L'╔COLE CANADIENNE ET L'ENFANT AU DIX-NEUVI╚ME SI╚CLE
Harvey J. Graff et Alison Prentice
Par le passΘ, les historiens se sont peu intΘressΘs α l'enfant et α son milieu scolaire. Peut-Ωtre Θtaient-ce lα des sujets trop Θtroitement liΘs au quotidien. Il est Θgalement possible que, comme leurs collΦgues des autres pays, les historiens canadiens aient ΘtΘ beaucoup trop absorbΘs par l'histoire Θconomique et politique de leur pays pour s'intΘresser α l'Θvolution, apparemment sans lien avec les grands ΘvΘnements, du monde de l'enfance et de l'Θducation. Quoi qu'il en soit, l'intΘrΩt manifestΘ aujourd'hui envers l'histoire sociale et culturelle porte en particulier sur l'Θvolution de l'enfance et de cette institution qui semble Ωtre son domaine exclusif, l'Θcole. Comment Θtaient les enfants autrefois? Qu'attendait-on d'eux et que faisaient-ils? Quels liens les unissaient α leurs parents et aux autres adultes? On s'est posΘ des questions semblables α propos des Θcoles. Comment Θtaient-elles? Qui les frΘquentait? Comment en est-on venu α dΘcider que tous les jeunes doivent passer la plus grande partie de leur enfance et de leur adolescence α l'Θcole?
Pour rΘpondre α la derniΦre question, il faut rΘpondre d'abord aux autres; notre propre expΘrience de l'Θcole de masse gratuite et presque universelle ne peut se comprendre parfaitement qu'α la lumiΦre de ce qui a prΘcΘdΘ ce phΘnomΦne relativement rΘcent. On doit retourner plus d'un siΦcle en arriΦre, α l'expΘrience de l'AmΘrique du Nord britannique dans la premiΦre moitiΘ du dix-neuviΦme siΦcle quand les rΘseaux scolaires provinciaux n'existaient pas, quand l'Θcole, pour la plupart des enfants, Θtait au mieux un bref Θpisode de leur vie, ou mΩme en Θtait totalement absente.
Pour commencer α comprendre cette pΘriode de l'histoire de l'Θducation, il faut se rendre compte que les habitants des colonies britanniques d'AmΘrique du Nord du dΘbut du siΦcle dernier ne voyaient pas nΘcessairement en l'Θcole le seul moyen d'Θducation. Un grand nombre d'enfants -- probablement la majoritΘ -- recevaient leur Θducation α la maison o∙ ils travaillaient et jouaient auprΦs de leurs parents. D'autres, qui devenaient serviteurs ou apprentis, apprenaient d'autres familles que les leurs les techniques agricoles, un mΘtier ou la science complexe de la gestion d'un foyer. L'Θcole existait cependant pour certains enfants. Il y avait de nombreuses Θcoles privΘes que des ½dames╗ ou des ½messieurs╗ tenaient dans leurs propres maisons et qui Θtaient entiΦrement financΘes par les parents des ΘlΦves. Certaines recevaient des pensionnaires. Dans de nombreux endroits, des parents ou leurs fondΘs de pouvoir, ou encore des conseils municipaux, fondaient des Θcoles municipales ou des ½common schools╗ dans une salle ou une maison et engageaient un instituteur. Celui-ci recevait un salaire grΓce α une imposition des tuteurs des ΘlΦves et, parfois, grΓce α une aide supplΘmentaire de la Province. Les compΘtences de ces enseignants Θtaient souvent modestes, du moins si l'on ne s'en tient qu'aux dipl⌠mes. Dans certaines localitΘs, des communautΘs religieuses ou des philanthropes fondaient des orphelinats pour permettre aux enfants dont les parents Θtaient trop pauvres de recevoir une certaine instruction. Toutes ces Θcoles assuraient une Θducation ΘlΘmentaire et, dans de nombreuses localitΘs, pouvaient Ωtre frΘquentΘes par un bon nombre d'enfants. GΘnΘralement, seuls les enfants des classes privilΘgiΘes Θtaient en mesure de suivre les cours des quelques Θcoles secondaires, acadΘmies, collΦges ou couvents qui existaient pour former les jeunes hommes de bonne famille en vue d'accΘder α des carriΦres professionnelles, d'affaires ou politiques et prΘparer les jeunes femmes α accomplir dignement leur r⌠le de dames. Presque toutes les Θcoles Θtaient financΘes par des fonds publics, des frais de scolaritΘ ou une imposition des parents ou des tuteurs des enfants; le concept d'Θcoles publiques et d'Θcoles privΘes n'existait pas encore.
Au dΘbut du dix-neuviΦme siΦcle, l'Θcole ΘlΘmentaire se prΘsentait au Canada sous bien des formes. Pour la plupart des enfants, c'Θtait une expΘrience trΦs diffΘrente de celle d'aujourd'hui. PrΘcisons d'abord que la majoritΘ des Θcoles Θtaient trΦs petites. Une Θcole gratuite avec deux ou trois cents ΘlΦves inscrits Θtait une exception α une Θpoque o∙ la plupart des Θtablissements avaient moins de cinquante ΘlΦves, et un bon nombre d'entre eux moins de vingt. La plupart des Θcoles dΘpendaient entiΦrement d'un seul maεtre et beaucoup fermaient leurs portes lorsque celui-ci prenait sa retraite ou quittait l'endroit. Les ΘlΦves Θtaient de tous les Γges, car on rencontrait mΩme dans les Θcoles des gens de plus de trente ans et des couples mariΘs, tandis que les instituteurs avaient souvent aussi peu que quinze ans. MΩme si dans les Θcoles de campagne, les jeunes enfants Θtaient prΘsents davantage au printemps, l'ΘtΘ et l'automne, et les plus vieux l'hiver, quand il y avait peu de travail α la ferme, on rencontrait tout de mΩme des ΘlΦves de tous Γges, guidΘs par un seul maεtre. Enfin, pour la vaste majoritΘ, la prΘsence α l'Θcole Θtait trΦs irrΘguliΦre et plut⌠t brΦve. L'enfant moyen ne la frΘquentait guΦre plus de quelques mois en tout.
Tout cela reflΘtait l'attitude de la sociΘtΘ prΘ-industrielle face α l'Θducation et α l'enfant. Celui-ci avait un r⌠le Θconomique α accomplir: il pouvait Ωtre utile α la ferme, α l'atelier ou α la maison. Dans de nombreuses familles, l'enfant Θtait une main-d'oeuvre essentielle. Beaucoup de parents et d'autres adultes jugeaient avoir la compΘtence d'instruire les jeunes; avec l'aide, peut-Ωtre, du prΩtre du lieu et du maεtre d'Θcole itinΘrant, ils croyaient Ωtre en mesure d'enseigner aux enfants tout ce qu'ils avaient besoin de savoir. Les taux d'alphabΘtisation de cette pΘriode confirment que cette conception a permis α la plupart des gens d'apprendre un peu α lire et α Θcrire. L'enseignement n'Θtait le privilΦge exclusif ni des enseignants professionnels ni des institutions appelΘes Θcoles.
Le ferment du changement Θtait cependant dΘjα α l'oeuvre. Les agriculteurs et les commerτants, trop occupΘs, ne trouvaient souvent pas assez de temps pour assurer l'Θducation de leurs enfants, des apprentis et des domestiques. └ mesure que l'Θconomie devenait plus complexe sur le plan commercial, il semble qu'en particulier au milieu du siΦcle, les enfants des villes n'avaient pas assez de possibilitΘs de travailler. En mΩme temps, l'attitude face au travail des enfants commenτait α changer. Il en rΘsulta un malaise croissant α propos de l'augmentation apparemment alarmante du nombre d'enfants oisifs. L'immigration de masse du milieu du siΦcle, accompagnΘe par la pauvretΘ et le cholΘra, a semblΘ ajouter aux dimensions du problΦme.
De plus en plus, les gens qui se prΘoccupaient de l'Θducation -- enseignants, ministres du culte, gens du gouvernement et parents -- commencΦrent α croire que l'enfant devait Ωtre protΘgΘ du vaste monde du travail et de la vie sociale; ils se tournΦrent vers l'Θcole pour rΘsoudre non seulement le problΦme des enfants oisifs, mais Θgalement d'autres problΦmes qui semblaient liΘs α ce phΘnomΦne. On croyait que plus d'instruction et une meilleure Θducation produiraient des masses dotΘes d'un meilleur sens moral, de plus d'ordre et d'initiative, plus dures α la tΓche. └ mesure que les Θcoles inculquaient α un plus grand nombre d'enfants les vraies valeurs acceptΘes au sein de la colonie, on croyait que le crime diminuerait, tout particuliΦrement chez les jeunes, et que le patriotisme et la conscience sociale augmenteraient. On manifestait Θgalement l'espoir qu'une Θducation commune α tous les enfants rΘduirait l'hostilitΘ latente et ouverte entre les riches et les pauvres, entre les catholiques et les protestants, ainsi qu'entre anglophones et francophones.
Avec cette poussΘe de scolarisation, naquit un mouvement visant α amΘliorer les Θcoles municipales. Vers les annΘes 1840, dans la plupart des rΘgions de l'AmΘrique du Nord britannique, le caractΦre volontaire, fortuit et irrΘgulier de l'Θducation scolaire a rendu manifeste qu'il fallait dΘsespΘrΘment transformer les immeubles, les maεtres et les mΘthodes. Les objectifs des rΘformistes Θtaient l'uniformitΘ, la rΘgularitΘ et l'efficacitΘ -- de meilleurs enseignants, de plus grandes Θcoles et des pΘriodes de scolarisation plus longues et plus rΘguliΦres. Dans le but de remplacer l'instruction individuelle par la ½mΘthode simultanΘe╗ et s'occuper ainsi de plus grands nombres d'ΘlΦves de faτon plus efficace, on pensait que les enfants devaient Ωtre divisΘs en classes, selon leur Γge et les connaissances acquises. On ajoutait que la consolidation des Θcoles et des systΦmes scolaires permettrait d'avoir plus de niveaux et, dans les plus grands centres, des classes plus avancΘes ou des Θcoles secondaires distinctes pour les ΘlΦves plus avancΘs. Les Θcoles existantes furent transformΘes avec l'Θvolution des rΘseaux provinciaux d'Θcoles ΘlΘmentaires et secondaires publiques et la notion de gratuitΘ scolaire fut graduellement admise partout au pays.
Dans cette nouvelle conception de l'Θducation du dix-neuviΦme siΦcle l'Θcolier canadien modΦle Θtait propre et ordonnΘ. Les ΘlΦves occupaient des siΦges en rangΘes fixΘs au plancher. Dans les Θcoles normales provinciales, on enseignait aux futurs maεtres le bon maintien, de mΩme que les mΘthodes d'enseignement prescrites et les matiΦres scolaires. Les Θcoles furent d'abord situΘes dans les maisons, mais on les dΘplaτa graduellement dans des Θdifices dont la conception architecturale reflΘtait le caractΦre et les objectifs de l'institution. Certaines des plus grandes ressemblaient mΩme aux prisons et aux asiles magnifiques que les rΘformateurs du dix-neuviΦme siΦcle concevaient pour guΘrir les adultes exclus de la sociΘtΘ de faτon temporaire ou permanente.
Pour favoriser et mettre en place les changements dans le monde de l'Θducation, les gouvernements provinciaux ont crΘΘ des dΘpartements de l'Θducation qui furent dirigΘs au milieu du siΦcle par des surintendants, et qui plus tard, dans plusieurs provinces, devinrent des ministΦres. Les surintendants et inspecteurs locaux, sous la direction des dΘpartements provinciaux, supervisaient et approuvaient l'enseignement des maεtres dans leurs districts et localitΘs, faisant observer graduellement les rΦglements scolaires provinciaux et imposant l'usage de manuels autorisΘs. Avec la consolidation des Θcoles et des systΦmes scolaires, des plans de carriΦre furent Θtablis pour les hommes, qui pouvaient ainsi envisager d'occuper le poste de principal ou d'autres postes administratifs. Avec l'expansion de l'Θducation, les femmes dont les services co√taient beaucoup moins cher que ceux des hommes, recevant souvent α peine la moitiΘ du salaire de leurs collΦgues masculins, furent engagΘes dans les Θcoles publiques (common schools) et paroissiales. Vers la fin du siΦcle, l'enseignement ΘlΘmentaire Θtait considΘrΘ comme une prΘrogative fΘminine.
└ l'instar de tous les mouvements de rΘforme, le mouvement visant α accroεtre tant la durΘe que la qualitΘ de la scolarisation connut de multiples origines et eut des rΘsultats divers. Il se manifestait une opposition sΘrieuse α un bon nombre des innovations que les rΘformateurs voulaient apporter. D'ailleurs, les rΘgions ou les provinces n'Θtaient pas toutes Θgalement prΩtes au changement et ne le souhaitaient pas toutes avec la mΩme intensitΘ. Dans les provinces o∙ la majoritΘ des Θcoles sont graduellement devenues en thΘories non confessionnelles, et plus ou moins protestantes en pratique, de nombreux parents catholiques et quelques parents de foi anglicane appuyΘs par leur clergΘ demandaient que l'╔tat accorde son aide aux Θcoles confessionnelles sΘparΘes. Les solutions α ce problΦme variaient d'une province α l'autre: la colonie de Terre-Neuve avait plusieurs systΦmes scolaires confessionnels, l'Ontario et le QuΘbec avaient un systΦme double; certaines provinces ne donnaient que peu ou pas d'appui aux Θcoles confessionnelles. Dans quelques provinces, des dΘbats sur les Θcoles sΘparΘes ont influencΘ le cours de la politique provinciale. └ la fin du siΦcle, la Question scolaire manitobaine fit son entrΘe sur la scΦne politique nationale, produisant une des Θlections les plus chaudement dΘbattues de l'histoire du Canada. La religion n'Θtait pas la seule source du conflit. Beaucoup de gens croyaient que l'Θcole gratuite, les enseignants de sexe fΘminin dans les Θcoles publiques, les tableaux noirs et l'enseignement de la grammaire anglaise Θtaient d'excellentes idΘes, mais d'autres s'opposaient violemment α certaines de ces innovations, sinon α toutes, croyant que l'Θcole devait demeurer telle qu'elle Θtait ou Ωtre transformΘe d'autres faτons.
Des problΦmes surgirent au sein des Θcoles et des systΦmes scolaires nouvellement crΘΘs. Des critiques affirmaient que les longues heures d'Θtude, le silence forcΘ et l'inactivitΘ dans des Θcoles surpeuplΘes, mal aΘrΘes ou mal chauffΘes Θtaient extrΩmement nΘfastes α l'enfant. Vers la fin du dix-neuviΦme siΦcle, des Θducateurs s'inquiΘtΦrent de faτon croissante des effets de la scolarisation sur les adolescentes -- les futures mΦres de ½la race╗. Les jardins d'enfants, ou maternelles, qui favorisaient en thΘorie, sinon en pratique, une plus grande activitΘ, Θtaient considΘrΘs comme la solution α certains de ces problΦmes pour les enfants les plus jeunes. Quant α leurs aεnΘs, la gymnastique, les exercices militaires, le chant et l'art furent introduits dans leurs programmes scolaires pour leur permettre de faire de l'exercice physique et de varier leurs journΘes. Dans les rΘgions o∙ les commissions scolaires pouvaient se permettre ces amΘliorations ou encore o∙ les dΘpartements de l'Θducation insistaient sur leur introduction, les Θcoles mal aΘrΘes, mal chauffΘes et bondΘes d'ΘlΦves furent graduellement remplacΘes par des Θdifices plus vastes, mieux aΘrΘs, ΘclairΘs et chauffΘs.
Une autre catΘgorie de problΦmes concernait la clientΦle des Θcoles. Les premiΦres Θcoles gratuites avaient de la difficultΘ α attirer les ΘlΦves de deux classes de la sociΘtΘ, les riches et les trΦs pauvres. Certains des premiers ne voulaient absolument pas des Θcoles publiques, considΘrant qu'elles Θtaient socialement dangereuses ou inadΘquates sur le plan acadΘmique. Ils finanτaient plut⌠t les Θcoles privΘes. Beaucoup de celles-ci, cependant, ne purent survivre α la concurrence des Θcoles publiques et firent faillite. NΘanmoins, certaines Θcoles privΘes, dont un bon nombre Θtaient liΘes α une ╔glise, survΘcurent et permirent aux enfants de ceux qui avaient les moyens financiers nΘcessaires pour payer les frais de scolaritΘ d'Θtudier α l'abri des masses.
└ l'autre extrΘmitΘ de l'Θchelle sociale, les Θcoles eurent Θgalement de la difficultΘ α attirer les enfants des pauvres et α les faire assister rΘguliΦrement aux cours. Les mauvaises routes et les conditions du temps, le manque d'argent pour se procurer de bons vΩtements, des souliers et des livres, la maladie, le besoin de s'occuper de leurs cadets et de travailler pour soutenir la famille tenaient un grand nombre d'enfants ΘloignΘs de l'Θcole. Le problΦme Θtait particuliΦrement aigu en pΘriode de difficultΘs Θconomiques. Vers les derniΦres annΘes du siΦcle, des porte-parole de la classe ouvriΦre commencΦrent α critiquer l'Θcole pour son incapacitΘ α rΘpondre aux besoins des enfants des travailleurs, certains affirmant qu'elle mettait l'accent sur l'individualisme, le matΘrialisme et la compΘtition plut⌠t que sur une formation professionnelle adΘquate et sur l'acquisition d'une pensΘe critique. De plus en plus, des Θducateurs se sont Θgalement mis α croire que l'Θcole s'occupait trop des matiΦres acadΘmiques aux dΘpens d'une bonne formation pour les enfants qui auraient α accomplir des tΓches manuelles ou domestiques. Ainsi, au tournant du siΦcle, la formation manuelle et la formation professionnelle (y compris l'Θconomie domestique pour les filles) devinrent les deux chevaux de bataille des rΘformateurs du monde de l'Θducation. Ceux-ci espΘraient que l'introduction de ces matiΦres augmenterait le respect envers les travaux manuels et domestiques dans la sociΘtΘ en gΘnΘral, de mΩme que chez les ΘlΦves, et assurerait en mΩme temps une certaine formation pratique aux ΘlΦves qui ne se destinaient pas aux fonctions professionnelles ou clΘricales.
En dΘpit de ces innovations, l'Θducation scolaire Θtait toujours inaccessible α certains enfants pour diverses raisons. De plus en plus, l'uniformisation de l'Θcole donnait α la majoritΘ des jeunes une mΩme expΘrience des annΘes d'enfance et d'adolescence. Mais beaucoup d'enfants ne finissaient pas leurs Θtudes et la plupart des jeunes Indiens et Noirs, un bon nombre des jeunes aveugles ou des sourds et muets, de mΩme que les enfants dits ½dΘlinquants╗ ou pouvant le devenir, se retrouvaient habituellement dans des Θcoles distinctes, si toutefois ils y allaient, ou dans des Θcoles industrielles spΘciales, ou mΩme dans des Θcoles de rΘforme. Dans ces institutions, on s'efforτait de les prΘparer α vivre et α travailler selon la propre perception des Θducateurs de leurs handicaps et de leurs besoins.
Le rΩve du milieu du dix-neuviΦme siΦcle d'assurer une scolarisation vΘritablement commune α tous les enfants ne s'est donc pas entiΦrement rΘalisΘ. L'Θducation au Canada comme ailleurs, Θtait en fait fragmentΘe, les enfants Θtant divisΘs selon l'Γge, et parfois d'aprΦs le sexe, la race, la religion et la classe sociale. Cependant, vers la fin du siΦcle, la scolarisation sous une forme ou l'autre Θtait devenue une expΘrience fondamentale dans la vie de la plupart des enfants, et dans presque toutes les provinces, l'opinion de la majoritΘ Θtait si fortement en faveur de l'idΘe que, pour les enfants de sept α douze ou quatorze ans, un minimum de quatre mois d'Θcole par annΘe fut imposΘ par la loi. Alors que, presque partout, la prΘsence α l'Θcole est demeurΘe irrΘguliΦre, le nombre des ΘlΦves prΘsents une journΘe donnΘe Θtant toujours fort loin du nombre d'inscriptions, presque universel, l'absentΘisme, qui Θtait probablement la norme au dΘbut du siΦcle, Θtait considΘrΘ vers 1900 comme un comportement dΘlinquant ou anormal.
On ne fait que commencer α comprendre les liens entre l'Θvolution aux niveaux politique, Θconomique, social et religieux et les modes d'Θducation sans cesse changeants au dix-neuviΦme siΦcle. De toute Θvidence, la frΘquentation irrΘguliΦre des Θcoles et la participation libre α l'instruction, dans la premiΦre moitiΘ du siΦcle, se prΩtaient bien au caractΦre d'une sociΘtΘ prΘ-industrielle au sein de laquelle la majoritΘ des gens vivaient dans des collectivitΘs agricoles plut⌠t petites et travaillaient de leurs mains.
La plupart des garτons et filles pouvaient acquΘrir avec peu d'instruction formelle les trois principes fondamentaux, les aptitudes pour le travail manuel, ainsi que les connaissances sociales et religieuses nΘcessaires. Il est certain, aussi, que la durΘe prolongΘe de la frΘquentation scolaire α la fin du dix-neuviΦme et au dΘbut du vingtiΦme siΦcle, et l'importance grandissante attachΘe α l'horaire, α l'organisation et aux structures formelles dans les Θcoles Θtaient en relation directe avec l'absence croissante du pΦre du foyer et la baisse dans la production domestique. Ces changements sont nΘs sans doute du soucis de prΘparer l'enfant α sa vie de travailleur adulte dans les plus grands milieux de travail structurΘs qui s'Θtablissaient dans les agglomΘrations urbaines.
Toutefois, l'introduction du programme d'Θtudes en Θconomie domestique au dΘbut du siΦcle rΘvΦle l'hΘsitation des Θducateurs devant le fait que la participation des jeunes filles dans le domaine ne durait qu'au mariage, alors que leur milieu de travail devint le foyer. Lorsque la pΘriode de formation se prolongeait sur une pΘriode de six ou sept ans, plut⌠t que de deux ou trois ans, l'importance accordΘe α l'acquisition de connaissances acadΘmiques ne convenait pas aux garτons de milieux ouvriers, qui l'on croyait, bΘnΘficieraient davantage d'une prΘparation aux mΘtiers.
Comme les Θcoles devenaient de plus en plus le reflet des rΘalitΘs changeantes du r⌠le de sexe et de classe et de la nature variante de l'Θconomie (ou ce qu'elles devaient Ωtre selon l'opinion des autoritΘs scolaires), de mΩme, les Θcoles avaient tendance de reflΘter les transformations dans la vie politique et religieuse du Canada. S'il Θtait admis au dΘbut du dix-neuviΦme siΦcle qu'un enfant recevrait son Θducation dans sa langue maternelle d'un enseignant de mΩme religion, il devenait de plus en plus Θvident qu'α la fin du siΦcle ces deux assertions Θtaient sΘrieusement remises en question.
Comment le climat social, Θconomique, politique et religieux dans l'AmΘrique du Nord britannique et au Canada a influencΘ les Θcoles et les enfants de ces rΘgions qui les frΘquentaient demeure un problΦme complexe pour les historiens. ╔galement complexe est la question de savoir quel impact les enfants et les Θcoles ont eu sur l'un l'autre et sur leurs collectivitΘs, les provinces et la nation. Il est certain que les enfants et les Θcoles ont jouΘ des r⌠les importants dans l'histoire, r⌠les que les historiens ne peuvent plus ignorΘs.