiques de l'Θpoque.
  6.  
  7.      Au dΘbut du XIXe siΦcle, il n'y avait certainement aucune pΘnurie de vaisselle en cΘramique pour certains Canadiens, mais de nombreuses familles n'en possΘdaient toujours qu'en quantitΘs trΦs limitΘes comme en tΘmoigne Madame Nathan Taylor, citΘe dans une histoire d'un comtΘ quΘbΘcois de l'Estrie, Stanstead. En Θvoquant son enfance dans une cabane en rondins prΦs de l'actuel village de Hatley, madame Taylor explique que la vaisselle de sa mΦre Θtait jugΘe supΘrieure α celle des voisines parce que, dans les grandes occasions, sa mΦre pouvait rassembler ½six tasses, six soucoupes et autant d'assiettes en fa∩ence blanche╗. La famille utilisait d'ordinaire de la vaisselle en bois ou en Θtain. Madame Taylor dΘcrivait la situation α la fin du XVIIIe siΦcle et au dΘbut du XIXe.
  8.  
  9. Emploi de plus en plus courant de la cΘramique 
  10.  
  11.      Dans les annΘes 1830, d'aprΦs Michael Gonder Scherck, auteur de Pen Pictures of Early Life in Upper Canada (publiΘ en 1905, sous le pseudonyme ½A. Canuck╗), la plupart des gens de la campagne avaient ½un service de vaisselle en fa∩ence╗ . MΩme si les enfants de la ferme se servaient encore ½de tasses et de soucoupes en Θtain╗ (Scherck parle d'Θtain, mais il s'agissait sans doute de mΘtal anglais), la mΘnagΦre du dΘbut de l'Θpoque victorienne, quelle que soit sa situation, trouvait normal de possΘder de la vaisselle en terre cuite pour la table.
  12.  
  13.      └ l'Θpoque victorienne, grΓce α l'amΘlioration des transports, il fut plus facile aux habitants des rΘgions isolΘes de se procurer des articles fragiles comme les objets en poterie et en porcelaine. Toutefois, la rΘduction de prix des objets de terre cuite fut un facteur plus important encore dans la transition de la vaisselle en bois ou en mΘtal α la vaisselle en fa∩ence ou en porcelaine. Ce phΘnomΦne dΘcoulait de la production en sΘrie, dans le cadre de la rΘvolution industrielle habilement exploitΘe par les potiers de l'Θpoque. Les biens α prix abordables, bien s√r, se rΘpandaient rapidement. MΩme sur les tables des pauvres gens, mΩme dans les Θtablissements les plus rΘcents, la ½vaisselle de fa∩ence╗ (comme le souligne Scherck) faisait partie des articles mΘnagers courants. Il est rΘvΘlateur qu'au dΘbut des annΘes 1830, Joseph Pickering, dans ses conseils aux immigrants qui allaient coloniser le Haut-Canada, mentionne la poterie parmi les articles mΘnagers considΘrΘs comme essentiels. Ce dΘtail corrobore les souvenirs de Scherck et rΘvΦle que les objets en cΘramique Θtaient alors plus rΘpandus que lorsque les parents de madame Taylor et leurs voisins dΘfrichaient la terre en Estrie dans les annΘes 1790.
  14.  
  15. Influence prΘpondΘrante 
  16.  
  17.      Pendant tout le XIXe siΦcle, les fa∩ences vendues au Canada, tant dans les nouveaux Θtablissements que dans les villes dΘjα relativement anciennes de Halifax ou de QuΘbec, provenaient surtout des poteries britanniques. Deux raisons, surtout, expliquent cet Θtat de choses. En premier lieu, les colonies de l'AmΘrique du Nord britannique constituaient un marchΘ protΘgΘ pour ces exportations. En second lieu, le Canada Θtait tombΘ sous la domination britannique au moment o∙ les potiers de Grande-Bretagne s'apprΩtaient α s'emparer du marchΘ mondial. └ la fin du XVIIIe siΦcle, leur succΦs Θtait si Θclatant que l'Θrudit parisien Faujas de Saint-Fond faisait remarquer:
  18.  
  19.      ... de Paris α Petersbourg, d'Amsterdam au fond de la SuΦde, de Dunkerque α l'extrΘmitΘ sud de la France, le voyageur est servi α chaque auberge dans de la vaisselle anglaise. L'Espagne, la Portugal et l'Italie en sont approvisionnΘs et des vaisseaux α destination des Indes orientales, des Antilles et de l'AmΘrique en sont chargΘs.
  20.  
  21.      C'est grΓce α la fa∩ence, et en particulier α la fa∩ence couleur crΦme mise au point par le potier du Staffordshire, Josiah Wedgwood, dans la deuxiΦme moitiΘ du XVIIIe siΦcle et copiΘe par d'autres potiers, que les Britanniques s'Θtaient gagnΘ la notoriΘtΘ que mentionne Saint-Fond. Au dΘbut du XIXe siΦcle, leur nouvelle fa∩ence feldspathique (l'ironstone china, fa∩ence de grand feu, trΦs dense, rΘsistante et durable) et une nouvelle porcelaine du type connu maintenant sous le nom de porcelaine tendre anglaise (la bone china, moins capricieuse au four que les porcelaines anglaises antΘrieures) avaient encore consolidΘ leur position. Les potiers britanniques, de tradition plus rΘcente que les potiers de l'Orient et de l'Europe continentale, Θtaient devenus α l'Θpoque victorienne les maεtres incontestΘs de la production en sΘrie. Leurs produits Θtaient trΦs en demande dans le monde entier. Dans les foyers canadiens, les familles en faisaient un usage quotidien.
  22.  
  23.      La vaisselle britannique conserva sa supΘrioritΘ jusqu'α la fin du siΦcle, malgrΘ le relΓchement du protectionnisme amenΘ par des lois commerciales britanniques plus libΘrales qui, α partir des annΘes 1840, ouvrirent plus largement les colonies britanniques aux produits Θtrangers. Elle gardait sa part de marchΘ grΓce au volume des importations, α sa position dΘjα bien Θtablie au Canada et aux mΘthodes de mise en marchΘ dynamiques des potiers britanniques, dont certains avaient depuis longtemps des entrep⌠ts ou des agents dans des villes comme Saint-Jean, QuΘbec et Toronto. MΩme si les importateurs spΘcialisΘs en porcelaine courtisaient une clientΦle raffinΘe en se vantant, comme Porter & Ronald de Winnipeg en 1886, de possΘder un stock reprΘsentatif de la cΘramique du monde entier, le Canadien moyen resta dans l'ensemble fidΦle α la vaisselle britannique tout au long du siΦcle. Le catalogue printemps-ΘtΘ 1889 de la maison Eaton offrait des fa∩ences, des fa∩ences feldspathiques et de la porcelaine anglaises. Les vaisselles ΘtrangΦres n'Θtaient offertes qu'en porcelaine. Quant α la vaisselle fabriquΘe au Canada, α quelques exceptions prΦs, elle servait seulement aux humbles fonctions de la cuisine et du garde-manger.
  24.  
  25. La fa∩ence 
  26.  
  27.      La fa∩ence Θtait toujours plus en demande que la porcelaine, car elle Θtait en gΘnΘral moins chΦre. Cette demande incitait les importateurs α en faire venir d'Θnormes quantitΘs. Une publicitΘ parue dans le Montreal Transcript (8 octobre 1844) offrait ½10 000 piΦces de fa∩ence assorties, de toutes sortes╗. Ce lot comprenait vraisemblablement de la fa∩ence de couleur crΦme - celle-lα mΩme qui avait permis aux potiers britanniques d'envahir les marchΘs d'Europe et d'AmΘrique au XVIIIe siΦcle. La fa∩ence de couleur crΦme resta en vogue pendant tout le XIXe siΦcle; toutefois, une fa∩ence plus blanche d'aspect caractΘrise mieux l'Θpoque victorienne.
  28.  
  29.      Tout comme la fa∩ence crΦme, cette fa∩ence plus pΓle (parfois appelΘe pearl ware) pouvait porter un dΘcor peint α la main. 
  30.  
  31.      └ l'Θpoque victorienne, toutefois, elle Θtait le plus souvent peinte en style ½paysan╗. D'exΘcution rapide et grossiΦre, la publicitΘ la mentionnait frΘquemment comme ½peinture commune╗; elle Θtait parfois simplement dΘcorΘe d'un filet peint sur un rebord lΘgΦrement en relief (vaisselle α filet). Le dΘcor de fa∩ence le plus en vogue n'Θtait toutefois pas peint, mais imprimΘ.
  32.  
  33.      L'impression sous glaτure Θtait une mΘthode de dΘcoration de la cΘramique par laquelle un modΦle ou un dessin gravΘ sur une plaque de cuivre Θtait reportΘ α l'aide de papiers spΘcialement apprΩtΘs sur la piΦce cuite mais non vernie. La piΦce Θtait ensuite vernissΘe et soumise α une derniΦre cuisson. Ce procΘdΘ avait ΘtΘ inventΘ au XVIIIe siΦcle, mais ne fut parfaitement au point qu'au siΦcle suivant. Cette mΘthode de dΘcoration essentiellement mΘcanique eut sur l'industrie de la cΘramique une influence dΘterminante. L'amΘlioration constante du procΘdΘ d'impression amena une production accrue de vaisselle bon marchΘ.
  34.  
  35.      └ l'Θpoque victorienne, les difficultΘs techniques que comportait l'impression sur cΘramique avaient ΘtΘ surmontΘes. Au tout dΘbut, seul le bleu de cobalt pouvait supporter la chaleur de la cuisson finale. Le potier de l'Θpoque victorienne, contrairement α ses prΘdΘcesseurs, disposait d'une palette trΦs riche et mΩme l'impression polychrome devint possible. En 1842, une publicitΘ parue dans la Montreal Gazette offrait aux Canadiens un ½lot expΘrimental╗ de fa∩ences α dΘcor multicolore.
  36.  
  37.      L'impression monochrome de couleurs autres que le bleu Θtait annoncΘe au Canada dΦs les annΘes 1830. On trouve par exemple une publicitΘ en ce sens en 1835 dans le Missiskoui Post de Stanbridge, dans le Bas-Canada. Les consommateurs de cette collectivitΘ rurale pouvaient Θchanger des denrΘes agricoles contre les services α thΘ bruns, roses ou bleus vendus au magasin gΘnΘral d'A.L. Taylor. Comme on peut le constater, le troc Θtait une faτon courante de commercer et la vaisselle de tous les types Θtait souvent payΘe en oeufs, en pemmican ou en peaux. E.L. Barber, qui annonτait en 1863 dans le premier journal de l'Ouest, le Nor'-Wester, acceptait en paiement de sa vaisselle des ½peaux ... de la farine ou des pommes de terre, aussi bien que de l'argent╗.
  38.  
  39.      Selon toute Θvidence, la vaisselle imprimΘe plaisait autant α la clientΦle raffinΘe qu'α celle dont le choix Θtait dictΘ par le bas prix ou la possibilitΘ du troc. Ces articles figuraient, par exemple, sur les tables de gens en vue comme Lady Dawson, Θpouse du principal de l'universitΘ McGill.
  40.  
  41.      La popularitΘ de la fa∩ence imprimΘe reposait solidement sur trois facteurs: un prix relativement bas grΓce α la nature mΩme du procΘdΘ, une variΘtΘ α peu prΦs infinie de modΦles et une dΘcoration rΘsistante α l'usage grΓce α la protection de la glaτure. L'attrait gΘnΘralisΘ de la vaisselle imprimΘe victorienne fut ΘvaluΘ dans les annΘes 1870 par William C. Prime, auteur amΘricain populaire au Canada, qui dΘclarait que le procΘdΘ de l'impression sous glaτure avait atteint ½une telle perfection╗ qu'on trouvait maintenant partout ½α de trΦs bas prix╗ des dΘcors ravissants. Il ajoutait: ½Celui qui ne peut trouver parmi les fa∩ences bon marchΘ offertes aujourd'hui un modΦle qui rΘponde α ses go√ts doit Ωtre vraiment difficile, car les couleurs et les dΘcors disponibles peuvent satisfaire le client le plus exigeant.╗
  42.  
  43.      Les marchands gΘnΘraux, en ville et α la campagne, tenaient toujours de la poterie. On a retrouvΘ les livres d'un marchand de campagne, J.D. Laflamme, de West Winchester, en Ontario, qui non seulement rΘvΦlent que ses stocks diversifiΘs comprenaient de la fa∩ence imprimΘe, mais font Θgalement mention des noms de certains modΦles et donnent une idΘe des go√ts victoriens. Au dΘbut des annΘes 1880, Laflamme vendait des assiettes et des services α thΘ d'un modΦle appelΘ ½Bosphorus╗, achetΘs chez un grossiste montrΘalais α un dollar la douzaine d'assiettes.
  44.  
  45.      ½Bosphorus╗ est reprΘsentatif de toute une classe de motifs imprimΘs victoriens. Il prΘsente une vue idΘalisΘe o∙ seulement un minaret ou deux Θvoquent le dΘtroit qui sΘpare la Turquie d'Europe et la Turquie d'Asie. Les victoriens se souciaient peu de prΘcisions gΘographiques sur leur vaisselle, mais rΘpondaient α l'attrait romantique des terres lointaines ΘvoquΘes par un nom. Des motifs comme ½Bosphorus╗ flattaient beaucoup le go√t victorien pour le romantisme.
  46.  
  47.      Ce romantisme se mΩlait toutefois, de faτon un peu paradoxale, d'une fiertΘ tirΘe du progrΦs technique. Dans les annΘes 1840, les potiers britanniques, exploitant le grand intΘrΩt suscitΘ par l'exploit de Samuel Cunard qui avait lancΘ sur l'Atlantique une flotte de quatre bateaux α aubes, imprimΦrent sur la vaisselle de table et les rΘcipients de toilette des images des bateaux et de leur intΘrieur. AprΦs avoir traversΘ l'Atlantique α bord d'un bateau α vapeur de Cunard en 1842, Charles Dickens se plaignit du manque d'agrΘment de la traversΘe et dΘclara peu s√re la navigation α vapeur sur l'ocΘan; il retourna en Grande-Bretagne α bord d'un voilier. Le grand public saluait toutefois en Cunard, nΘ en Nouvelle-╔cosse, ½le meilleur ami ... du progrΦs dans toute l'histoire de la navigation maritime╗. Les fa∩ences imprimΘes tΘmoignent de la fiertΘ victorienne devant les progrΦs des sciences appliquΘes.
  48.  
  49.      La vaisselle imprimΘe rΘvΦle toute la gamme des intΘrΩts victoriens, de la fascination profonde exercΘe par le passΘ, reflΘtΘe dans le mobilier, les bijoux et les dessins des cΘramiques (motifs rococo et gothiques repris sur les services de vaisselle, par exemple), jusqu'au zΦle ardent appliquΘ α repousser les frontiΦres du savoir, illustrΘ par les scΦnes arctiques figurant la recherche dΘsespΘrΘe du Passage du Nord-Ouest. MΩme les modes ΘphΘmΦres de l'Θpoque victorienne trouvΦrent une expression en cΘramique. La ½fiΦvre des fougΦres╗ (comme la dΘcrivait un horticulteur du XIXe siΦcle) dont les victoriens furent frappΘs α divers degrΘs au cours de la pΘriode, inspira un nombre infini de motifs pour les articles de table et de toilette. Le japonisme du dernier quart du siΦcle entraεna les potiers britanniques dans le courant oriental. La fa∩ence anglo-japonaise, imprimΘe d'oiseaux aux longues jambes et des inΘvitables Θventails japonais, envahit toutes les boutiques de porcelaine du Canada. Le magasin de Laflamme ne faisait pas exception: en 1882, ses livres faisaient Θtat d'un nΘcessaire de chambre du style japonais alors en vogue.
  50.  
  51.      └ chaque saison, les importateurs promettaient α la clientΦle de nouveaux motifs: ½SERVICES └ TH╔... en bleu pΓle et brun ... divers motifs╗ annonτait Thomas Clerke dans le New Brunswick Courier (8 juillet 1848) de Saint-Jean. Dans une Φre d'Θvolution constante, les motifs imprimΘs passaient α un rythme effrΘnΘ.
  52.  
  53.      Parmi les quelques motifs produits pendant tout le XIXe siΦcle (et encore aujourd'hui), on trouvait ½Willow╗ motif crΘΘ en Angleterre au XVIIIe siΦcle, α partir d'ΘlΘments chinois. ComposΘ d'un saule familier, d'une maison de thΘ et d'un pont o∙ se tiennent trois personnages, le motif ½Willow╗ fut trΦs populaire au Canada; il n'en faut pour preuve que la multitude de piΦces ainsi dΘcorΘes qui nous sont parvenues. Les victoriens vouaient α ½Willow╗ un vΘritable culte. Longfellow l'a chantΘ en vers: 
  54.  
  55.      The willow pattern that we knew       In childhood, with its bridge of blue ...
  56.  
  57.      (Le saule de notre assiette d'enfant       et son pont bleu...)
  58.  
  59.      Dans la publicitΘ, ½Willow╗ Θtait dans une classe α part. Alors que les importateurs canadiens avaient tendance α regrouper tous les autres motifs imprimΘs sous la rubrique ½vaisselle de luxe╗, ils mentionnaient ½Willow╗ par son nom, mΩme si, dΦs la deuxiΦme moitiΘ du siΦcle, ces piΦces faisaient partie de la vaisselle dite commune (ou bon marchΘ), d'une qualitΘ α peine supΘrieure α celle des articles dits ½peints ordinaires╗ ou ½α filet╗ bon marchΘ. Dans le Niagara Chronicle (26 dΘcembre 1850), Alexander Christie annonτait de la vaisselle ½Willow╗ et commune du Staffordshire imprimΘe en bleu et en brun.
  60.  
  61.      Lorsque l'on considΦre l'importance et la typologie de la cΘramique des foyers canadiens au XIXe siΦcle, il faut accorder une place particuliΦre α la fa∩ence imprimΘe, pour deux raisons majeures. D'abord, cette fa∩ence fut trΦs rΘpandue pendant tout le siΦcle; le New Brunswick Courier annonτait ½d'ΘlΘgantes ... fa∩ences imprimΘes╗ en 1834; d'aprΦs l'Edmonton Bulletin, ½d'ΘlΘgantes fa∩ences imprimΘes╗ α des prix ½inΘgalΘs╗ Θtaient offertes en 1895. En second lieu, les piΦces imprimΘes ont une valeur Θvidente comme tΘmoins des go√ts et des attitudes. Il n'est donc pas Θtonnant qu'une rΘcente Θtude des tessons trouvΘs sur les sites de vingt Θtablissements de la Compagnie de la Baie d'Hudson, dans des rΘgions qui font maintenant partie du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, portent des motifs imprimΘs produits entre les annΘes 1830 et le dΘbut du XXe siΦcle et prΘsentant divers dessins, de la scΦne romantique au ½Willow╗ familier, du rococo α la japonerie.
  62.  
  63. La fa∩ence feldspathique 
  64.  
  65.      Des motifs imprimΘs figuraient sur la fa∩ence ordinaire des services α vaisselle, ainsi que sur des poteries, cuites α tempΘratures plus ΘlevΘes, appelΘes fa∩ences feldspathiques. Cette fa∩ence cuite α haute tempΘrature Θtait mise en marchΘ sous divers noms, y compris stone china et white granite, mais l'expression fa∩ence feldspathique s'est imposΘe comme terme gΘnΘrique. InventΘe par les potiers anglais au dΘbut du XIXe siΦcle, la fa∩ence feldspathique devint rapidement trΦs populaire sur les marchΘs d'outre-mer, et notamment au Canada, grΓce α sa durabilitΘ et α son attrait Θgal pour les riches et les pauvres.
  66.  
  67.      Comme la fa∩ence ordinaire, la fa∩ence feldspathique Θtait souvent imprimΘe sous glaτure; elle Θtait parfois peinte, lustrΘe ou dΘcorΘe α l'Θponge. La fa∩ence feldspathique la plus dispendieuse, trΦs joliment peinte et dorΘe, faisait bonne figure sur les tables des grandes maisons. Thomas Molson de MontrΘal (fils du fondateur de la cΘlΦbre brasserie) paya 16 guinΘes en 1836 un service de vaisselle en fa∩ence feldspathique peinte qu'il rΘservait, si l'on en croit son journal inΘdit, aux grandes occasions.
  68.  
  69.      Les piΦces dΘcorΘes α l'Θponge, par ailleurs, fa∩ence ordinaire ou robuste fa∩ence feldspathique, Θtaient destinΘes α une clientΦle moins raffinΘe. Le dΘcor Θtait estampΘ ou tamponnΘ, en couleurs vives sous glaτure, mais le rΘsultat Θtait plus grossier que celui obtenu par impression. Lady Dawson, qui jugeait l'impression sous glaτure tout α fait convenable pour la rΘsidence du principal de l'universitΘ McGill, n'aurait sans doute pas acceptΘ de vaisselle dΘcorΘe α l'Θponge sur sa table de rΘception. La publicitΘ rΘvΦle α quel marchΘ Θtaient destinΘs les articles dΘcorΘs α l'Θponge.Dans la Montreal Gazette (1er juillet 1851), on annonτait par exemple 250 caisses de vaisselle, entre autres des bols, des assiettes, des tasses et des soucoupes dΘcorΘs α l'Θponge, ½pour les magasins de campagne╗. Le dΘcor α l'Θponge Θtait utilisΘ sur les bols et d'autres articles appelΘs ½Portneuf╗ au QuΘbec et souvent fabriquΘs en fa∩ence feldspathique. La vaisselle dite ½Portneuf╗ n'Θtait pas,comme on l'a cru, fabriquΘe α Portneuf, prΦs de QuΘbec, mais provenait surtout de poteries britanniques et Θtait importΘe par des marchands canadiens qui voulaient faire commerce dans les campagnes o∙ les articles colorΘs Θtaient prisΘs.
  70.  
  71.      La fa∩ence ordinaire destinΘe α la table Θtait le plus souvent dΘcorΘe en couleurs, d'une faτon ou d'une autre, ne serait-ce que par un filet peint ou une feuille de thΘ lustrΘe. On en trouvait cependant aussi de grandes quantitΘs sans aucun dΘcor de couleur. Le dΘcor, quand il y en avait un, se rΘsumait souvent α un motif en relief (moulΘ). En 1899, la maison Eaton vendait ce type de fa∩ence feldspathique anglaise au prix de dΘtail de 65 cents la douzaine de tasses et de soucoupes. └ une Θpoque antΘrieure, les marchands indΘpendants de la riviΦre Rouge annonτaient ce type de vaisselle dans le Nor'-Wester comme ½fa∩ence blanche╗ en 1860 et J.P. Davis, vendeur aux enchΦres de Victoria, l'offrait en 1873 sous le nom de white granite.
  72.  
  73.      La fa∩ence feldspathique blanche ou lΘgΦrement dΘcorΘe, qui convenait par son bas prix et sa durabilitΘ aux campagnes, Θtait Θgalement apprΘciΘe, pour les mΩmes raisons, des Θtablissements publics et des h⌠tels. L'asile d'aliΘnΘs de QuΘbec, des h⌠tels comme le Donegana α MontrΘal et des navires comme ceux des compagnies Allan, Beaver et Cunard jugeaient tous commode d'employer la fa∩ence feldspathique anglaise.
  74.  
  75.      La fa∩ence feldspathique Θtait si populaire au Canada α l'Θpoque victorienne qu'il n'est pas Θtonnant que la seule poterie canadienne α s'Ωtre sΘrieusement appliquΘe au XIXe siΦcle α produire de la fa∩ence blanche pour la table l'ait choisie. Les potiers canadiens souffraient de la supΘrioritΘ gΘnΘrale des potiers europΘens, sur les plans financier et technique, comme du volume considΘrable de leurs exportations. Ce n'est qu'α Saint-Jean au QuΘbec qu'on tenta vΘritablement de concurrencer la vaisselle importΘe. En 1873, la St. Johns Stone Chinaware Company fut crΘΘe pour produire des articles de table et de toilette en fa∩ence feldspathique. Les principaux bailleurs de fonds de ce projet ambitieux Θtaient Duncan et Edward Macdonald, connus dans la rΘgion comme ½les princes commerτants de St. Johns╗.
  76.  
  77.      La compagnie fut en difficultΘ presque dΦs le dΘpart et elle fut sauvΘe par Edward Macdonald. Il l'acheta en totalitΘ et la suivit de si prΦs qu'il refusait, selon la rumeur, de prendre un seul jour de congΘ. Peu de temps aprΦs, en 1878, le News de Saint-Jean rapportait que la compagnie employait 120 potiers, dont plus de la moitiΘ venaient du Staffordshire. En 1885, le nombre de travailleurs atteignait prΦs de 400; la St. Johns Stone Chinaware Company Θtait considΘrΘe comme la plus importante poterie au Canada. Edward Macdonald mourut en 1889. En 1893, un incendie dΘsastreux rasa la poterie. └ la fin du siΦcle, le neveu de Macdonald vendit l'affaire α un groupe de cΘramistes de France et moins de deux ans plus tard, la poterie fermait dΘfinitivement ses portes.
  78.  
  79.      La fa∩ence feldspathique de Saint-Jean ne menaτa jamais les importations trΦs commercialisΘes, mais la compagnie s'Θtait taillΘ un marchΘ, surtout dans les campagnes. Hiram Boomhour, fermier de Clarenceville (α une trentaine de kilomΦtres de Saint-Jean) est bien reprΘsentatif de la clientΦle de ce genre de produits. Son fils relate dans ses souvenirs qu'il acheta un service en Θpaisse fa∩ence de Saint-Jean en 1880 ou 1881. └ la mΩme Θpoque, J.D. Laflamme tenait la fa∩ence feldspathique de Saint-Jean α son magasin de campagne en Ontario. D'aprΦs les factures du grossiste de MontrΘal, nous savons que Laflamme payait cette fa∩ence 85 cents la douzaine de tasses, sans doute avec soucoupes, et huit dollars la douzaine de brocs et de cuvettes.
  80.  
  81. La porcelaine 
  82.  
  83.      La fa∩ence - couleur crΦme, pearl ware et fa∩ence feldspathique - composa toujours la plus forte proportion d'objets en cΘramique dans les foyers canadiens. La porcelaine se rΘpandit toutefois de plus en plus, en partie parce que l'on offrait une plus grande diversitΘ d'articles. Jusqu'α 1825 environ, les potiers britanniques, principaux fournisseurs du marchΘ canadien, avaient en grande partie laissΘ la vaisselle de table aux fa∩enciers. Par consΘquent, lorsque les fonctionnaires, les officiers en garnison, les riches marchands et d'autres gens en vue utilisaient de la vaisselle de fabrication britannique, ils prenaient probablement le thΘ dans des tasses de porcelaine, mais les repas dans des assiettes de fa∩ence. L'amΘlioration progressive des techniques de fabrication de la porcelaine rΘduisit les prix de revient des grandes piΦces de vaisselle, et les potiers entreprirent de les fabriquer. └ partir des annΘes 1830, la publicitΘ canadienne fait de plus en plus souvent ention de services de vaisselle en porcelaine, en plus de services α thΘ, importΘs d'Angleterre. En 1837, l'importateur montrΘalais Thomas McAdam annonτait des services de vaisselle anglaise en porcelaine, en pearl ware et en fa∩ence feldspathique.
  84.  
  85.      └ cette Θpoque, la porcelaine n'Θtait pas vraiment bon marchΘ. Certains des services de vaisselle vendus par McAdam co√taient 60 livres, prix considΘrable si l'on songe qu'une servante habitant chez l'employeur gagnait α peu prΦs 12 livres par annΘe selon des chiffres de la Montreal Gazette en 1831. Ces articles dispendieux furent nΘanmoins de plus en plus courants sur le marchΘ α l'Θpoque victorienne, et ils trouvaient toujours preneurs.
  86.  
  87.      L'Θpoque Θtait opulente. La porcelaine abondamment dorΘe et peinte avec soin flattait le mΩme go√t victorien qui prΘfΘrait les pierres de couleur aux diamants, remplissait les salons de meubles sculptΘs avec extravagance et encourageait les architectes α dessiner des faτades imposantes. Le service α dessert peint α la main comptait parmi les services de porcelaine les plus luxueux. Un service de ce type fut achetΘ vers 1885 par Richard White, prΘsident de la Gazette, que sa situation α MontrΘal obligeait α recevoir frΘquemment α dεner. Ce service α dessert, en porcelaine tendre anglaise, est aussi caractΘristique de l'Θpoque que White est reprΘsentatif des nombreux propriΘtaires de services semblables. Le plat de service Θtait massif, les bords abondamment ornΘs, et chacune des 24 assiettes Θtait minutieusement peinte d'une scΦne diffΘrente.
  88.  
  89.      La diversitΘ accrue des articles faciles α obtenir et le nombre de plus en plus ΘlevΘ de personnes qui en avaient les moyens expliquent en partie la gΘnΘralisation de l'emploi de la porcelaine α l'Θpoque victorienne; la principale raison reste toutefois la baisse des prix. ParallΦlement α la porcelaine co√teuse, destinΘe α faire impression, on trouvait aussi une porcelaine qui, mΩme si tous ne pouvaient se l'offrir, Θtait quand mΩme abordable pour un bon nombre de ceux qui n'auraient pas cru pouvoir en possΘder α l'Θpoque o∙ ½un service de fa∩ence╗ pour emprunter l'expression de Scherck, Θtait tout ce dont la mΘnagΦre rurale avait besoin. En 1889, la maison Eaton vendait des services α thΘ en porcelaine, importΘs d'Angleterre, d'une sobriΘtΘ reconnue, pour 2,60$. Ces services de 40 piΦces co√taient moins cher que 3╜ livres de certains des thΘs annoncΘs dans le mΩme catalogue en 1899. Vers le milieu du XIXe siΦcle, on vit aussi apparaεtre sur le marchΘ canadien de la porcelaine ΘtrangΦre bon marchΘ. La porcelaine franτaise bon marchΘ fit son apparition dans certains h⌠tels (comme le St. Lawrence Hall α MontrΘal) avant 1870 et fut annoncΘe dans le Daily Times de Winnipeg en 1881, ainsi que dans le Daily Herald de Calgary en 1895.
  90.  
  91. Les bibelots 
  92.  
  93.      Les articles de table et de toilette Θtaient des objets de premiΦre nΘcessitΘ, mais les bibelots faisaient les dΘlices de l'Θpoque victorienne. Des ornements ½pour meubler un coin et flatter l'oeil╗, selon une rΘclame du Saturday Night de Toronto en 1878, avaient une place de choix dans la maison, qu'elle soit manoir ou cabane en rondins. Robert de Roquebrune, dans la description du salon du manoir de Saint-Ours, dont sa mΦre avait fait la dΘcoration en 1874, mentionne les bibelots de porcelaine qui ornaient les ΘtagΦres. Catharine Parr Traill, dans son Canadian Settler's Guide (1855), avait fait remarquer que mΩme une cabane en rondins se devait de possΘder son rayon de ½petits bibelots╗.
  94.  
  95.      Les plus populaires de tous les bibelots Θtaient ceux en parian, porcelaine crΘΘe dans le Staffordshire au cours des annΘes 1840. Au dΘpart, le parian Θtait employΘ pour la reproduction de sculptures α une Θchelle et α un prix convenant α ceux qui ne pouvaient s'offrir l'original en marbre. En effet, le parian imite trΦs bien cette matiΦre. MΩme les gens aisΘs furent sΘduits par cette porcelaine. Sir William Macdonald, le magnat montrΘalais du tabac, dΘcora d'objets de parian la maison qu'il destinait α sa mΦre et α sa soeur. Rosemount, demeure mise α la disposition du prince de Galles au cours de sa visite α MontrΘal pour l'inauguration du pont Victoria, en 1860, en Θtait Θgalement ornΘe. Les annonces publicitaires pour les bustes et les statuettes de parian traduisent l'admiration non dissimulΘe des Canadiens de l'Θpoque victorienne pour la grandeur humaine et rΘvΦlent leurs hΘros et leurs hΘro∩nes: Wellington et NapolΘon se vendaient α Toronto en 1856, Florence Nightingale α Winnipeg en 1867 et Ned Hanlan (Canadien, champion du monde d'aviron) α Saint-Jean en 1882.
  96.  
  97.      Le parian de bonne qualitΘ n'Θtait pas bon marchΘ, mais certains des objets dΘcoratifs les moins chers qu'on trouvait α l'Θpoque victorienne Θtaient en fait en porcelaine. Pour un dollar, on pouvait acheter quatre ou cinq petites figurines de porcelaine non ΘmaillΘe et de mΘdiocre qualitΘ, importΘes d'Europe. Un portier un peu ΓgΘ travaillant dans une salle d'encans α MontrΘal se souvient d'avoir dΘpensΘ, α l'Γge de 11 ans, son premier salaire pour ½un petit bout de biscuit, un bibelot╗. C'Θtait pour sa mΦre, ½parce qu'elle n'Θtait pas riche mais qu'elle mourait d'envie d'avoir un bibelot╗. Il y avait englouti les 25 cents qu'il avait gagnΘs.
  98.  
  99.      Les maisons des riches regorgeaient de figurines et de groupes en parian de prix, de vases Worcester, de grΦs Doulton dans le plus pur style esthΘtique des annΘes 1880 et de ½poteries de salon╗. Ceux qui manquaient de moyens achetaient des figurines de terre cuite bon marchΘ, qui reprΘsentaient souvent des membres de la famille royale, les petits pots souvenir les plus abordables ou, au moins, une tasse et une soucoupe de fantaisie, α usage plus dΘcoratif qu'utilitaire. 
  100.  
  101. Objets utilitaires 
  102.  
  103.      Outre les bibelots, il existait d'autres objets qui n'avaient pas leur place sur une table ou sur une ΘtagΦre, mais qui Θtaient indispensables au foyer de l'Θpoque victorienne. Il s'agissait des poteries et des grΦs grossiers et de couleur foncΘe: jattes de terre cuite pour le lait, pots α beurre en grΦs salΘ, bocaux, etc., qu'un journal de Kingston de 1867 dΘsignait par ces termes: ½Des cruches de grΦs ... et autres objets du mΩme genre╗. C'est un type de cΘramique domestique que les potiers canadiens pratiquaient surtout. Bon nombre d'entre eux travaillaient modestement. Certains Θtaient fermiers en mΩme temps que potiers, comme Jean-Baptiste Dion, qui n'Θtait aidΘ que de trois ouvriers dans son atelier de l'Ancienne-Lorette, prΦs de QuΘbec, en 1859. C'est en Ontario que les potiers Θtaient les plus nombreux; les rΘclames et les listes de prix annoncent, en 1876, des assiettes α tarte α 20 cents l'unitΘ et, dans les annΘes 1880, ½des CRUCHES de toutes sortes α partir de deux cents seulement╗. Les potiers canadiens fabriquaient Θgalement des bassins hygiΘniques, des vases de nuit, des crachoirs, des barattes et des cache-pot.
  104.  
  105.      MΩme en ce qui concernait la fabrication des articles les plus rΘpandus utilisΘs pour la cuisine et la conservation des aliments, les potiers canadiens, et en particulier ceux qui vivaient prΦs des ports, devaient faire face α la concurrence des potiers europΘens expΘrimentΘs. Le New-Brunswick Courier du 12 mai 1849 illustre de faτon frappante cette concurrence: un potier travaillant en banlieue de Saint-Jean annonτait ses jattes α lait et ses pots α beurre; ailleurs dans le mΩme journal, un importateur faisait savoir qu'il venait de recevoir ½100 CAISSES╗ de ces mΩmes objets en provenance d'Angleterre et ajoutait qu'il attendait 5 000 articles supplΘmentaires par le bateau suivant. En 1862, l'un des potiers du Staffordshire travaillant α l'usine de poterie d'Elmsdale, prΦs de Halifax, dΘclarait α un journaliste du Morning Sun que l'argile de la rΘgion utilisΘe pour faire les bocaux et les pots Θtait aussi bonne que celle qu'il avait coutume de faτonner en Angleterre. Pourtant, au cours de ce mΩme ΘtΘ, l'un des grands importateurs de Halifax faisait de la rΘclame pour ses ½solides bocaux et pots α beurre en provenance d'Angleterre╗.
  106.  
  107. La cΘramique: une page d'histoire 
  108.  
  109.      Il serait difficile de surestimer la place prise par les objets de cΘramique dans les foyers de l'Θpoque victorienne. Quiconque voudrait suivre le conseil de Macaulay et essayer de comprendre une Θpoque α la lumiΦre de la vie quotidienne se rendrait compte qu'α l'Θpoque victorienne, la cΘramique n'Θtait pas seulement prΘsente sur la table, dans les armoires de cuisine ou parmi les objets de toilette, mais qu'elle servait Θgalement α fabriquer les billes des enfants, les fontaines pour orner les serres ainsi que des carreaux de cheminΘe; on ornait aussi les meubles d'incrustations de cΘramique pour suivre une mode qui, d'aprΦs le Daily Mail de Toronto (1881), se voulait artistique.
  110.  
  111.      Il apparut dans les foyers modestes des copies bon marchΘ de piΦces en cΘramique rΘservΘes aux riches. Les trΦs pauvres, ne pouvant s'offrir quoi que ce soit, se contentaient d'objets dΘpareillΘs, de la mΩme faτon qu'ils s'habillaient avec tout ce qu'ils trouvaient. Dans son dernier ouvrage intitulΘ Pearls and Pebbles, publiΘ en 1895, Catharine Parr Trail se souvient d'avoir vu dans une cabane misΘrable au fond des bois quelques ustensiles de cuisine, quelques tasses et quelques soucoupes fΩlΘes, en poterie, quelques assiettes et gobelets de fer blanc, ainsi qu'une thΘiΦre de mΩme mΘtal, bosselΘe et amputΘe de son anse; c'est α cela que se rΘsumait la batterie de cuisine de la mΦre de famille dΘcouragΘe.
  112.  
  113.      Les objets de cΘramique constituaient des produits de premiΦre nΘcessitΘ dans les foyers de l'Θpoque victorienne; mΩme les plus pauvres possΘdaient des objets de fa∩ence. Or, qui dit produit de premiΦre nΘcessitΘ dit aussi produit commercial important. Ce fut le cas de la poterie et de la porcelaine, non seulement dans les villes o∙ les marchands spΘcialisΘs en porcelaine dΘtenaient l'essentiel du marchΘ, ou dans les magasins gΘnΘraux des villes et des villages, mais aussi chez les pionniers. Le premier numΘro du Saskatchewan Herald, premier journal α paraεtre α l'ouest de la riviΦre Rouge et α l'est des Rocheuses, annonτait le 25 ao√t 1878 dans une publicitΘ destinΘe aux colons de la rΘgion de Battleford que le magasin Mahoney & Macdonald leur offrait tout ce dont ils avaient besoin: produits alimentaires, vΩtements, poterie, etc. Evaluer le nombre de personnes qui s'adonnaient au commerce des poteries au Canada α l'Θpoque victorienne reviendrait α compter tous les commerτants, ainsi que la foule des nΘgociants et des vendeurs aux enchΦres des villes. Les marchandises qu'ils proposaient se rΘpandaient de plus en plus dans les foyers. Ils faisaient partie intΘgrante de la vie quotidienne de l'Θpoque: α ce titre,ils constituent aujourd'hui une page d'histoire.  
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