L'agriculture Θtait pratiquΘe en AmΘrique du Nord bien avant l'arrivΘe des EuropΘens dans les Prairies. Dans les terres intΘrieures de l'Ouest, par exemple, le ma∩s des Saulteux et des Mandans Θtait fort rΘputΘ dans les Θchanges entre tribus et permettait de se procurer des vΩtements et d'autres biens produits par les bandes voisines. └ l'Θpoque o∙ le commerce des fourrures dominait l'Θconomie des terres intΘrieures de l'Ouest (1670-1870), ceux qui s'y adonnaient cultivaient des jardins pour complΘter leurs rΘgimes alimentaires limitΘs, mais il s'agissait d'une agriculture de petite Θchelle qui, au mieux, permettait de subsister et se prΩtait fort mal au progrΦs ou au dΘveloppement.
Les changements survenus dans les transports et les sciences, α la fin du XIXe siΦcle et au dΘbut du XXe siΦcle, ont rΘvolutionnΘ l'agriculture des Prairies. Avec l'entrΘe en vigueur du service rΘgulier du chemin de fer, entre 1878 et 1886, le blΘ des Prairies acquit une valeur concurrentielle sur les marchΘs continental et mondial. L'introduction de nouvelles variΘtΘs de grains, comme le blΘ Red Fife et le Marquis, a permis de dΘvelopper de vastes terres nouvelles. Une meilleure connaissance de la culture des cΘrΘales sous un climat sec a permis α un plus grand nombre de fermiers de rΘsister aux caprices du climat. Ces progrΦs ont largement favorisΘ la propagation du rΩve de l'abondance rurale de l'Ouest: semer quelques boisseaux de graines au printemps, en rΘcolter des milliers α l'automne et en obtenir un bon prix sur quelque marchΘ international lointain. Ce rΩve a fascinΘ des gΘnΘrations de cultivateurs.
La premiΦre grande migration de producteurs de grains vers les prairies de l'Ouest a commencΘ au dΘbut des annΘes 1870 et a pris fin dans les annΘes 1890. Plus petite que les migrations ultΘrieures, elle fut dominΘe par des colons du sud de l'Ontario qui construisirent dans l'Ouest des rΘpliques de localitΘs ontariennes. ╔glises, banques, granges et maisons de ferme, semblables α celles de l'Est, furent construites dans les villages ruraux des Prairies et le long des routes. De mΩme, les organisations rurales, les sociΘtΘs agricoles, les loges secrΦtes, les groupements fΘminins et les comitΘs de bΘnΘvoles d'Θglises, transplantΘs de l'Ontario, sont devenus partie intΘgrante de la sociΘtΘ des Prairies.
Au cours des annΘes 1890, la seconde grande migration, beaucoup plus importante que la premiΦre, transforma les Prairies. Les colons pΘnΘtrΦrent dans les lieux retirΘs, loin des riviΦres et des premiΦres voies de chemin de fer. Ils mirent deux gΘnΘrations α y parvenir. Il fallut construire des voies de chemin de fer secondaires, des routes et des villages et amΘnager des services: processus long, difficile et co√teux. Le pourcentage de succΦs Θtait faible. DerriΦre l'image du fermier prospΦre qui avait rΘussi α dΘvelopper ses terres, se cachaient des milliers d'histoires individuelles de dur labeur, d'annΘes triomphantes, de saisons de dΘsespoir et d'une adaptation rapide aux nouvelles conditions. Dans certains districts, la moitiΘ de tous les colons ne rΘussirent pas α s'installer. Il y avait de nombreuses leτons α apprendre. Les climats et les sols des Prairies prΘsentent d'immenses diffΘrences, qui exigent une Θtude soignΘe, une solide expΘrience et une adaptation technique. MesurΘ en rΘcoltes perdues, en travaux stΘriles et en fermes abandonnΘes, le co√t de l'apprentissage Θtait ΘlevΘ.
De 1920 α 1940, une infiltration constante de colons Θtendit graduellement vers l'ouest et le nord les limites du peuplement, mais cette troisiΦme vague d'immigrants n'augmenta guΦre la surface totale cultivΘe. Les nouvelles terres, pour la plupart situΘes aux franges ouest et nord, remplacΦrent simplement des fermes peu Θconomiques, abandonnΘes par leurs propriΘtaires dΘcouragΘs.
Depuis 1940, les rΘgions rurales des Prairies connaissent une Θmigration constante. Une agriculture scientifique basΘe sur une technologie amΘliorΘe a rendu nΘcessaire l'agrandissement des fermes, dont la superficie est prΦs de 400 hectares. Les machines ont remplacΘ les hommes, les chevaux de trait ont pratiquement disparu et la vie rurale s'est transformΘe. Les consΘquences sont manifestes. De nombreuses maisons rurales construites dans les annΘes 1920 sont maintenant inoccupΘes. De petits villages, autrefois animΘs, sont devenus des centres de retraite presque vides que la plupart des voyageurs et des habitants locaux dΘlaissent pour aller magasiner dans les grandes villes. Un mode de vie, Θtabli par un travail ardu au cours des 50 annΘes prΘcΘdentes, a ΘtΘ rapidement sapΘ par les changements apportΘs aux transports et aux techniques, depuis 1940.
Les conditions de la production cΘrΘaliΦre
Bien que les producteurs de grains soient arrivΘs α des Θpoques diffΘrentes, ils se sont tous heurtΘs α des conditions comparables, dont beaucoup demeurent inchangΘes. Le sol proprement dit s'Θtage sur trois niveaux: 200 m au-dessus du niveau de la mer pour le sud du Manitoba, 360 m pour le sud de l'Alberta. Les terres intΘrieures de l'Ouest se caractΘrisent par un terrain sans arbre dans les districts du sud, un mΘlange de platanes et de peupliers dans la zone des parcs et de denses forΩts dans le nord. Dans les districts agricoles actuels, les sols sont assez semblables et, bien que rarement de premiΦre qualitΘ, suffisamment riches pour produire de bonnes rΘcoltes. Le climat se caractΘrise habituellement par au moins 100 jours sans gel, une tempΘrature mensuelle estivale de 15░ C et des prΘcipitations de 25 α 50 cm dans la saison de croissance. Cependant, le fermier ne peut se fier α des moyennes. Les nuages de pluie du printemps peuvent se vider α 2 km α peine de sa ferme et, mΩme si l'annΘe semble conforme α la moyenne dans les relevΘs mΘtΘorologiques du district, il peut se trouver en proie α une sΘcheresse qui rendra sa rΘcolte bien maigre. Les variables de la nature (sol, prΘcipitations, tempΘrature et insectes) sont des problΦmes que partagent tous les fermiers des Prairies. Comme les pΩcheurs et d'autres joueurs, ils ont l'habitude des alΘas.
Les fermiers sont Θgalement tributaires de conditions crΘΘes par l'homme qui, en gΘnΘral, se ressemblent sur toute l'Θtendue des Prairies. Avant que le peuplement soit devenu important, le gouvernement fΘdΘral avait dΘcidΘ d'employer un systΦme d'arpentage par lequel le sol Θtait lotissΘ en sections. Aussi, α quelques rares exceptions prΦs, la rΘgion entiΦre est-elle divisΘe en sections d'un mille carrΘ (260 hectares) qui renferment chacune quatre quarts de section de 160 acres (65 hectares). Voilα les unitΘs de mesure d'une ferme de l'Ouest; durant le premier demisiΦcle de la colonisation des Prairies, de nombreux fermiers choisirent un quart de section qui leur Θtait offert gratuitement et dont ils devinrent propriΘtaires de plein droit en rΘglant les redevances nΘcessaires et en vivant sur les lieux pendant trois ans. Pour les nombreuses personnes ayant achetΘ les terres aux compagnies de chemin de fer, aux sociΘtΘs fonciΦres ou α des particuliers, le systΦme de lotissement en grilles dΘterminait Θgalement la forme des fermes et la distance par rapport α leurs voisins.
Les voies de chemin de fer Θtaient Θgalement indispensables α la vie dans la ferme. L'emplacement d'une ligne secondaire et d'une gare dΘterminait la distance α parcourir pour acheter des provisions, recueillir le courrier et vendre les grains (considΘrations importantes pour des familles dont les moyens de transport Θtaient des chevaux et des boeufs). En outre, les tarifs du transport par rail aidaient α dΘterminer le co√t des marchandises dans les villes des Prairies. Ces tarifs, qui prΘoccupaient beaucoup moins nombre d'autres Canadiens, revΩtaient une importance primordiale pour les producteurs de grains des Prairies. Tout comme les taux d'intΘrΩt des banques, le co√t de l'Θquipement et le prix des aliments, ils concernaient les fermiers de faτon manifeste et dΘmontrable et faisaient souvent l'objet de litiges politiques.
Un autre produit de l'homme, dans le milieu agricole de la prairie Θtait l'ΘlΘvateur α grains, c'est-α-dire l'endroit o∙ l'on vendait les rΘcoltes. L'ΘlΘvateur devint d'ailleurs un symbole de la rΘgion, sa forme allongΘe attirant artistes et photographes. Il dΘterminait aussi la prospΘritΘ des producteurs de grains. Les cΘrΘales y Θtaient pesΘes, rΘparties en catΘgories, entreposΘes et plus tard, chargΘes dans des wagons de chemin de fer. Au dΘbut du siΦcle, les ΘlΘvateurs locaux n'Θtaient pas contr⌠lΘs par les gouvernements et nombre de fermiers estimaient qu'ils ne recevaient pas un juste prix. Ils soutenaient que la surveillance des appareils de pesage Θtait inadΘquate et les rΘductions (pour la teneur en graines de mauvaises herbes) trop ΘlevΘes. Aussi, nombre d'entre eux se mΘfiaient du systΦme existant de commercialisation des cΘrΘales et insistaient pour obtenir une rΘglementation gouvernementale.
De plus, les fermiers des Prairies se prΘoccupaient du marchΘ international. Les prix du blΘ α Chicago, α Buenos Aires, α Liverpool et α Winnipeg dΘterminaient si les producteurs de grains seraient en mesure de nourrir et d'habiller leurs familles. └ leur consternation, ce prix Θtait dΘterminΘ par le marchΘ spΘculatif des opΘrations α terme o∙ rΘgnait une atmosphΦre semblable α celle de la bourse. De nombreux fermiers auraient prΘfΘrΘ que les ventes de cΘrΘales soient rΘglementΘes par un organisme gouvernemental, car ils craignaient que les grandes sociΘtΘs cΘrΘaliΦres ne manipulent α leur avantage le marchΘ des opΘrations α terme. Aussi, les exportations de cΘrΘales, tout comme les ΘlΘvateurs, le chemin de fer et la rΘglementation sur les terres, influaient-elles sur la situation Θconomique de tous les fermiers des Prairies.
Tous ces fermiers engageaient un pari dont l'enjeu Θtait l'amΘlioration de leur vie. Ils s'efforτaient de produire des rΘcoltes dans des sols semblables et sous un mΩme climat, ils Θtaient rΘgis par les mΩmes lois, soumis au mΩme systΦme de commercialisation et tributaires du mΩme marchΘ d'exportation mondial. Chacun travaillait gΘnΘralement seul ou dans une petite entreprise, mais tous partageaient un mΩme mode de vie. Ils cherchaient α introduire dans le systΦme Θconomique et dans leur sociΘtΘ des adaptations propres α leur permettre de jouir de la sΘcuritΘ matΘrielle et d'un mode de vie fructueux et satisfaisant.
Victoires de la science et de la technique
Les recherches scientifiques parrainΘes par les gouvernements, les universitΘs et l'industrie, ont beaucoup aidΘ les fermiers. La phytotechnie se rΘvΦle trΦs importante car elle permet de dΘvelopper de nouvelles sortes de plantes qui croissent plus rapidement, rΘsistent mieux aux maladies et aux insectes et augmentent sensiblement la production. Les pΘdologues enseignent aux fermiers comment cultiver tel ou tel sol, employer des engrais pour accroεtre la productivitΘ et assortir les plantes aux types de sols. Les insecticides et les herbicides ont rΘduit les dΘprΘdations des insectes et des mauvaises herbes. De mΩme, en Θlaborant une gamme impressionnante de machines, les ingΘnieurs ont allΘgΘ le labeur des fermiers, amΘliorΘ leur contr⌠le sur les cultures et leur ont donnΘ une puissance, une vitesse et une efficacitΘ qui Θtaient inimaginables il y a un siΦcle. En observant les procΘdΘs modernes, les vieux agriculteurs disent que la vie dans la ferme a diamΘtralement changΘ. Boeufs et chevaux ont cΘdΘ la place aux camions et tracteurs; d'anciennes variΘtΘs de plantes sont remplacΘes par des graines scientifiquement choisies et nettoyΘes avec soin; tableaux d'engrais et vaporisateurs chimiques supplΘent α l'intuition et α la priΦre. Si de meilleures techniques de production peuvent rΘsoudre le problΦme du bien-Ωtre matΘriel, les fermiers contemporains ont bΘnΘficiΘ d'une aide extraordinaire dans leurs tentatives pour faire croεtre deux pousses d'herbe lα o∙ il n'y en avait qu'une auparavant.
Les campagnes en vue d'un ½juste prix╗
L'augmentation du revenu agricole peut Ωtre, bien s√r, attribuable α une hausse du rendement, mais aussi α une rΘduction des co√ts de production. Bien que les fermiers aient reτu, de divers milieux, une aide pour leur production, ils ont constatΘ qu'il leur fallait agir pour contr⌠ler leurs autres co√ts. Ainsi naquirent des mouvements agricoles tels que Grange, Patrons of Industry, les assemblΘes de producteurs de cΘrΘales, les coopΘratives, les accords de mise en commun des ressources et mΩme des partis politiques agricoles. Leur but Θtait d'amΘliorer les systΦmes de commercialisation et de transport agricole, par une intervention du gouvernement ou d'une coopΘrative et ainsi, d'obtenir pour le fermier une plus grande part du prix de vente.
Sur le marchΘ local, o∙ ils rencontraient les acheteurs de cΘrΘales α l'ΘlΘvateur ou sur la voie de chemin de fer, les fermiers avaient espΘrΘ que la concurrence Θtablirait un juste prix. Cet espoir s'Θtant rΘvΘlΘ vain du fait que les propriΘtaires d'ΘlΘvateurs s'entendaient entre eux pour fixer les prix quotidiens, les fermiers construisirent leurs propres ΘlΘvateurs pour rΘgulariser le commerce. Ainsi apparurent des chaεnes d'ΘlΘvateurs dont les propriΘtaires Θtaient des fermiers; la Grain Growers Grain Company, la Saskatchewan Co-operative Elevator Company et l'Alberta Farmers Co-operative Elevator Company. Toutes ces organisations dΘbutΦrent suivant les principes du mouvement coopΘratif international, bien que la Grain Growers Grain Company ait d√ Θliminer certaines de ses mΘthodes coopΘratives pour Ωtre admises α la Bourse des grains de Winnipeg.
Les fermiers dΘcouvrirent bient⌠t que les coopΘratives ne prΘsentaient qu'un faible avantage tant qu'ils ne contr⌠laient pas une forte proportion du blΘ vendu α l'Θtranger. Ils apprirent cette leτon entre 1917 et 1920 lorsque, vu l'instabilitΘ des marchΘs de l'heure, le gouvernement fΘdΘral contr⌠lait toutes les exportations de blΘ et versait des prix bien supΘrieurs α ceux d'avant la guerre, α la grande joie des producteurs des Prairies. Toutefois, l'abolition des commissions gouvernementales co∩ncida avec l'effondrement des prix du blΘ, aussi les fermiers lancΦrent-ils une autre campagne pour s'assurer la part du lion des exportations canadiennes et influer ainsi sur le prix international. Leur arme prΘfΘrΘe, conτue aux ╔tats-Unis et en Australie, fut le syndicat du blΘ, dont les membres devaient vendre leurs cΘrΘales α une organisation d'exportation centrale et recevoir un prix annuel moyen fixΘ d'aprΦs la qualitΘ des grains. Les syndicats fonctionnΦrent bien vers la fin des annΘes 1920 mais s'effondrΦrent pendant la Crise, et le gouvernement fΘdΘral dut encore intervenir pour aider la commercialisation. En 1943, l'organisme de commercialisation fΘdΘrale, la Commission canadienne du blΘ, devint l'unique responsable de toutes les ventes de blΘ des Prairies; elle l'est encore de nos jours. Plus tard, elle devint l'agent exclusif pour la vente d'autres cΘrΘales, dont la majeure partie de l'avoine et de l'orge. Aussi, depuis plus de 35 ans, le gouvernement fΘdΘral est-il chargΘ de vendre une forte proportion de la production cΘrΘaliΦre des Prairies. Les fermiers sont toujours α la merci des prix internationaux mais, α cause de la Commission, ils peuvent habituellement obtenir un bon prix pour les produits canadiens.
Tout comme les co√ts de commercialisation, les tarifs de transport des marchandises diminuent les recettes du fermier et sont donc observΘs de prΦs par les dirigeants des Prairies. Comme le savent tous les enfants des Θcoles de l'Ouest, le coeur de ce dΘbat est l'accord sur les tarifs de transport par le col Crowsnest qui, presque continuellement depuis 1897, fixe des tarifs maxima ou plafonds pour l'expΘdition des grains. Raisonnable α l'Θpoque, l'accord fut imposΘ α la compagnie de chemins de fer Canadien Pacifique en Θchange d'une forte subvention fΘdΘrale α financer la construction d'une voie ferrΘe vers les gisements de charbon et de minerais de la rΘgion du col Crowsnest, dans le sud de l'Alberta et le sud-est de la Colombie-Britannique. Les co√ts d'expΘdition ont augmentΘ dramatiquement au cours des 80 derniΦres annΘes, mais ce n'est pas le cas pour les tarifs d'expΘdition autorisΘs, au grand dΘsespoir de certains cadres des compagnies de chemins de fer. └ cette objection, les fermiers rΘpondent que les tarifs restent bas afin de subventionner les co√ts de production agricole tout comme les voies de chemin de fer l'ont ΘtΘ par les contribuables au moment de leur construction, et tout comme le fabricant est subventionnΘ par le consommateur qui est forcΘ d'acheter des biens protΘgΘs par des tarifs. Le dΘbat est sans fin. Cependant, tout comme dans le cas de leurs luttes pour les prix rΘgionaux et internationaux des cΘrΘales, la plupart des fermiers dΘfendent le plafond sur les tarifs de transport, qu'ils jugent nΘcessaires pour leur permettre d'obtenir ce qu'ils dΘcrivent comme un juste prix de leur labeur.
Les producteurs de grains employaient des mΘthodes coopΘratives non seulement pour abaisser le co√t de manutention mais aussi pour constituer une solution de rechange, plus Θconomique et contr⌠lΘe localement, aux grandes entreprises et aux banques. Les coopΘratives d'ΘlΘvateurs, par exemple, achetaient en vrac des approvisionnements agricoles comme les ficelles d'engerbage et les engrais, et les distribuaient aux membres au prix co√tant. Les cercles coopΘratifs d'achat, dont les buts Θtaient semblables, devinrent souvent des coopΘratives α part entiΦre qui concurrenτaient d'autres supermarchΘs. Les magasins α leur tour devinrent des grossistes en mesure d'acheter et mΩme de fabriquer des produits en quantitΘ. Au cours des annΘes 1930, les producteurs de grains Θtablirent, pour rΘpondre α leurs besoins financiers, des coopΘratives de crΘdit qui se transformΦrent α la longue pour constituer les grandes centrales de crΘdit des annΘes 1970. De mΩme, la recherche de solutions de rechange aux entreprises extΘrieures occasionna l'Θtablissement de coopΘratives d'assurances et de raffinage du pΘtrole, ainsi que d'une fabrique de machines agricoles. Par de telles innovations, les fermiers acquirent un certain contr⌠le sur de nombreuses activitΘs Θconomiques, ce qui leur donna l'assurance de pouvoir obtenir la ½juste rΘmunΘration de leur travail╗, qui auparavant n'avait cessΘ de se dΘrober.
La protestation rurale
Le mouvement coopΘratif n'Θtait pas qu'une simple solution de rechange Θconomique. Il est vrai que dans les Prairies, comme dans le mouvement international, les coopΘratives devaient permettre un contr⌠le dΘmocratique sur les institutions Θconomiques. Cependant, elles Θtaient Θgalement les bastions de la sociΘtΘ rurale. En amΘliorant le niveau d'instruction de leurs membres, elles espΘraient favoriser la vie culturelle de l'Ouest et la participation populaire α d'importantes dΘcisions politiques. Aussi, le mouvement coopΘratif des producteurs de grains encouragea-t-il les Θtablissements d'enseignement aux adultes, l'amΘlioration des Θcoles locales, la tempΘrance, le suffrage fΘminin et la rΘforme politique. Certains membres du mouvement allΦrent plus loin et, dans leurs Θlans les plus idΘalistes, rΩvΦrent d'Θtablir un Θtat coopΘratif.
C'est en politique que se manifesta le plus fortement l'influence des fermiers. Par exemple, lorsqu'ils entamΦrent leur campagne pour obtenir une rΘglementation fΘdΘrale du commerce des grains, ils convainquirent leurs dΘputΘs de les appuyer et rΘussirent α faire voter le Manitoba Grain Act de 1900, qui rΘglementait la vente des grains au niveau des ΘlΘvateurs locaux. Mais lorsqu'ils essayΦrent d'abaisser les tarifs ou de faire construire une voie ferrΘe jusqu'α la baie d'Hudson, dΘmarches qui nuiraient α de puissants intΘrΩts financiers du centre du Canada, ils se heurtΦrent α une ferme opposition au Parlement. MΩme dans les provinces des Prairies, o∙ les hommes politiques prΩtaient une oreille attentive aux porte-parole des agriculteurs, les fermiers conclurent qu'ils pouvaient amΘliorer les lois en formant leur propre gouvernement. Aussi, des partis agricoles s'organisΦrent-ils dans les Prairies et α travers le pays, de 1919 α 1922, formant des gouvernements en Ontario, au Manitoba et en Alberta. Le parti progressiste (Progressive Party), qui reprΘsentait les agriculteurs, remporta un quart des siΦges α la Chambre des communes fΘdΘrale en 1921. Bien que ces mouvements politiques aient fini par disparaεtre, les agriculteurs ont contribuΘ α la formation de deux nouveaux partis dans les annΘes 1930 - le Parti social dΘmocratique (ancΩtre du Nouveau Parti DΘmocratique) et le CrΘdit social - et depuis lors, s'expriment encore fermement dans les dΘbats politiques. Les fermiers ont depuis longtemps reconnu et mΩme exagΘrΘ l'importance des dΘcisions gouvernementales et ont constamment essayΘ de faire prΘvaloir leurs points de vue. Lorsqu'ils ne s'attaquaient pas α de puissants intΘrΩts implantΘs de longue date, ils arrivaient habituellement α leurs fins. Par contre, lorsqu'il s'agissait d'adversaires plus forts, comme dans le cas de la Commission du blΘ (α laquelle s'opposaient les vendeurs de grains privΘs) ou de la rΘglementation des tarifs de transport (que refusaient les compagnies de chemin de fer), ils ont eu moins de succΦs.
Les Prairies: sociΘtΘ en mutation
L'intΘrΩt manifestΘ par les producteurs de grains pour la sΘcuritΘ Θconomique Θtait liΘ α leur souci d'une vie communautaire heureuse et productive. En 40 ans seulement, les citoyens, comme le gouvernement, se sont efforcΘs d'Θtablir des villes, des entreprises et des Θtablissements culturels pour plus d'un million de nouveaux immigrants. Par un coup du sort extraordinaire, α peine eut-on crΘΘ un vaste rΘseau de villages, d'Θcoles, d'Θglises et d'autres commoditΘs sociales, que l'on dut entamer le processus douloureux de leur dΘmantΦlement. L'histoire de la sociΘtΘ rurale des Prairies, comme celle de l'Θconomie rurale, est ponctuΘe de changements rapides et parfois dΘconcertants.
Le plus important facteur de la vie sociale agricole, au cours des premiΦres annΘes de peuplement, fut l'isolement de la famille. Les gens vivaient et travaillaient seuls; pendant plusieurs jours et parfois plusieurs semaines, ils ne voyaient aucun Θtranger. Une ferme, comme une εle de la mer, pouvait se trouver α plusieurs kilomΦtres du premier voisin. Les exigences de la ferme, les rigueurs de l'hiver et les dispositions mΩme d'une loi sur les concessions de terres agricoles (qui exigeaient α une certaine Θpoque jusqu'α six mois de rΘsidence quotidienne consΘcutive par annΘe dans une section, durant trois ans) imposaient un rΘgime sΘvΦre au colon et α sa famille. └ la longue, les difficultΘs de la nouvelle vie s'aplanissaient. Une maison confortable remplaτait la cabane; des cl⌠tures enfermaient les vaches, les chevaux et les porcs; les Θcoles locales fournissaient non seulement une instruction mais des amis, des compagnons de jeu et des interlocuteurs pour les enfants des fermiers. Ces rΘseaux de vie rurale, souvent centrΘs sur une Θcole ou une Θglise, se dΘveloppΦrent dans les Prairies au cours des dix ans suivant les premiers Θtablissements dans un district. Ils complΘmentaient l'autre centre de la vie agricole, ville ou village, que seuls frΘquentaient rΘguliΦrement les gens qui habitaient α moins de cinq ou six kilomΦtres de lα.
La vie en ville fut d'abord une simple extension de la vie dans la ferme et bon nombre des habitants Θtaient simplement des fermiers dont les champs s'Θtendaient juste au-delα des derniΦres rues. Cependant les petites villes acquirent graduellement une vie propre, tout α fait diffΘrente de celle des fermes familiales et beaucoup plus rapprochΘe de celle des grands centres urbains des Prairies. La petite ville existait toutefois pour servir le fermier, aussi les relations entre les deux sociΘtΘs Θtaient-elles habituellement cordiales.
Presque toutes les petites villes sont nΘes parce qu'elles Θtaient situΘes le long d'une voie de chemin de fer α une distance appropriΘe (10 α 20 km) de la localitΘ prΘcΘdente. La distance qui les sΘparait Θtait apparemment dΘterminΘe par la commoditΘ et l'Θconomie des transports par chariots α chevaux dans le district environnant. La gare et les ΘlΘvateurs situΘs le long des voies constituaient le centre des affaires car la rue principale (c'est-α-dire la plus grande artΦre de communication) Θtait soit parallΦle, soit perpendiculaire α la voie ferrΘe. La rue des affaires Θtait gΘnΘralement trΦs large (jusqu'α 25 m car, prΘtendait-on, il fallait accueillir les chariots α chevaux par temps humides) et se caractΘrisait par des bΓtiments α un Θtage, souvent en bois, dont les hautes faτades rectangulaires Θtaient destinΘes α donner une impression de stabilitΘ et de prospΘritΘ. Aussi impermanente et utilitaire qu'elle ait pu paraεtre, la petite ville acquit graduellement un sens d'autonomie et de communautΘ. Ses habitants participaient plus rΘguliΦrement aux clubs et aux sports, apprenaient plus rapidement les nouvelles du monde et obtenaient des commoditΘs (comme le tΘlΘphone et des appareils Θlectriques) avant leurs concitoyens ruraux. MΩme si la production et la vente des grains leur fournissaient une raison d'Ωtre commune, petites villes et fermes appartenaient α des mondes diffΘrents.
L'Θcart qui les sΘparait diminua aprΦs 1940 par suite des grands changements apportΘs α l'agriculture et α l'ensemble de la sociΘtΘ. Les commoditΘs de la vie citadine, l'ΘlectricitΘ, l'eau courante et la tΘlΘvision sont α la portΘe de nombreux agriculteurs; l'automobile raccourcit les distances qu'il fallait auparavant franchir α cheval et permet d'atteindre facilement les voisins et les villes lointaines.
La modification la plus frappante de la sociΘtΘ rurale est la diminution rapide de sa population. Les machines modernes rΘduisent les besoins en main-d'oeuvre agricole et, de nos jours, biens moins de travailleurs et de fermes (dont la superficie est beaucoup plus grande) occupent les Prairies. La population des provinces des Prairies continue α augmenter, mais la proportion habitant des fermes et se livrant α des activitΘs agricoles diminue. De nombreuses petites villes des Prairies ont Θgalement vu baisser leur population, ce qui ne veut pas dire qu'elles sont vouΘes α la disparition. Quelques-unes croεtront et prospΘreront α mesure que la sociΘtΘ des Prairies s'adapte α des changements radicaux.
Le commerce des grains: industrie de base
Le grain des Prairies a jouΘ un r⌠le essentiel dans l'expansion canadienne. Il a contribuΘ α peupler une vaste rΘgion et fut au moins partiellement α l'origine de la prospΘritΘ Θconomique du dΘbut du XXe siΦcle ainsi que de la crise Θconomique des annΘes 1930. Dans cette rΘgion, mΩme de nos jours, le sort des grains influe sur le sort de chacun. La production et les prix des principales cΘrΘales et graines olΘagineuses ont des rΘpercussions non seulement sur les fermiers, mais aussi sur les compagnies de chemins de fer, les agents d'assurances et les vendeurs d'outils. Comme pour les autres industries de base, la production des grains est dΘterminante non seulement pour l'Θconomie mais pour l'organisation sociale et le comportement politique. Par exemple, le rΘseau des villages et les mouvements de protestation agricole sont directement influencΘs par la production de grains. Comme on pouvait s'y attendre, la prΘpondΘrance Θcrasante des grains a fait naεtre des craintes α l'Θgard d'une spΘcialisation excessive. MalgrΘ les progrΦs de la science et de grands travaux d'irrigation, la rΘgion a trop souvent eu α offrir de maux occasionnΘs par la faiblesse des rΘcoltes ou l'insuffisance des prix. En fait, l'histoire contemporaine de l'Ouest, dominΘe par les dΘbats sur l'exploitation du pΘtrole, de la potasse, de l'uranium et de l'Θnergie hydro-Θlectrique, peut Ωtre considΘrΘe comme une lutte pour la diversification Θconomique afin de libΘrer la rΘgion de l'incertitude que prΘsente une Θconomie fondΘe sur la monoculture.