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Text File  |  1996-06-20  |  37KB  |  95 lines

  1. âVOLUTION DE LA MODE VESTIMENTAIRE CANADIENNE AU DIX-NEUVIΘME SIΘCLE 
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  3. K.B. Brett 
  4.  
  5.      Autrefois, c'Ätait les membres de la famille royale et ceux de la noblesse ou les personnes influentes qui donnaient le ton de la mode. Selon la faìon dont ils s'habillaient, ils imposaient l'extravagance ou la sobriÄtÄ: les femmes, habituellement, choisissaient de prÄfÄrence l'extravagance et c'Ätait ê qui porterait, par exemple, les paniers les plus vastes ou les coiffures les plus hautes; les hommes, comme le beau Brummel et Lord Byron, choisissaient la sobriÄtÄ. Ce n'est qu'ê l'arrivÄe du premier couturier, le dessinateur de mode Charles Worth qui habillait l'ÄlÄgante princesse franìaise EugÄnie dans les annÄes 1850, que l'influence exercÄe par la femme du monde s'estompa au profit de celle de son couturier. Aujourd'hui, les couturiers exercent encore une influence considÄrable, mais ils ne rÄservent pas leur talent aux seules femmes riches ê la mode; ils habillent aussi les femmes qui poursuivent une carriÅre et les jeunes personnes actives aux moyens plus limitÄs. Mary Quant et le groupe de jeunes dessinateurs de Londres qui ont mis la mini-jupe ê la mode sont parmi les plus reprÄsentatifs de cette tendance. Ce changement a abouti ê la diversitÄ du vÉtement aujourd'hui adaptÄ aux diffÄrents modes de vie. Les jeunes personnes n'ont plus ê attendre le jour o¥ elles pourront enfin s'habiller comme des adultes, comme c'Ätait le cas dans le passÄ.
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  7.      Les Canadiens et les Canadiennes, comme leurs ancÉtres franìais, britanniques ou amÄricains, Ätaient extrÉmement dÄsireux de connaötre la derniÅre mode, mais, seuls, ceux des grandes et petites villes, qui recevaient des nouvelles directes de Paris, de Londres, ou, par la suite, de New York et San Francisco, pouvaient espÄrer rester au courant des tendances et des engouements du jour. Plus la ville ou le village Ätait ÄloignÄ, plus il fallait de temps pour que ces intÄressantes nouvelles ne les atteignent. FrÄquemment, il n'Ätait ni Äconomique ni facile de suivre les caprices de la mode. Plus d'une jeune mariÄe est venue au Canada avec un trousseau ÄlÄgant pour dÄcouvrir qu'elle ne pourrait pas porter de telles parures tant que la terre ne serait pas dÄfrichÄe, la maison construite et la ferme bien Ätablie. Ce n'est qu'ê ce moment-lê que le village disposait d'assez de loisirs pour organiser, ê l'occasion, des rÄunions d'amis et, alors, le trousseau Ätait gÄnÄralement dÄmodÄ. Parfois, il Ätait soigneusement rangÄ comme un prÄcieux hÄritage familial. Plus souvent, les vÉtements avaient ÄtÄ refaits ou coupÄs pour faire des vÉtements d'enfants.
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  9.      Si vous vous promenez dans la rue principale de quelque ville ou village, un jour plein d'animation, il vous arrivera rarement de voir tout le monde vÉtu ê la derniÅre mode. Il y a souvent un dÄcalage de dix ans, ou mÉme plus, dans les diffÄrentes tenues. Habituellement ce sont les hommes et les femmes les plus ëgÄs qui sont le moins ê la mode et les jeunes qui sont au go₧t du jour; cela a toujours ÄtÄ. La plupart des femmes dans les communautÄs rurales n'avaient qu'une seule belle robe, autant que possible une robe de soie. Si c'Ätait leur robe de noce et qu'elle avait ÄtÄ faite de tissu de couleur plutÖt que de tissu blanc, elle pouvait suffire, aprÅs avoir subi d'adroites modifications, pour le dimanche et les grandes occasions pendant plusieurs annÄes. Ces robes ont gÄnÄralement ÄtÄ soigneusement conservÄes. Certaines sont maintenant dans les musÄes mais la plupart de celles que l'on portait tous les jours ont servi et resservi; on les a usÄes jusqu'ê la corde. ╦ King's Landing (Nouveau-Brunswick) on a trouvÄ des morceaux de vÉtements d'hommes de fabrication domestique dans les gouttiÅres de maisons en dÄmolition que l'on a rapportÄes jusqu'au site. Les bons morceaux avaient peut-Étre ÄtÄ coupÄs pour faire des courtepointes ou d'autres ouvrages formÄs de piÅces, et le reste avait ÄtÄ bourrÄ dans les fentes du toit pour Äviter les courants d'air. Beaucoup de tapis ê point nouÄ, garnis de pompons, et de tapis de catalogne Ätaient faits de tissus usagÄs. Nos ancÉtres Ätaient des gens Äconomes.
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  11.      La plupart des vÉtements portÄs au Canada qui sont parvenus jusqu'ê nous ou bien que nous connaissons par des gravures, des dessins et des photographies datent du XIXe siÅcle. Il n'y a que dans nos provinces les plus anciennes, les Provinces Maritimes et le QuÄbec que l'on trouve quelques spÄcimens prÄcieux de beaux vÉtements portÄs ê QuÄbec, MontrÄal et Halifax. Ces vÉtements ÄlÄgants nous donnent une idÄe de l'Äclat que devaient prÄsenter les fÉtes lorsque tous les invitÄs y paraissaient, parÄs de leurs plus beaux atours. Penelope Winslow, Äcrivant d'Halifax en 1784, dÄcrit ainsi l'une de ces fÉtes:
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  13.      . . . La derniÅre assemblÄe a ÄtÄ particuliÅrement brillante, les robes des dames plus magnifiques que tout ce qu'on avait vu auparavant en Nouvelle-Angleterre. Madame Wentworth remporta la palme pour la splendeur de sa robe au dernier go₧t du jour (par la suite son mari fut nommÄ gouverneur). Elle portait une robe avec jupon de soie ê dessins sylvestres, garnie de fleurs d'Italie et de la plus jolie dentelle de blonde que l'on put voir, avec une traöne de quatre verges, les cheveux et les poignets ornÄs de vrais diamants. Mademoiselle Duncan Ätait trÅs ÄlÄgante dans un satin couleur fauve recouvert de crÉpe et nouÄ d'une ceinture de velours noir, les cheveux ornÄs de motifs de perles, sans plumes ni fleurs. Elle a ÄtÄ extrÉmement admirÄe ainsi que Kitty Taylor en blanc tout simple . . . Lady D - - - et Mlle Bayley se dÄplaìaient dans une profusion de plumes et de fleurs ondoyantes . . .
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  15.      Tout cela Ätait sur le point de changer et Kitty Taylor, ╟en blanc tout simple╚, nous l'annonce. La mode des simples robes de mousseline, de prÄfÄrence blanches, serrÄes par une large ceinture, allait poindre. C'est ce qu'on appelait des robes chemises. Et les tissus de soie brochÄe, les crinolines et les paniers ainsi que les Ächafaudages de cheveux allaient disparaötre. Certaines femmes ëgÄes regrettaient ce changement et se cramponnaient ê leurs robes dÄmodÄes, mais âdouard Winslow encouragea de son mieux sa femme ê suivre la nouvelle mode qu'il approuvait. Lui Äcrivant d'Halifax, en 1785, il lui dit ╟. . . Je vous ai aussi achetÄ une autre robe de mousseline au go₧t du jour . . .╚
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  17.      On associe souvent ce changement dans les modes fÄminines ê la RÄvolution franìaise avec laquelle il a coòncidÄ et qu'elle a stimulÄ, mais nous pouvons voir par la lettre d'âdouard Winslow que le mouvement avait commencÄ auparavant. Cette mode s'est inspirÄe des vÉtements plus faciles ê porter, mieux adaptÄs, des femmes anglaises qui vivaient la plupart du temps sur les propriÄtÄs de leur mari ê la campagne, et non pas ê la cour, comme les femmes de la noblesse franìaise. Ces vÉtements confortables plurent aux Franìaises ê la mode; ils rÄpondaient tout ê fait ê leur go₧t de la vie pastorale telle que la concevait Marie-Antoinette. Les Franìaises tiraient orgueil de s'habiller en style anglais. En 1790, on avait adoptÄ ê Paris, haut lieu de la mode, ces toilettes champÉtres. Toutes les nouveautÄs suivantes, comme l'influence classique qui se fit sentir vers le milieu des annÄes 1790 Ätaient d'origine franìaise. Les Canadiennes se mirent rapidement au diapason et Äcrivirent en Europe pour avoir des nouvelles de la derniÅre mode et, si possible, commander une robe. Par robe, ê cette Äpoque, on entendait un mÄtrage suffisant de tissu pour en confectionner une. La coupe de la robe-chemise Ätait si simple qu'on pouvait la faire ê la maison puisque toutes les femmes savaient coudre; l'art de coudre Ätait un des ÄlÄments fondamentaux de l'Äducation des petites filles.
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  19.      De ces robes simples qui ont ÄtÄ portÄes ici, trÅs peu sont parvenues jusqu'ê nous; mÉme celles du dÄbut du XIXe siÅcle qui comportaient des corsages ajustÄs et des jupes plus serrÄes sont rares. Elles pouvaient toutes Étre facilement retaillÄes pour servir ê d'autres fins. Les robes qui subsistent encore sont de mousseline blanche, de guingan Äcossais et de soies fines et douces.
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  21.      ╦ la fin du XVIIIe siÅcle, la mode des hommes changea Ägalement, elle aussi par l'influence exercÄe d'Angleterre qui devint ainsi chef de file en ce domaine, situation quelle a conservÄe pendant tout le XIXe siÅcle. Les draps anglais de fine laine remplacÅrent alors les velours et les satins de couleur pour les tenues de soirÄe. On attachait beaucoup d'importance ê la qualitÄ et les couleurs prÄfÄrÄes Ätait le bleu sombre, le prune, le brun, le vert bouteille et, dans une moindre mesure, le noir. On tenait essentiellement ê ce que les vÉtements soient bien coupÄs et aillent ê la perfection.
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  23.      Les vÉtements masculins ont toujours ÄvoluÄ dans le mÉme sens; ce sont les vÉtements usuels qui se sont peu ê peu transformÄs en vÉtements d'apparat. La redingote au XVIIIe siÅcle a d'abord ÄtÄ un manteau ê col rabattu que l'on portait pour monter ê cheval mais au XIXe siÅcle, elle est devenue peu a peu un vÉtement de cÄrÄmonie. Les pantalons Ätaient, ê l'origine, les vÉtements usuels de ceux qui travaillent en plein air. Mais dans la premiÅre dÄcennie du XIXe siÅcle, ils Ätaient devenus des tenues de ville. Au milieu du siÅcle, il Ätait admis de les porter en soirÄe.
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  25.      ╦ la fin du XVIIIe siÅcle apparut le chapeau haut-de-forme pour accompagner les tenues sportives. Au dÄbut du XIXe, tout le monde le portait; il avait remplacÄ le tricorne du siÅcle prÄcÄdent. Les chapeaux hauts-de-forme Ätaient de prÄfÄrence de castor ou de vrai feutre; la soie n'est apparue que vers 1790. InventÄ en 1797 par un chemisier de Londres, John Hetherington, ce chapeau fut trÅs remarquÄ avec ses reflets brillants et son aspect plutÖt tapageur. Pour cette raison, le chapeau de soie ne fut pas immÄdiatement acceptÄ par les messieurs ÄlÄgants, mais vers 1830, il remplaìa le chapeau de castor, entraönant une perte Änorme pour le commerce de la fourrure du Canada.
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  27.     Telles Ätaient les diffÄrentes modes qu'arboraient les belles dames et leurs cavaliers dans les rÄunions mondaines des villes et villages de l'Est du Canada, au cours des premiÅres annÄes du XIXe siÅcle, mais il n'Ätait pas toujours facile d'obtenir ces parures. On dit qu'un jeune homme avait ÄtÄ obligÄ d'emprunter un anneau de mariage pour sa fiancÄe, car il n'avait pu en trouver un ê temps pour les noces. Les expÄditions de marchandises en provenance de l'Ätranger arrivaient lorsque les lacs, les riviÅres et la baie d'Hudson Ätaient navigables et les routes carrossables. On annonìait les arrivages dans les journaux locaux. On y trouvait des accessoires comme des chëles, des mouchoirs, des bottines, des souliers, des bonnets, des glands, des rubans, des dentelles et des Äventails. Il y avait aussi de nombreuses sortes de tissus, la plupart de laine et de coton, et du matÄriel de couture comme des aiguilles, des Äpingles, du fil, des ciseaux et des dÄs. Toutes ces marchandises Ätaient immÄdiatement enlevÄes par les ÄlÄgants du pays, les couturiÅres et les tailleurs. Du fait que l'approvisionnement, bien que variÄ, Ätait limitÄ, les acheteurs qui devaient parcourir de longues distances n'arrivaient pas aussi vite que ceux qui Ätaient sur place et trouvaient souvent le stock entiÅrement vendu.
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  29.      Plus les gens Ätaient loin d'une ville ou d'un village, plus ils Ätaient obligÄs de compter sur leurs seules ressources; il y avait beaucoup de rÄgions comme cela, en particulier dans le Nouveau-Brunswick et dans l'Ontario, qui au dÄbut du XIXe siÅcle venaient tout juste de s'ouvrir au peuplement. Les femmes, avec de l'habiletÄ et de l'imagination, pouvaient se charger des travaux de couture, du mÄnage et de la confection des robes, mais il fallait d'autres compÄtences pour faire les vÉtements d'hommes et les souliers. Pourtant certaines femmes faisaient les vÉtements des hommes de la famille et certains hommes tannaient les peaux et faisaient leurs propres souliers. Le diacre Elihu Woodworth, de Grand PrÄ (Nouvelle-âcosse), raconte dans son journal de 1835-1836, qu'il prÄparait le cuir et faisait ses propres souliers. De nombreuses personnes, enfin, portaient les mocassins des Indiens, parfois par nÄcessitÄ mais le plus souvent parce que ces chaussures Ätaient pratiques et confortables.
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  31.      Sur les bords du Saint-Laurent et en Nouvelle-âcosse o¥ le peuplement avait dÄbutÄ plus tÖt qu'ailleurs, on trouvait des villages qui depuis longtemps avaient leurs cordonniers, leurs tisserands et leurs tailleurs. Les cordonniers Ätaient les ouvriers les plus rÄclamÄs dans les nouveaux villages o¥ le dur labeur nÄcessitait le remplacement frÄquent des souliers. Parmi les Loyalistes qui Ätaient venus de New York ê Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), ê bord de l'Union en 1783, il y avait huit cordonniers.
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  33.      Une fois les terres dÄfrichÄes, on Älevait des moutons afin d'avoir de la laine pour tisser les couvertures, tailler les vÉtements et tricoter des bonnets, des Ächarpes, des mitaines, des chaussettes et des sous-vÉtements pour toute la famille. Au MusÄe national de l'Homme, on trouve des spÄcimens de sous-vÉtements tricotÄs qui ont ÄtÄ portÄs par des pÉcheurs de Terre-Neuve; ils semblent avoir fait beaucoup d'usage, de nombreuses parties ayant ÄtÄ retricotÄes.
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  35.      Lorsque c'Ätait possible, on faisait pousser du lin pour tisser le linge de maison, les sousvÉtements et les chemises d'homme. Parfois, il se trouvait un homme qui avait ÄtÄ tisserand dans les vieux pays ou aux âtats-Unis et il tissait pour la communautÄ pendant les mois d'hiver lorsqu'il avait moins de travail sur ses terres. Samuel Fry, de Vineland (Ontario), Ätait un de ces artisans: les livres de comptes de cet excellent tisserand montrent qu'il Ätait un ouvrier saisonnier, qui exÄcutait ses commandes pendant les mois plus tranquilles de l'hiver.
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  37.      Ces pionniers subvenaient ê leurs propres besoins, menaient une vie trÅs occupÄe. MÉme les enfants avaient leurs tëches ê accomplir. La plupart d'entre eux apprenaient ê se montrer utiles dÅs leur jeune ëge. Les petits Ätaient habiles ê enrouler la laine sur des bobines pour le tisserand de la famille. Ce mode de vie s'est maintenu pendant tout le XIXe siÅcle alors que les villages essaimaient ê travers le pays. Les femmes avaient peu de temps pour s'occuper de la mode, l'auraient-elles souhaitÄ. Quelques privilÄgiÄes, qui avaient des parents aux öles Britanniques et ailleurs, recevaient des colis qu'elles partageaient souvent gÄnÄreusement avec leurs voisines moins heureuses.
  38.  
  39.      L'hiver, les hommes et les femmes portaient des vÉtements de fabrication domestique. Les jupes de tissage artisanal des femmes, portÄes avec des jaquettes ou des corsages, n'entraient pas dans la catÄgorie des vÉtements ê la mode au dÄbut du XIXe siÅcle. On les portait depuis le XVIIIe siÅcle et, chaudes et pratiques, elles restaient populaires ici. John Lambert, voyageant au QuÄbec dans les annÄes 1806-1808, parle des robes dÄmodÄes des femmes d'habitants. Elles avaient conservÄ quelque chose de l'habillement traditionnel apportÄ de France pendant le rÄgime franìais. Lambert note aussi qu'hommes et femmes portaient ╟des vÉtements de leur fabrication╚. Voici, entre autres, une description des habits d'hommes:
  40.  
  41.       . . . L'habillement de l'habitant est simple, ê la bonne franquette. Il se compose d'un manteau ê longues basques,ou redingote, gris, muni d'un capuchon dont on se couvre la tÉte en hiver on en cas de pluie. L'habitant noue autour de sa taille, par-dessus son manteau, une ceinture de laine peignÄe aux diverses couleurs, ornÄe de perles. Son gilet et ses pantalons sont de la mÉme Ätoffe. Une paire de mocassins, ou de bottes impermÄables complÅtent la tenue . . . L'habitant est coiffÄ d'un bonnet rouge; on pourrait dire d'un bonnet de nuit rouge . . .
  42.  
  43. De nombreux voyageurs qui ont traversÄ le QuÄbec ont parlÄ des vÉtements gris de fabrication domestique qu'ils ont vus. La ceinture dont il est question est la fameuse ceinture flÄchÄe.
  44.  
  45.      Les hommes qui travaillaient ê l'extÄrieur portaient sur leurs vÉtements un survÉtement, sorte de combinaison, destinÄ ê les protÄger des intempÄries. Ces tenues pratiques avaient fait leur apparition au XVIIIe siÅcle, dans le paquetage des soldats de la cavalerie, pour protÄger des Äclaboussures les culottes blanches de leur uniforme. C'est au dÄbut du XIXe siÅcle que les livres de comptes de l'Ontario nous apprennent que ces tenues font dÄsormais partie de la garde-robe des civils. Certains hommes, en particulier les premiers voyageurs et explorateurs, avaient adoptÄ les guÉtres de peau de daim des autochtones. Non seulement Ätaient-elles confortables, mais elles assuraient aussi une excellente protection contre les moustiques et les autres insectes voraces qui infestaient les terres sauvages. Les pionniers, pour s'en protÄger, devaient s'entourer de la boucane (fumÄe) de leurs feux de bois. Avec ces combinaisons on portait, pour faire les gros travaux, d'amples chemises de flanelle rouge tissÄes ê la main en hiver et l'ÄtÄ, des chemises de lin et de coton.
  46.  
  47.      Les vÉtements chauds pour se protÄger contre nos durs hivers Ätaient absolument nÄcessaires, pour un nouveau venu qui n'Ätait pas habituÄ au froid. Les vÉtements garnis de fourrure, ê l'extÄrieur ou ê l'intÄrieur, Ätaient les plus recherchÄs. On en doublait et on en bordait des manteaux, habillÄs ou non, des bonnets, des moufles et des guÉtres. Dans tout le pays, on portait des manteaux faits de drap molletonnÄ ou taillÄs dans les couvertures de la Baie d'Hudson. De nombreux vÉtements de femme Ätaient doublÄs de matelassage de laine ou de coton: bonnets, de soie ou de laine, appelÄs ╟bonnets tempÉtes╚, jupons, capes, jaquettes et mÉme robes de soie. Il existe une belle robe de soie matelassÄe au MusÄe du Nouveau-Brunswick. On gardait ê portÄe de la main de lourds chëles de laine pour pouvoir les jeter sur ses Äpaules lorsqu'on s'aventurait jusqu'ê la grange ou au tas de bois, les jours de froid et de tempÉte. Les hommes s'enroulaient autour du corps de longues et larges Ächarpes; l'une au Royal Ontario Museum a appartenu ê un pasteur qui la portait lors de ses voyages ê cheval d'une paroisse ê l'autre. Dans les rÄgions du pays o¥ le froid Ätait extrÉme, il fallait porter autant de vÉtements que possible.
  48.  
  49.      Andrew Graham, dans ses Observations on Hudson's Bay 1767-91 donne une description vivante de sa garde-robe d'hiver. On y trouve un manteau d'orignal et, pour la pÄriode la plus froide, un manteau de castor doublÄ de fourrure; il portait aussi un gilet ê manches doublÄes de flanelle et des pantalons de daim doublÄs Ägalement de flanelle. Il faut ajouter ê cette tenue des guÉtres de laine ê la mode indienne attachÄes sous le genou par des cordons ou des jarretiÅres indiennes et des mocassins enfilÄs sur trois paires de longs bas de molleton ou de lainage. Un morceau de cuir ou de tissu cousu ê la partie supÄrieure des mocassins et enroulÄ autour des chevilles empÉchait le froid et la neige de pÄnÄtrer ê l'intÄrieur. Andrew Graham portait une coiffure d'Ätoffe doublÄe de flanelle, munie d'une sorte de rabat ou collet qui tombait sur les Äpaules et venait s'attacher sous le menton. Une mentonniÅre de castor, de molleton, de flanelle ou de lainage, attachÄe par des cordons sur le sommet de la tÉte, protÄgeait la figure. Seuls les yeux, le nez et la bouche restaient exposÄs au froid. Les moufles de castor, avec la fourrure ê l'extÄrieur pour protÄger le visage si nÄcessaire, en complÄtaient l'ajustement. C'Ätait un mÄlange de vÉtements indiens et europÄens.
  50.  
  51.      Voici une autre description, celle-ci de Bard MacLean, qui s'installa au Cap-Breton en 1819. ╟Si confortables que soient vos pantalons, ils ne vous protÅgeront pas si vous ne portez aussi deux paires de bas et des mocassins doublÄs de fourrure Ätroitement lacÄs de laniÅres de cuir. La derniÅre mode pour nous, c'est de porter la peau, la fourrure et toutes les autres choses dont nous avons dÄpouillÄ la bÉte sauvage le jour prÄcÄdent . . .╚ Ce passage est traduit d'un poÅme gaÄlique, de Charles W. Dunn, dans Highland Settler. Dunn remarque que les pionniers Äcossais du Cap-Breton prÄfÄraient souvent les ╟mogans╚ de leur pays qu'il dÄcrit comme ╟ . . . une sorte de pantoufle tricotÄe renforcÄe de plusieurs couches de tissus cousus aux semelles. Ces pantoufles confortables et s₧res pour marcher dans la neige Äpaisse et sÅche, lorsqu'elles Ätaient Ätroitement attachÄes sur des bas chauds, Ätaient encore employÄes par les descendants des pionniers quand ils devaient aller dans les bois en hiver faire la provision de bois de chauffage . . .╚
  52.  
  53.      En rÄalitÄ, les mogans Ätaient des bas Äpais, sans pieds, o¥ l'on avait cousu plusieurs Äpaisseurs de tissus pour faire des semelles afin qu'on puisse les utiliser en hiver. Sans aucun doute les autres pionniers portaient la mÉme sorte de chaussure (les pionniers de Selkirk, par exemple, au cours de leur long voyage d'hiver en chariots vers la riviÅre Rouge, en 1812 et 1813).
  54.  
  55.      John Lambert nous renseigne sur les autres sortes de chaussures d'hiver qu'il a vues au QuÄbec, o¥:
  56.  
  57.  . . . la quantitÄ de neige et de glace . . . oblige les habitants ê porter ê l'extÄrieur des chaussures ferrÄes, avec des clous ou des crampons de fer. Ils les appellent des galoches et les emploient frÄquemment ê l'automne et au printemps, saison o¥ en gÄnÄral il gÅle et dÄgÅle tourê tour pendant deux ou trois semaines. Une fois la neige bien installÄe et devenue sÅche, les QuÄbÄcois portent des bas de Shetland et des souliers de lisiÅre par-dessus leurs bottes et leurs chaussures afin de garder leurs pieds au chaud et bien secs et d'Äviter les glissades . . .
  58.  
  59.      Aucun de ces vÉtements de protection et de travail n'a rien ê voir avec la mode, sauf lorsqu'il s'agit de vÉtements de femme. Ceux-ci portent souvent la marque de changement de style. Lorsque Eaton a publiÄ une Ädition pour Winnipeg et une pour Toronto de son catalogue de commandes par correspondance, le catalogue de Winnipeg contenait un plus grand nombre de pages consacrÄes aux vÉtements de fourrure ê la mode que celui de Toronto. Dans les provinces des Prairies o¥ les hivers Ätaient durs, la demande pour des fourrures ê la mode Ätait plus importante.
  60.  
  61.      Au fur et ê mesure que nous avanìons dans le XIXe siÅcle, mÉme s'il Ätait plus facile de se procurer des Ätoffes, nous constatons qu'un souci d'Äconomie dominait la mode fÄminine. Sur les robes de 1820 ê 1840, aux manches courtes et au grand dÄcolletÄ, on peut ajuster des manches supplÄmentaires jusqu'au poignet et de petites pÅlerines pour qu'elles puissent servir dans la journÄe. Anne Langton, de Sturgeon Lake, Ontario, a si bien modifiÄ une robe qu'elle avait amenÄe au Canada en 1837 qu'il lui restait suffisamment d'Ätoffe pour une petite pÅlerine aprÅs avoir coupÄ les larges manches dÄmodÄes et les avoir transformÄes en manches Ätroites plus au go₧t du jour. L'inverse pouvait aussi se faire, c'est ainsi qu'on s'est aperìu aprÅs un examen attentif que les larges manches pagodes ê la mode de 1850 (d'une robe au Royal Ontario Museum) avaient ÄtÄ tirÄes d'une petite cape assortie qui devait couvrir les Äpaules. Ces petites capes n'Ätaient plus ê la mode dans les annÄes 1850.
  62.  
  63.      C'est ê cette Äpoque que la crinoline fit son apparition sur le marchÄ. Cette solution au problÅme du poids et de l'embonpoint a ÄtÄ immÄdiatement acceptÄe. Il n'Ätait pas commode de porter des crinolines dans la maison, mais toute femme avec quelques prÄtentions ê l'ÄlÄgance en portait lorsqu'elle sortait, surtout pour aller en soirÄe. W.J. Healy dans Women of Red River, nous dit le souvenir que Mme William Cowan, nÄe en 1832 sur la rive est de la riviÅre, lê o¥ se trouve ê prÄsent un quartier de Winnipeg, avait conservÄ d'une de ses tantes, insistant pour qu'elle porte une jupe ê cerceaux: ╟Ma chÅre Harriet╚, lui disait-elle, ╟vous ne pouvez absolument pas sortir comme vous Étes, c'est impensable╚.
  64.  
  65.      Les cerceaux dont les crinolines Ätaient composÄes Ätaient fabriquÄs et vendus en tailles soigneusement graduÄes pour donner ê la jupe la courbure ê la mode. Il semble qu'on ait aussi cherchÄ ê fabriquer des crinolines ê la maison, parfois avec des rÄsultats dÄsastreux. Le lieutenant Charles W. Wilson dÄcrit ainsi certaines de ces crinolines vues ê une fÉte ê Victoria, C.-B., en 1859:
  66.  
  67.  . . . Les dames Ätaient trÅs joliment habillÄes et certaines, parmi elles, dansaient bien; cependant elles auraient ÄtÄ beaucoup mieux si elles avaient appris ê porter correctement leur crinoline. Rien n'est plus pÄnible que de voir la faìon dont elles le font; certaines portent des cerceaux absolument ovales tandisque d'autres n'ont qu'un seul cercle, plutÖt haut placÄ, d'o¥ la robe pend perpendiculairement.
  68.  
  69. ╦ ce moment de la description, les mots lui firent dÄfaut et il fit un dessin illustrant les efforts malheureux de ces dames pour Étre ê la mode.
  70.  
  71.      Au milieu du XIXe siÅcle, les communications s'amÄlioraient en de nombreux endroits. Avec des routes plus nombreuses et meilleures, on recevait de plus grandes quantitÄs de marchandises et on avait un meilleur choix. Par consÄquent, au fur et ê mesure que les villages prospÄraient et que l'industrialisation progressait, il y avait davantage de vÉtements tout faits dans les magasins. L'habitude de confectionner le plus de choses possibles ê la maison aussi bien que celle de faire durer et durer, n'Ätait plus une nÄcessitÄ du pays. NÄanmoins, Catherine Parr Traill, dans son livre The Canadian Settler's Guide, publiÄ en 1855, recommande avec insistance de tisser ê la maison les Ätoffes des vÉtements parce qu'elles sont alors ╟beaucoup plus durables que celles achetÄes en usine ou en magasin╚. C'Ätait aussi meilleur marchÄ. Elle conseille Ägalement si la femme du pionnier ne sait pas filer d'avoir recours ê des filandiÅres pour le faire. C'Ätait important car on avait coutume de porter son propre fil au tisserand professionnel local ou ê la manufacture de lainage pour le faire tisser selon ses besoins. On avait Ägalement l'habitude, dans le mÉme ordre d'idÄes, de porter la laine brute des moutons de la propriÄtÄ ê une manufacture et d'obtenir en Ächange une couverture finie qui reprÄsentait le paiement ou une partie du paiement de la laine offerte, compte tenu de son volume; cette coutume a persistÄ bien longtemps encore, au XXe siÅcle, dans certaines zones rurales. On pouvait aussi engager des femmes pour tricoter des bas, des chaussettes, des moufles et d'autres articles pour les familles nombreuses. C'Ätait souvent un travail ê plein temps.
  72.  
  73.      En 1856, on trouvait sur le marchÄ une machine ê coudre pratique ê l'usage des particuliers, mais ce n'est pas avant 1860 environ que l'on trouve beaucoup de vÉtements cousus ê la machine et mÉme, alors, on ne cousait ê la machine que les principales coutures. Autrefois, ces coutures Ätaient habituellement cousues au point arriÅre, trÅs long ê faire, mais solide, et qui pouvait supporter une tension considÄrable et rÄsister. Des couturiÅres et des tailleurs hautement qualifiÄs, en particulier ces derniers qui Ätaient fiers de leur habiletÄ, avaient beaucoup hÄsitÄ au dÄbut ê adopter la machine ê coudre. Les ouvriÅres-couturiÅres craignaient de perdre leurs emplois avec cette forme de mÄcanisation mais cette machine qui Äpargnait du temps devait s'imposer et se rÄvÄler un bienfait de Dieu pour la maötresse de maison affairÄe. NÄanmoins, les belles toilettes et les beaux vÉtements d'homme ont toujours ÄtÄ finis ê la main jusqu'ê la fin du siÅcle et mÉme longtemps aprÅs.
  74.  
  75.      Les tailleurs s'abonnaient ê la publication anglaise hautement renommÄe et bien informÄe Tailor and Cutter qui remonte ê 1866. Comme les couturiÅres, ils gardaient un choix de modÅles de mode avec tout un Äventail de faìons pour permettre ê leurs clients de choisir. La diffusion de plus en plus Ätendue aprÅs le milieu du siÅcle d'un nombre croissant de journaux fÄminins, avec des nouvelles de la mode, des illustrations et parfois des patrons a permis une autre forme de communication.
  76.  
  77.      Les journaux fÄminins anglais, envoyÄs depuis le commencement du siÅcle, passaient de mains en mains. Les journaux amÄricains suivirent, en particulier Godey's Lady's Book, mensuel qui vit le jour en 1830 et continua ê paraötre presque jusqu'ê la fin du siÅcle. Un autre, publiÄ pendant la mÉme pÄriode, Ätait le Peterson's Magazine, mais celui qui s'occupait le plus de mode Ätait le Demorest's Magazine. Il avait commencÄ ê paraötre en 1860 comme une publication trimestrielle de patrons, mais il devint bientÖt un journal de mode mensuel en 1865 et continua d'Étre imprimÄ jusque dans les annÄes 1890. On retrouve ces publications de temps ê autre dans les greniers canadiens. Le journal canadien le plus ancien qui ait donnÄ des nouvelles de la mode, le New Dominion Monthly a d'abord ÄtÄ publiÄ ê MontrÄal en 1867. Un journal plus ambitieux Ätait L'Album de la Minerve qui contenait des planches de mode et des patrons; son premier numÄro parut en janvier 1872. Un autre journal canadien a ÄtÄ le Ladies' Journal qui parut dans les annÄes 1880 et 1890. On trouvait dans certains journaux des patrons et des instructions pour faire de la broderie, du tricot, du crochet, de la dentelle et mÉme des bijoux en cheveux. La plupart des patrons aidaient ê confectionner des accessoires de toilette allant des bonnets de maison aux pantoufles de saut du lit; d'autres permettaient de faire des objets pour la maison comme des enveloppes de coussin, des tÉtiÅres et des couvre-thÄiÅres.
  78.  
  79.      En 1844, la T. Eaton Company sortit son premier catalogue de vente par correspondance. Dix ans plus tard, la Robert Simpson Company en faisait autant. Les catalogues Ätaient publiÄs deux fois par an et contenaient un vaste choix de vÉtements tout faits. En 1897, on pouvait acheter chez Eaton, par catalogue, des vÉtements sur commande.
  80.  
  81.      ╦ partir de la moitiÄ du XIXe siÅcle, on accorda de plus en plus d'importance aux sports pour hommes et femmes. Des clubs sportifs s'ouvrirent en de nombreuses agglomÄrations. Le nombre des clubs de patinage, de curling et de raquettes en mÉme temps que celui des sports d'ÄtÄ comme le tennis et la bicyclette grandissait au fur et ê mesure qu'on avanìait dans le siÅcle et en mÉme temps que les clubs consacrÄs aux sports d'Äquipe comme le hockey, le football et la crosse. Certains de ces sports faisaient depuis longtemps la joie de particuliers et de groupes enthousiastes. La raquette telle qu'elle avait ÄtÄ pratiquÄe par les peuples autochtones avait ÄtÄ adoptÄe par les premiers colons blancs comme un excellent moyen de voyager en hiver. Les vÉtements des hommes s'adaptaient plus facilement ê ces exercices que ceux des femmes. Une jupe, dite ╟jupe de marche╚, qui tombait jusqu'aux chevilles Ätait tout ce que les femmes pouvaient se permettre pour adapter les modes fÄminines aux sports et les magazines spÄcialisÄs ne les encourageaient pas ê aller plus loin. Les femmes voulaient conserver la silhouette ê la mode et la plupart des personnages fÄminins, sur les gravures reprÄsentant des parties de patinage, dans les annÄes 1870-1880, paraissent porter des tournures. On jouait au tennis dans les annÄes 1880 avec des chandails tricotÄs d'une nouvelle maniÅre appelÄe jersey et une jupe ê tournure. Pour les sports, la seule exception tolÄrÄe ê l'ajustement conventionnel Ätait le costume de cheval, qui exigeait une jupe spÄcialement confectionnÄe pour monter en amazone, ainsi que le faisaient toutes les femmes jusqu'ê la fin du siÅcle ou presque. Les vÉtements avaient ÄvoluÄ dans le sens du confort et, ce qui est plus important, dans le sens de la sÄcuritÄ. Quelques cavaliÅres enthousiastes, en Alberta, vers 1890, montaient ê califourchon; elles portaient alors de volumineuses culottes qui ressemblaient ê des jupes lorsqu'elles n'Ätaient pas ê cheval.
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  83.      Une autre tenue de sport que les femmes arborÅrent dans la seconde moitiÄ du XIXe siÅcle Ätait le costume de bain. Il se composait d'une robe avec des pantalons assortis. Une illustration des modes balnÄaires dans le numÄro d'ÄtÄ 1870 de New Dominion Monthly montre une robe au genou, ou une tunique, portÄe sur des pantalons bouffants qui descendent jusqu'aux chevilles. Il est douteux que toutes les femmes et jeunes filles aient acceptÄ la tunique courte. Les pantalons, ou caleìons de bain, raccourcirent d'annÄe en annÄe jusqu'ê s'arrÉter ê mi-mollet; ils se portaient avec des bas et des souliers plats retenus par des lacets croisÄs autour des chevilles. Autour de 1880, on vit apparaötre une blouse et des pantalons avec une jupe sÄparÄe. Pour ces vÉtements, on recommandait comme tissu la flanelle et plus tard la serge. Les hommes et les femmes ne se baignaient pas ensemble. Jusqu'ê ce qu'on admette les bains mixtes dans le dernier quart du siÅcle, les hommes ne portaient rien lorsqu'ils allaient faire un plongeon. Il est probable qu'on avait l'habitude de faire porter aux enfants des sous-vÉtements plutÖt qu'un costume de bain proprement dit. Emily Carr nous raconte comment elle avait nagÄ en chemise de nuit et nous dÄcrit celle-ci, lorsqu'elle s'Älevait et flottait autour d'elle ê la surface de l'eau.
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  85.      L'annÄe 1890 a vu le commencement de la dÄcennie o¥ le cyclisme a connu sa plus grande vogue; la bicyclette donnait ê de nombreuses femmes et jeunes filles l'illusion de la libertÄ lorsqu'elles roulaient ê toute vitesse sur les grandes routes et les petits chemins. Le costume prÄfÄrÄ des cyclistes Ätait, soit un ensemble avec jaquette classique, soit une veste de sport et une jupe aux chevilles, soit encore une jupe et une blouse en ÄtÄ, mais il existait aussi des costumes spÄcialement conìus pour le cyclisme avec culotte au genou assortie. Le tailleur deux-piÅces a ÄvoluÄ en Angleterre ê partir de la robe deux-piÅces des annÄes 1880. En 1890, il Ätait admis de le porter pour sortir le jour et il Ätait spÄcialement apprÄciÄ des femmes de plus en plus nombreuses qui travaillaient au dehors, jeunes ouvriÅres ou femmes des carriÅres libÄrales. PortÄe avec une blouse ê col montant de style masculin et un noeud de cravate, cette tenue pratique reflÄtait les revendications grandissantes des femmes. Ce n'est pas surprenant, de nombreuses sociÄtÄs, en Angleterre comme aux âtats-Unis, s'occupaient ê cette Äpoque de faciliter aux femmes l'accÅs au monde du travail.
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  87.      La blouse et la jupe Ätaient une autre tenue pratique des annÄes 1890. Une blouse de coton blanc, de style masculin, avec des manches ê gigot ê la mode et une jupe noire constituaient la tenue obligatoire au bureau et ê l'usine. Les blouses et les jupes pouvaient s'acheter toutes faites et les catalogues d'Eaton et de Simpson de 1895 ê 1900 contenaient au moins une page de diffÄrents modÅles. On remarquera avec intÄrÉt dans ce catalogue la fidÄlitÄ des femmes aux grosses manches, qu'elles ont portÄes longtemps, mÉme lorsque la mode en a ÄtÄ passÄe.
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  89.      Ces catalogues offraient aussi un choix de blouses du soir et elles Ätaient d'une faìon beaucoup plus compliquÄe que celles de coton blanc de tous les jours. Lorsqu'elles tenaient lieu de corsage de robe, elles Ätaient fortement baleinÄes et chargÄes de dentelles, de broderies de perles, de rubans et de franges. Au cours des annÄes 1890, le buste Ätait un point de mire. La jupe au contraire Ätait simple; elle s'ajustait Ätroitement sur les hanches pour s'Ävaser ensuite jusqu'au sol.
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  91.      Une cape, descendant jusqu'ê la taille, Ätait la tenue de sortie en vogue pendant cette dÄcennie. Elle Ätait de forme circulaire et garnie d'un col rigide en corolle. Cette cape Ätait souvent extrÉmement chargÄe d'ornements surtout lorsqu'on devait s'en servir le soir. Les manteaux et les jaquettes Ätaient ajustÄs et Äpousaient la silhouette de la robe, silhouette qui s'est maintenue jusqu'au XXe siÅcle.
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  93.      Dans l'histoire de la mode, le XXe siÅcle est l'un des plus intÄressants. Les silhouettes changeaient presque de dÄcennie en dÄcennie, mais une Ätude approfondie rÄvÅle qu'aucun de ces changements n'a ÄtÄ soudain; chacun dÄcoulait d'un changement prÄcÄdent. Ces vÉtements nous semblent, au fur et ê mesure que le temps s'Äcoule, apporter de plus en plus de contraintes et c'Ätait certainement le cas pour les femmes ê la mode, en particulier lorsque le port du corset s'est Ätendu dans la seconde moitiÄ du siÅcle. C'Ätait presque comme si les femmes avaient ÄtÄ emprisonnÄes pour les empÉcher de jouir de la libertÄ pour laquelle elles combattaient. Il est difficile de croire que la majoritÄ des femmes du Canada, qui menaient des vies actives dans les villes, les villages et les petites agglomÄrations, se soient pliÄes aux impÄratifs de la mode, sauf pour aller ê l'Äglise le dimanche et ê l'occasion de rÄunions particuliÅrement ÄlÄgantes. On aimerait, pour en Étre s₧r, que soit parvenu jusqu'ê nous un plus grand nombre de vÉtements de tous les jours.  
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