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Text File  |  1994-06-10  |  62KB  |  119 lines

  1. LA PR╔HISTOIRE DE L'ARCTIQUE CANADIEN 
  2.  
  3. Robert McGhee 
  4.  
  5.      Pour la plupart des Canadiens, l'Arctique est une terre dΘnudΘe et inhospitaliΦre, α peine habitable. Peu nombreux sont ceux qui savent que les ancΩtres des AmΘrindiens et des Esquimaux y vivaient dΘjα il y a trΦs longtemps. Et pourtant, c'est du nord-ouest de l'Arctique canadien que nous viennent des indices convaincants de la plus ancienne prΘsence humaine dans le Nouveau-Monde. Il y a au moins 30 000 ans, cette rΘgion Θtait habitΘe par des gens du PalΘolithique, chasseurs de mammouths et d'autres espΦces de gros gibier. └ une Θpoque postΘrieure au recul des glaciers de la derniΦre glaciation, les ancΩtres des AmΘrindiens ont poussΘ vers le nord, α la poursuite des animaux; il y a plus de 8 000 ans, ils avaient progressΘ au-delα de la limite de la vΘgΘtation arborescente. Les Esquimaux, ou des peuples de type esquimau, habitaient les rΘgions les plus septentrionales du haut Arctique il y a 4 000 ans dΘjα.
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  7.      Les habitants prΘhistoriques de l'Arctique canadien Θtaient des chasseurs et des pΩcheurs, et la rΘgion leur offrait une subsistance convenable. Une rΦgle Θcologique d'application gΘnΘrale veut que, plus on s'Θloigne de l'Θquateur et que l'on se rapproche des p⌠les, moins on trouve d'espΦces animales diffΘrentes. Les populations de ces espΦces sont toutefois relativement nombreuses. Les variations extrΩmes du climat arctique influent sur tous les aspects de la vie animale. La migration, la prΘsence de nourriture et la mise bas occasionnent chez de nombreuses espΦces de denses concentrations saisonniΦres. Ces facteurs se conjuguent pour faire de la chasse et de la pΩche dans l'Arctique des activitΘs fort productives. DΦs qu'on sait quand les caribous en migration traversent un certain lac, α quelle Θpoque l'omble remonte une riviΦre, et o∙ les phoques et les morses se concentrent α cause des conditions locales de la glace, il est possible de tuer un grand nombre de ces animaux en peu de temps. Plus au sud, les chasseurs doivent passer plus de temps α chercher un gibier fort ΘparpillΘ et ne peuvent abattre que des individus isolΘs. Ainsi, pour les groupes de chasseurs, l'Arctique reprΘsente depuis toujours un milieu vital attirant. En fait, il semble que la rΘgion ait ΘtΘ habitΘe dΦs que se sont dΘveloppΘes les techniques permettant aux hommes de se protΘger contre les rigueurs de ses hivers et de poursuivre et tuer les animaux qui la peuplent.
  8.  
  9.      Comme les AmΘrindiens et les Esquimaux de l'Arctique n'ont laissΘ aucun tΘmoignage Θcrit de leur passΘ, et que les traditions orales ne remontent pas au-delα de quelques gΘnΘrations, presque tout ce que nous savons sur la rΘgion est nΘcessairement le fruit de recherches archΘologiques. La fouille et l'Θtude des restes des villages et des campements occupΘs par les gens prΘhistoriques nous donnent au moins une vague idΘe de leur mode de vie. Les vestiges de maisons et d'emplacements de tentes nous font connaεtre l'importance approximative des Θtablissements. Les ossements des animaux abattus pour Ωtre mangΘs, gΘnΘralement bien conservΘs dans le sol gelΘ de l'Arctique, renseignent l'archΘologue sur le rΘgime alimentaire des gens. Ces mΩmes ossements, ainsi que le charbon de bois provenant des feux de cuisson, peuvent Ωtre analysΘs par la mΘthode du radiocarbone pour dΘterminer l'Γge approximatif des Θtablissements. En examinant les outils et les armes perdus ou jetΘs par les plus anciens habitants d'un site et en les comparant aux objets trouvΘs ailleurs, l'archΘologue apprend comment diverses techniques prΘhistoriques de l'Arctique ont ΘvoluΘ avec le temps.
  10.  
  11.      L'Θtude des populations modernes ou historiques de l'Arctique facilite pour les archΘologues celle des habitants prΘhistoriques de la rΘgion. Les Esquimaux et les AmΘrindiens qui occupent aujourd'hui la rΘgion avaient, avant l'introduction des matΘriaux et des idΘes des EuropΘens, des modes de vie qu'ils avaient hΘritΘs de leurs ancΩtres. Notre connaissance de ces peuples nous fournit des indices d'une valeur inestimable qui facilitent la reconstitution de la vie des groupes prΘhistoriques. L'utilitΘ de cette mΘthode est toutefois assez limitΘe, car les schΦmes culturels de l'Arctique se sont transformΘs rapidement pour s'adapter aux conditions changeantes du milieu. Comme nous le verrons, bon nombre des groupes prΘhistoriques qui nous intΘressent avaient des modes de vie tout α fait diffΘrents de ceux de leurs descendants du XIXe siΦcle. On peut Θgalement retracer l'histoire des AmΘrindiens et des Esquimaux, jusqu'α un certain point, par l'Θtude de leurs langues et de leurs caractΘristiques physiques ou raciales. Par exemple, tous les groupes connus sous le nom d'Esquimaux parlent des langues apparentΘes, qui doivent donc toutes remonter α une mΩme langue ancestrale. Les langues esquimaudes ont des affinitΘs avec celle des AlΘoutes des εles AlΘoutiennes, ce qui laisse croire que les deux groupes descendent d'une population commune ayant vΘcu il y a trΦs longtemps. De mΩme, les langues esquimaude et alΘoutienne ont un lointain lien de parentΘ avec celles des Tchoukchis, des Koriaks et des Kamtchadales du nord-est de la SibΘrie. Cette affinitΘ laisse croire qu'Esquimaux et AlΘoutes sont d'origine asiatiquethΘorie que vient corroborer le fait que leurs langues ne sont apparentΘes α aucune de celles des AmΘrindiens de l'AmΘrique du Nord.
  12.  
  13.      Les caractΘristiques raciales de ces peuples septentrionaux racontent une histoire similaire. On groupe les Esquimaux et les AlΘoutes avec plusieurs gens du nord-est de la SibΘrie dans une catΘgorie connue sous le nom d'arcto-mongolo∩de, caractΘrisΘe en particulier par des traits faciaux trΦs plats. Les groupes amΘrindiens du nord du Canada et de l'Alaska ne prΘsentent pas ces traits, mais se rapprochent davantage des groupes amΘrindiens des rΘgions plus mΘridionales. Ici encore, les donnΘes semblent indiquer une histoire diffΘrente: les ancΩtres des AmΘrindiens sont venus du sud, tandis que les Esquimaux ont de plus proches liens de parentΘ avec les groupes sibΘriens et ont pu venir d'Asie α une Θpoque postΘrieure α la migration par laquelle les ancΩtres des AmΘrindiens sont arrivΘs en AmΘrique du Nord.
  14.  
  15.      ╔tant donnΘ les limitations de nos connaissances actuelles sur la prΘhistoire de l'Arctique, il n'est pas Θtonnant que bien des aspects en restent vagues et incertains. Ce modeste ouvrage omet bon nombre de dΘtails et d'arguments qui n'intΘressent que les archΘologues, ce qui donnera peut-Ωtre au lecteur l'impression que la prΘhistoire de l'Arctique est simple et bien comprise. Il n'en est rien, et il faut se rendre compte que notre comprΘhension est basΘe sur la fouille d'un nombre relativement limitΘ de sites archΘologiques. Nous pouvons Ωtre s√rs que les investigations archΘologiques futures modifieront notre point de vue et Θclairciront bon nombre de dΘtails qui sont prΘsentement obscurs.
  16.  
  17. Les chasseurs du PalΘolithique(30 000-10 000 av. J.-C.) 
  18.  
  19.      Pendant la majeure partie des 100 000 derniΦres annΘes, les glaciers continentaux de la derniΦre glaciation recouvraient le gros du Canada. La plus grande rΘgion dΘcouverte se trouvait dans l'Arctique occidental, o∙ elle s'Θtendait vers l'ouest α partir du delta du Mackenzie. Elle constituait la lisiΦre orientale d'une grande rΘgion ΘpargnΘe par les glaciers qui s'Θtendait sur le nord du Yukon, de l'Alaska et de la SibΘrie. Large de quelque 1 000 kilomΦtres, cette rΘgion joignait l'Alaska α la SibΘrie. Ce pont terrestre a livrΘ passage aux habitants des toundras de l'Θpoque glaciaire: le caribou, le cheval, le mammouth et les chasseurs sibΘriens du PalΘolithique qui les poursuivaient. Il y a plus de 30 000 ans, et peut-Ωtre y a-t-il dΘjα 60 000 ans, ces groupes avaient atteint le nord du Yukon. On a trouvΘ leurs outils d'os de facture grossiΦre dans les berges ΘrodΘes des riviΦres de la rΘgion d'Old Crow Flats. La plupart de ces outils ne sont que des Θclats tranchants dΘtachΘs par percussion d'os de mammouth, mais il y a aussi un grattoir en os de caribou et une alΦne faτonnΘe α partir d'un tibia de huart.
  20.  
  21.      Nous n'en avons pas de preuve certaine, mais nous soupτonnons que les descendants de ces premiers immigrants sont restΘs dans l'extrΩme nord-ouest du Canada tout au long de la derniΦre partie de l'Θpoque glaciaire. Ils Θtaient probablement les ancΩtres des habitants dont on retrouve les outils dans les cavernes locales et qu'on a datΘs d'environ 11 000 av. J.-C. └ cette Θpoque, une partie de ces gens se sont probablement dΘplacΘs vers le sud pour devenir les ancΩtres des AmΘrindiens.
  22.  
  23. Les premiΦres occupations amΘrindiennes(10 000-2 000 av. J.-C.) 
  24.  
  25.      La fonte des glaciers continentaux s'est amorcΘe vers 13 000 avant J.-C. et, dΦs 8 000 avant notre Φre, la dΘglaciation avait atteint la plus grande partie de l'ouest de l'Arctique. Les eaux de la mer de BΘring avaient remontΘ au point o∙ l'Alaska et la SibΘrie Θtaient de nouveau sΘparΘs. Nous soupτonnons qu'α ce moment-lα, les ancΩtres de tous les AmΘrindiens Θtaient dΘjα passΘs d'Asie en AmΘrique du Nord. └ mesure que les glaciers rΘgressaient vers le nord et que la vie s'Θtablissaient dans les rΘgions dΘcouvertes, divers groupes de chasseurs amΘrindiens ont commencΘ α se dΘplacer vers le nord pour pΘnΘtrer dans ce qui est maintenant l'Arctique canadien. Ceux-ci, pendant qu'ils habitaient, au cours de la pΘriode glaciaire, les toundras de basse latitude qui existaient dans les Plaines du sud, dans la rΘgion des Grands Lacs et en Nouvelle-Angleterre, avaient dΘveloppΘ des technologies et des modes de vie adaptΘs tout au moins aux conditions subarctiques.
  26.  
  27.      Bien que nous soupτonnions que des descendants des premiers immigrants du PalΘolithique aient continuΘ α occuper le Yukon et l'Alaska, certains indices donnent α penser que des chasseurs amΘrindiens ont commencΘ α se dΘplacer vers le nord dΦs 9 000 av. J.-C. Ils apportaient avec eux des pointes de lance α cannelures d'une facture distinctive, qui avaient ΘtΘ dΘveloppΘes au sud de la couche glaciaire. Au moins 6 000 ans av. J.-C., la rΘgion de la toundra, entre la baie d'Hudson et le Grand Lac de l'Ours, avait ΘtΘ occupΘe par des AmΘrindiens qui se servaient de pointes de lance lancΘolΘes, identiques α celles utilisΘes par les chasseurs de bison des Plaines centrales. Certains de ces groupes ont peut-Ωtre adaptΘ leurs techniques de chasse au bison α la poursuite du caribou dans la forΩt septentrionale et la rΘgion mΘridionale de la toundra, remontant vers le nord α mesure que ce milieu s'Θtendait et transformait des rΘgions qu'avaient recouvertes autrefois les glaciers. Des AmΘrindiens ont vΘcu dans cette rΘgion de faτon presque continue depuis cette Θpoque, s'avanτant l'ΘtΘ sur la toundra α la poursuite du caribou et se retirant l'hiver dans la forΩt.
  28.  
  29.      Sur la c⌠te atlantique, nous avons des indices d'un troisiΦme grand dΘplacement vers le nord, qui a atteint la rΘgion du Labrador contiguδ au dΘtroit de Belle-Isle au moins 7 000 ans av. J.-C., et l'extrΩme nord du Labrador vers 3 000 av. J.-C. Ces AmΘrindiens de tradition de l'Archa∩que des Maritimes Θtaient des chasseurs de caribou, mais ils ont d√ possΘder une technologie de chasse en mer assez avancΘe, car nous avons la preuve qu'ils ont abattu des phoques et des morses. Notre connaissance de tous ces groupes nous vient principalement des outils en pierre qu'ils ont laissΘs derriΦre eux -- objets qui ne fournissent que des renseignements limitΘs sur la vie de leurs crΘateurs. Les sΘpultures des gens de tradition de l'Archa∩que des Maritimes nous donnent toutefois des aperτus sur leur religion et leur sociΘtΘ. DΦs 5 000 av. J.-C., ces occupants du sud du Labrador inhumaient certains individus dans des cryptes de pierre recouvertes de grands amas de roches. Cette pratique funΘraire est plus avancΘe que toutes les autres dont nous connaissons l'existence dans le monde d'alors. Leur groupe a d√ Ωtre petit et Θparse, mais ces chasseurs anciens de l'Arctique semblent avoir eu le temps et l'Θnergie nΘcessaires pour consacrer au soin de leurs morts un nombre incalculable de pensΘes et d'efforts physiques.
  30.  
  31.      DΦs 5 000 av. J.-C., les glaciers continentaux s'Θtaient retirΘs jusqu'aux εles montagneuses de l'est de l'Arctique et de l'extrΩme nord du Labrador, o∙ ils subsistent aujourd'hui, vestiges de la derniΦre glaciation. Il semble que, de 7 000 α 2 000 ans av. J.-C., le climat de l'Arctique ait ΘtΘ considΘrablement plus chaud qu'il ne l'est aujourd'hui, et la limite de la vΘgΘtation arborescente se situait plus au nord. Et pourtant, mises α part les expΘditions d'ΘtΘ des AmΘrindiens chasseurs de caribou, les vastes rΘgions de la toundra et de la c⌠te arctique sont restΘes inhabitΘes. Cette absence d'occupation humaine Θtait due, non pas α une pΘnurie de ressources dont les chasseurs auraient pu vivre, mais α l'absence d'une technologie permettant la survie sur la toundra pendant les hivers arctiques. Les AmΘrindiens ne pouvaient trouver d'arbres pour construire leurs abris ou faire du feu. Mais loin α l'ouest, soit en Alaska, soit en SibΘrie, il existait des groupes qui Θtaient en train d'acquΘrir une telle technologie.
  32.  
  33. Les immigrants venus de SibΘrie(8 000-2 000 av. J.-C.) 
  34.  
  35.      Vers 8 000 av. J.-C., α peu prΦs α l'Θpoque o∙ le dΘtroit de BΘring a ΘtΘ envahi par les eaux, de petits groupes de chasseurs ont commencΘ α faire leur apparition en Alaska, apportant avec eux une technologie d'outils en pierre qui Θtait ΘtrangΦre α l'AmΘrique du Nord. Cette technologie Θtait basΘe sur des styles du MΘsolithique sibΘrien et comportait l'usage de microlames, petites lamelles de pierre tranchantes faτonnΘes selon un procΘdΘ spΘcial, pour donner des bords tranchants aux lances et aux couteaux en os. Certains archΘologues croient que ces immigrants, peut-Ωtre les derniers α pΘnΘtrer en AmΘrique du Nord par voie terrestre, Θtaient les ancΩtres des Athabascans du nord-ouest du Canada et de l'Alaska, tandis que d'autres soupτonnent qu'ils Θtaient peut-Ωtre les ancΩtres des Esquimaux et des AlΘoutes. Cette derniΦre opinion est appuyΘe par le fait que des vestiges archΘologiques dΘcouverts dans l'εle d'Anangula, α l'extrΘmitΘ orientale de la chaεne des AlΘoutiennes, semblent indiquer une continuitΘ technologique entre ces immigrants anciens et les AlΘoutes de la pΘriode historique. Ailleurs, la situation n'est pas aussi claire. Dans la majeure partie de l'Alaska continental, les vestiges tΘmoignent seulement d'une occupation amΘrindienne au cours de la pΘriode s'Θtendant approximativement de 6 000 α 2 000 av. J.-C. Cependant, sur la c⌠te pacifique de l'Alaska nous trouvons, dΦs 4 000 av. J.-C., une culture de chasse maritime qui ressemble sur le plan technologique α celle des habitants des εles AlΘoutiennes voisines. Lα encore, il semble y avoir continuitΘ entre ces gens et les Esquimaux qui occupaient la c⌠te sud de l'Alaska dans les temps historiques. Il est donc possible que les ancΩtres des Esquimaux et des AlΘoutes soient arrivΘs en AmΘrique dΦs 8 000 av. J.-C. et qu'ils aient dΘveloppΘ leur propre mode de vie maritime sur la c⌠te pacifique de l'Alaska et dans les εles AlΘoutiennes. Ils ont pu subir l'influence des riches cultures de chasse aux animaux marins qui se dΘveloppaient plus au sud sur la c⌠te de la Colombie-Britannique.
  36.  
  37.      L'envahissement du dΘtroit de BΘring par les eaux n'a pas mis fin α l'immigration en Alaska α partir de la SibΘrie. Il est possible que les ancΩtres des Esquimaux aient traversΘ le dΘtroit α une Θpoque ultΘrieure; ils auraient probablement appartenu α la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique. Leurs campements commencent α faire leur apparition sur les c⌠tes et dans les rΘgions de toundra du nord et de l'ouest de l'Alaska vers 2 000 av. J.-C. Les outils de pierre que l'on trouve sur les lieux de ces campements sont les produits d'une technologie totalement diffΘrente de toutes les traditions antΘrieures connues en Alaska ou ailleurs en AmΘrique du Nord, et sont trΦs similaires α ceux utilisΘs par les groupes du NΘolithique en SibΘrie. Comme l'indique le nom Tradition des outils microlithiques de l'Arctique, presque tous les outils de pierre sont extrΩmement petits. Ceux-ci comprennent des microlames, semblables α celles apportΘes en Alaska par des immigrants plus anciens, des burins (outils spatialisΘes pour le dΘcoupage des os, munis d'un tranchant comme celui d'un ciseau), de minuscules lames triangulaires servant de pointes de harpon, et de petites pointes de flΦche, qui constituent probablement le premier indice de l'usage de l'arc et de la flΦche en AmΘrique du Nord. Les reprΘsentants de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique n'ont jamais atteint la c⌠te sud de l'Alaska ou les εles AlΘoutiennes, mais il semble qu'ils se soient Θtendus rapidement sur le Canada arctique et le Groenland. Nous avons trouvΘ quelques squelettes de leurs descendants, et ceux-ci nous apprennent que les gens de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique Θtaient de type physique arcto-mongolo∩de, semblables aux Esquimaux. Il se peut qu'ils aient parlΘ une langue esquimaude ancestrale, mais il est Θgalement possible que leur langue aient ΘtΘ apparentΘe α celle parlΘe par les Tchoukchis ou un autre groupe sibΘrien. Nous employons parfois le terme ½PalΘo-Esquimaux╗ pour dΘsigner ce groupe et ses descendants. Quoi qu'il en soit, les reprΘsentants de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique ont ΘtΘ les premiers occupants de la c⌠te et des εles de l'Arctique canadien.
  38.  
  39. Les PalΘo-Esquimaux anciens (2 000-1000 av. J.-C.) 
  40.  
  41.      Bien que les plus anciens campements connus de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique en Alaska remontent α environ 2 000 av. J.-C., des dates d'une anciennetΘ analogue ont ΘtΘ obtenues dans des sites de cette tradition situΘs beaucoup plus α l'est, jusqu'au nord du Groenland et au Labrador. Comme il est certain que ces gens sont venus de l'ouest, nous soupτonnons que l'on n'a pas encore trouvΘ les plus anciens sites de l'Alaska, et que l'expansion vers l'est α partir de la SibΘrie a d√ se produire au cours du troisiΦme millΘnaire avant notre Φre. Ces groupes anciens de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique Θtaient apparemment des chasseurs des forΩts septentrionales de la SibΘrie qui ont adoptΘ un mode de vie leur permettant de vivre dans les rΘgions de toundra situΘes plus au nord. Initialement, ils ont pu Ωtre attirΘs vers la toundra par les troupeaux de caribous qui Θmigraient vers le nord chaque ΘtΘ. Une fois sur place ils auraient dΘcouvert les boeufs musquΘs et les phoques des c⌠tes arctiques, qui restent dans la rΘgion tout au long de l'hiver. Ayant appris α chasser les animaux de la toundra et des glaces arctiques ainsi qu'α utiliser leurs peaux comme vΩtements et leur graisse comme combustible, ils n'Θtaient plus obligΘs de se retirer dans la forΩt pendant l'hiver. Il s'est ouvert ainsi une grande rΘgion du monde qui n'avait jamais connu auparavant l'occupation humaine.
  42.  
  43.      Comme les plus anciens sites connus de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique dans chaque rΘgion sont datΘs α un siΦcle prΦs de 2 000 av. J.-C., l'expansion du groupe α travers l'Alaska, le Canada et le Groenland a d√ Ωtre assez rapide. Comme aucun vestige archΘologique ne porte α croire que ces groupes avaient des bateaux ou des chiens domestiquΘs pouvant tirer des traεneaux, ils se sont probablement dΘplacΘs α pied. Beaucoup d'autres ΘlΘments de la technologie esquimaude plus rΘcente sont Θgalement absents, les plus importants Θtant l'iglou et la lampe α godet. Ces lacunes du dΘveloppement technologique des groupes de Tradition des outils microlithiques de l'Arctique laissent supposer que leur mode de vie a d√ Ωtre plus inconfortable, et probablement plus prΘcaire, que celui des Esquimaux historiques.
  44.  
  45.      Les archΘologues rΘpartissent les vestiges archΘologiques de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique canadien et du Groenland en deux catΘgories: la culture de l'Independence I et la culture prΘ-dorsΘtienne. La culture de l'Independence I est connue principalement par des sites des εles septentrionales de l'Arctique polaire, tandis que la culture prΘdorsΘtienne se manifeste principalement au sud du passage Parry (dΘtroit du Vicomte-Melville, dΘtroit de Barrow et dΘtroit de Lancaster). On a supposΘ que ces variantes reprΘsentaient deux courants d'immigration α partir de l'Alaska, l'un vers le nord et l'autre vers le sud. Il se peut bien qu'il en soit ainsi, mais α prΘsent il semble tout aussi probable que les deux variantes reprΘsentent, soit deux courants de peuplement se dΘplaτant vers l'est α des Θpoques diffΘrentes, soit les phases anciennes et rΘcentes d'une immigration qui s'est poursuivie pendant plusieurs siΦcles. On considΘrera ici que les plus anciens immigrants Θtaient ceux de la culture de l'Independence I.
  46.  
  47. La culture de l'Independence I(2 000-1 700 av. J.-C.) 
  48.  
  49.      Dans la majeure partie de l'Arctique canadien, il est possible de dater approximativement les sites archΘologiques d'aprΦs leur altitude par rapport au niveau de la mer. Depuis qu'elle a ΘtΘ soulagΘe du poids de la calotte glaciaire, la majeure partie de l'Arctique connaεt une remontΘe graduelle, et beaucoup de c⌠tes sont bordΘes de sΘries de plages surΘlevΘes qui reprΘsentent le niveau de la mer α diffΘrentes Θpoques du passΘ. Comme la plupart des chasseurs de l'Arctique semblent avoir prΘfΘrΘ vivre sur la plage afin d'accΘder directement α la mer et α la banquise, l'altitude α laquelle les vestiges de leurs campements ont remontΘ nous donne une idΘe approximative de leur Γge. Partout dans l'Arctique polaire et dans certaines localitΘs de l'Arctique, les sites les plus ΘlevΘs sont eux de la culture de l'Independence I. La valeur de cette mΘthode de datation par l'altitude est confirmΘe par une sΘrie de datations au radiocarbone pratiquΘes sur du charbon de saule local, et dont les rΘsultats s'Θchelonnent gΘnΘralement entre 2 000 et 1 700 av. J.-C.
  50.  
  51.      Les campements de la culture de l'Independence I sont gΘnΘralement petits, les restes indiquant souvent qu'ils se composaient d'une α quatre tentes, qui semblent n'avoir ΘtΘ occupΘes que quelques jours, ou au plus quelques semaines. Les emplacements des tentes Θtaient, soit ovales, soit rectangulaires, et ne mesuraient que trois mΦtres sur quatre. Les bords de la tente Θtaient retenus en place par des roches ou des amas de gravier. Le sol de la tente Θtait gΘnΘralement divisΘ en deux moitiΘs par un couloir centraldeux lignes de blocs de pierre placΘs debout dans le gravier pour former un passage large d'environ quatre-vingts centimΦtres. De plus, le sol du couloir Θtait pavΘ de blocs et, au milieu, des blocs placΘs debout et traversant le passage formaient un foyer. Ce style d'habitation est peut-Ωtre apparu en Asie il y a trΦs longtemps, et l'on trouvait un agencement intΘrieur fort similaire dans les tentes des Lapons de l'Europe septentrionale pendant la pΘriode historique. Dans les foyers, nous trouvons des fragments de charbon de saule arctique ou de bois flottΘ et, plus frΘquemment, des fragments d'os d'animaux carbonisΘs. La petite quantitΘ de charbon de bois et d'os carbonisΘs livrΘe par la plupart des foyers laisse croire que les feux ont pu Ωtre un luxe relativement rare. La prΘsence de galets rougis ou ΘclatΘs par le feu semble indiquer que, pour faire la cuisson, on chauffait ces pierres et on les laissait tomber dans des rΘcipients en peau remplis d'eau, o∙ elles faisaient bouillir la nourriture.
  52.  
  53.      Les os d'animaux trouvΘs autour des campements indiquent que les populations de l'Independence I chassaient le boeuf musquΘ et quelques caribous. Le petit phoque annelΘ et le phoque barbu, plus grand, complΘtaient leur rΘgime lorsqu'ils pouvaient en capturer. Cependant, l'absence d'os de morse et de baleine porte α croire que la technologie de l'Independence I ne permettait pas de chasser ces animaux. De grandes quantitΘs d'os de renards arctiques, de canards et d'oies indiquent que ces groupes ont pu, par moments, Ωtre fortement tributaires de la chasse au petit gibier. Ils comptaient parmi leurs armes de chasse l'arc et la flΦche, comme en tΘmoignent de petites pointes de flΦche α pΘdoncule, en pierre taillΘe, et des pointes plus grandes en pierre qui ont d√ servir de pointes α des lances que l'on tenait α la main et avec lesquelles on portait des coups en avant, ou bien que l'on projetait. Dans le cas des lances, les pointes de pierre Θtaient probablement montΘes sur des tΩtes d'arme ou prΘhampes en os qui Θtaient α leur tour montΘes sur des hampes en bois, bien qu'on n'en ait trouvΘ aucune. Nous avons toutefois trouvΘ des tΩtes de lance en os ou en ivoire, et celles-ci Θtaient parfois munies au bout de petites lames triangulaires en pierre. De petites ½lames α insertion latΘrale╗ ovales Θtaient occasionnellement fixΘes dans les c⌠tΘs des tΩtes d'armes pour fournir un tranchant aigu, technique dont la trace remonte au MΘsolithique d'Europe et d'Asie, α la fin de la derniΦre glaciation. Les tΩtes des harpons Θtaient petites, et on aurait pu employer ces derniers comme armes d'estoc ou de jet pour atteindre les phoques qui se promenaient sur la glace, nageaient dans les passages entre les glaces ou faisaient leur apparition aux trous de respiration.
  54.  
  55.      Le dΘveloppement de la technologie du harpon a eu une grande importance pour l'occupation humaine de l'Arctique, car il a permis une utilisation de plus en plus efficace des ressources de la rΘgion en grands mammifΦres marins. Cette Θvolution est Θgalement importante pour l'archΘologie, car le changement graduel des styles des tΩtes de harpon et du matΘriel connexe nous permet d'attribuer un Γge approximatif α ces objets en fonction de considΘrations purement stylistiques. Les tΩtes de harpon de l'Independence I sont soit mΓles soit femelles. Les premiΦres ont α la base un talon qui s'insΦre dans une logette en forme de coupe se trouvant α l'extrΘmitΘ de la hampe du harpon, technique qui avait toujours eu la faveur des chasseurs de mammifΦres marins du pourtour du Pacifique et de l'est de la SibΘrie. Les tΩtes de harpon femelles, par contre, ont α la base un trou dans lequel s'emboεte une prΘhampe en os fixΘe α l'extrΘmitΘ de la hampe en bois du harpon, technique qui a ΘtΘ utilisΘe pendant tout le reste de la pΘriode prΘhistorique par les peuples esquimaux et palΘo-esquimaux de l'AmΘrique du Nord arctique. Le harpon se distingue des autres armes par le fait que la tΩte est conτue pour se dΘtacher de la hampe une fois l'animal atteint. La tΩte est attachΘe α une ligne que tient le chasseur et qui lui permet de retirer l'animal blessΘ de l'eau ou de dessous la glace. Les tΩtes de harpon de l'Independence I se retrouvent sous deux formes, toutes deux conτues pour rester α l'intΘrieur de l'animal: la premiΦre consiste en une barbe latΘrale unique, fourchue α l'extrΘmitΘ, alors que la seconde est un ergot basal destinΘ α imprimer α la tΩte un mouvement latΘral α l'intΘrieur de la peau de la bΩte. Les tΩtes avaient, soit une pointe aiguδ, soit une fente pour monter une lame tranchante en pierre, afin de percer la peau Θpaisse de l'animal.
  56.  
  57.      Les campements de l'Independence I n'ont fourni aucun reste de poterie ou de lampes α godet, ce qui indique que le chauffage et la cuisson se faisaient exclusivement dans le foyer ouvert situΘ au centre des tentes. L'absence de lampes α godet nous permet de conclure que ces gens ne construisaient pas d'iglous, car on ne peut se servir d'un foyer dans une telle construction. Cette lacune a d√ restreindre dans une certaine mesure l'aire d'occupation des groupes de l'Independence I, malgrΘ le fait que l'on br√lait aussi des os et de la graisse d'animaux marins. De plus, ne possΘdant pas de lampes α godet, il est possible que ces groupes n'aient pu camper sur la glace durant l'hiver, comme le faisaient les Esquimaux de la pΘriode historique. Ils campaient probablement en petits groupes, menant une existence assez prΘcaire et Θtant obligΘs de changer frΘquemment d'aire d'occupation en quΩte de nourriture et de combustible. Ces dΘplacements expliquent peut-Ωtre la rapiditΘ avec laquelle les gens de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique semblent s'Ωtre rΘpandus dans tout l'Arctique.
  58.  
  59. La culture prΘ-dorsΘtienne (1 700-800 av. J.-C.) 
  60.  
  61.      Il semble que l'Arctique polaire ait ΘtΘ abandonnΘ peu aprΦs 1 700 avant notre Φre, et l'on trouve peu de traces d'occupation pendant les 700 ans qui suivent. L'occupation tardive des populations de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique Θtait centrΘe dans des rΘgions plus mΘridionales, dans les environs du nord de la baie d'Hudson et du bassin Foxe, du dΘtroit d'Hudson, de l'εle Baffin et de l'Arctique central. Ces rΘgions sont beaucoup plus riches en gibier que ne l'est l'Arctique polaire, et les sites archΘologiques sont plus grands, indiquant apparemment des groupes un peu plus nombreux. Nous ne savons que peu de choses sur l'histoire primitive de cette rΘgion, bien qu'on ait supposΘ que les gens de l'Independence I aient pu occuper ces rΘgions aussi bien que l'Arctique polaire. D'aprΦs des dates obtenues au radiocarbone, des sites attribuΘs α la culture prΘ-dorsΘtienne remonteraient jusqu'α 2 500 ans avant notre Φre, mais les dates les plus anciennes rΘsultent de l'analyse du charbon de bois provenant de bois flottΘ, d'os carbonisΘs de mammifΦres marins ou de restes de graisse br√lΘe. Ces deux derniΦres matiΦres semblent donner des dates qui sont trop anciennes de plusieurs siΦcles. Les dates les plus s√res sont fournies par le charbon de bois de saule et les os de mammifΦres terrestres, et celles-ci semblent indiquer que la principale pΘriode de l'occupation prΘ-dorsΘtienne s'Θtend approximativement de 1 700 α 800 av. J.-C.
  62.  
  63.      Les vestiges archΘologiques de la culture prΘ-dorsΘtienne procΦdent de la mΩme Tradition des outils microlithiques de l'Arctique que ceux de l'Independence I; on y trouve des microlames, des burins, de petites aiguilles en os α chas rond et α coupe transversale ronde, des pointes et des lames latΘrales α pΘdoncule pour armes, des grattoirs de pierre α l'extrΘmitΘ ou au bord ΘmoussΘs pour travailler les peaux ou les os, des tΩtes de harpon et des lances α poisson barbelΘes. Mais les styles que prennent ces objets sont quelque peu diffΘrents; les mΘthodes de production sont Θgalement diffΘrentes, certains outils en os ayant ΘtΘ faτonnΘs par polissage plut⌠t que par taille. La construction α couloir central qui caractΘrisait les tentes des gens de l'Independence I disparaissent; les constructions prΘ-dorsΘtiennes semblent avoir ΘtΘ de forme ovale ou ronde, et n'avaient apparemment pas d'ΘlΘments structuraux intΘrieurs. La prΘsence de foyers est indiquΘe seulement par des dΘbris Θpars de charbon de bois ou d'os br√lΘs. On a trouvΘ de petites lampes circulaires en stΘatite, manifestement destinΘes α br√ler la graisse de mammifΦres marins. Cette invention a rendu possible l'occupation d'iglous et par consΘquent la vie sur les banquises en hiver, ouvrant ainsi α l'occupation de grandes Θtendues de l'Arctique central. Dans cette rΘgion, la seule ressource en hiver Θtait le phoque annelΘ, qui se prΘsentait α la surface de la glace par les trous de respiration.
  64.  
  65.      Les Θtablissements des groupes prΘ-dorsΘtiens sont plus communs que ceux de la culture de l'Independence I; ils sont gΘnΘralement plus grands et caractΘrisΘs par des accumulations de dΘtritus beaucoup plus importantes, ce qui porte α croire qu'ils ont ΘtΘ occupΘs plus longtemps par des groupes plus nombreux. La technologie du harpon avait Θgalement ΘvoluΘ, et des tΩtes de harpon de styles nouveaux donnaient aux chasseurs la possibilitΘ de tuer des animaux tels que le morse, le narval et le bΘluga. On n'a pas retrouvΘ de restes de bateaux, mais l'emplacement de certains sites prΘ-dorsΘtiens dans des rΘgions o∙ prΘdominent les eaux libres laisse croire que l'on a pu utiliser des embarcations, peut-Ωtre petites et de type kayak. Quelques sites ont fourni des os de grands chiens, mais aucun ΘlΘment de l'Θquipement de traεneau complexe qu'on trouve chez les groupes postΘrieurs; il se peut donc que les chiens aient ΘtΘ utilisΘs seulement pour le transport des charges et comme animaux de chasse.
  66.  
  67.      Nous ne savons pas quels Θtaient les liens entre les groupes prΘ-dorsΘtiens et ceux de l'Independence I. Les premiers ont pu Ωtre les descendants de groupes qui ont errΘ vers l'est α partir de l'Alaska quelque deux siΦcles aprΦs les gens de l'Independence I. Quoi qu'il en soit, ils se sont adaptΘs α la rΘgion avec plus d'efficacitΘ et se sont Θtendus sur l'Arctique. DΦs environ 1 500 av. J.-C., la rΘgion des εles Victoria et Banks Θtait occupΘe par un groupe prΘ-dorsΘtien, qui semble s'Ωtre spΘcialisΘ dans la chasse au boeuf musquΘ et au caribou, plut⌠t qu'aux mammifΦres marins. Peu de temps aprΦs, certains de ces groupes ont apparemment commencΘ α se dΘplacer vers le sud α travers la rΘgion de la toundra; on trouve leurs vestiges jusque dans les rΘgions boisΘes du Grand Lac des Esclaves et du lac Athabaska. Cette expansion a ΘvincΘ les rΘsidents amΘrindiens qui occupaient la rΘgion depuis plusieurs millΘnaires, et qui ne sont revenus que lorsque les PalΘo-Esquimaux ont abandonnΘ la toundra, aux environs de 800 avant notre Φre. Cette pΘriode de mouvement vers le sud de la part des Esquimaux et des AmΘrindiens correspond peut-Ωtre α un refroidissement du climat qui, on le sait, a eu lieu α une Θpoque indΘterminΘe aprΦs 1 500 av. J.-C. Ce phΘnomΦne naturel explique peut-Ωtre aussi l'abandon de l'Arctique polaire α la mΩme Θpoque par les gens de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique.
  68.  
  69. La culture palΘo-esquimaude dorsΘtienne (1 000 av. J.-C.-1 400 apr. J.-C.) 
  70.  
  71.      Les ΘlΘments stylistiques des objets prΘ-dorsΘtiens ont subi des modifications graduelles au cours du deuxiΦme millΘnaire av. J.-C., mais il semble que le rythme du changement se soit accΘlΘrΘ rapidement vers 1 000 av. J.-C. └ mesure qu'apparaissaient de nouveaux styles de maisons ou de tentes, la disposition α couloir central qui caractΘrisait les campements de l'Independence I est rΘapparue. Il se peut que ce type de construction ait ΘtΘ conservΘ dans certaines rΘgions archΘologiquement inconnues de l'Arctique polaire ou au Groenland par des descendants des groupes de l'Independence I, qui ont de nouveau occupΘ l'Arctique polaire vers 1 000 av. J.-C. └ ce stade de leur histoire, les archΘologues dΘsignent leur culture sous le nom de l'Independence I. Les maisons dorsΘtiennes Θtaient plus grandes que celles des groupes prΘcΘdents et parfois semi-souterraines, s'Θlevant au-dessus d'une fosse profonde de plusieurs centimΦtres dans le sol. Plut⌠t que des peaux, ces groupes semblent avoir employΘ des murs de terre pour Θriger des abris plus permanents. Contrairement aux sites prΘ-dorsΘtiens qui ne contiennent que de rares petites lampes rondes, les sites dorsΘtiens livrent couramment des lampes rectangulaires ou ovales en stΘatite, α parois minces, qui servaient α chauffer les demeures de leurs propriΘtaires. On a l'impression que, au moins durant l'hiver, les DorsΘtiens menaient une vie nettement plus confortable que leurs ancΩtres prΘ-dorsΘtiens.
  72.  
  73.      Plus grands que ceux de culture prΘ-dorsΘtienne, les sites archΘologiques dorsΘtiens semblent reprΘsenter une occupation plus permanente par une population plus dense. Cela tenait peut-Ωtre aux progrΦs des techniques de chasse qui permettaient une exploitation plus efficace du milieu. En effet, outre la lampe en stΘatite, plusieurs nouveaux ΘlΘments techniques ap- paraissent α cette Θpoque. Parmi eux figurent des outils en os dans lesquels on a cru voir des couteaux α neige, outils spΘcialisΘs dont on a pu se servir pour dΘcouper des blocs de neige pour la construction d'iglous. ╔tant donnΘ l'accroissement simultanΘ de l'utilisation des lampes α godet, ces abris auraient ΘtΘ fort utiles. On rencontre aussi sur les sites des semelles de traεneau, des lamelles d'os ou d'ivoire destinΘes α Ωtre fixΘes avec des chevilles sous les patins de bois du traεneau pour protΘger ceux-ci sur la glace rugueuse ou le gravier; ces objets, ainsi que quelques trouvailles d'os de chiens, laissent croire que les DorsΘtiens ont pu utiliser des traεneaux α chiens. On a trouvΘ quelques membres de kayaks ou d'embarcations de type kayak, et beaucoup de gisements dorsΘtiens se situent dans des rΘgions o∙ il aurait ΘtΘ profitable de chasser en kayak. Les tΩtes de harpon ont continuΘ α se dΘvelopper, les logettes ouvertes de la pΘriode prΘ-dorsΘtienne Θtant graduellement remplacΘes par des logettes fermΘes creusΘes dans la base de la tΩte. Ces nouveaux styles de tΩtes de harpon n'ont pas l'air plus efficaces que les formes plus anciennes, mais certains groupes dorsΘtiens semblent avoir ΘtΘ grands chasseurs de morses et de petites baleines, peut-Ωtre α cause d'embarcations plus efficaces.
  74.  
  75.      Les techniques de fabrication ont Θgalement changΘ. Les burins de la pΘriode de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique -- avec lesquels s'accomplissait tout le travail fondamental de l'os ou de l'ivoire -- ont ΘtΘ remplacΘs par des outils de type burin en silex poli, qui probablement gardaient leur tranchant plus longtemps et Θtaient plus faciles α aiguiser. Les couteaux en ardoise polie sont devenus courants; peut-Ωtre Θtaient-ils des outils de dΘpeτage plus efficaces que les couteaux de pierre taillΘe des siΦcles antΘrieurs. Par contre, et c'est assez surprenant, certains outils ne paraissent plus dans l'outillage dorsΘtien. Les ancΩtres prΘ-dorsΘtiens avaient pratiquΘ des trous dans le bois, l'os et l'ivoire avec des forets, probablement des forets α main, mais toutes les perforations de la culture dorsΘtienne ont ΘtΘ faites par le creusement laborieux d'une fente α l'aide d'un outil de type burin. Il y a d'assez bons indices de l'usage de l'arc et de la flΦche α l'Θpoque de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique, mais on ne rencontre α l'Θpoque dorsΘtienne aucune trace certaine d'arcs ou de pointes de flΦches. On ignore les raisons de ces absences.
  76.  
  77.      Il semble toutefois qu'en gΘnΘral la technologie des DorsΘtiens ait ΘtΘ plus efficace que celle de leurs ancΩtres. Au cours de la pΘriode de 800 α 500 av. J.-C., elle semble s'Ωtre rΘpandue dans l'Arctique canadien y compris l'Arctique polaire et le nord du Groenland, qui a ΘtΘ occupΘ par les gens de l'Independence II, α affinitΘs dorsΘtiennes. DΦs 500 av. J.-C. ou peu de temps aprΦs, des DorsΘtiens avaient Θtendu leur aire d'occupation vers le sud le long de la c⌠te du Labrador jusqu'α l'εle de Terre-Neuve, dont ils semblent avoir ΘtΘ les principaux occupants pendant α peu prΦs 1 000 ans par la suite. La toundra α l'ouest de la baie d'Hudson semble Ωtre la seule rΘgion de l'Arctique qu'ils n'aient pas occupΘe, peut-Ωtre parce que cette rΘgion avait ΘtΘ rΘoccupΘe par des groupes amΘrindiens qu'ils ne pouvaient dΘloger.
  78.  
  79.      La culture dorsΘtienne a atteint son apogΘe entre 500 et 1 000 apr. J.-C., Θpoque o∙ son aire d'occupation a atteint sa plus grande Θtendue et o∙ elle a produit un art unique et assez Θtonnant. On connaεt de la culture prΘ-dorsΘtienne quelques petites sculptures en ivoire reprΘsentant des personnes et des animaux, mais il semble qu'on ait sculptΘ ces objets plus frΘquemment pendant la pΘriode dorsΘtienne. Au cours des derniers siΦcles de la culture dorsΘtienne, cependant, le nombre de ces sculptures paraεt s'Ωtre accru de faτon dramatique. Bon nombre d'entre elles sont des reprΘsentations naturalistes d'Ωtres humains, d'ours, d'autres animaux et d'oiseaux, mais nombreux sont les objets stylisΘs dans lesquels on voit gΘnΘralement une relation avec les rites et les cΘrΘmonies magiques du chaman. Des masques et des tambours de bois, des jeux de dents d'animaux sculptΘes dans l'ivoire, destinΘes α Ωtre insΘrΘes dans la bouche, et des tubes en ivoire finement sculptΘs ou ½fΘtiches-guΘrisseurs╗ ont pu Ωtre utilisΘs par le chaman dans des cΘrΘmonies magiques liΘes α la guΘrison ou α la chasse. Des tΩtes de harpon miniatures et des figures d'Ωtres humains ou d'ours, dont les poitrines sont percΘes de trous dans lesquels s'insΦrent des Θchardes de bois ou de la peinture α l'ocre rouge, ont pu servir α des actes de magie noire ou blanche. Les fonctions de beaucoup de ces instruments, dont la forme semble normalisΘe dans de vastes rΘgions, sont totalement inconnues.
  80.  
  81.      Les DorsΘtiens rΘcents ont commencΘ α Θriger de grandes constructions qui, selon l'hypothΦse la plus probable, Θtaient des centres cΘrΘmoniels. Elles prennent la forme d'enclos rectangulaires de grosses pierres, mesurant jusqu'α quarante mΦtres sur sept. Des rangΘes de foyers isolΘs sont associΘes α ces constructions, mais ne semblent pas avoir fait partie de celles-ci. On a cru α tort que certains de ces vestiges, trouvΘs dans le QuΘbec arctique, Θtaient des ½longues-maisons╗ de Vikings. Nous ne comprenons pas pourquoi les DorsΘtiens ont construit ces habitations, ni pourquoi les arts semblent s'Ωtre dΘveloppΘs α cette Θpoque. Il est possible qu'ils aient ΘtΘ influencΘs par les ΘvΘnements historiques contemporains; les DorsΘtiens, dont la culture s'Θtait dΘveloppΘe dans l'isolement de l'Arctique canadien depuis 3 000 ans, sont alors entrΘs en contact avec des groupes Θtrangers: les Norrois du Groenland, qui ont pu faire des incursions occasionnelles dans l'Arctique oriental aux environs de 1 000 apr. J.-C., et les ancΩtres des Esquimaux, qui se dΘplaτaient vers l'est α partir de l'Alaska α peu prΦs α la mΩme Θpoque.
  82.  
  83.      Quelle que soit la raison de ce dΘveloppement de la culture dorsΘtienne, il en marque aussi la fin. Les documents archΘologiques indiquent que l'occupation dorsΘtienne de la majeure partie du Canada arctique s'est terminΘe vers 1 000 apr. J.-C., α peu prΦs en mΩme temps que les ancΩtres des Esquimaux ont commencΘ α se dΘplacer vers l'est α partir de l'Alaska. C'est seulement dans le QuΘbec arctique, o∙ les Esquimaux ne sont arrivΘs que plusieurs siΦcles plus tard, qu'on a trouvΘ des indices de la survie de la culture dorsΘtienne jusque vers 1 400 apr. J.-C.
  84.  
  85. Le dΘveloppement de la culture esquimaude de l'Alaska (2 000 av. J.-C.-1 000 apr. J.-C.) 
  86.  
  87.      Au cours de la pΘriode de 3 000 ans pendant laquelle les PalΘo-Esquimaux ont dΘveloppΘ leur culture unique dans le Canada arctique, une Θvolution trΦs diffΘrente s'est poursuivie en Alaska. La rΘalitΘ archΘologique semble y avoir ΘtΘ beaucoup plus complexe, et elle est mal comprise. Les εles AlΘoutiennes ont ΘtΘ le thΘΓtre d'une Θvolution continue mais graduelle qui a dΘbouchΘ sur la culture des AlΘoutes historiques. La c⌠te pacifique de l'Alaska a vu le dΘveloppement d'une technologie basΘe en grande partie sur des outils en ardoise polie, et a pu Ωtre α l'origine des cultures esquimaudes historiques de la rΘgion. Les c⌠tes nord et ouest de l'Alaska ont ΘtΘ occupΘes pendant la plus grande partie du deuxiΦme millΘnaire av. J.-C. par des gens de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique dont les cultures Θtaient similaires α celles du Canada arctique. Vers 1 000 av. J.-C., cependant, il se produit une interruption de plusieurs siΦcles dans la documentation de l'activitΘ humaine. AprΦs ce hiatus, apparaεt une sΘrie de groupes (cultures BaleiniΦre ancienne, Choris et Norton) dont les technologies sont un mΘlange curieux d'ΘlΘments semblant provenir de rΘgions diffΘrentes: outils de pierre taillΘe procΘdant apparemment de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique; objets comme des outils en ardoise polie, des lampes de pierre et des labrets (ornements fixΘs aux lΦvres) semblables α ceux dont se servaient les groupes de la c⌠te du Pacifique; et poterie estampΘe de motifs en damier semblable α celle utilisΘe par les groupes du NΘolithique de la SibΘrie orientale α la mΩme Θpoque. Le dernier en date de ces groupes, le groupe Norton de la pΘriode allant d'environ 500 av. J.-C. au dΘbut de notre Φre, Θtait presque certainement esquimau, car une continuitΘ archΘologique indiscutable se manifeste entre lui et les groupes esquimaux de la pΘriode historique. Si les gens de la culture Norton Θtaient les descendants de groupes de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique qui avaient beaucoup appris des cultures du sud de l'Alaska basΘes sur la chasse aux mammifΦres marins, nous pouvons supposer que les groupes de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique Θtaient esquimaux. Toutefois, si les groupes Norton Θtaient composΘs d'habitants du sud de l'Alaska qui s'Θtaient dΘplacΘs vers le nord jusqu'α la c⌠te de la mer de BΘring et qui avaient appris d'un groupe survivant de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique leurs techniques de travail de la pierre (acquΘrant l'art de la poterie au contact de groupes sibΘriens), les reprΘsentants de la Tradition des outils microlithiques de l'Arctique n'Θtaient donc pas des ancΩtres des Esquimaux. Dans ce cas, les traditions esquimaudes remonteraient aux groupes qui occupaient la c⌠te pacifique de l'Alaska depuis plusieurs millΘnaires. Les limitations actuelles de nos connaissances archΘologiques des groupes Norton ne nous permettent pas de rΘsoudre la question.
  88.  
  89.      Quelles que soient leurs origines, vers le dΘbut de notre Φre, certains groupes Norton Θtablis au voisinage du dΘtroit de BΘring ont commencΘ α dΘvelopper des techniques trΦs complexes de chasse aux mammifΦres marins. Dans les villages de culture Old Bering Sea, nous trouvons les restes d'embarcations de peau, α la fois le kayak et l'oumiak. Ce dernier Θtait une embarcation ouverte, longue de huit α dix mΦtres, dont on pouvait se servir aussi bien pour dΘmΘnager d'un campement α un autre que pour chasser la grande baleine borΘale. L'invention par ce groupe du harpon α flotteur a entraεnΘ d'importants changements dans les mΘthodes de chasse aux mammifΦres marins. Avec cet Θquipement, le chasseur n'avait pas α tenir α la main la ligne attachΘe au harpon; celle-ci Θtait reliΘe α un flotteur composΘ d'une outre en peau de phoque gonflΘe. Tandis qu'auparavant, la ligne tenue α main ne permettait pas de retenir sans danger certains grands mammifΦres marins, le chasseur pouvait maintenant harponner les Θnormes animaux et les laisser traεner le flotteur jusqu'α ce qu'ils s'Θpuisent. On pouvait alors tuer la proie et la rΘcupΘrer. Avec cet Θquipement, les reprΘsentants de la culture Old Bering Sea chassaient en grand nombre le morse, dont l'ivoire constituait la matiΦre de base d'une grande partie de leur technologie. Beaucoup de leurs objets arborent un style dΘcoratif comprenant de nombreuses rΘpliques d'objets de la culture esquimaude ultΘrieure tels que des lunettes pour protΘger le chasseur contre la cΘcitΘ des neiges, des crampons fixΘs sous les pieds pour empΩcher de glisser sur la glace, des imitations de nageoires de phoques avec lesquelles on grattait la glace pour attirer ces animaux, l'arc composite dont le dos porte un cΓble de tendon tordu qui en augmente la puissance, des pointes de flΦche barbelΘes en os ou en bois de cervidΘ et des couteaux en ardoise polie.
  90.  
  91.      Par suite, peut-Ωtre d'une technologie de chasse nouvelle et plus efficace, les schΦmes d'Θtablissement ont changΘ. Les petits villages d'hiver permanents Θtaient composΘs de plusieurs maisons creusΘes dans le sol, dont les murs et le toit Θtaient faits de bois flottΘ recouvert de terre et auxquelles on accΘdait par un tunnel d'entrΘe en creux servant de sas. Le chauffage de ces maisons Θtait assurΘ par de grandes lampes α godet en poterie, et la cuisson se faisait dans des marmites en cΘramique. De telles demeures ont d√ Ωtre beaucoup plus confortables que toutes les autres utilisΘes antΘrieurement dans les rΘgions arctiques. Toutefois, leur adoption a ΘtΘ possible seulement grΓce α la disponibilitΘ de grandes quantitΘs de nourriture qu'on pouvait entreposer pour la consommer au cours de l'hiver.
  92.  
  93.      Les descendants des gens de la culture Old Bering Sea ont continuΘ α dΘvelopper ce mode de vie jusqu'α la pΘriode historique dans la rΘgion du dΘtroit de BΘring. Vers 500 apr. J.-C., cette culture s'Θtait Θtendue α la c⌠te nord de l'Alaska, par suite soit de la migration de populations, soit tout simplement de la diffusion d'idΘes α la faveur de contacts commerciaux. Bien que le nord de l'Alaska ne soit pas gΘnΘralement aussi riche que le dΘtroit de BΘring, ses habitants disposaient d'une ressource qu'ils pouvaient maintenant commencer α exploiter. Chaque printemps, les grandes baleines borΘales migrent vers l'est le long de la c⌠te nord de l'Alaska, s'avanτant dans d'Θtroits passages dans la glace. Elles sont alors des proies faciles pour les chasseurs, qui mΩme aujourd'hui stationnent leurs oumiaks sur le bord des passages et attendent les baleines. Lorsqu'on repΦre les animaux qui se dΘplacent lentement, les bateaux sont rapidement mis α la mer et on harponne les baleines. Chaque animal abattu fournit plusieurs tonnes de graisse et de viande. Entre 500 et 1 000 apr. J.-C., les groupes du nord de l'Alaska ont appris cette mΘthode de chasse et ont Θtabli de grands villages de maisons semi-souterraines α des endroits propices α la chasse α la baleine. Ce sont ces groupes qui ont ΘtΘ les ancΩtres immΘdiats des Esquimaux de l'Arctique canadien et du Groenland.
  94.  
  95. La culture thulΘenne (1 000-1 600 apr. J.-C.) 
  96.  
  97.      Aux environs de 1 000 apr. J.-C., les chasseurs de baleines du nord de l'Alaska ont commencΘ α se dΘplacer vers l'est, voyageant probablement en oumiak et apportant avec eux la plupart des ΘlΘments de la culture complexe de chasse aux mammifΦres marins qui avaient ΘtΘ dΘveloppΘs en Alaska au cours du prΘcΘdent millΘnaire. Nous ignorons les raisons de ce dΘplacement, mais il est peut-Ωtre liΘ α un rΘchauffement gΘnΘral du climat de l'Arctique, α cette Θpoque. Les tempΘratures plus ΘlevΘes ont probablement fait fondre une partie de la glace de mer, ouvrant une Θtendue plus grande aux baleines borΘales et autres grands mammifΦres pour se nourrir l'ΘtΘ, et rendant peut Ωtre en mΩme temps plus difficile la chasse α la baleine pendant la brΦve saison printaniΦre de migration le long de la c⌠te nord de l'Alaska. Les restes archΘologiques de ces migrants chasseurs de baleines ont ΘtΘ trouvΘs pour la premiΦre fois prΦs de ThulΘ dans le nord du Groenland, d'o∙ l'appellation culture thulΘenne. Les vestiges les plus anciens dΘcouverts α ThulΘ dΘnotent une technologie pratiquement identique α celle du nord de l'Alaska de la mΩme Θpoque, ce qui porte α croire que le mouvement vers l'est a d√ se produire trΦs rapidement. Nous soupτonnons que les groupes thulΘens ont suivi les baleines vers l'est et le nord jusqu'au passage Parry, o∙ ils ont rencontrΘ la baleine borΘale du Groenland, variΘtΘ atlantique de la baleine borΘale de l'Alaska. Ils l'ont alors suivie jusqu'au Groenland, α l'εle Baffin et α la baie d'Hudson. ╔tant donnΘ l'Θtat libre des eaux α l'Θpoque et le fait que les populations de baleines n'avaient pas encore ΘtΘ rΘduites par les chasseurs europΘens, ces animaux ont d√ Ωtre largement rΘpandus pendant tous les mois d'ΘtΘ. Cette situation contrastait avec la brΦve saison migratoire α laquelle les ThulΘens s'Θtaient habituΘs dans les localitΘs du nord de l'Alaska. L'existence d'une ressource si largement rΘpandue et si s√re a pu encourager l'exploration de territoires nouveaux, ainsi que de frΘquents mouvements vers de nouvelles rΘgions.
  98.  
  99.      Les villages de culture thulΘenne sont rΘpartis sur toutes les rΘgions c⌠tiΦres de l'Arctique canadien. AprΦs le premier mouvement, apparemment rapide, α travers l'Arctique, les populations thulΘennes ont commencΘ α pΘnΘtrer dans d'autres rΘgions o∙ l'on ne trouvait pas de baleines, mais o∙ il existait d'autres ressources. Dans l'εle Victoria et sur la terre ferme adjacente, par exemple, nous trouvons des vestiges de groupes thulΘens qui semblent avoir tirΘ leur subsistance principalement du phoque, du caribou et du poisson. Dans la rΘgion autour d'Igloolik, ils ont d√ dΘcouvrir t⌠t les immenses ressources en morses de la rΘgion. et ils ont construit des villages dans des localitΘs bien situΘes pour la chasse au morse. MΩme dans les rΘgions o∙ il est clair que la chasse α la baleine reprΘsentait une activitΘ fort fructueuse, les villages thulΘens contiennent en grand nombre des os de phoques, de morses, de caribous et d'autres animaux. On en conclut qu'il s'agissait de chasseurs polyvalents, qui utilisaient leur technologie pour exploiter pleinement le milieu environnant. Le nombre de baleines qu'ils ont abattues porte cependant α croire qu'une bonne partie de leur nourriture et de leur matiΦre combustible a d√ continuer α provenir de cette source. Dans un petit village de huit maisons de l'Arctique polaire, on a trouvΘ les os d'au moins vingt grandes baleines. Dans les villages plus grands, ce nombre s'ΘlΦve jusqu'α cinquante.
  100.  
  101.      L'exploitation des baleines par les groupes thulΘens ne se limitait pas α la viande et α la graisse de ces mammifΦres, leurs os servaient aussi de matΘriau de construction. Le bois flottΘ avec lequel ils avaient bΓti leurs maisons d'hiver en Alaska n'Θtait pas largement rΘpandu dans l'Arctique canadien; aussi, pour conserver le mΩme style de maison, il leur fallait adopter d'autres matΘriaux. Les sols et les plate-formes de couchage surΘlevΘes Θtaient maintenant construits avec des pierres plates, les murs infΘrieurs avec des roches empilΘes. Le toit se composait d'une armature d'os de baleine, recouverte de peaux et d'une Θpaisse couche de terre. Les maisons d'hiver qui en rΘsultaient ont d√ Ωtre aussi confortables que celles de leurs ancΩtres de l'Alaska. Pendant les mois d'ΘtΘ, comme en Alaska, les gens vivaient dans des tentes en peaux. Cependant, les groupes thulΘens utilisaient aussi un type d'habitation d'hiver qui Θtait inconnu des gens de l'Alaska, l'habitation de neige hΘmisphΘrique. Des outils spΘcialisΘs pour la construction des igloussondes pour mesurer la profondeur et la consistance de la neige, et couteaux pour couper de grands blocssont des trouvailles courantes dans les villages thulΘens. Il se peut que les ThulΘens aient inventΘ ce type de construction, mais il semble probable qu'ils aient adaptΘ des habitations de neige utilisΘes par leurs prΘdΘcesseurs dorsΘtiens dans la rΘgion. Autre ΘlΘment de technologie qu'ils ont pu apprendre des DorsΘtiens, l'utilisation de la stΘatite pour la fabrication de lampes et de marmites. Bien que les groupes thulΘens anciens aient continuΘ d'utiliser la poterie, l'absence de bois pour cuire la cΘramique a d√ les inciter α chercher un matΘriau de remplacement. Leurs rΘcipients et leurs lampes de stΘatite sont plus grands que ceux des DorsΘtiens et de facture complΦtement diffΘrente, mais l'idΘe initiale a pu provenir de contacts avec les occupants antΘrieurs de la rΘgion.
  102.  
  103.      Toutefois, le reste de la technologie thulΘenne est basΘ directement sur les outils et les idΘes que les migrants originaux ont apportΘs avec eux de l'Alaska. Les ThulΘens ont pourtant perfectionnΘ considΘrablement une piΦce d'Θquipement technique antΘrieure, le traεneau. Des piΦces de traεneau se rencontrent dans la culture dorsΘtienne de l'Arctique canadien et dans les sites anciens de l'Alaska, mais il semble que tous ces traεneaux aient ΘtΘ petits, probablement α traction humaine. Des harnais pour chiens et d'autres Θquipements spΘcialisΘs pour la traction par les chiens apparaissent pour la premiΦre fois dans des sites canadiens thulΘens, et il se peut que ce soit ces gens qui aient inventΘ ce mode de transport, qui accroissait de beaucoup l'Θtendue des territoires de chasse et de dΘplacement hivernal.
  104.  
  105.      L'un des mystΦres qui entoure l'occupation de l'Arctique canadien par les ThulΘens concerne leurs relations avec les DorsΘtiens, occupants prΘcΘdents de la rΘgion. Comme nous l'avons dit, quelques ΘlΘments de la technologie thulΘenne sont issus peut-Ωtre de prototypes dorsΘtiens, ce qui laisse entendre qu'il y a eu certains contacts. Les lΘgendes des Esquimaux canadiens racontent que, quand leurs ancΩtres arrivΦrent au pays, ils y trouvΦrent un groupe appelΘ Tounit, grande et douce race de chasseurs de phoques α laquelle il manquait plusieurs ΘlΘments de la technologie esquimaude. Ces rΘcits parlent de combats entre les deux groupes, et disent que le groupe Tounit a ΘtΘ chassΘ. Il se peut bien que celui-ci soit le groupe que nous connaissions archΘologiquement sous le nom de DorsΘtiens, et les tΘmoignages archΘologiques de la disparition de la culture dorsΘtienne α peu prΦs α la mΩme Θpoque que la migration des ThulΘens concordent avec les lΘgendes esquimaudes. Les DorsΘtiens semblent avoir survΘcu jusqu'en 1 400 apr. J.-C. au QuΘbec arctique, qui est la derniΦre rΘgion occupΘe par la culture thulΘenne; aucun site thulΘen au QuΘbec ou au Labrador ne peut-Ωtre datΘ d'une Θpoque antΘrieure α 1 500 apr. J.-C. └ ce moment-lα, les Esquimaux thulΘens avaient achevΘ leur occupation de l'Arctique canadien.
  106.  
  107. La Petite Glaciation et les Esquimaux historiques (1 600-1 850 apr. J.-C.) 
  108.  
  109.      L'expansion de la culture thulΘenne a eu pour consΘquence la diffusion dans tout l'Arctique canadien d'une culture de chasse aux mammifΦres marins relativement uniforme, riche et complexe. Et pourtant, lorsque les explorateurs europΘens pΘnΘtrΦrent dans la rΘgion au cours des quatre derniers siΦcles, ils ont dΘcrit des groupes d'Esquimaux vivant maigrement de phoques, de poissons ou de caribous. Ce serait un changement climatique qui expliquerait le mieux la disparition de la culture thulΘenne et le dΘveloppement de cultures dissemblables, aux Θconomies plus pauvres. Vers 1 000 apr. J.-C., par suite d'un rΘchauffement du climat, la limite de la vΘgΘtation arborescente a avancΘ vers le nord sur 1 000 kilomΦtres au-delα de sa position actuelle. Cette modification de leur environnement a peut-Ωtre encouragΘ l'expansion des ThulΘens vers l'est, mais le refroidissement subsΘquent qui a commencΘ vers 1 200 apr. J.-C. et qui s'est accentuΘ aux XVIIe et XVIIIe (la Petite Glaciation de l'Europe) semble avoir causΘ le dΘclin du mode de vie des ThulΘens. De plus, au XVIe siΦcle, les EuropΘens ont commencΘ α se livrer α la chasse α la baleine dans l'ouest de l'Atlantique, activitΘ qui a pu causer une diminution des migrations de baleines vers l'est de l'Arctique. Certains groupes thulΘens ont d√ mourir de faim, tandis que d'autres allaient s'installer dans de nouvelles rΘgions; mais la plupart semblent s'Ωtre adaptΘs rapidement α la dΘgradation de leurs conditions Θconomiques.
  110.  
  111.      Quelques groupes thulΘens ont rΘussi α survivre avec un mode de vie peu modifiΘ jusqu'α leur contact avec les EuropΘens. La Petite Glaciation ne semble pas avoir eu d'effet important sur les Esquimaux du Labrador, qui ont perpΘtuΘ la culture fondamentalement thulΘenne dΘcrite par les explorateurs europΘens des XVIIe et XVIIIe siΦcles. DΦs la fin de cette pΘriode, toutefois, ces Esquimaux se livraient α un commerce considΘrable avec les EuropΘens et avaient acquis des bateaux et des fusils europΘens qui ont transformΘ leur vie plus que le changement climatique.
  112.  
  113.      └ l'autre extrΩme, les ThulΘens qui avaient occupΘ une bonne partie de l'Arctique polaire ont ΘtΘ obligΘs d'abandonner la rΘgion. Beaucoup de groupes sont peut-Ωtre morts en essayant de s'adapter aux nouvelles conditions, d'autres se sont peut-Ωtre dΘplacΘs vers l'est pour s'installer dans le district de ThulΘ, au nord-ouest du Groenland. Lα, une population esquimaude survivante a subsistΘ en petits groupes aux alentours des lieux de chasse au phoque et des falaises o∙ nichent les oiseaux jusqu'α ce que les EuropΘens les dΘcouvrent au XIXe siΦcle et les dΘsignent sous le nom d'Esquimaux polaires.
  114.  
  115.      Dans l'Arctique central, des groupes thulΘens semblent s'Ωtre adaptΘs en accentuant certains aspects de leurs cycles saisonniers de chasse, tandis que les autres activitΘs perdaient de l'importance. Ceux qui auparavant avaient passΘ leurs ΘtΘs α chasser la baleine et d'autres mammifΦres marins dans les eaux c⌠tiΦres et avaient ensuite constituΘ des stocks de vivres α consommer dans les villages d'hiver permanents ont d√ constater que les quantitΘs croissantes de glace d'ΘtΘ rendaient la chasse impossible. En consΘquence, ils ont commencΘ α passer le plus clair de l'ΘtΘ α l'intΘrieur, se livrant α la pΩche et chassant le caribou. En hiver, ayant peu de rΘserves de vivres et disposant pour seule ressource alimentaire du phoque annelΘ, ils ont abandonnΘ leurs maisons d'hiver permanentes pour habiter des villages d'iglous sur la glace. └ mesure que l'hiver avanτait, la diminution de la population locale des phoques les contraignait α Θmigrer. Au cours de ces adaptations, les gens ont laissΘ tomber beaucoup d'ΘlΘments de la technologie thulΘenne. Non seulement les maisons d'hiver permanentes et la technologie complexe de la chasse en mer, que le changement climatique avait rendu caduques, mais aussi une bonne partie de la culture religieuse, de l'art, de la mythologie et de l'organisation sociale ΘvoluΘe qui ont d√ caractΘriser la pΘriode thulΘenne ont alors disparu.
  116.  
  117.      Ainsi, par suite de la dΘtΘrioration progressive des conditions du milieu, les Esquimaux du nord du Canada, qu'ont dΘcrits les explorateurs et les anthropologues des XIXe et XXe siΦcles, pratiquaient des modes de vie beaucoup plus austΦres que ceux de leurs ancΩtres de quelques siΦcles auparavant. Leur culture n'Θtait qu'un reliquat d'une autre, considΘrablement plus avancΘe.  
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