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Text File  |  1996-06-20  |  23KB  |  63 lines

  1. EXPLOITATION FORESTIΘRE DANS LA VALLâE DE L'OUTAOUAIS 
  2.  
  3. Terence Brennan 
  4.  
  5. Le contexte gÄographique 
  6.  
  7.      La riviÅre des Outaouais prend sa source dans la rÄgion du rÄservoir Cabonga et du Grand Lac Victoria au nord-ouest de la capitale nationale. Elle coule en direction ouest, puis elle dÄcrit une large boucle en passant par le lac TÄmiscamingue, pour ensuite descendre vers le sud-est jusqu'au fleuve Saint-Laurent. L'Outaouais parcourt prÅs de 700 milles et, en tenant compte de ses affluents, son bassin hydrographique s'Ätend sur une surface de 60 000 milles carrÄs. Le courant plutÖt calme de la riviÅre est interrompu ê plusieurs reprises par des chutes et des rapides tumultueux.
  8.  
  9.      En amont, ê l'extrÄmitÄ sud du Bouclier canadien, l'Outaouais se trouve dans une rÄgion essentiellement composÄe de forÉts, de lacs, de riviÅres et de rochers. Lê o¥ les anciens rochers prÄcambriens ont subi l'Ärosion des glaciers, des riviÅres et des ruisseaux, le sol qui recouvre ces collines arrondies est un mÄlange de sable et de gravier o¥ pousse l'Äpinette, caractÄristique de la vÄgÄtation du Bouclier. Comme cette rÄgion se trouve ê l'intÄrieur de la ceinture dÄs forÉts borÄales de conifÅres, le mÄlÅze, le sapin baumier et le pin y abondent Ägalement.
  10.  
  11.      En aval, au sud du lac TÄmiscamingue, l'Outaouais se trouve dans une ceinture de transition entre le Bouclier et la bordure nord des Grands Lacs, qu'on appelle les Terres basses du Saint-Laurent. Cette rÄgion, dont la topographie est trÅs variÄe, est constituÄe de sols pauvres, dont du gravier, du sable et du calcaire; mais ê cause de sa situation plus mÄridionale ainsi que d'une tempÄrature et de prÄcipitations plus favorables, elle contient des essences plus prÄcieuses que celles du Bouclier. Bien qu'on y trouve quelques importants peuplements de chÉnes blancs et de chÉnes rouges, ce sont le pin rouge et le pin blanc qui dominent. Initialement, dans la forÉt de l'Outaouais, des pins blancs atteignaient jusqu'ê 250 pieds de hauteur et le diamÅtre de certains de ces gÄants allait souvent jusqu'ê 6 pieds. Bien qu'il ne f₧t pas si grand, le pin rouge atteignait souvent la grosseur du pin blanc en diamÅtre. Dans ses Lettres du Canada, Hugh Gray Äcrit que le chÉne du Canada, "est considÄrÄ comme suivant celui de la Grande-Bretagne en qualitÄ et supÄrieur ê celui que produit la Baltique."
  12.  
  13. L'âvolution du commerce du bois 
  14.  
  15.      Pendant les siÅcles les forÉts de la vallÄe de l'Outaouais abritaient des tribus d'Algonquins et de Nipissings qui vivaient et chassaient ê l'ombre des branches et, tels des tÄmoins impassibles, elles regardaient en silence des convois d'Indiens qui emportaient leurs fourrures ê MontrÄal. Cependant des ÄvÄnements qui se produisaient ê des milliers de milles de lê allaient venir troubler la paix de ces forÉts tranquilles.
  16.  
  17.      AprÅs avoir effectuÄ plusieurs visites dans la VallÄe ê la fin des annÄes 1790, PhilÄmon Wright (1760-1839) dÄcida, en 1800, de quitter Woburn (Massachusetts) pour venir s'Ätablir, avec sa grande famille, aux chutes ChaudiÅre o¥ il fonda une petite communautÄ connue sous le nom de municipalitÄ de Hull. Il rÄgla la question des concessions dÄtenues par le chef des tribus iroquoise et algonquine. Il avait toujours ÄtÄ conscient des possibilitÄs de cette rÄgion en fait d'exploitation forestiÅre et agricole. Pour rÄpondre aux besoins de sa petite communautÄ en pleine croissance, il construisit un moulin ê blÄ et une scierie actionnÄs par l'eau des chutes ChaudiÅre. En 1806, Wright eut besoin d'argent pour poursuivre son importante entreprise de colonisation. Apprenant alors qu'il existait ê MontrÄal et ê QuÄbec un marchÄ d'exportation ouvert pour le bois, il signa un contrat par lequel il s'engagea ê livrer des douves ê QuÄbec avant la fin de juillet. En avril, il fit assembler par ses hommes un grand radeau ê l'embouchure de la riviÅre Gatineau, et le 11 juin, Wright et quatre hommes partirent pour QuÄbec. Comme ils n'arrivÅrent que le 12 ao₧t, ils Ätaient en retard et, par consÄquent, le contrat de douves fut annulÄ. NÄanmoins, tout n'Ätait pas perdu car il rÄussit vers la fin de Novembre ê vendre le bois qui avait formÄ son radeau. Ce voyage et la vente de bois qui en avait rÄsultÄ jetÅrent les bases de l'exploitation de bois Äquarri de la vallÄe de l'Outaouais. C'est NapolÄon qui fera le reste en coupant le commerce du bois entre la Grande-Bretagne et la Baltique.
  18.  
  19.      En 1793, la Grande-Bretagne se retrouva en guerre avec la France; cette confrontation allait durer jusqu'en 1815. Pendant ces vingt-deux annÄes, la Grande-Bretagne dut maintenir des flottes de guerre, des escadres de blocus, des navires d'escorte, de reconnaissance et de service dans les lointaines eaux coloniales. Pour conserver cette position de force, la Grande-Bretagne devait maintenir sa maötrise des mers; en particulier, elle devait se conserver l'accÅs aux ports de la Baltique, o¥ elle s'Ätait toujours approvisionnÄe en pin pour les mëts et en chÉne pour les ponts de ses navires. ╦ mesure que la guerre se prolongeait, cependant, le commerce avec la Baltique diminuait et une pÄnurie de bois de construction se fit sentir. En 1793, l'approvisionnement en bois de la Grande-Bretagne s'Älevait ê 82 000 charges; en 1802, il n'Ätait plus que de 45 000 charges. (Une charge correspondait alors ê 50 pieds cubes de bois Äquarri.) En outre, au fur et ê mesure que la demande de charges en provenance de la Baltique augmentait pendant ce temps de guerre, les prix se mettaient ê monter. ╦ la ville de Meme, sur la Baltique, le prix du bois de sapin Ätait de 73 shillings la charge en 1806; en 1808, il grimpa ê 340 shillings la charge. Devant des statistiques aussi sombres, la bataille de Trafalgar en 1805 ne fit que retarder le dÄsastre; elle n'assurait pas la suprÄmatie navale ê long terme.
  20.  
  21.      Par une sÄrie de dÄcrets promulguÄs en 1806 et 1807, NapolÄon imposa son blocus continental ê l'Europe. Pendant les deux annÄes qui suivirent, ce blocus Äconomique Äbranla durement le commerce du bois anglo-baltique. Les rÄvisions tarifaires britanniques effectuÄes en 1806, 1810 et 1813 ÄlevÅrent tellement les droits de douane sur le bois de la Baltique qu'elles anÄantirent les avantages de trajet plus court et de main-d'oeuvre ê meilleur marchÄ qu'avait reprÄsentÄs jusqu'alors le commerce avec la Baltique. Presque du jour au lendemain, la Grande-Bretagne se vit obligÄe de trouver une autre source d'approvisionnement en bois si elle voulait rÄduire cette pÄnurie aussi bien que la hausse continuelle des frais de transport.
  22.  
  23.      L'AmÄrique du Nord put fournir ê la Grande-Bretagne le pin dont elle avait besoin. Il existait de bons peuplements de pins au Michigan et dans le vieux Nord-ouest, ainsi que le long du bassin de la riviÅre Trent dans l'est du Canada. Les forÉts de la vallÄe de l'Outaouais, cependant, dÄpassaient toutes les autres en importance; elles avaient de plus l'avantage d'Étre reliÄes au rÄseau fluvial du Saint-Laurent.
  24.  
  25.      Bien que le bois Äquarri f₧t Äconomique et facile ê transporter, les marchands de bois anglais, qui avaient auparavant commercÄ avec la Baltique, se firent longtemps prier avant de se tourner vers l'AmÄrique du Nord britannique pour leur bois Äquarri. Le gouvernement offrait des tarifs prÄfÄrentiels pour le Canada ainsi que des contrats publics garantis. Tous ces avantages finirent par attirer un certain nombre de marchands et d'agents britanniques ê OuÄbec, o¥ ils pouvaient facilement acheter les billes apportÄes par les cours d'eau, puis les expÄdier vers des ports britanniques.
  26.  
  27.      Dans les premiers temps du commerce du bois nord-amÄricain, l'AmirautÄ ê Londres nomma des entrepreneurs qui devaient lui fournir les mëts de p in pour ses chantiers de construction navale en Grande-Bretagne. Selon Hughson et Bond, dans Hurling Down the Pine, "la taille minimum pour des mëts Ätait de soixante pieds de long et de dix-sept pouces de diamÅtre ê un tiers de la hauteur ê partir du pied. Les mëts de quatre-vingts pieds de long devaient faire vingt-quatre pouces de diamÅtre ê un tiers de la hauteur ê partir du pied..." Ces fournisseurs Ätaient obligÄs de livrer le bois au chantier en Grande-Bretagne. âvidemment, cette mÄthode encouragea l'apparition d'intermÄdiaires qui traversaient l'Atlantique jusqu'au Saint-Laurent, puis passaient marchandÄ pour le bois avec divers entrepreneurs qui, eux, s'occupaient des durs travaux d'abattage, d'Äquarrissage et de transport du bois jusque dans les anses du QuÄbec. Bien des jeunes gens ê l'emploi de grands commerìants de bois britanniques Ätaient ainsi envoyÄs au Canada pour assumer ce rÖle d'intermÄdiaires.
  28.  
  29.      Les marchands s'embarquaient habituellement pour la Grande-Bretagne au dÄbut de janvier avec leurs registres de prix et revenaient ê QuÄbec en navire ê vapeur ê l'ouverture des anses de bois au printemps. Cependant, toutes les affaires ne se faisaient pas ê QuÄbec. Certains marchands prÄfÄraient se rendre directement aux entreprises de bois ê Ottawa et les ventes Ätaient par la suite confirmÄes en Grand-Bretagne. D'autres encore achetaient les trains de bois pendant leur trajet entre Ottawa et QuÄbec. Si un "raftsman" avait dÄjê passÄ contrat avec un commerìant du QuÄbec avant l'ouverture de la saison, il remettait simplement ses billes et on le payait, lui et son Äquipe, en dÄduisant toutes dettes en suspens. Cependant, certains "raftsmen" Ätaient des agents privÄs et ils devaient marchander pour obtenir un bon prix.
  30.  
  31.      Plusieurs compagnies possÄdaient leur propre flotte de navires. Le port de QuÄbec abondait en navires de toutes grosseurs et de toutes origines. Une fois le bois achetÄ, un groupe de b₧cherons s'occupait a retailler les billes et ê en couper les bouts obliques. Elles Ätaient ensuite chargÄes dans les cales des navires en attente. Certains propriÄtaires de navires persistaient ê vouloir charger tout espace disponible sur le pont de leurs "bateaux cercueils" bien au-delê de la capacitÄ admise de leurs navires. Ainsi chargÄs, ceux-ci descendaient le Saint-Laurent jusqu'ê l'Atlantique. Les bancs de l'öle d'Anticosti et du golfe Saint-Laurent, la brume et les tempÉtes en haute mer rendaient dangereux le voyage vers les marchÄs de Grande-Bretagne, et, bien du bois Äquarri de la vallÄe de l'Outaouais devait se retrouver sur les cÖtes nord-ouest de l'Atlantique.
  32.  
  33.      Liverpool Ätait le port d'entrÄe du bois Äquarri canadien. Les premiers navires ê bois arrivÄs obtenaient les meilleurs prix de la saison. Les billes Ätaient ensuite transformÄes pour la construction navale et l'industrie de la construction, afin de satisfaire aux divers besoins nÄs de la rÄvolution industrielle britannique. Le bois servait alors ê tout: on en faisait des charrettes, des roues de moulin, des meubles, des maisons et des poteaux de soulÅvement dans les mines et, bien entendu, on s'en servait comme combustible. PlutÖt que de laisser retourner leurs navires ê vide au Canada, certaines compagnies maritimes fournissaient aux Ämigrants un "passage ê bon marchÄ", spÄcialement pendant les annÄes 1830 et 1840. Ces navires surnommÄs "cercueils ê matelots" Ätaient trÅs dangereux. On les bourrait d'Ämigrants sans Ägard ni pour le confort ni pour des dispositions sanitaires. Heureusement, cette habitude prit fin avec l'Äpoque de la vapeur dans les annÄes 1860.
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  35.      Le moment vint rapidement o¥ le gouvernement canadien dut mettre au point des mÄcanismes efficaces de contrÖle de l'expansion du commerce et de la protection des peuplements du bois qui appartenaient ê la Couronne. En 1826, le gouvernement canadien commenìa d'Ämettre des permis de coupe pour le bois situÄ sur les terres de la Couronne. Pour Äviter que ne se poursuivöt l'exploitation des terres ê bois par spÄculation, le gouvernement intervient de nouveau en 1842 en obligeant les exploitants ê couper 5 000 pieds cubes de bois pour chaque mille carrÄ de concession accordÄe. Cependant, un rapport de l'AssemblÄe lÄgislative prÄtendit en 1849 que "les exigences de coupe et le fait que la propriÄtÄ des concessions ne soit pas toujours s₧re, ont tendance ê entraöner une surproduction". Pour assurer stabilitÄ et permanence, on recommanda un systÅme d'affermage. Ceux qui payaient ainsi un loyer Ätaient protÄgÄs contre les "braconniers du bois" puisque le loyer comprenait le renouvellement du permis de coupe. Ce processus se renouvela automatiquement chaque annÄe tant que dura le marchÄ du bois Äquarri.
  36.  
  37.      Dans les annÄes 1820 le tarif douanier prÄfÄrentiel contribua ê dÄvelopper ce commerce du bois Äquarri avec la Grande-Bretagne. Cependant, par suite d'une rÄduction progressive de ce tarif et de rÄcessions Äconomiques, la concurrence du marchÄ de la Baltique se fit de nouveau sentir. Ce mouvement s'accentua pendant les annÄes 1840 par suite de l'abolition des statuts de Grande-Bretagne, des Corn Laws (Lois sur les cÄrÄales, 1846) et des Navigation Acts (Lois sur la navigation, 1849). Ces facteurs entraönaient une surproduction des bois canadien et une baisse des prix du bois. L'incertitude rÄgnait. L'instabilitÄ forìa les entreprises du bois ê avoir recours aux banques de MontrÄal pour des emprunts et des crÄdits, ce qui rendait l'entreprise encore plus canadienne.
  38.  
  39.      La plupart des sociÄtÄs avaient besoin de beaucoup de capital pour approvisionner et dÄvelopper leurs propriÄtÄs de bois. Alors que les facteurs qui gouvernaient le commerce dÄpendaient de la demande internationale, l'organisation de l'industrie devint pendant cette pÄriode plus canadienne.
  40.  
  41.      Cependant, la nature et l'orientation du commerce subirent une certaine Ävolution. Heureusement, le parachÅvement du rÄseau de canaux sur le Saint-Laurent dans les annÄes 1840 et celui du chemin de fer Bytown-Prescott, avec la signature du traitÄ de rÄciprocitÄ avec les âtats-Unis (1854), vinrent contrebalancer les effets de la politique britannique de libre Ächange. En raison de l'Äpuisement des forÉts de la Nouvelle-Angleterre, le marchÄ amÄricain commenìait a concurrencer sÄrieusement la demande britannique. Dans la plupart des cas, les AmÄricains voulaient du bois de sciage et non du bois Äquarri; ainsi, aprÅs 1870, le marchÄ du bois Äquarri se mit ê dÄcliner.
  42.  
  43.      AprÅs l'apparition du marchÄ amÄricain qui rÄclamait du bois de sciage, une nouvelle vague d'entrepreneurs en bois vint s'Ätablir dans la VallÄe. L'industrie du bois Äquarri avait constituÄ une opÄration d'importance plutÖt rÄduite, mais la scierie exigeait de forts investissements permettant une vaste organisation de chantiers, de dÄpÖts d'approvisionnement, de remorqueurs, de concessions et de marchÄs du bois. La vallÄe de l'Outaouais ne connaötra ces magnats du bois qu'ê partir des annÄes 1850, Äpoque ê laquelle des capitalistes amÄricains comme Levi Young, H.F. Bronson, E.B. Eddy, C.B. Pattee et W.G. Perley s'Ätablirent dans la VallÄe et y instaurÅrent leurs empires du bois. Ils approvisionnÅrent les marchÄs de New York et de Boston, expÄdiant leur bois par les tout nouveaux chemins de fer et par des riviÅres comme le Richelieu, puis le Lac Champlain et enfin le rÄseau du Hudson. Certains de ces magnats furent canadiens: J. Gillies, D. McLachlin et A. Gilmour, par exemple.
  44.  
  45.      L'homme qui symbolise le mieux cette nouvelle lignÄe de magnats du bois est sans doute John Rudolphus Booth. Venu de Waterloo (QuÄbec) en 1857 ê l'ëge de 25 ans, il parvint ê obtenir un emploi ê la Wright Lumber Company, qu'il eut tÖt fait de quitter pour louer une scierie de bardeaux. Son exploitation de Hull fut dÄtruite par le feu: il s'installa alors ê Ottawa et son offre de fournir du bois pour les nouveaux Ädifices du Parlement fut retenue. Avec les revenus que lui apporta ce contrat, il acheta des concessions, notamment celle de la succession John Egan sur la riviÅre Madawaska. Il acheta les entreprises qui lui faisaient concurrence et rÄussit ainsi ê Ätablir une corporation de bois. MalgrÄ l'importance de sa sociÄtÄ, il prenait toutes les dÄcisions au sommet. ╦ la fin des annÄes 1800, il est devenu le premier coupeur de bois et il exportait en Grande-Bretagne aussi bien qu'aux âtats-Unis.
  46.  
  47.      Avec la nouvelle organisation des affaires, de nouvelles techniques firent leur apparition dans les scieries de l'Outaouais. Le bois de sciage fut un produit fabriquÄ en grande sÄrie et conìu tout spÄcialement pour l'AmÄrique du Nord. La rentabilitÄ de la production dÄpendait de la vitesse ê laquelle les billes pouvaient Étre sciÄes en planche. Pour rÄpondre ê ce besoin, on rÄussit ê mettre au point divers types de scies: la scie circulaire simple et les scies mÄcaniques ê plusieurs lames, combinant le mouvement de haut en bas d'une scie passe-partout en une sÄrie de scies. Les opÄrateurs de scies avaient cependant bien de la difficultÄ ê s'adapter ê ces outils nouveaux et plus rapides; aussi la scierie devenait-elle souvent congestionnÄe. On mit donc au point toute une sÄrie d'inventions pour "libÄrer la scie": par exemple, des scies ê dÄligner, des scies ê rogner et, des rouleaux pour Äloigner les planches. Les scieries se mirent Ägalement ê utiliser la roue-turbine en fer et d'autres innovations fonctionnant ê la vapeur. Suite ê ces innovations les scieries employaient plus d'hommes que l'ancienne industrie du bois Äquarri et la production connut une hausse extraordinaire. En 1858, la rÄgion de l'Outaouais produisit entre 20 et 25 millions de pieds-planche; en 1871, ce chiffre atteignit 236-260 millions.
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  49.      Tout au cours du XIXe siÅcle, l'industrie du bois connut d'importants changements: venaient d'abord les entreprises de bois Äquarri, suivies de la montÄe phÄnomÄnale de l'industrie du bois de sciage, et enfin de l'apparition de l'industrie des pëtes et papiers. Dans chacune de ces phases, de nouvelles techniques comme de nouveaux entrepreneurs sont apparus pour relever le dÄfi de ces diffÄrents aspects de l'exploitation du bois.
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  51. La Main-d'oeuvre dans les bois et sur les riviÅres 
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  53.      C'est le commerce du bois qui fut a l'origine du dÄveloppement de la vallÄe de l'Outaouais. Au dÄbut le travail dans les bois permettait aux colons de gagner leur vie malgrÄ la pauvretÄ du sol de la rÄgion et d'une production agricole ê peine suffisante pour vivre. En plus l'industrie du bois leur offrait un marchÄ stable et rentable pour leurs quelques rares excÄdents de production en avoine, foin, blÄ et porcs. Mais Ätant donnÄ que les colons ne pouvaient pas satisfaire ê tous les besoins des chantiers, l'industrie du bois devait faire venir d'autres approvisionnements de MontrÄal et, plus tard, des âtats-Unis. Il s'en suivit alors que l'on construisit et amÄnagea un rÄseau de routes d'approvisionnements.
  54.  
  55.      L'Ävolution du commerce du bois fut dÄterminante pour la distribution de la population de la vallÄe. Au dÄbut la main-d'oeuvre se composait essentiellement de cultivateurs et de b₧cherons canadiens-franìais qui vivaient dans la rÄgion. Dans les annÄes 1820, une forte immigration irlandaise amena de nouveaux travailleurs qui acceptaient d'Étre embauchÄs ê bon marchÄ. Une fois terminÄ le canal Rideau en 1832, beaucoup plus de travailleurs affluÅrent ê Bytown pour se chercher un emploi. Certains furent engagÄs pour couper du chÉne dans l'ouest du QuÄbec o¥ on les surnommait les "chÉneurs" (coupeurs de chÉne ou, en anglais populaire, "Shiners"). Parce que les Shiners consentaient ê travailler ê meilleur marchÄ que les Canadiens franìais, des conflits Äclataient sans cesse entre ces deux groupes.
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  57.      Les Shiners constituaient une bande dÄsorganisÄe de bandits irlandais jusqu'ê l'apparition de Peter Aylen en 1835. Aylen, un protestant irlandais venu au Canada en 1815 ê l'ëge de 16 ans et millionnaire ê 30 ans, montra aux Shiners qu'il s'intÄressait ê eux en leur promettant de se servir de son influence pour leur obtenir des emplois. En Ächange de la loyautÄ des Shiners, il leur promit de dÄbarrasser les chantiers et les riviÅres des Canadiens franìais. DerriÅre son intÄrÉt pour les Shiners se cachait son dÄsir d'avoir la haute main sur le commerce du bois ê Bytown et d'envoyer ê QuÄbec des brelles de pin pour fins d'exportation. Il Ätait prÉt ê tout pour y rÄussir: enlÅvement, intimidation et violence organisÄe. Les Irlandais n'avaient rien ê perdre en se ralliant autour d'Aylen.
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  59.      La violence qui s'ensuivit est connue sous le nom de guerre des Shiners; elle commenìa en 1828 pour ne se terminer qu'en 1843. Entre 1835 et 1837 au moins cinquante personnes furent tuÄes. Pendant cette pÄriode de quinze ans, Bytown raidit ses forces en prÄvision de la visite annuelle des hommes de chantier et des "raftsmen" irlandais au printemps. Bien que les Canadiens franìais et les habitants de Bytown n'aient rÄagi que lentement contre l'intimidation et la violence des Shiners, leur rÄaction fut ê la longue efficace. Une fois que les trains de bois quittaient Ottawa, ils Ätaient en territoire canadien-franìais. Les Indiens et les Canadiens franìais qui servaient de pilotes de riviÅre montaient sur les trains de bois en aval, ê Carillon, et ils les dÄbarrassaient de tous les Shiners. Si les Canadiens franìais Ätaient chassÄs des chantiers, ils restaient tout de mÉme les rois de la riviÅre. Pour leur part, les habitants de Bytown passÅrent aux actes. L'aristocratie de la ville forma des groupes tels que la Bytown Association for the Preservation of the Peace. En outre, ê cause d'un classement plus rigoureux du bois Äquarri "commercialisable" par les mesureurs du gouvernement du QuÄbec, les marchands de bois se virent forcÄs d'inscrire sur la liste noire les noms des fomenteurs de troubles qui diminuaient l'efficacitÄ des Äquipes de chantier et des raftsmen.
  60.  
  61.      Avec le temps, l'industrie du bois de sciage remplaìa le commerce du bois Äquarri, et mit fin aux actes de dÄfoulement qui chaque printemps accompagnaient le flottage annuel du bois. Des hommes qui avaient travaillÄ comme b₧cherons et comme raftsmen sont devenus ouvriers de scieries, et le centre d'activitÄ s'est dÄplacÄ de Hull ê Bytown (Ottawa). Tout au long des riviÅres Rideau et Outaouais des industries connexes se sont dÄveloppÄes. Dans les villes telles que Aylmer, Pembroke, Arnprior, Renfrew, Braeside et Hawkesbury des usines de haches et d'outils, de meubles, de chëssis et de portes, de bardeaux et d'allumettes embauchaient des habitants de la VallÄe et encouragaient la colonisation. Ces industries connexes ont ê la fois donnÄ une impulsion vitale ê l'Äconomie forestiÅre et aidÄ ê diversifier le commerce du bois. Cependant, bien que remplacÄ par les ouvriers des scieries et les cheminots, l'homme du chantier survit en chanson et en lÄgende comme la vÄritable incarnation de l'esprit de la VallÄe.  
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