C'est α Thunder Bay que s'effectue depuis toujours le transbordement entre l'Est et l'Ouest pour le Canada. └ la fois terminus intΘrieur du systΦme de navigation du Saint-Laurent et port d'entrΘe vers le nord-ouest de l'AmΘrique du Nord, cette ville est Θgalement le principal dΘbouchΘ de l'Ouest vers les Grands Lacs et, de lα, vers les marchΘs mondiaux. C'est le r⌠le qui lui est dΘvolu depuis que les premiers explorateurs-commerτants europΘens pΘnΘtrΦrent dans l'Ouest il y a quelque trois cents ans. MΩme aprΦs que le chemin de fer e√t contribuΘ au peuplement des Prairies et favorisΘ l'essor de la production de blΘ, Thunder Bay continua de servir de trait d'union entre l'Est et l'Ouest. Bien que la ville de Winnipeg s'attribue, elle aussi, le titre de ½Porte de l'Ouest╗, l'histoire et la gΘographie veulent que l'honneur d'Ωtre la porte de l'Est aussi bien que de l'Ouest revienne de droit α la ville de Thunder Bay et aux villes de Fort William et de Port Arthur dont elle est nΘe.
Le transbordement est nΘcessaire partout o∙ la topographie ou des considΘrations Θconomiques font que des marchandises ne peuvent Ωtre amenΘes jusqu'α destination par le mΩme mode de transport. Le transfert de cargaisons d'un moyen de transport α un autre, en vue de leur expΘdition vers d'autres centres, se fait α des points de transbordement choisis, tant en raison des avantages gΘographiques et stratΘgiques que des facilitΘs de communication avec les marchΘs et les fournisseurs qu'ils prΘsentent. Aux premiers temps des transports au Canada, la plupart des transbordements se faisaient entre deux types de cargos. Au dΘbut du XIXe siΦcle, par exemple, les fourrures amassΘes dans les postes de l'intΘrieur de la Compagnie du Nord-Ouest Θtaient acheminΘes α Fort William en canot de 24 pieds (canot du Nord), embarcation en Θcorce de bouleau la mieux conτue pour la navigation et le portage dans le vaste rΘseau de cours d'eau qui sillonnaient toute la partie septentrionale du continent. Mais, α Fort William, les fourrures devaient Ωtre chargΘes dans des canots de 36 pieds (canot du maεtre), mieux adaptΘs aux eaux dangereuses du lac SupΘrieur et aux nombreux lacs, rapides et portages de la route de l'Outaouais vers Lachine. └ ce point, la prΘsence des rapides imposait le transbordement et par consΘquent, la cargaison devait Ωtre transfΘrΘe sur des wagons, afin de rejoindre MontrΘal. De lα, elle Θtait expΘdiΘe α QuΘbec par bateau plat pour Ωtre ensuite chargΘe dans des vaisseaux de haute mer α destination de l'Angleterre.
╔tant donnΘ la diversitΘ actuelle des moyens de transport par air, par terre et par eau, le transbordement ne fait plus nΘcessairement appel α des cargos. En effet, des marchandises comme les cΘrΘales peuvent maintenant faire tout le trajet par voie terrestre, depuis les Prairies jusqu'aux ports c⌠tiers ou aux marchΘs canadiens. Mais comme le transport maritime s'avΦre relativement Θconomique, une bonne partie du grain de l'Ouest n'est plus acheminΘ aujourd'hui par chemin de fer que jusqu'au systΦme de navigation des Grands Lacs α Thunder Bay pour Ωtre chargΘ sur des cargos pour la navigation sur les lacs ou des navires de haute mer. Comme troisiΦme port du Canada en termes de marchandises embarquΘes, Thunder Bay continue, de nos jours, de jouer le r⌠le de point de transbordement qui avait commencΘ dans la rΘgion α l'Θpoque de la traite des fourrures.
└ la diffΘrence des collectivitΘs basΘes sur l'exploitation des terres arables et des ressources naturelles, les centres de transbordement comme Thunder Bay doivent leur existence aux avantages gΘographiques dont ils jouissent. La ville tire son nom de la baie qui se trouve α l'embouchure de la riviΦre Kaministikwia sur la rive occidentale du lac SupΘrieur, α mi-chemin entre l'Atlantique et le Pacifique. ProtΘgΘe de l'action turbulente de la plus grande masse d'eau douce au monde par un grand promontoire rocheux connu sous le nom de Sleeping Giant (le GΘant endormi), Thunder Bay constitue un excellent port naturel, d'o∙ monte la riviΦre Kaministikwia pour se rendre jusqu'aux hautes terres situΘes entre les bassins hydrographiques de l'Atlantique et de la baie d'Hudson et, de lα, jusqu'aux cours d'eau descendant vers les Prairies. Peut-Ωtre deux mille ans avant l'arrivΘe des EuropΘens au lac SupΘrieur, la Kaministikwia Θtait dΘjα la route qu'empruntaient les Indiens de l'AmΘrique du Nord dans le commerce avec l'Ouest. Puis vinrent les Franτais en quΩte de fourrures et α la recherche du passage du Nord-Ouest qui les mΦnerait α l'autre ocΘan -- c'Θtaient des explorateurs-marchands tels Daniel Greysolon Dulhut, Jacques de Noyon et les La VΘrendrye, qui Θtablirent des postes α l'embouchure de la riviΦre d'o∙ ils pourraient pΘnΘtrer dans l'intΘrieur. AprΦs la conquΩte de la Nouvelle-France par les Anglais, la Compagnie du Nord-Ouest fit son apparition en 1801; elle fut suivie par la Compagnie de la Baie d'Hudson en 1821. Ainsi, le point de rencontre de la riviΦre Kaministikwia et de la baie du Tonnerre devait servir d'emplacement logique α l'implantation d'un important centre de transbordement qui apparaεtrait le long du rΘseau de transport canadien reliant l'Est et l'Ouest.
Mais c'est l'histoire aussi bien que la gΘographie qui dΘcida du choix dΘfinitif de Thunder Bay comme porte de l'Ouest pour le Canada. En plus de la Kaministikwia, deux autres rΘseaux fluviaux reliaient les rives occidentales du lac SupΘrieur α la voie navigable Lac α la Pluie -- Lac des Bois -- riviΦre Winnipeg α l'Ouest: la riviΦre Pigeon, α trente milles au sud de Thunder Bay, lα o∙ se trouve actuellement la frontiΦre entre le Canada et les ╔tats-Unis, et le fleuve Saint-Louis, qui se dΘverse dans la pointe occidentale du lac, α Duluth (Minnesota). Mais, comme le rΘseau du Saint-Louis comportait des distances plus grandes, le choix se situait en rΘalitΘ entre les riviΦres Kaministikwia et Pigeon. Dans les annΘes 1730, les Franτais abandonnΦrent la premiΦre en faveur de la seconde qui, malgrΘ les difficultΘs que prΘsentaient les neuf milles du Grand Portage depuis le lac SupΘrieur jusqu'aux eaux navigables de la riviΦre Pigeon, permettait nΘanmoins un trajet plus rapide et plus facile que les portages escarpΘs de la Kaministikwia. Cette route, par la riviΦre Pigeon, fut Θgalement empruntΘe, dans les annΘes 1760, par les ½colporteurs╗ anglo-amΘricains qui, de MontrΘal, prirent le contr⌠le de la traite des fourrures et elle le fut pendant une vingtaine d'annΘes encore aprΦs que le traitΘ de paix de 1783, qui mit fin α la Guerre de l'IndΘpendance amΘricaine, eut cΘdΘ Grand-Portage aux ╔tats-Unis. Toutefois, ce n'est qu'au dΘbut du siΦcle suivant que la prΘsence d'un douanier amΘricain au Grand Portage obligea enfin les marchands de fourrures α se rabattre sur le territoire britannique et la vieille route de l'Ouest par la Kaministikwia.
En 1804, en raison de la disparition du dernier rival, α MontrΘal, le contr⌠le de la traite des fourrures le long du Saint-Laurent passa aux mains de la Compagnie du Nord-Ouest. Depuis Fort William, poste principal d'intΘrieur et centre de son empire commercial, la Compagnie exerτa le contr⌠le sur son vaste domaine qui s'Θtend jusqu'α l'ocΘan Arctique et plus tard α l'ocΘan Pacifique. Fort William, ainsi nommΘ en 1807 en l'honneur du directeur gΘnΘral de la Compagnie, William McGillivray, est situΘ au point de rencontre de la riviΦre Kaministikwia et du lac SupΘrieur. Pendant α peine vingt ans, quelque deux mille Nor'Westers, venus de l'Est et de l'Ouest, se rΘunissaient chaque ΘtΘ α Fort William. Lα aussi se rencontraient les agents montrΘalais et bourgeois hivernants, pour rΘpartir les bΘnΘfices et dΘbattre la stratΘgie de la compagnie. Les commis faisaient le tri des paquets de fourrures et des ballots de marchandises, tandis que les voyageurs et les Indiens participaient α la fiΦvre gΘnΘrale et aux rΘjouissances bruyantes du rendez-vous. Mais avec l'absorption de la Compagnie du Nord-Ouest par celle de la Baie d'Hudson en 1821, la baie d'Hudson devint le principal accΦs vers l'intΘrieur pour la traite des fourrures. Et α mesure que diminua l'importance du rΘseau de transport Est-Ouest reliant MontrΘal, Fort William et les districts d'Athabasca et de Columbia, Fort William dΘclina aussi, frappΘ du mΩme sort que son prΘdΘcesseur franτais lorsqu'il avait ΘtΘ supplantΘ par Grand-Portage prΦs d'un siΦcle plus t⌠t.
Aussi loin que remonte l'histoire de la baie du Tonnerre, la destinΘe des Θtablissements situΘs α l'embouchure de la Kaministikwia a ΘtΘ liΘe au sort ou aux politiques des puissances commerciales Θtablies dans des mΘtropoles comme MontrΘal ou Londres. Lorsque son emplacement gΘographique cessa de servir les intΘrΩts et politiques des compagnies jouissant du monopole des fourrures, la baie du Tonnerre cessa d'Ωtre le pivot d'un rΘseau de communications commerciales et dut se tourner vers l'exploitation des richesses naturelles de la rΘgion pour survivre. Au moment o∙ Grand-Portage Θtait devenu l'entrep⌠t franτais pour le troc des marchandises et des pelleteries, Fort Kaministiquia avait continuΘ d'exister comme un poste ordinaire. Et lorsque la route plus courte de la baie d'Hudson l'emporta sur le rΘseau trop long du Saint-Laurent, aprΦs la fusion de 1821, Fort William survΘcut en tant que poste de la Compagnie de la Baie d'Hudson, vivant de la traite des fourrures et de la pΩche commerciale locale; ses liens avec les deux Canadas Θtaient pratiquement rompus. Le dΘclin du troc des fourrures au XIXe siΦcle marqua aussi celui de Fort William, dont les bΓtiments dΘlabrΘs attestaient, en la grossissant, la splendeur maintenant lΘgendaire que la ville avait connue du temps de la Compagnie du Nord-Ouest. Bien avant que la Compagnie de la Baie d'Hudson ne ferma le poste de Fort William en 1881, cependant, des ΘvΘnements d'importance nationale allaient se dΘrouler qui replaceraient la baie du Tonnerre au carrefour d'un rΘseau de transport transcontinental animΘ d'une vie nouvelle. Ainsi, verrait-on surgir sur ses rivages, non pas une, mais deux agglomΘrations distinctes et rivales.
L'histoire de la baie du Tonnerre au cours de la deuxiΦme moitiΘ du siΦcle dernier se trouve inextricablement liΘe α celle de l'expansion canadienne en direction de l'ouest. MΩme avant la ConfΘdΘration, le rΩve que nourrissait le Canada d'arracher la terre de Rupert α la domination de la Compagnie de la Baie d'Hudson Θtait plus prΦs d'Ωtre rΘalisΘ par suite de l'ouverture, en 1857, du canal du Sault Sainte-Marie. Les vapeurs ayant pour la premiΦre fois accΦs au lac SupΘrieur, il semblait dorΘnavant possible d'amener l'Ouest dans l'orbite du Canada. Ces vapeurs amenΦrent des arpenteurs et des colons -- les premiers, venus faire le tracΘ d'une route maritime et terrestre vers la RiviΦre Rouge, au nom de la province du Canada; les autres, pour exploiter les richesses forestiΦres et minΘrales de la rΘgion ainsi que son potentiel en matiΦre de transport. Bien que la route de la riviΦre Rouge n'ait guΦre dΘpassΘ le stade de relevΘ pendant plus de dix ans, de nouveaux types d'activitΘ Θconomique, sans lien aucun avec la traite des fourrures, entraεnΦrent la crΘation, dans la baie du Tonnerre, de nouveaux Θtablissements distincts du poste de la baie d'Hudson α Fort William.
L'ouverture du lac SupΘrieur aux vapeurs eut pour consΘquence directe le dΘveloppement de la premiΦre de ces agglomΘrations sur les rives de la baie du Tonnerre, car l'ensablement α l'embouchure de la Kaministikwia rendait la riviΦre inaccessible aux navires de haute mer. Connu sous les noms de The Station ou The Landing, le nouveau port avait Θgalement ΘtΘ choisi comme point de dΘpart sur le lac SupΘrieur des 45 milles de route maritime et terrestre qui, d'aprΦs le tracΘ fait en 1857 par Simon J. Dawson, devaient aller jusqu'α la riviΦre Rouge. GrΓce α l'essor minier qu'avait connu la rΘgion dans les annΘes 1860, les installations portuaires de la ½Station╗ Θtaient dΘjα en expansion au moment de la ConfΘdΘration, lorsque le gouvernement du nouveau Dominion demanda α Dawson d'entreprendre la construction de la route, ce qui suscita une recrudescence d'activitΘ sur ses quais. Mais l'ΘvΘnement capital pour la consolidation du Landing comme agglomΘration permanente fut la rΘbellion de Riel en 1870, car c'est alors qu'elle fut choisie par le colonel Garnet Wolseley, commandant du corps expΘditionnaire canadien, comme base d'o∙ ses troupes partiraient vers l'Ouest pour supprimer le gouvernement provisoire de Riel. Bien que la majoritΘ des hommes sous le commandement de Wolseley suivirent l'ancienne route des fourrures depuis le lac SupΘrieur en remontant la riviΦre Kaministikwia, un autre groupe emprunta une route alternative, construisant la route de Dawson α mesure qu'ils avanτaient α travers bois et marΘcages. L'avenir du poste nouvellement nommΘ Prince Arthur's Landing, qui devenait le trait d'union entre les Grands Lacs et les Prairies nouvellement exploitΘes, semblait ainsi assurΘ.
Dans l'intervalle, une autre agglomΘration avait commencΘ α se former sur les rives de la Kaministikwia, α deux milles en amont du poste de la baie d'Hudson α Fort William et α sept milles du Landing, ce qui constituait une distance considΘrable α cause de la lenteur du transport par bateau et en charrette. SituΘ sur l'emplacement attribuΘ α la ville par les arpenteurs et que l'on appelait TownPlot, le nouveau poste fut bient⌠t connu sous le nom de Westfort pour le distinguer de l'ancien fort plus α l'est. Par ailleurs, la ½RiviΦre╗ et, par la suite, ½Fort William╗ vinrent α dΘsigner toute la rive depuis le lac SupΘrieur jusqu'au ½Plot╗. Si des marchands tels que les frΦres Marks ont participΘ α l'essor de Prince Arthur's Landing comme port des Grands Lacs donnant accΦs α l'Ouest, ce sont des familles telles que les McKellars et les Vickers qui vinrent s'Θtablir le long de la riviΦre Kam, prΦs du Town Plot, pour y promouvoir l'activitΘ miniΦre, forestiΦre et immobiliΦre. Tout comme l'agent de la Compagnie de la Baie d'Hudson, John McIntyre, ces familles se reprΘsentaient le potentiel commercial de la Kaministikwia qui, α leur dire, avait de plus grandes possibilitΘs de devenir un grand port que le Prince Arthur's Landing. Leur foi dans la RiviΦre, en voie de devenir une artΦre trΦs employΘe par le trafic local, se trouvait renforcΘe par le fait qu'une partie de l'expΘdition Wolseley avait empruntΘ la vieille route de la traite des fourrures par la Kaministikwia, plut⌠t que de tirer les bateaux le long de la route Dawson, qui n'Θtait pas achevΘe.
Toutefois, le Landing avait rapidement pris de l'avance sur la RiviΦre, grΓce au trafic maritime d√ α l'essor minier de Silver Islet. Le potentiel de croissance du Landing se trouva nΘanmoins limitΘ du fait que le r⌠le de la route Dawson comme voie de colonisation fut sans lendemain. Les immigrants trouvΦrent plus facile de voyager par train et par bateau α vapeur en passant par les ╔tats-Unis depuis Duluth jusqu'α la riviΦre Rouge que d'avoir α subir le trajet pΘnible en charrette et par bateau que leur rΘservait la route Dawson avec ses nombreux portages et escales. Ainsi, lorsque le gouvernement canadien fut prΩt α entreprendre la construction d'un chemin de fer qui lui assurerait une route entiΦrement canadienne vers l'Ouest de mΩme que la domination d'une mer α l'autre, deux agglomΘrations distinctes se dressaient sur le site de Thunder Bay. FormΘs de groupes ayant des intΘrΩts commerciaux diffΘrents, le Landing et la RiviΦre se disputaient maintenant le privilΦge d'Ωtre le point de dΘpart du tronτon occidental de la voie ferrΘe du Pacifique, qui relierait le lac SupΘrieur et Winnipeg.
La cΘrΘmonie symbolique qui eut lieu au Town Plot le 1er juin 1875 pour marquer le dΘbut de la construction du chemin de fer du Pacifique ne fit qu'accentuer la rivalitΘ qui couvait entre le Landing et le Plot au sujet de l'emplacement du terminus. FroissΘs de ce que leur localitΘ n'ait pas ΘtΘ choisie comme point de transbordement malgrΘ son port bien Θtabli -- et que les contrats pour le chemin de fer aient ΘtΘ accordΘs aux habitants de la RiviΦre -- les gens du Landing mirent sur pied le Prince Arthur's Landing and Kaministiquia Railway, afin de transporter les marchandises et les passagers de leurs quais jusqu'au terminus de chemin de fer du Plot. Le refus qu'opposa le gouvernement α ce que cette voie ferrΘe soit reliΘe α celle du Canadien Pacifique, de mΩme que le dΘbut des travaux de dragage de la riviΦre Kam afin d'en permettre l'accΦs aux gros navires ne firent que confirmer les soupτons sur l'existence d'un complot entre le gouvernement et les rivaux du Landing. Cependant, en 1881, la sociΘtΘ du Canadien Pacifique, nouvellement constituΘe en corporation, montra qu'elle ne voyait dans Thunder Bay qu'un seul port intΘgrΘ en faisant du Landing une escale pour ses vapeurs, en y Θtablissant la plupart de ses chantiers et en incorporant le chemin de fer du Landing α son rΘseau ferroviaire. Et α la demande du CP, le Landing devint dΦs lors Port Arthur, ce qui convenait mieux au prestige de son nouveau r⌠le.
DΦs que fut terminΘe en 1882 la ligne du CP reliant le lac SupΘrieur α Winnipeg, le port de Thunder Bay assuma de nouveau son importance stratΘgique comme point principal de transbordement du rΘseau de transport est-ouest que contr⌠lait MontrΘal. Les Θchanges qui, α l'Θpoque de la traite des fourrures, se faisaient entre le petit canot du Nord et les plus gros canots de transport (canot du maεtre), goΘlette ou bateau plat, faisaient dΘsormais appel au train et au vapeur. MΩme aprΦs que le chemin de fer fut devenu vraiment transcontinental en 1885, le port de Thunder Bay, avec ses installations de transbordement, demeura l'ΘlΘment le plus important du rΘseau de transport canadien. Comme l'Θcrivait en 1923 l'Θconomiste canadien W.A. Mackintosh:
Le tronτon de chemin de fer qui relie Winnipeg au lac SupΘrieur Θtait et demeure le plus important du rΘseau de transport canadien . . . D'autres tronτons du chemin de feront jouΘ un r⌠le considΘrable et essentiel, mais aucun n'a eu autant d'importance que celui-ci qui permet de franchir l'obstacle que forme le Bouclier canadien entre les Grands Lacs et les Prairies.
Ce tronτon de chemin de fer Θtait d'autant plus important qu'il ouvrait la voie α la nouvelle richesse de l'Ouest -- le blΘ. Le chemin de fer eut vite fait de remplir sa mission en peuplant l'Ouest, mais personne n'avait prΘvu que les rΘcoltes des nouveaux arrivΘs entraεneraient une Φre d'expansion Θconomique qu'on appellerait le ½Boom du blΘ╗. Avec les premiers trains de l'Ouest arriva le grain, un mince filet, qui devint ensuite un flot que seule l'arrivΘe de la PremiΦre Guerre mondiale permit d'endiguer. Pendant trente ans, les productions record des terres arables des Prairies se dΘversΦrent sur un marchΘ international illimitΘ, en passant toutes par Fort William et Port Arthur. Ainsi que le proclamaient sans cesse ses partisans, Thunder Bay Θtait devenue le grenier du monde.
Au cours des annΘes 1880, Fort William et Port Arthur se partagΦrent, bien que l'harmonie ne rΘgnΓt pas toujours entre les deux villes, les bienfaits de l'explosion cΘrΘaliΦre que dispensait le chemin de fer. La Kaministikwia Θtait perτue comme l'endroit rΩvΘ pour les silos α cΘrΘales, les docks α charbon et le chargement des marchandises en vrac, mais Port Arthur convenait mieux aux navires de voyageurs et au caissage plus dΘlicat. Bien que le CP considΘrΓt le site actuel de Thunder Bay comme un seul port, les deux villes continuΦrent α rΘclamer des contrats du gouvernement pour amΘliorer leurs installations portuaires respectives aux dΘpens l'une de l'autre.
Toutefois, Fort William Θtait plus habile α courtiser la puissante compagnie de chemin de fer et sut gagner la lutte par ses charmes. SituΘ entre l'est et l'ouest de Fort William, le quartier McKellar offrait une prime de $120 000 en 1889 pour s'assurer que les principaux chantiers du CP seraient situΘs α l'intΘrieur des limites de la ville. D'autre part, le conseil municipal de Port Arthur se saisissait, la mΩme annΘe, d'une locomotive pour couvrir l'arriΘrΘ des imp⌠ts du chemin de fer. Que ce soit par suite de ces mesures ou d'une dΘcision antΘrieure de s'Θtablir sur les terres qu'il venait d'acquΘrir de la Compagnie de la Baie d'Hudson le long de la Kaministikwia, le Canadien Pacifique transfΘra toutes les opΘrations de terminus dans la partie est de Fort William, ne laissant α Port Arthur que le r⌠le de simple escale et d'arrΩt du chemin de fer. Ainsi condamnΘe de toute apparence par la plus puissante sociΘtΘ du pays, Port Arthur dut payer sa tΘmΘritΘ par une crise Θconomique, tandis que Fort William atteignait une prospΘritΘ, jusqu'alors inconnue, en s'emparant de tout le commerce des cΘrΘales au cours de la folie des premiΦres annΘes de production record du blΘ.
Mais cette expansion Θconomique hors pair, fondΘe sur les chemins de fer et le blΘ, permettait plus d'un point de transbordement sur le lac SupΘrieur. En 1902, la Canadian Northern entreprit, elle aussi, d'expΘdier les cΘrΘales de l'Ouest canadien et arrΩta son choix sur Port Arthur comme terminus des Grands Lacs. StimulΘe par la construction de silos α cΘrΘales, de docks α charbon, de quais, d'entrep⌠ts et d'installations ferroviaires, l'Θconomie de Port Arthur connut un regain d'activitΘ commerciale et de croissance dΘmographique, de sorte que la ville se trouvait α peu prΦs au mΩme niveau que Fort William. Quoi qu'il en soit, les deux agglomΘrations Θtaient maintenant englobΘes par l'appellation populaire de ½villes jumelles╗. En 1905, le flot toujours croissant de cΘrΘales et de fret amena la crΘation d'un troisiΦme chemin de fer transcontinental, le Grand Tronc Pacifique, qui fixa son terminus du lac SupΘrieur α Fort William, au sud de la Kaministikwia. └ mesure que se multipliaient les millions de boisseaux de cΘrΘales produits chaque annΘe dans les Prairies et que grossissait proportionnellement le flot de colons et de travailleurs qui se dirigeaient vers l'Ouest, les statistiques concernant la capacitΘ des silos, des dΘp⌠ts de marchandises et des docks α charbon de Thunder Bay, ainsi que le tonnage de marchandises embarquΘes et le nombre des vaisseaux mouillant α ses ports, ne cessaient de monter en spirale.
Cette courbe ascendante se reflΘtait dans les chiffres de la croissance dΘmographique, de la construction de maisons neuves et de l'installation d'industries nouvelles. DΦs 1910, Fort William se vantait d'avoir une population de quelque 25 000 habitants, en comparaison de ses 4 000 habitants 10 ans plus t⌠t, alors que celle de Port Arthur Θtait passΘe de 2 500 α 15 000. Comme chaque municipalitΘ cherchait, par des primes avantageuses et des exonΘrations fiscales, α surpasser sa rivale en attirant de nouvelles industries, il semblait que la capitale canadienne des Grands Lacs deviendrait peut-Ωtre bien la ½Chicago du Nord╗, but que poursuivait sans relΓche le monde local des affaires. Mais cela ne s'est jamais tout α fait rΘalisΘ, peut-Ωtre du fait que Winnipeg partageait avec Fort William et Port Arthur bon nombre des fonctions que remplissait Chicago aux ╔tats-Unis. NΘanmoins, Sir Wilfrid Laurier proclama en 1910 que les villes jumelles Θtaient devenues ½la porte du commerce de l'Ouest╗.
Les brochures publicitaires des deux villes et l'autosatisfaction qu'elles y Θtalaient reflΘtaient bien l'humeur expansionniste des habitants. L'une d'elles intitulΘe Port Arthur -- The Gibraltar to the West (la Gilbratar de l'Ouest) prΘsentait Port Arthur en ces termes:
Aucune ville ne possΦde en plus grande abondance tous lesavantages naturels dont jouit Port Arthur -- la porte du grenier de la Grande-Bretagne -- la porte du commerce qui donne accΦs aux grandes prairies du Nord-Ouest et aux exploitations miniΦres et forestiΦres de la Colombie-Britannique, l'Θmule de Chicago vis-α-vis des richesses des grands ╔tats de l'Ouest.
Dans d'autres brochures, Port Arthur devenait ½la GenΦve du Canada╗ ou ½le centre nerveux de l'Ouest╗. Bien que le plus gros de la publicitΘ ne soit consacrΘ qu'α l'une ou l'autre ville, certains textes reconnaissaient l'existence des deux. Dans Fort William and Port Arthur, Lake Superior: Canada's Great Inland Port, par exemple, on trouve des slogans comme ½Deux villes sur le territoire d'un seul grand port national -- le port de mer desservant la moitiΘ d'un continent -- lα o∙ la voie ferrΘe et l'eau se rencontrent et les grands vaisseaux se rassemblent.╗
Mais quelle Θtait la nature des agglomΘrations qui s'Θtaient dΘveloppΘes aux abords de ce ½grand port national╗? Ce qui frappait tout de suite les Θminents visiteurs du dΘbut des annΘes 1900, c'est que deux municipalitΘs rivales continuent d'exister malgrΘ leur Θconomie commune fondΘe sur le blΘ et les chemins de fer. DΘclarant son aversion pour l'expression ½les villes jumelles╗, Sir Wilfrid Laurier pr⌠nait la crΘation ½d'une grande ville s'Θtendant sur la rive occidentale du lac SupΘrieur et ayant des intΘrΩts et un but communs╗. Bien qu'il ait ΘtΘ logique qu'elles fusionnent, les deux villes restΦrent sΘparΘes, chacune ayant son propre centre pour les affaires, sa propre vie municipale et sa structure sociale α elle, leurs antagonismes Θtant bien ancrΘs dans la tradition historique et perpΘtuΘs par le fait qu'elles se trouvaient sous la domination de deux sociΘtΘs de chemins de fer diffΘrentes. Comme ne put s'empΩcher de faire remarquer Rudyard Kipling lors du voyage qu'il fit α travers le Canada en 1907, ½Elles Θprouvent l'une pour l'autre cette haine pure, empoisonnΘe et passionnΘe qui fait croεtre les villes.╗
MalgrΘ cette rivalitΘ hostile, les deux villes Θtaient remarquablement semblables. Le fait que leurs industries majeures -- les compagnies de chemins de fer et les silos -- et la plupart de leurs industries secondaires appartenaient α des propriΘtaires absentΘistes favorisait leur dΘpendance Θconomique et leur manque de classe dirigeante. Les villes se ressemblaient aussi sur un point, qui devint de plus en plus sensible au dΘbut du siΦcle, le flot des immigrants europΘens qui venaient s'y installer; en 1910, ceux-ci constituaient environ un tiers de la population totale. Comme le reste de la population Θtait rΘpartie α peu prΦs Θgalement entre Canadiens et Britanniques, l'homogΘnΘitΘ canadienne-anglaise des dΘbuts avait fait place α la diversitΘ ethnique.
Le rang social des habitants correspondait α peu prΦs α leur lieu d'origine, la classe moyenne Θtant surtout composΘe de Canadiens, celle des commerτants et des ouvriers spΘcialisΘs, de Britanniques, et celle de la main-d'oeuvre non spΘcialisΘe, d'EuropΘens. La classe moyenne, qui regroupait les marchands et les propriΘtaires de navires, les entrepreneurs de chemin de fer et d'exploitation forestiΦre, les professionnels et les promoteurs miniers, dominait la vie politique des deux collectivitΘs du fait que son pouvoir s'Θtendait aux conseils municipaux, α la presse et aux associations locales des partis Θtablis. MalgrΘ sa situation de sujΘtion vis-α-vis de la grosse machine gouvernementale et des grandes sociΘtΘs, le monde local des affaires cherchait α s'assurer une certaine indΘpendance en attirant dans la rΘgion d'autres industries comme la Ogilvie Flour Mills, la Copp Stove Company, la Canada Car and Foundry, la Atikokan Blast Furnaces et la Port Arthur Shipbuilding Company.
La classe moyenne, par l'intermΘdiaire de ses reprΘsentants auprΦs des Chambres de commerce, tenta de faire passer le contr⌠le des services publics aux municipalitΘs, voyant lα un autre moyen de garantir une position avantageuse tant pour elle-mΩme que pour celles-ci. La vague de collectivisation des services publics qui balaya l'AmΘrique du Nord α la fin du XIXe siΦcle et au dΘbut du XXe vit les ΘlΘments populistes et une partie du monde des affaires se donner la main pour lutter contre les sociΘtΘs privΘes afin d'obtenir des tarifs peu ΘlevΘs, un bon service, des conditions de travail Θquitables et le contr⌠le dΘmocratique des conditions. Fortes du sentiment anti-monopoliste de la population gΘnΘrale, Port Arthur et Fort William furent parmi les premiΦres villes α ½municipaliser╗ les services publics comme le tramway, l'ΘlectricitΘ et le tΘlΘphone.
La classe moyenne avait, sur cette question, l'appui des divers ouvriers spΘcialisΘs du chemin de fer et de la construction. Ceux-ci s'Θtaient organisΘs en syndicats et Θtaient devenus, dΦs le dΘbut du siΦcle, une force reconnue dans la vie des agglomΘrations, par suite des grΦves qu'ils avaient dΘclenchΘes avec succΦs contre les sociΘtΘs de l'extΘrieur et en raison de la part active qu'ils prenaient aux dΘbats d'intΘrΩt public comme celui de la ½municipalisation╗. Plusieurs Canadiens de naissance, les ½aristocrates du travail╗ dans les fraternitΘs de cheminots, jouirent d'un immense prestige dans les affaires municipales, prestige qui atteignit son apogΘe lorsque L.L. Peltier, prΘsident gΘnΘral du Order of Railway Conductors pour tout le rΘseau CPR, fut Θlu maire de Fort William en 1909 et en 1910. Les syndicalistes d'origine britannique comme Harry Bryan et Frederick Urry, plus conscients des diffΘrences de classe que leurs homologues canadiens, introduisirent le syndicalisme non seulement dans les mΘtiers mais aussi chez les ouvriers non spΘcialisΘs de la construction et des docks. Par la part qu'ils prenaient dans la politique travailliste et gauchiste et dans le christianisme social (Social Gospel movement), de tels hommes Θtaient la conscience de la sociΘtΘ.
La troisiΦme classe sociale englobait les derniers venus au pays, les immigrants qui n'Θtaient pas de langue anglaise. Les Finlandais, considΘrΘs comme ½l'aristocratie des immigrΘs╗, vinrent s'Θtablir en grand nombre α Port Arthur et dans la rΘgion avoisinante. Bien que leurs traits physiques, leur niveau d'instruction et leur protestantisme les aient rendus plus acceptables comme futurs citoyens que les immigrants de culture mΘditerranΘenne et slavique, le fait que beaucoup d'entre eux optaient pour l'interprΘtation socialiste de la lutte des classes rendait leur assimilation plus difficile. Et si ce qu'on a appelΘ leur ½esprit d'association╗ trouva Θgalement α s'exprimer dans l'╔glise luthΘrienne, le radicalisme de leur tradition unioniste et politique se fit sentir dans le mouvement ouvrier local au moins jusqu'aux annΘes 50. Les immigrants qui arrivΦrent en vagues aprΦs les deux guerres mondiales amenΦrent avec eux les querelles idΘologiques de la mΦre-patrie, et celles-ci viennent seulement de s'Θteindre. Toutefois, la communautΘ finno-canadienne, sans cesse renouvelΘe par les nouveaux immigrants, donne encore un cachet particulier α la vie commerciale et culturelle de Thunder Bay, notamment α la rΘgion connue autrefois sous le nom de Port Arthur.
Au bas de l'Θchelle sociale se trouvaient tous les autres immigrants venus α Thunder Bay pour se livrer aux gros travaux manuels liΘs aux docks, aux chemins de fer et α la construction. Tout comme les Finlandais, les autres EuropΘens gardΦrent le sens de leur identitΘ ethnique; les divers groupes s'adaptΦrent α leurs nouveaux milieux de vie et de travail chacun α sa maniΦre, suivant les traditions historiques et culturelles de la mΦre-patrie. Si bien qu'en 1910, les deux villes se composaient de nombreux εlots de culture diffΘrente provenant des empires austro-hongrois et russe et de la MΘditerranΘe, chaque groupe ayant sa propre dynamique interne. La collectivitΘ grecque et italienne, par exemple, se caractΘrisait par une grande fidΘlitΘ vis-α-vis de la famille et de la commune, qui reposait sur les ╔glises et les institutions de l'ancien monde. Imbus de ces traditions, ainsi que d'un sentiment d'indΘpendance en matiΦres de justice et de dΘfense communales, les immigrants surent s'unir dans la lutte contre les briseurs de grΦves au cours de divers conflits qui opposΦrent les dockers et la police avant la Seconde Guerre mondiale. De tels affrontements accentuΦrent les prΘjugΘs que nourrissaient la plupart des Canadiens anglophones α l'endroit des Θtrangers, mais ils attirΦrent aussi l'attention sur les conditions de travail des immigrants, sur leurs gages peu ΘlevΘs et leurs longues heures de travail dans des emplois saisonniers et sur le fait qu'ils vivaient tassΘs les uns sur les autres dans des quartiers insalubres et dΘpourvus d'Θgouts.
Pendant les belles annΘes de l'explosion cΘrΘaliΦre qui s'accompagna d'une rapide industrialisation, la croissance numΘrique d'une classe ouvriΦre composΘe de nationalitΘs diffΘrentes amena la fragmentation de la sociΘtΘ aussi bien au niveau ethnique que social. La grΦve lancΘe par le syndicat des travailleurs de tramways en 1913 fut marquΘe par bon nombre d'ΘvΘnements-chocs, dont l'Θmeute des immigrants sympathisants, les coups de feu tirΘs par un policier sur un badaud italien, le recours α des gardes armΘs pour la conduite des tramways et l'appel α une grΦve gΘnΘrale de solidaritΘ lancΘ par les dirigeants ouvriers, ΘvΘnements qui engendrΦrent une profonde amertume entre les deux villes. Bien que la PremiΦre Guerre mondiale marqua gΘnΘralement la fin des troubles ouvriers d'une certaine violence, de sΘrieux conflits industriels continuΦrent α empoisonner les relations de travail dans la rΘgion. La PremiΦre Guerre mondiale fit s'accroεtre encore la tension sociale par suite des grΦves dΘclenchΘes par les manutentionnaires de grain, de la garde montΘe autour des silos par le 96e rΘgiment du lac SupΘrieur et de la classification de nombreux habitants d'origine ΘtrangΦre comme des sujets d'un pays ennemi. L'industrie des pΓtes et papier s'Θtant accrue aprΦs la guerre, les conflits ouvriers survinrent plus souvent dans les bois que dans les docks, et la forte concentration ethnique chez les travailleurs du bois ainsi que la prΘsence de chefs radicaux prolongΦrent encore l'existence de camps opposΘs dans la sociΘtΘ.
La division en factions sur le plan social ou ethnique ne reprΘsentait, cependant, qu'une des manifestations de l'agitation endΘmique qui rΘgnait. └ la diffΘrence des villes du nord de l'Ontario dont l'Θconomie Θtait basΘe sur un seul type d'exploitation, qu'il s'agisse de ressources forestiΦres ou miniΦres, les villes situΘes sur l'emplacement actuel de Thunder Bay, de par leur r⌠le de points de transbordement, avaient une Θconomie aux facettes multiples. Il en rΘsultait une organisation sociale complexe faite de nombreux sous-groupes, qui se dΘveloppaient parfois de faτon parallΦle, d'autres fois, en se recoupant l'un l'autre, comme dans le cas de la classe moyenne qui se rΘpartissait entre les anciennes familles Θtablies avant le chemin de fer, les riches entrepreneurs et les petits commerτants, ou dans celui de la classe ouvriΦre o∙ la scission revΩtait un caractΦre ethnique ou idΘologique. Cette fragmentation se trouvait accentuΘe par l'existence historique de deux municipalitΘs rivales et, au dire de A.W. Rasporich, d'une ½incroyable diversitΘ de factions politiques╗ reprΘsentant notamment les traditions libΘrale, conservatrice, sociale dΘmocrate et marxiste au Canada. Tandis que l'expansion de l'activitΘ forestiΦre de la rΘgion et l'Θtablissement de fabriques de papier aprΦs la PremiΦre Guerre mondiale crΘaient une nouvelle base Θconomique, une autre couche de rapports venait se superposer au tissu social existant. Et pourtant, ce sont ces rapports marquΘs par le changement et la discorde qui donnent α la collectivitΘ sa vie politique robuste et imprΘvisible, colorΘe de crises violentes et sporadiques contre les ½forces extΘrieures╗ qui ont leurs assises dans ½l'Est╗, α Toronto ou Ottawa.
En sa qualitΘ de terminus occidental pour la navigation sur les Grands Lacs, le port de Thunder Bay se prΘsente comme ½le port de mer canadien situΘ au centre du continent╗. MalgrΘ la concurrence que lui font la c⌠te du Pacifique et la baie d'Hudson, ses silos portuaires, qui dΘcoupent la ligne d'horizon, constituent toujours le principal dΘbouchΘ pour les cΘrΘales de l'Ouest, tandis que ses autres installations portuaires accueillent aussi bien le minerai de fer, le papier journal, la pΓte de bois, le charbon et les produits pΘtroliers que le fret gΘnΘral. Avec l'ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent, Thunder Bay devint le troisiΦme port du Canada pour le tonnage de marchandises, accueillant Θgalement les cargos de haute mer et ceux des Grands Lacs.
MalgrΘ la place qu'elle occupe dans le rΘseau national et international des communications du pays entre l'Est et l'Ouest, la ville de Thunder Bay n'a pas encore rΘussi α surmonter son isolement psychologique du reste du pays. ╔tant la porte entre l'Est et l'Ouest, elle n'appartient ni α l'un ni α l'autre et se sent souvent ΘtrangΦre α l'un comme α l'autre. En plus de ses problΦmes-d'isolement et de division, Thunder Bay doit relever beaucoup d'autres dΘfis, y compris ceux que prΘsente la croissance industrielle et urbaine. MalgrΘ le fusionnement et le dΘploiement d'activitΘs de plus en plus nombreuses et variΘes sur le plan culturel et social, la nouvelle ville est encore en quΩte d'une identitΘ bien α elle. La dΘcouvrira t-elle en puisant dans ses traditions locales et ses forces, ou en refusant son passΘ et en nourrissant les antagonismes internes et externes? Cela dΘpendra de nombreux facteurs inconnus. Il reste, entre autres, α savoir si ses habitants pourront faire leur la mission de la ville du futur qui, selon la conception de Lewis Mumford, doit offrir α l'homme un climat o∙ il se sente α l'aise dans les profondeurs de son moi et dans le monde qui l'entoure.