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Text File  |  1994-06-10  |  30KB  |  79 lines

  1. LA CHASSE └ LA BALEINE DANS L'ARCTIQUE CANADIEN 
  2.  
  3. Daniel Francis 
  4.  
  5.       Tuer une baleine a quelque chose de trΦs pΘnible... et pourtant on ne peut sacrifier aux sentiments de compassion le but de l'aventure, la valeur du prix et la joie de la capture. 
  6.  
  7.                  -- Vieux capitaine de baleinier 
  8.  
  9.      La chasse α la baleine Θtait dΘjα une profession sΘculaire quand les premiers baleiniers se sont aventurΘs, dans les eaux de l'Arctique canadien obstruΘes par les glaces vers le dΘbut du XVIIIe siΦcle. Pendant des centaines d'annΘes, les marins basques avaient traquΘ les mammifΦres gΘants dans le golfe de Gascogne et, au XVIIe siΦcle, les baleiniers de plusieurs nations europΘennes bravΦrent la glace et les mers orageuses de l'Atlantique Nord pour chasser les baleines prΦs des εles du Spitzberg et de Jan Mayen α la limite de la banquise polaire, mais les animaux de ces rΘgions furent bient⌠t presque exterminΘs et les chasseurs durent chercher leur gibier plus loin vers l'ouest, vers l'AmΘrique. Finalement, en 1719, les premiers navires baleiniers europΘens contournΦrent la pointe sud du Groenland et s'aventurΦrent dans les eaux arctiques du dΘtroit de Davis.
  10.  
  11.      Durant les premiΦres annΘes, les Hollandais dominΦrent la ½pΩche╗ arctique, car c'est ainsi que les baleiniers appelaient leur mΘtier. La Hollande Θtait alors une des grandes nations com- merτantes de l'Europe et s'enorgueillissait de possΘder une grande flotte et de nombreux marins habiles. EncouragΘs par une subvention de l'╔tat, les propriΘtaires de navires de la Grande-Bretagne agrandirent, aprΦs 1750, leur flotte de baleiniers et, au dΘbut du siΦcle suivant, la rΘgion est de l'Arctique Θtait pratiquement la chasse gardΘe de baleiniers d'╔cosse et d'Angleterre.
  12.  
  13.      Les baleiniers quittaient l'Europe α destination du dΘtroit de Davis vers les mois de fΘvrier et de mars. Quelquefois, les navires se rendaient tout d'abord α la chasse au phoque sur la banquise de l'Atlantique Nord ou le long de la c⌠te du Labrador. S'ils gagnaient directement les territoires de chasse α la baleine, ils effectuaient gΘnΘralement la traversΘe α partir de l'Europe en suivant le 58e parallΦle pour arriver bien au large de l'extrΘmitΘ sud du Groenland, le cap Farewell, dont les parages Θtaient redoutΘs pour les amoncellements de glace α la dΘrive qui, souvent, l'entouraient. Comme c'Θtait encore l'hiver, la tempΘrature descendait bien au-dessous du point de congΘlation au cours des longues nuits passΘes en mer et l'embrun gelait le grΘement et couvrait les ponts d'une couche de glace glissante. Les marins passaient frΘquemment une bonne partie de la traversΘe α pelleter la neige accumulΘe sur les ponts et α dΘglacer les cordages. 
  14.  
  15.      Lorsqu'ils approchaient de leur destination, la pointe nord de l'εle Baffin, les navires baleiniers Θtaient forcΘs de suivre une route circulaire. Au dΘbut de la saison, en effet, les c⌠tes de l'εle Baffin Θtaient bloquΘes par des glaces entraεnΘes au sud de l'archipel dans le dΘtroit de Davis. Toutefois, prΦs des c⌠tes du Groenland, un courant chaud venant du sud ouvrait un corridor d'eaux libres jusqu'α la baie Melville au nord. Les baleiniers empruntaient d'habitude ce corridor, traversaient ensuite la baie Melville et se rendaient α l'εle Baffin par le nord, essayant de parvenir α l'inlet Pond α la fin juin.
  16.  
  17.      La traversΘe de la baie Melville se rΘvΘlait la partie la plus dangereuse de tout le voyage. Du c⌠tΘ de la terre, une couche de glace d'un seul tenant adhΘrait au fond de la baie, tandis que, du c⌠tΘ du large, des amoncellements de glace brisΘe changeaient imprΘvisiblement de direction avec le vent et le courant. Les navires avanτaient lentement vers l'ouest en convoi par le passage Θtroit d'eau libre le long de la glace de rive. Quelquefois, l'Θquipage sautait sur les glaτons pour pousser le navire dans la trouΘe. Tant que le vent soufflait du nord, le passage Θtait libre, mais quand il se mettait α souffler du sud, les glaces dΘrivaient vers les navires, les pressaient contre la banquise et les broyaient comme des coquilles d'oeufs. Chaque saison, des navires Θtaient perdus dans cette traversΘe pΘrilleuse et la baie Melville mΘritait sa rΘputation de ½chantier de dΘmolition╗. Les marins s'attendaient au pire. Durant toute la traversΘe, ils gardaient prΦs d'eux un baluchon d'effets personnels pour le cas o∙ ils devraient quitter prΘcipitamment le navire. Lorsque les navires Θtaient perdus dans la glace, l'Θquipage se rΘfugiait sur les glaτons jusqu'α ce qu'un autre baleinier vienne α leur rescousse.
  18.  
  19.      AprΦs la traversΘe du ½chantier de dΘmolition╗, les baleiniers entraient dans le dΘtroit de Lancaster. Les baleines y arrivaient au cours de la premiΦre semaine de juillet et alors, la pΘriode la plus intensive de la chasse α la baleine commenτait. La saison Θtait courte et, α la fin d'ao√t, les navires sillonnaient la c⌠te sud de l'εle Baffin α l'aff√t des derniΦres baleines de la saison. En septembre ou en octobre, ils avaient terminΘ le tour complet du dΘtroit de Davis et de la baie Baffin et mettaient le cap sur leur port d'attache.
  20.  
  21.      └ de nombreuses occasions dans l'histoire de la chasse α la baleine dans l'Arctique, des navires furent cernΘs par les glaces et empΩchΘs de quitter le dΘtroit de Davis. Lorsque les glaces s'amoncelaient le long des c⌠tes de l'εle Baffin au lieu de descendre dans le dΘtroit, le chemin du retour Θtait bloquΘ. Les navires dΘrivaient impuissants vers le sud avec les glaces  pendant plusieurs mois. Si le choc des glaτons ne les envoyait pas par le fond, les baleiniers se trouvaient en janvier quelque part au large du Labrador. Les Θquipages pouvaient Ωtre alors dΘcimΘs par le scorbut, l'Θpuisement et le froid. Souvent, les baleiniers parvenaient au port avec seulement une demi-douzaine de marins assez forts pour effectuer les manoeuvres. 
  22.  
  23.      Le gibier des chasseurs de l'Arctique Θtait la baleine borΘale. Chaque annΘe, cet animal suit une route migratoire proche de celle empruntΘe par les navires qui le chassent. En mars, cette baleine nage tranquillement prΦs de la banquise au large de la baie Frobisher et de la baie Cumberland, attendant que la glace se brise et libΦre le passage menant au dΘtroit de Davis et α la c⌠te ouest du Groenland. En juillet, les baleines ont traversΘ la baie Baffin jusqu'au dΘtroit de Lancaster et se sont rendues dans les nombreuses baies et anses de l'εle Baffin. Elles s'y nourrissent jusqu'α ce que la banquise les force α retraiter de nouveau vers le sud, en octobre. Bien que cela n'ait jamais ΘtΘ attestΘ, on prΘsume qu'elles passent l'hiver dans les eaux froides prΦs de la banquise.
  24.  
  25.      On chassait tout d'abord la baleine borΘale pour l'huile que contient son Θpais manteau de graisse. On a tuΘ des individus qui mesuraient jusqu'α 18 m de long et qui pesaient jusqu'α 72 000 kg. Un animal moyen donnait environ 100 barils d'huile. └ l'origine, on employait l'huile de baleine pour faire du savon, comme agent nettoyant dans l'industrie textile de la laine et comme combustible pour les lampadaires. Au cours du XIXe siΦcle, cependant, l'huile vΘgΘtale, moins dispendieuse, la houille et les produits pΘtroliers remplacΦrent progressivement l'huile de baleine. AprΦs 1860, la demande accusa une baisse dramatique, quoiqu'on l'employΓt encore pour le tannage du cuir et la production de lubrifiants, de peintures et de vernis.
  26.  
  27.      L'industrie de la chasse α la baleine survΘcut α l'effondrement du marchΘ de l'huile parce que la demande s'accrut pour un second produit de la baleine, les fanons. La baleine borΘale appartient au groupe des cΘtacΘs qui, au lieu de dents, possΦdent de longues rangΘes de fanons, appelΘs communΘment baleines, pendant de leur mΓchoire supΘrieure comme un rideau. Les fanons les plus longs mesurent plus de 4 m et un animal de bonnes dimensions peut en porter plus de 700. Ils sont faits d'une substance cornΘe d'aspect osseux mais, contrairement α l'os, ils sont flexibles lorsqu'ils sont chauffΘs et on peut leur donner diffΘrentes formes. EmployΘs tout d'abord pour faire des baleines de corset, les fanons furent vite utilisΘs pour fabriquer une vaste gamme de produits tels que, fouets de cocher, cerceaux de jupes, parapluies, roues et ressorts de voitures, valises et cannes α pΩche. Vers la fin du XIXe siΦcle, surtout α cause de la mode fΘminine, la valeur des fanons, qui Θtait de 0,32$ (amΘricains) la livre (0,45 kg) en 1850, grimpa en flΦche pour atteindre le prix faramineux de 5,80$ la livre en 1905. Comme une baleine borΘale avait en moyenne 1 500 livres (675 kg) ½d'os╗ dans la gueule, l'huile et les fanons d'un seul animal pouvaient valoir au dΘbut des annΘes 1900 jusqu'α 15 000$ ce qui suffisait en soi pour dΘfrayer un voyage de chasse α la baleine.
  28.  
  29.      Bien entendu, la rΘgion arctique n'Θtait pas le seul territoire de chasse α la baleine du monde. Les baleiniers amΘricains et britanniques patrouillaient l'Atlantique Sud le long des c⌠tes de l'Afrique et de l'AmΘrique du Sud α la recherche des puissants cachalots macrocΘphales et, au XIXe siΦcle, les participants α cette ½pΩche mΘridionale╗ avaient contournΘ le cap Horn et exploitaient Θgalement les eaux du Pacifique Sud. L'huile tirΘe du cachalot macrocΘphale valait gΘnΘralement plus que l'huile de baleine ordinaire. De plus, l'animal mΘridional possΘdait, dans une cavitΘ occipitale, une grande quantitΘ de liquide cireux, appelΘ spermaceti. Refroidie, cette cire produisait des chandelles de qualitΘ supΘrieure. En revanche, le cachalot macrocΘphale Θtait un cΘtacΘ α dents, dΘpourvu par consΘquent des fanons si prΘcieux des captures septentrionales. La chasse pratiquΘe dans le sud s'ajoutait α celle qui s'opΘrait dans l'Arctique et, par consΘquent, ne s'y substituait pas. Tant qu'il y eut des baleines borΘales α chasser, les baleiniers retournΦrent dans le nord.
  30.  
  31.      DΦs qu'un navire arrivait dans les zones de chasse de l'Arctique, une vigie grimpait au nid de pie. Lorsque retentissait le cri familier ½on souffle lα-bas╗, les marins sautaient dans leurs baleiniΦres et se mettaient α sa poursuite. Un patron de baleiniΦre commandait chaque embarcation; il se tenait α la poupe, manoeuvrant le long gouvernail et criant ses ordres α ses rameurs affairΘs. Il lui incombait de prΘvoir l'endroit o∙ la baleine ferait surface et de placer l'embarcation de telle faτon que, dans les brefs moments o∙ l'animal serait visible, le harponneur pourrait l'atteindre.
  32.  
  33.      Lorsque le harpon, muni d'une corde Θpaisse, s'enfonτait dans le dos de la baleine, l'animal furieux frappait l'eau d'un battement convulsif de sa large queue et plongeait. Un cri retentissait ½Elle plonge! Elle plonge!╗ pour avertir les marins des autres embarcations. Il leur fallait Θvaluer l'endroit o∙ la baleine borΘale blessΘe referait surface et Ωtre lα pour la harponner α nouveau. Quand la baleine Θtait trΦs affaiblie par le sang qu'elle avait perdu et qu'elle ne pouvait pas aller plus loin, on enfonτait α multiples reprises une lance sans barbelure dans ses parties vitales pour lui percer le coeur ou lui couper une grosse veine. L'Θvent crachait un sang rouge vif et teignait la mer et les hommes, puis l'animal roulait sans vie dans l'eau.
  34.  
  35.      La chasse α la baleine Θtait une occupation dangereuse, mΩme sous les tropiques, mais la prΘsence de glaces la rendait spΘcialement pΘrilleuse dans l'Arctique. Lorsqu'une baleine borΘale Θtait harponnΘe, elle plongeait habituellement sous la glace la plus proche. Il fallait parfois couper la corde du harpon pour que la baleiniΦre ne soit pas rΘduite en miettes. En d'autres circonstances, les marins montaient sur la glace avec des lignes, des lances et des harpons et continuaient la chasse α pied pour tuer l'animal lorsqu'il venait respirer dans un espace libre.
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  37.      Lorsque la baleine Θtait tuΘe, on traεnait la carcasse jusqu'au navire, on l'attachait au c⌠tΘ de celui-ci et on la dΘpouillait de sa couche de graisse. Cette opΘration se nomme le dΘpeτage. Les lardons volumineux et riches en huile Θtaient montΘs sur le pont o∙ on les coupait en petits morceaux et on les plaτait ensuite dans des barils de bois et plus tard dans des rΘservoirs d'acier. L'immense tΩte de l'animal Θtait sΘparΘe du reste du corps et on la montait aussi sur le pont pour extraire les fanons de la mΓchoire. Par la suite, la masse sanguinolente d'os et de viscΦres coulait ou s'en allait α la dΘrive et servait de pΓture aux autres animaux arctiques. Les premiers baleiniers avaient des cales assez grandes pour emmagasiner l'huile et les fanons de plus de vingt baleines, mais il fallait une saison exceptionnelle pour que l'un d'entre eux ramΦne une charge pleine.
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  39.      La tactique employΘe pour traquer la baleine borΘale varia peu au cours des annΘes mais les techniques devinrent de plus en plus meurtriΦres. Une mise α mort rapide Θtait beaucoup plus importante dans les eaux arctiques que dans les eaux tropicales, puisque la baleine pouvait atteindre la banquise et qu'alors ses chances de s'Θchapper augmentaient considΘrablement. Par consΘquent, les baleiniers arctiques inventΦrent des armes qui joignaient la tΘnacitΘ du harpon α la puissance meurtriΦre de la lance. Vers les annΘes 1850, on commenτa α se servir de la carabine pour tuer l'animal blessΘ et ΘpuisΘ par la poursuite. Cette arme, qu'on appelait en anglais bomb gun ou rocket gun, ressemblait α un fusil α canon court et de fort calibre. Elle lanτait un engin explosif muni d'une fusΘe α retardement qui dΘtonait α l'intΘrieur de la baleine, en faisant Θclater les viscΦres et causant souvent sa mort instantanΘment. Vers les annΘes 1860, elle avait remplacΘ la lance dans l'arsenal des baleiniers.
  40.  
  41.      Pour limiter encore les possibilitΘs de fuite, Svend Foyn, capitaine de baleinier norvΘgien, mit au point, en 1865, un canon lance-harpon. MontΘ sur un pivot α la proue du navire, ce canon lanτait un harpon barbelΘ muni d'une charge explosive. Le canon lance-harpon Θtait populaire auprΦs des baleiniers europΘens, mais les AmΘricains prΘfΘraient le canon lance-dard mis au point dans les annΘes 1880 par deux baleiniers de la Nouvelle-Angleterre. Ce dispositif alliait la prΘcision du harpon α main et la puissance meurtriΦre de la ½bombe╗ explosive. Quand le harponneur lanτait le dard dans l'animal, l'explosif dΘtonait par contact. Avec l'usage d'un tel arsenal meurtrier, la chasse α la baleine cessa d'Ωtre un combat et devint un simple massacre.
  42.  
  43.      Une nouvelle innovation technique qui prolongea la vie de l'industrie baleiniΦre de plus d'un demi-siΦcle fut l'installation de moteur α vapeur α bord des baleiniers. La conversion de la voile α la vapeur ne fut jamais complΦte. Les navires continuaient α Ωtre grΘΘs en barque et, dans la mesure du possible, les voiles Θtaient dΘployΘes pour Θconomiser le combustible. NΘanmoins la vitesse ΘlevΘe, la puissance et la manoeuvrabilitΘ assurΘes par les moteurs α vapeur permirent aux baleiniers de se rendre plus loin dans les rΘgions encore inexploitΘes. Ils rΘduisaient aussi les dangers causΘs par les glaces et les tempΩtes et augmentaient les chances qu'avait un navire parti au printemps pour l'Arctique de rentrer α son port a l'automne. Les premiers moteurs α vapeur auxiliaire furent installΘs sur les baleiniers au cours des annΘes 1850 et, vers la fin des annΘes 1860, presque tous les navires de la flotte britannique en Θtaient ΘquipΘs.
  44.  
  45.      Au milieu du XIXe siΦcle, les baleiniers amΘricains des ports de la Nouvelle-Angleterre en Θtaient venus α dominer l'industrie baleiniΦre. Leurs parages favoris Θtaient situΘs le long des c⌠tes de l'Afrique, de l'AmΘrique du Sud et du Japon, mais, lorsque la valeur de l'huile baissa, ils commencΦrent α chasser les baleines α fanons plus profitables qui habitaient sous le climat froid de l'Arctique. L'activitΘ des AmΘricains, dans la rΘgion est de l'Arctique, Θtait concentrΘe dans les environs de la baie d'Hudson, rΘgion encore inexploitΘe par les baleiniers europΘens. Les baleines borΘales entrent apparemment chaque printemps dans la baie et se rassemblent α la limite de la banquise polaire, prΦs de l'extrΘmitΘ sud du dΘtroit de Roes Welcome, passage Θtroit sΘparant le continent de l'εle Southampton. Quand les glaces reculent vers le nord, les baleines suivent le dΘtroit et contournent l'extrΘmitΘ nord de l'εle Southampton avant de retourner vers le sud vers le dΘtroit d'Hudson au cours de l'automne. Les premiers AmΘricains arrivΦrent dans ces parages en 1860 et, au cours des cinquante annΘes qui suivirent, il y eut presque toujours quelques navires qui croisaient dans le dΘtroit.
  46.  
  47.      RetardΘs par les glaces dans le dΘtroit d'Hudson, les baleiniers de la baie d'Hudson n'atteignaient pas leur destination avant le mois d'ao√t. ╔tant arrivΘs plus tard, ils ne retournaient pas α leur port d'attache α l'automne comme les baleiniers britanniques de la baie Baffin, mais passaient plut⌠t l'hiver dans le Nord, emprisonnΘs par les glaces dans quelque abri c⌠tier ΘloignΘ. Leur hivernage prΘfΘrΘ Θtait l'εle Marbre, situΘe prΦs de l'entrΘe de l'inlet Rankin, du c⌠tΘ ouest de la baie. Du c⌠tΘ sud de l'εle, un excellent port offrait un abri aux vaisseaux et les protΘgeait des vents violents et des glaces α la dΘrive. Plus tard, lorsque les baleines commencΦrent inΘvitablement α disparaεtre de la baie d'Hudson et que les baleiniers durent s'engager plus loin dans le dΘtroit de Roes Welcome α leur poursuite, les navires allΦrent s'abriter α d'autres ports d'hiver situΘs α Depot Island, au cap Fullerton et α Repulse Bay.
  48.  
  49.      Les baleiniers amΘricains procΘdaient toujours de la mΩme faτon pour prΘparer leurs navires α hiverner dans l'Arctique. PrΦs de chaque port, il y avait un bassin d'eau douce qui servait de source d'approvisionnement pour l'Θquipage. Lorsque ce bassin gelait, la glace Θtait coupΘe en morceaux et transportΘe sur des traεneaux jusqu'aux navires o∙ on les faisait fondre. Quand le port Θtait gelΘ et les bateaux immobilisΘs dans les glaces, on recouvrait les ponts de toile ou de planches et le bateau tout entier Θtait isolΘ d'une couche de neige de prΦs de huit pieds d'Θpaisseur. └ bord, dans le poste d'Θquipage, un poΩle maintenait la tempΘrature au niveau confortable de 16 C.
  50.  
  51.      La viande fraεche Θtait essentielle α la santΘ des marins et c'Θtaient les Inuit de l'endroit qui la leur fournissaient. Ils se rassemblaient prΦs des navires au cours de l'hiver, chassant le caribou et le phoque pour les Θtrangers au teint pΓle et Θchangeant des fourrures et des peaux contre des armes et d'autres marchandises, spΘcialement des mΘtaux. Les femmes fabriquaient les vΩtements de peau portΘs par les baleiniers et les hommes Θtaient engagΘs comme hommes d'Θquipage pour les croisiΦres estivales. On peut dire sans exagΘration que les baleiniers arctiques n'auraient pas survΘcu α de si nombreux hivers dans le Nord sans l'aide des Inuit.
  52.  
  53.      Le troisiΦme et dernier parage de chasse α la baleine dans l'Arctique canadien Θtait situΘ α l'extrΘmitΘ ouest de l'archipel, dans la mer de Beaufort. Les baleiniers amΘricains visitaient rΘguliΦrement le Pacifique Nord mais, avant 1848, ils n'avaient pas ΘtΘ au-delα de la mer de BΘring. Cette annΘe-lα, un capitaine entreprenant traversa le dΘtroit de BΘring pour se rendre dans l'Arctique et dΘcouvrit un ocΘan o∙ pullulaient les baleines. Jusqu'en 1854, les navires s'Θtaient rendus de plus en plus loin chaque saison, mais cette annΘe-lα les premiers s'aventurΦrent au-delα de Point Barrow, extrΘmitΘ septentrionale du continent. Les baleiniers craignaient pourtant de pousser plus α l'est dans la mer de Beaufort, la ½mer interdite╗, comme ils l'appelaient. Les eaux c⌠tiΦres de l'Alaska Θtaient peu profondes et parsemΘes de dangereux rΘcifs et d'εles α fleur d'eau. La c⌠te n'offrait pas d'abris s√rs et si la banquise se dirigeait vers le sud, elle pouvait pulvΘriser les navires sur la berge rocheuse. 
  54.  
  55.      L'apparition des moteurs α vapeur rendit moins pΘrilleuse la route vers l'est, cependant, et α l'ΘtΘ 1889 les baleiniers amΘricains entraient dans la mer de Beaufort. Comme leurs compatriotes dans la baie d'Hudson, les baleiniers de l'Ouest passaient l'hiver dans le Nord pour entreprendre la chasse dΦs la fin du printemps. └ deux occasions, des baleiniers passΦrent six hivers d'affilΘe dans l'Arctique avant de finalement regagner leur port d'attache. La plupart des navires qui se rendaient dans la mer de Beaufort partaient du port de San Francisco, qui avait remplacΘ les ports de la Nouvelle-Angleterre comme principale base amΘricaine de la chasse α la baleine dans l'Arctique. Cette ville portuaire offrait d'Ωtre assez prΦs de l'Arctique et, vers le milieu des annΘes 1860, elle fut reliΘe par un service ferroviaire transcontinental aux centres manufacturiers et commerciaux de l'Est.
  56.  
  57.      L'hivernage prΘfΘrΘ Θtait l'anse Pauline, sur l'εle Herschel, petit coin de terre nichΘ au nord de la c⌠te du Yukon α environ 130 km α l'ouest du delta du Mackenzie. Un peu plus tard, les navires se rendirent un peu plus loin α l'est pour hiverner aux εles Baillie, α l'extrΘmitΘ du cap Bathurst. └ chaque endroit, les Inuit des environs se rassemblaient autour des navires, vivant dans leurs iglous et chassant le caribou dans les montagnes α l'intΘrieur de la c⌠te arctique.
  58.  
  59.      Les hivernages devinrent instantanΘment des villes-frontiΦres et les voyageurs qui les avaient visitΘes rapportaient des incidents d'ivrognerie, de violence et d'anarchie. On apportait des boissons alcoolisΘes de San Francisco et on les Θchangeait aux Inuit contre leurs fourrures et leurs femmes. Les maladies vΘnΘriennes se rΘpandirent et les bagarres d'ivrognes Θtaient frΘquentes. On comptait rarement moins de deux α trois meurtres chaque annΘe. Les marins Θtaient mal payΘs et beaucoup n'avaient jamais ΘtΘ en mer auparavant. Le froid, l'ennui, l'isolement forτΘ en amenaient plusieurs α dΘserter leur navire et α fuir vers les postes de traite des fourrures α l'intΘrieur des terres. Au cours de la ruΘe vers l'or du Klondike, des douzaines des membres d'Θquipage partirent pour Dawson et les terrains aurifΦres, mais ces tentatives Θtaient rarement fructueuses et les hommes Θtaient poursuivis et ramenΘs α moitiΘ gelΘs, chanceux d'avoir survΘcu.
  60.  
  61.      Les conditions Θtaient plus stables dans l'est de l'Arctique. Dans la rΘgion de l'εle Baffin et du dΘtroit de Davis, les baleiniers n'hivernaient habituellement pas, de sorte que les contacts entre les marins et les Inuit Θtaient courts. Dans la baie d'Hudson, les navires amΘricains, pour une raison inconnue, n'apportaient pas de boissons alcoolisΘes, de sorte que l'influence dΘmoralisatrice et violente du commerce de l'alcool ne se faisait pas sentir. NΘanmoins, partout dans le Nord, les baleiniers apportΦrent la mort et la perturbation aux Inuit. Les Autochtones n'Θtaient pas immunisΘs contre certaines maladies et nombre d'entre eux moururent α la suite d'ΘpidΘmies de rougeole, de typhus et de scarlatine vΘhiculΘes dans le Nord par les marins. Dans l'εle Southampton, un petit groupe d'Autochtones appelΘs Saglermiut furent complΦtement anΘantis par la maladie apportΘe sur leur εle par un baleinier de passage. Dans l'ouest de l'Arctique, la population inuit tomba de 2 500 α 250 Γmes α l'Θpoque de la chasse α la baleine. 
  62.  
  63.      L'arrivΘe soudaine de nombreux baleiniers imposa aussi un lourd tribut aux ressources de l'Arctique. Il leur fallait des quantitΘs Θnormes de viande et bient⌠t, au moins sur la c⌠te de Beaufort, le caribou commenτa α disparaεtre. Lorsque la viande et le cuir se firent plus rares, les Inuit durent compter sur la nourriture et les vΩtements qu'ils achetaient aux baleiniers. De nombreux Autochtones furent engagΘs par ceux-ci pour chasser le gibier ou pour manoeuvrer les baleiniΦres. De plus en plus, la vie Θconomique des habitants du Nord fut centrΘe sur l'activitΘ des baleiniers Θtrangers et leur cycle saisonnier traditionnel de chasse et de pΩche de subsistance fut remplacΘ par un nouveau type qui comprenait des pΘriodes d'emploi rΘmunΘrΘ. Il s'Θtablit une relation d'interdΘpendance entre les baleiniers et les Autochtones. Le marin comptait quelquefois sur les Inuit pour lui fournir de la nourriture et des vΩtements et en d'autres occasions, les Inuit dΘpendaient de l'homme blanc, dont ils obtenaient des emplois, des marchandises de traite et des denrΘes alimentaires.
  64.  
  65.      Lorsque les incidents scandaleux d'ivrognerie et de dΘbauche qui avaient courus α l'εle Herschel furent connus au sud, la sociΘtΘ missionnaire de l'╔glise anglicane dΘpΩcha en 1893 le rΘvΘrend Isaac Stringer pour fonder une mission dans l'εle. De mΩme, la sociΘtΘ envoya le rΘvΘrend E. J. Peck aux stations baleiniΦres de la baie Cumberland dans l'εle Baffin. Stringer essaya d'abord de mettre fin au traffic des boissons alcoolisΘes, avec des rΘsultats mitigΘs. Ensuite, avec le mΩme dΘvouement rΘsolu, il essaya de remplacer la religion des Autochtones par le christianisme. Les missionnaires Θtaient des hommes braves et bien intentionnΘs qui croyaient que les Inuit avaient besoin d'Ωtre protΘgΘs contre les ravages des baleiniers, mais leur intolΘrance face aux croyances des Autochtones sapa encore davantage la culture de ce peuple.
  66.  
  67.      La prΘsence de tant de baleiniers Θtrangers dans les eaux canadiennes incita finalement les autoritΘs politiques d'Ottawa α affirmer la souverainetΘ canadienne sur tout l'archipel de l'Arctique. Le Canada possΘdait officiellement les εles du Nord depuis que la Grande-Bretagne lui avait cΘdΘ ses prΘtentions en 1880, mais le gouvernement n'y avait pas d'Θtablissement et, en 1900, certains commenτaient α craindre que les ╔tats-Unis projettent d'annexer la rΘgion sous prΘtexte de l'activitΘ des baleiniers amΘricains. C'est ainsi que le premier ministre, sir Wilfrid Laurier, envoya des agents de la Police montΘe du Nord-Ouest pour ½assumer paisiblement l'autoritΘ dans toutes les directions╗.
  68.  
  69.      Les deux premiers dΘtachements policiers furent Θtablis en 1903, l'un α l'εle Herschel et l'autre α Fullerton Harbour dans le nord-ouest de la baie d'Hudson. Les gendarmes devaient maintenir la loi et l'ordre, percevoir les droits de douane sur les biens importΘs et rΘglementer le commerce des boissons alcoolisΘes. Cependant, quand ils arrivΦrent, la chasse α la baleine Θtait α son dΘclin et les pires excΦs Θtaient choses du passΘ. Comme l'Θcrivait un agent de l'εle Herschel : ½On m'a dit que j'Θtais en retard de six ans.╗ 
  70.  
  71.      Au cours de la seconde moitiΘ du XIXe siΦcle, comme le nombre des baleines borΘales diminuait, les marchands britanniques et amΘricains Θtablirent des stations baleiniΦres le long des c⌠tes de l'εle Baffin et du dΘtroit d'Hudson et dans le coin nord-ouest de la baie d'Hudson. Les exploitations basΘes sur la terre ferme prΘsentaient certains avantages par rapport aux navires baleiniers de haute mer: les stations n'Θtaient jamais dΘtruites par les glaces, il leur fallait moins d'hommes puisqu'on avait surtout recours α la main-d'oeuvre autochtone et, comme les baleiniers commerτaient avec les Inuit en plus de chasser la baleine, ils pouvaient rΘaliser un bΘnΘfice mΩme si leurs prises annuelles Θtaient faibles.
  72.  
  73.      Les Canadiens ne participΦrent pas α l'industrie baleiniΦre dans l'Arctique. C'Θtait une entreprise pleine de risques, dans laquelle il fallait investir beaucoup de capitaux pour construire et Θquiper les navires qui risquaient fort d'Ωtre dΘtruits par les glaces. Les entrepreneurs canadiens trouvaient que le jeu n'en valait pas la chandelle. De toute faτon, vers la fin du XIXe siΦcle, c'est-α-dire α une Θpoque o∙ les hommes d'affaires canadiens auraient pu s'intΘresser α cette industrie, il devenait apparent qu'il y avait de moins en moins de baleines dans l'Arctique. Les Canadiens entreprirent toutefois de chasser la baleine sur les c⌠tes de l'Atlantique et du Pacifique.
  74.  
  75.      Lorsque la PremiΦre Guerre mondiale Θclata, la chasse α la baleine avait pratiquement cessΘ dans l'Arctique canadien. Les animaux eux-mΩmes Θtaient devenus rares. La demande pour les fanons de baleine flΘchit dramatiquement avec la mise au point de produits de substitution, notamment les ressorts d'acier et les matiΦres plastiques, et le prix tomba α une fraction de ce qu'il avait ΘtΘ α la fin du siΦcle. Les voyages de chasse α la baleine poussΘs de plus en plus loin dans l'archipel co√taient de plus en plus cher et il fallait par consΘquent faire des prises plus nombreuses et non pas des prises sommaires. Comme les navires continuaient α se perdre dans les glaces, les investisseurs transfΘrΦrent leurs fonds dans des affaires moins risquΘes. Pour toutes ces raisons, les baleiniers quittΦrent le Nord ou s'abandonnΦrent exclusivement au commerce avec les Inuit. Ailleurs dans le monde, la chasse α la baleine continua jusqu'α nos jours, mais dans l'Arctique, elle Θtait terminΘe.
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  77.      Les baleiniers Θtrangers eurent une influence considΘrable sur l'histoire du Nord canadien. Ils ΘpuisΦrent une ressource naturelle α tel point que la baleine borΘale fut dΘclarΘe espΦce menacΘe d'extinction. En de nombreux endroits, ils furent les premiers hommes blancs α entrer en contact avec les Inuit et leur arrivΘe marque le dΘbut des Θchanges culturels entre les deux peuples. De plus, leur activitΘ poussa le gouvernement fΘdΘral α Θtendre son autoritΘ au Nord et α proclamer incontestablement l'Arctique territoire canadien.  
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