home *** CD-ROM | disk | FTP | other *** search
/ Canadas Visual History / Canadas_Visual_History_CD-ROM_1996_WIN31-95.iso / pc / v33 / v33fpre.x < prev   
Text File  |  1994-06-09  |  37KB  |  105 lines

  1. PAUVRET╔ ET CLASSE OUVRI╚RE └ TORONTO (1880-1914) 
  2.  
  3. Gregory S. Kealey et Linda Kealey 
  4.  
  5.      Toronto se dΘveloppa trΦs rapidement dans la seconde moitiΘ du XIXe siΦcle, et la ville connut sa rΘvolution industrielle. Ces deux phΘnomΦnes intimement liΘs -- une croissance urbaine rapide et l'avΦnement du capitalisme industriel -- transformΦrent la sociΘtΘ torontoise α tous les points de vue. La plupart des ouvrages historiques qui examinent ces changements le font sous l'angle de la politique nationale. La croissance urbaine et industrielle Θtait indispensable α l'essor de la jeune nation canadienne, et la politique nationale de Sir John A. Macdonald en 1878, qui favorisa cette croissance, constitue la plus grande rΘussite nationale du XIXe siΦcle. L'Φre Laurier qui suivit vit cette politique nationale porter ses fruits de la prospΘritΘ rΘgner dans le pays -- c'est du moins ainsi qu'on la prΘsente. Dans le prΘsent essai, nous allons examiner l'avΦnement du capitalisme industriel d'un point de vue tout α fait diffΘrent. Nous allons montrer ses consΘquences pour la classe ouvriΦre de Toronto qui constituait la trΦs grande majoritΘ de la population de la ville et qui Θtait α l'origine des richesses dont dΘpendait le progrΦs Θconomique.
  6.  
  7. L'Θconomie et la classe ouvriΦre 
  8.  
  9.      Toronto ne fut jamais une ville d'industries lourdes comme Hamilton au XXe siΦcle et son Θconomie ne fut jamais dominΘe par un seul secteur comme dans le cas des villes miniΦres du nord de l'Ontario. Il s'est au contraire crΘΘ une base industrielle ΘquilibrΘe, axΘe surtout sur les biens de consommation. L'industrie manufacturiΦre du vΩtement et du meuble, l'industrie des conserves alimentaires, et les distilleries et brasseries constituaient les ΘlΘments les plus importants du caractΦre de cette ville. Dans les annΘes 1860 et 1870, il y avait d'importantes industries du tabac et de la chaussure, mais toutes deux connurent un rapide dΘclin α la fin du XIXe siΦcle. La ville possΘdait en outre deux industries spΘcialisΘes, celles de l'imprimerie et des instruments de musique, qui employaient des travailleurs trΦs spΘcialisΘs. └ Toronto, l'industrie lourde se concentrait sur les secteurs des fonderies et des ateliers de construction mΘcanique et, aprΦs 1881, sur les usines de machinerie agricole Massey. Au dΘbut du XXe siΦcle, la production de fer et d'acier s'intensifia et les nouvelles industries du caoutchouc et du matΘriel Θlectrique prirent de l'importance.
  10.  
  11.      En raison de la grande diversitΘ des entreprises industrielles, la classe ouvriΦre de la ville Θtait hautement diversifiΘe. Les travailleurs de Toronto se rΘpartissaient entre les ouvriers trΦs spΘcialisΘs -- mouleurs et ouvriers de la construction -- jusqu'α ceux, non qualifiΘs et trΦs mal payΘs, qui travaillaient comme journaliers et comme ouvriΦres α domicile et dans les ateliers de pressurage de la couture torontoise. Pendant la plus grande partie de la pΘriode ΘtudiΘe ici, ces distinctions entre les ouvriers ont constituΘ un facteur important de division. Les ouvriers qualifiΘs se considΘraient parfois comme Θtant socialement supΘrieurs α leurs frΦres et α leurs soeurs moins spΘcialisΘs; les protestants regardaient avec dΘdain leurs camarades irlandais catholiques; et plus tard, les travailleurs de langue anglaise rejetΦrent les nouveaux immigrants d'origine italienne et juive, car ils les croyaient infΘrieurs. Les ouvriers cherchΦrent α maintes reprises α surmonter leurs frΘquentes divisions pour s'unir autour d'objectifs communs. Depuis les Chevaliers du Travail des annΘes 1880 jusqu'aux tentatives d'organisation syndicale faites dans les mΘtiers de la couture avant la Grande Guerre, ils s'efforcΦrent de crΘer des syndicats afin de se dΘfendre contre leurs employeurs et de mettre sur pied un mouvement politique capable de leur apporter la justice dans tous les secteurs de la sociΘtΘ.
  12.  
  13. PauvretΘ et vie de la classe ouvriΦre 
  14.  
  15.      On impute souvent la pauvretΘ au ch⌠mage, α la maladie et α la mort, ou mΩme α la paresse et α la criminalitΘ. Toutefois, α Toronto, entre 1880 et 1914, la pauvretΘ Θtait une caractΘristique inhΘrente α la vie des classes laborieuses. Presque tous les ouvriers, mΩme les plus spΘcialisΘs, vivaient dans la crainte d'y Ωtre acculΘs. Ils savaient que la marge entre eux et leurs frΦres et soeurs moins fortunΘs Θtait des plus minces. Ce sentiment d'insΘcuritΘ Θtait en partie d√ α des salaires peu ΘlevΘs, mais le problΦme tenait surtout α deux ΘlΘments principaux propres α la sociΘtΘ industrielle capitaliste du XIXe siΦcle -- le travail saisonnier et le cycle Θconomique.
  16.  
  17.      Les hivers canadiens provoquaient l'arrΩt de la plupart des travaux entrepris α l'extΘrieur. Ainsi, de novembre α mai, les ouvriers du bΓtiment, les dΘbardeurs et la plupart des journaliers se trouvaient sans travail. C'Θtait Θgalement le cas pour de nombreux ouvriers d'usine. Dans les mΘtiers de la couture par exemple, les pΘriodes de production intense, o∙ les ouvriers travaillaient presque jour et nuit, Θtaient suivies par d'autres o∙ il Θtait impossible de trouver du travail. MΩme les fonderies et les usines de matΘriel agricole de Toronto fermaient pendant des mois α cause de surplus de production.
  18.  
  19.      Chaque annΘe, l'arrivΘe de l'hiver constituait une menace plus ou moins grande pour les travailleurs torontois, mais parfois les consΘquences Θtaient beaucoup plus graves que d'ordinaire. Les hauts et les bas constants des mouvements cycliques de l'Θconomie capitaliste amenaient de frΘquentes pΘriodes de crise marquΘes de faillites et d'une augmentation du ch⌠mage. Les annΘes entre 1873 et 1896 ont souvent ΘtΘ appelΘes ½la grande dΘpression╗. Cette expression constitue une description α peine exagΘrΘe d'une situation Θconomique qui Θtait trΦs sombre. Les annΘes entre 1874 et 1879 furent trΦs mauvaises; l'Θconomie connut ensuite un regain de vie de quelques annΘes grΓce α l'Θlan provoquΘ dans l'industrie par les dispositions tarifaires de la politique nationale. Elle subit une nouvelle baisse en 1882 et se redressa pendant une courte pΘriode, de 1884 au milieu de 1887. Un dΘclin relativement bref cette annΘe-lα fut suivi d'une reprise qui dura jusqu'aux sombres annΘes de crise de 1893 α 1896. La pΘriode de prospΘritΘ qui vint ensuite se termina aux environs de 1905. Puis vinrent trois annΘes de stagnation suivie de trois bonnes annΘes de 1909 α 1911.
  20.  
  21.      De 1912 jusqu'au milieu de la guerre, l'Θconomie traversa une pΘriode de marasme. Ainsi, les mouvements cycliques de l'activitΘ que connaissait la sociΘtΘ industrielle capitaliste apportΦrent aux ouvriers beaucoup plus d'annΘes de ch⌠mage ΘlevΘ et de misΦre profonde que d'annΘes de prospΘritΘ. Les fluctuations du cycle Θconomique capitaliste intensifiΦrent donc les problΦmes de structure dus aux variations saisonniΦres et la combinaison des deux phΘnomΦnes jeta une forte proportion des travailleurs de Toronto dans la marginalitΘ et l'insΘcuritΘ. Ainsi, malgrΘ la croissance de l'Θconomie canadienne entre 1880 et 1914, les classes laborieuses torontoises furent privΘes de bon nombre des avantages qui en dΘcoulΦrent.
  22.  
  23. Immigration 
  24.  
  25.      ╔tant donnΘ ces problΦmes Θconomiques considΘrables, il n'est pas surprenant de constater que le mouvement ouvrier se soit ΘlevΘ contre l'immigration massive vers le Canada. Les travailleurs se rendaient compte qu'un excΘdent de main-d'oeuvre sur le marchΘ du travail annihilait leur pouvoir de marchandage. Ils savaient aussi que de nombreux immigrants dans une situation tellement dΘsespΘrΘe qu'ils Θtaient prΩts α accepter n'importe quel salaire, pourvu qu'ils travaillent. C'est pourquoi, tandis que les manufacturiers canadiens bΘnΘficiaient de barriΦres douaniΦres ΘlevΘes en vertu de la politique nationale pour la dΘfense de leurs produits, les travailleurs canadiens se heurtaient α la concurrence des immigrants sur un marchΘ du travail libre et largement ouvert. Les ouvriers prΘtendaient que les dispositions de la politique nationale sur les tarifs faisaient monter le prix des biens qu'ils consommaient tandis que celles portant sur l'immigration sans restrictions faisaient descendre le prix de leurs services. L'expΘrience canadienne avec les immigrants dans ces annΘes-lα confirma les craintes des travailleurs.
  26.  
  27.      Jusqu'aux annΘes 1880, l'immigration α destination du Canada provenait en grande partie des ╬les Britanniques et, dans une moindre mesure, de l'Allemagne. └ partir de la fin du XIXe siΦcle, un nombre de plus en plus grand d'immigrants du sud et de l'est de l'Europe, qui culmina au cours de la pΘriode entre 1900 et 1914, vinrent en AmΘrique du Nord. Les Italiens et les Juifs russes reprΘsentaient les deux plus importants groupes d'immigrants α Toronto. En 1911, 3 000 Italiens et 18 000 Juifs habitaient la ville. Certains d'entre eux vinrent au Canada α cause de difficultΘs Θconomiques et politiques dans leur pays d'origine. Les Juifs russes de la rΘgion de Pale ne pouvaient possΘder de terres et Θtaient vivement concurrencΘs dans leurs mΘtiers. Bon nombre d'entre eux dΘcidΦrent de commencer une nouvelle vie dans un pays Θtranger plut⌠t que de travailler dans des usines dans leurs pays. 
  28.  
  29.      D'autres immigrants espΘraient pouvoir travailler quelques annΘes au Canada afin d'amasser suffisamment d'Θconomies pour acheter des terres dans leur pays d'origine. C'est ce que faisaient les Italiens par exemple, ainsi que d'autres groupes. Des cΘlibataires venaient au Canada travailler α la construction de chemins de fer et dans l'industrie du bΓtiment. Pour Θpargner, ils vivaient dans des pensions bon marchΘ. Ils faisaient parvenir leurs Θconomies dans leur village et, parfois, commenτait ainsi une chaεne d'immigrants.
  30.  
  31. Conditions de vie 
  32.  
  33.      Les immigrants formaient un secteur distinct de la classe ouvriΦre de Toronto. O∙ vivait l'immigrant arrivant α Toronto? Le choix du mode de logement Θtait diffΘrent selon que l'immigrant amenait ou non sa famille avec lui. Les cΘlibataires ou ceux qui venaient sans leur famille habitaient souvent des pensions surpeuplΘes. Bon nombre de ces h⌠tels garnis se trouvaient dans le secteur des rues York et King ou le long des gares de triage. Ces logements offraient des conditions de vie insalubres et Θtaient surpeuplΘs, mais il existait une certaine camaraderie entre les hommes qui le plus souvent prΘfΘraient vivre au milieu de leurs compatriotes.
  34.  
  35.      Une importante communautΘ d'immigrants vivait dans le ½Ward╗, quartier dΘlimitΘ par les rues College et Queen, University et Yonge prΦs du centre de la ville. De nombreuses familles d'immigrants y vivaient α c⌠tΘ de familles ouvriΦres canadiennes d'origine britannique. En 1911, la population du quartier Θtait de 53 175 personnes. Sur ce nombre, les deux tiers Θtaient d'origine britannique et l'autre tiers Θtait composΘ d'immigrants europΘens. Deux immigrants europΘens sur trois Θtaient classΘs comme ½juifs╗, probablement originaires de l'Est de l'Europe. MΩme dans ce secteur occupΘ par les immigrants, un nombre considΘrable d'ouvriers pauvres Θtaient d'origine britannique. Les immigrants ne reprΘsentaient que 18% de la population de Toronto en 1921.
  36.  
  37.      En 1900, plus de 80% des logements de ce quartier Θtaient louΘs. Les travailleurs sociaux, les rΘformistes et les responsables municipaux craignaient que les problΦmes du ½Ward╗, ne s'Θtendent aux secteurs adjacents. Le quartier Θtait surpeuplΘ: il y avait 71 personnes α l'acre en comparaison de 21 pour le reste de la ville. MalgrΘ l'augmentation de la valeur des propriΘtΘs de ce secteur, les propriΘtaires Θtaient peu disposΘs α y faire des rΘnovations. De nombreuses maisons Θtaient insalubres et mal aΘrΘes; certaines Θtaient dΘpourvues de cabinet d'aisances, d'autres, de l'eau courante. Les loyers augmentaient, surtout pour les habitations en briques de quatre ou cinq piΦces donnant sur la rue. Les propriΘtaires les louaient entre vingt et vingt-deux dollars par mois en 1918. Des habitations α meilleur marchΘ ou ½cottages╗ (petites maisons individuelles) de deux, trois ou quatre piΦces, construites α l'arriΦre des terrains, pouvaient revenir entre huit et douze dollars par mois. Ces petits ½cottages╗ n'Θtaient souvent que de vulgaires cabanes.
  38.  
  39.      La croissance rapide de Toronto amenait un manque de logements qui frappait trΦs durement les pauvres et les ch⌠meurs qui faisaient partie de la classe ouvriΦre. Certains devaient se contenter de logements d'une seule piΦce pour toute leur famille. Tout se faisait dans la mΩme piΦce: on y mangeait, on y dormait, on y faisait la cuisine et on s'y rΘunissait. D'autres se rabattaient sur des cabanes construites α la hΓte ou de tentes montΘes dans des cours. D'autres encore, s'Θtablissaient illΘgalement dans des logements ou dormaient dans les rues.
  40.  
  41.      └ cause des variations saisonniΦres sur le marchΘ du travail, l'hiver Θtait la pΘriode de l'annΘe la plus pΘnible pour l'ouvrier pauvre et celle o∙ le taux de ch⌠mage Θtait le plus ΘlevΘ. Les aliments co√taient cher en cette saison et il fallait acheter de quoi se chauffer. Les pauvres gens pouvaient rarement se permettre d'acheter une corde de bois ou une tonne de charbon et devaient donc s'en procurer de petites quantitΘs α prix fort.
  42.  
  43.      Dans les journaux de Toronto, les reporters racontaient les misΦres du pauvre. En fΘvrier 1883, un journaliste alla interviewer, au no 23 de la rue Lombard, M. George Gloynes, journalier mariΘ et pΦre de six enfants. M. Gloynes Θtait malade et sans travail. Normalement, il gagnait un dollar par jour pour transporter de la glace l'hiver et pour travailler au pic et α la pelle l'ΘtΘ. Sa femme gagnait de huit α dix dollars par mois comme femme de mΘnage. Ses enfants allaient α l'Θcole. Selon M. Gloynes, ses enfants mangeaient de la viande (salΘe seulement) deux ou trois fois par semaine. Lui-mΩme en mangeait tous les jours lorsqu'il travaillait. Le loyer de sa maison lui co√tait cinq dollars par mois. Le reporter en fit une description triste et lugubre:
  44.  
  45.      Des murs nus, rien d'autre, car le froid soudain avait chassΘ la famille jusqu'α l'Θtage o∙ le poΩle rΘpandait sa chaleur . . . Pas un livre sur la table, pas un tableau sur les murs pour Θgayer cette saletΘ et cette monotonie . . . des murs de cette maison suintait une dΘsespΘrante uniformitΘ pour un homme qui avait six enfants et qui gagnait un dollar par jour. 
  46.  
  47.       Dans le mΩme article, un mΘcanicien qualifiΘ, natif du pays, mariΘ et pΦre de quatre enfants, racontait qu'il gagnait $1.75 par jour l'ΘtΘ et $1.50 l'hiver. Mais cet homme estimait qu'il ne travaillait que deux cents jours par an alors que, selon son Θvaluation plut⌠t optimiste, M. Gloynes Θtait employΘ 313 jours dans l'annΘe. Ce mΘcanicien qualifiΘ calculait que son revenu annuel ne dΘpassait pas $360. AprΦs avoir payΘ la nourriture, le loyer et le combustible, il ne lui restait que $39.60. Ce ½surplus╗ devait servir α payer tout le reste -- vΩtements, souliers, soins mΘdicaux, mobilier, etc. . .
  48.  
  49.      Dans une autre enquΩte faite trois ans plus tard, le journal calculait que le travailleur moyen et sa famille (5,25 personnes en 1881) consacraient $417.75 aux dΘpenses de premiΦre nΘcessitΘ. Les gains moyens des 1 605 familles interrogΘes Θtaient de $447.60 par annΘe, ce qui laissait un excΘdent de $29.85. Dans ces familles, l'apport de la femme et des enfants au revenu dΘclarΘ n'Θtait pas prΘcisΘ. Sur les 1 605 familles, 655 avaient un budget ΘquilibrΘ ou subissaient un dΘficit. Neuf cent cinquante familles dΘclaraient avoir un excΘdent. Bon nombre de familles Θtaient cependant incapables d'atteindre un revenu de $447.60 par annΘe. Ceux qui y arrivaient comptaient sur l'apport de la femme ou des enfants dont le travail constituait souvent l'appoint dΘcisif pour la survie de la famille. Les femmes et les enfants reprΘsentaient une main-d'oeuvre non spΘcialisΘe et formaient 35% du total des travailleurs en 1881, 30% en 1911. La situation de la famille ouvriΦre changea trΦs peu au cours des quinze premiΦres du XXe siΦcle. Les plus rΘcentes recherches sur les conditions de vie des ouvriers α Toronto et α MontrΘal au dΘbut du XXe siΦcle viennent confirmer l'existence d'une triste situation o∙ rΘgnaient l'extrΩme misΦre et la marginalitΘ. Bien que les ouvriers spΘcialisΘs aient joui d'une plus grande sΘcuritΘ, ils n'Θtaient pas non plus α l'abri de conditions de vie qui dΘmentissent la vision optimiste que nous avons habituellement d'une prospΘritΘ partagΘe par tous les Canadiens.
  50.  
  51. L'Θconomie familiale 
  52.  
  53.      Quel Θtaient les travaux accessibles aux femmes et aux enfants? Ils Θtaient engagΘs comme ouvriers non spΘcialisΘs dans les fabriques de boεtes, de vΩtements, de bottes et chaussures, ainsi que de cigares. Ils travaillaient comme garτons de course, employΘs de magasins, cireurs de chaussures et vendeurs de journaux. Les femmes Θtaient employΘes dans les divers mΘtiers de la couture, souvent sur une base saisonniΦre. └ la fin de la premiΦre du XXe siΦcle, elles remplaτaient les hommes comme commis et stΘnographes mais touchaient un salaire infΘrieur de moitiΘ α celui de leurs prΘdΘcesseurs.Un petit nombre de femmes mariΘes trouva de l'emploi comme femmes de mΘnage ou comme tenanciΦres de pensions de famille. D'autres, moins nombreuses encore gagnaient un peu d'argent en gardant les enfants des femmes qui travaillaient, d'o∙ le nom de garderies d'enfants (½baby farms╗). Ces enfants Θtaient souvent ceux d'une domestique ou d'une jeune ouvriΦre pauvre abandonnΘe par le pΦre. La situation Θtait tellement dramatique que le Parlement adopta une loi imposant l'inscription des personnes qui tenaient ces pouponniΦres et limitant le nombre d'enfants de moins d'un an permis en ces lieux. Le taux ΘlevΘ de mortalitΘ qui y existait souleva des protestations gΘnΘrales et suscita des demandes d'enquΩte et de rΦglements plus rigoureux. Peu α peu, ce type de solution fut abandonnΘ et remplacΘ par un systΦme de foyers de placement familial.
  54.  
  55.      Les entrepreneurs de l'industrie du vΩtement α travail intensif exploitaient les femmes ayant des enfants α la maison. Ils remettaient des piΦces non faτonnΘes α des employΘs qui les cousaient chez elles et Θtaient rΘmunΘrΘes α la piΦce. Les femmes et les enfants devaient travailler pendant de longues heures pour subvenir α leurs besoins.
  56.  
  57.      La majoritΘ des ouvriΦres Θtaient cΘlibataires. C'Θtaient des domestiques, des employΘes de magasins, des couturiΦres et des ouvriΦres d'usine, mais leurs salaires dΘrisoires suffisaient α peine α les faire vivre. En dΘsespoir de cause, certaines se tournaient vers la prostitution et mΩme les ouvriΦres honorables Θtaient soupτonnΘes de moeurs faciles. Les rΘformistes de la classe moyenne dΘploraient les conditions de travail qui rΘunissaient hommes et femmes et exposaient les jeunes femmes aux attentions de contremaεtres sans scrupules. Les ouvriΦres s'indignaient de ces insinuations et elles promouvaient un idΘal de ½femme honnΩte╗ fondΘ sur la dignitΘ du travail.
  58.  
  59.      Quel pouvait Ωtre l'apport financier d'une femme ou d'un enfant α l'Θconomie familiale? Un ouvrier spΘcialisΘ dans les annΘes 1880 gagnait de neuf α quinze dollars par semaine selon son mΘtier et les conditions Θconomiques. └ cette Θpoque, les femmes touchaient de quatre α sept dollars comme opΘratrices de machines dans les manufactures de bottes et de chaussures; les vendeuses dΘbutantes ne recevaient qu'un dollar ou $1.50 par semaine. Lorsqu'elles avaient de l'expΘrience, elle pouvaient gagner de trois α six dollars. Les couturiΦres pouvaient toucher de cinq α sept dollars, mais elles ne travaillaient qu'une partie de l'annΘe. 
  60.  
  61.      Dans les fabriques de corsets, les salaires des femmes s'Θchelonnaient de trois α huit dollars par semaine. Les femmes qui tenaient des ½garderies d'enfants╗ gagnaient entre quatre et six dollars par mois pour s'occuper des enfants. Dans les annΘes 1890, une employΘe d'un atelier de confection gagnait de un α sept dollars, le salaire moyen se situant en 1896 entre $3 et $4.50. Les salaires offerts aux femmes Θtaient alors infΘrieurs de la moitiΘ, ou plus, α ceux des hommes, suivant le mΘtier qu'elles pratiquaient. Dans de nombreux cas, les femmes ne pouvaient mΩme pas toucher le salaire d'un dollar par jour que recevait l'ouvrier non spΘcialisΘ.
  62.  
  63.      La rΘmunΘration des enfants Θtait encore plus infime. Ceux qui Θtaient employΘs dans les fabriques de cigares, les magasins de vente au dΘtail ou les manufactures de vΩtements recevaient tout au plus $1 ou $1.50 par semaine. Dans les annΘes 1890, une jeune fille de quatorze ans, apprentie dans l'industrie de la confection touchait comme rΘmunΘration de dΘbut un dollar par semaine. Les jeunes garτons employΘs dans le commerce des tissus gagnaient de deux α six dollars par semaine et les jeunes filles $1.50 seulement.
  64.  
  65.      MalgrΘ l'adoption en 1886 de la Loi sur les manufactures interdisant l'emploi des garτons de moins de douze ans et des filles de moins de quatorze ans, les manufactures continuΦrent de faire travailler des enfants. Ces derniers n'Θtaient pas employΘs uniquement dans les bureaux ou les commerces de dΘtail. Un petit nombre d'entre eux trouvaient des emplois de vendeurs de journaux, de cireurs de chaussures et de messagers. AppelΘs ½street arabs╗ (petits pouilleux), ces enfants, parmi lesquels il y avait des filles et des garτons, Θtaient souvent sans foyer et vivaient dans la rue ou dans des logements bon marchΘ. Ils avaient des clients et des coins de rue rΘguliers et un vendeur de journaux dΘgourdi pouvait gagner cinq dollars par semaine.
  66.  
  67.      Les enfants qui ne couraient pas ainsi les rues ou qui ne travaillaient pas dans les manufactures devaient parfois garder les plus jeunes pendant que le pΦre ou la mΦre travaillait. Les Lois sur la frΘquentation scolaire obligatoire n'Θtaient pas observΘes. De nombreux parents n'envoyaient pas leurs enfants α l'Θcole, parce qu'ils n'avaient pas de vΩtements chauds ou de souliers.
  68.  
  69.      La famille ouvriΦre constituait une unitΘ trΦs importante pour la subsistance de ses membres. L'apport des femmes et des enfants au budget familial permettait souvent α la famille de ne pas Ωtre rΘduite α la misΦre. └ cause des faibles salaires versΘs aux femmes et aux enfants, bien des familles uniparentales Θtaient incapables de subvenir α leurs besoins et avaient recours aux services des oeuvres de bienfaisance.
  70.  
  71. RΘformes sociales: de la philanthropie aux mouvements progressistes 
  72.  
  73.      Lorsqu'une famille ne pouvait tirer du marchΘ du travail les moyens d'assurer sa subsistance, elle pouvait recourir α un certain nombre d'oeuvres de bienfaisance qui distribuaient nourriture et combustible α titre de mesure provisoire. └ Toronto, au dΘbut du XXe siΦcle, il y avait 55 sociΘtΘs de bienfaisance et plus de 200 ╔glises qui se portaient au secours des indigents. Certains de ces groupes, comme la St. Andrews Society et la St. George's Society, datent de la fin du XVIIIe siΦcle et ils furent fondΘs pour aider les membres de certains groupes ethniques α des moments difficiles. D'autres, comme l'ArmΘe du Salut, ont pris naissance α la fin du XIXe siΦcle. Ces groupes se sont mis α l'oeuvre pour aider ceux qui ne pouvaient survivre pendant les longs hivers o∙ le ch⌠mage atteignait les plus hauts sommets. └ la fin du XIXe siΦcle, l'Associated Charities fut constituΘ pour coordonner les initiatives charitables dans la ville. Cette association se proposait d'examiner les cas individuels et d'½aider les indigents α s'aider eux-mΩmes╗ plut⌠t que d'apporter une aide passagΦre.
  74.  
  75.      └ la Maison de l'Industrie, vieil immeuble en pierre situΘ dans le ½Ward╗, la ville accordait une aide temporaire qui se rΘvΘlait insuffisante. Au cours de l'hiver 1890-1891, la Maison de l'Industrie vint en aide α 1 824 familles, en comparaison de 1 106 un an auparavant. Les vagabonds pouvaient y trouver un refuge s'ils acceptaient en retour de couper du bois ou de casser des pierres. On leur offrait un repas composΘ de thΘ et de pain, un bain et un lit. Une certaine de vieux retraitΘs vivaient α la Maison et aidaient α surveiller les indigents de passage. Tout cela Θtait cependant terriblement insuffisant. Les misΘreux sans foyer cherchaient aussi quelque secours dans les prisons et les h⌠pitaux de la ville α cause du surpeuplement de cet Θtablissement et de sa mauvaise rΘputation. L'examen des demandes de secours Θtait faite au petit bonheur par le juge en chef qui confiait α un conseiller municipal la tΓche de s'occuper des diffΘrents cas.
  76.  
  77.      L'hiver particuliΦrement rigoureux de 1890-1891 provoqua des manifestations et des protestations de ch⌠meurs, mais il entraεna aussi un trΦs grand nombre de demandes de secours, notamment de la part des femmes et des vieillards. Un reporter remarqua que la plupart de ces demandes provenaient du quartier St. John o∙ Θtait situΘ le ½Ward╗. Il interviewa un travailleur et sa famille, durement touchΘs par le ch⌠mage hivernal. Cet homme, originaire d'Angleterre, s'Θtait Θtabli au Canada neuf ans auparavant. Il avait une femme et six enfants et ne rΘussissait pas α trouver de travail dans l'industrie du bΓtiment. Au cours de l'ΘtΘ 1890, il avait d√ se rendre α pied jusqu'α Rochester α cause d'une grΦve. └ son retour il n'avait pas de travail et avait contractΘ la typho∩de. D'aprΦs lui, deux cents de ses camarades du syndicat se trouvaient dans la mΩme situation.
  78.  
  79.      La triste situation dans laquelle se trouvaient les misΘreux, la prolifΘration des taudis et la crainte de dΘsordres sociaux incitΦrent les rΘformistes, les ministres du culte et les autoritΘs municipales α trouver des solutions α une situation menaτante. Dans les derniΦres annΘes du XIXe siΦcle et au dΘbut du XXe siΦcle, les craintes et les prΘoccupations de la haute et de la moyenne bourgeoisie amenΦrent la mise sur pied d'un mouvement gΘnΘral de rΘformes connu sous le nom de ½Progressivisme╗. L'opinion publique se prΘoccupa de nombreuses questions de rΘforme, dont la protection de l'enfance, la rΘforme urbaine, les domiciles de secours, le lait sain, etc. Ces rΘformes, fondΘes sur les principes de l'½efficacitΘ╗ en affaires, Θtaient destinΘes α imposer un nouvel ordre des choses dans le domaine des questions sociales. Plut⌠t que de faire la charitΘ au petit bonheur, les rΘformistes prΘfΘraient mener des enquΩtes sociologiques avant de dΘcider des solutions α apporter. Ainsi, on assista, entre 1890 et 1914, α une importante augmentation des rapports commandΘs par des groupes rΘformistes et les gouvernements. Ces enquΩtes et ces rapports fournissent aujourd'hui α l'historien des questions sociales une grande partie de ses sources dans ce domaine de l'histoire du Canada.
  80.  
  81.      Toutefois, avant la PremiΦre Guerre mondiale, le gouvernement ne faisait que commencer α assumer ses responsabilitΘs dans le domaine des questions sociales. Le plus gros du travail d'assistance dont avait besoin Toronto Θtait l'oeuvre d'organismes privΘs, d'individus et d'╔glises. L'╔glise mΘthodiste Θtait probablement la plus socialement engagΘe et la plus fortement influencΘe par le mouvement ½Social Gospel╗ qui se manifesta en Grande Bretagne et aux ╔tats-Unis. Les adhΘrents de ce mouvement estimaient que la ChrΘtientΘ avait le devoir de s'attaquer aux questions sociales br√lantes de l'Θpoque -- pauvretΘ, ch⌠mage et immigration. Les ╔glises mirent sur pied des conseils et des comitΘs chargΘs de ces questions et certains d'entre eux, comme le Moral and Social Reform Council of Canada, devinrent des organismes plus larges et attirΦrent en leur sein des professionnels, des leaders syndicaux et des politiciens.
  82.  
  83.      Les craintes et les prΘoccupations naissantes au sujet des consΘquences de la pauvretΘ provoquΦrent toute une sΘrie de rΘactions de la part des ╔glises et des groupes rΘformistes au sein des gouvernements municipaux et α l'extΘrieur de ceux-ci. La famille Massey, par exemple, crΘa, avec l'aide des MΘthodistes, la Mission Fred Victor, qui reτut les moyens d'organiser une bibliothΦque, une pouponniΦre, une Θcole du soir, un centre mΘdical et une caisse d'Θpargne pour les ouvriers. La SociΘtΘ protectrice de l'enfance fut crΘΘe en 1891 sous l'Θgide de J.J. Kelso. Elle se proposait de venir en aide aux enfants dΘlaissΘs et sans foyer et aux jeunes dΘlinquants, et elle tΓchait de faire respecter les lois sur l'instruction obligatoire. Les prΘoccupations de caractΦre social α l'Θgard des Θtudiants dans les YMCA (Young Men's Christian Association) amenΦrent la crΘation de centres communautaires universitaires au dΘbut du XXe siΦcle. Les institutions de secours s'efforτaient d'offrir toute une gamme de services aux ouvriers pauvres du voisinage. Ces organismes vouΘs α l'amΘlioration du sort de ces gens ne reprΘsentaient qu'une fraction des groupes qui existaient α cette Θpoque. Les sociΘtΘs de tempΘrance, les associations d'aide aux prisonniers, les oeuvres humanitaires et d'innombrables groupes rΘformistes de toutes sortes se multipliΦrent α la fin du XIXe siΦcle et au dΘbut du XXe siΦcle. Les groupes rΘformistes profitΦrent de l'Θmergence, α la fin du XIXe siΦcle, des organisations nationales fΘminines. Le Conseil national des femmes du Canada, la Woman's Christian Temperance Union et de nombreux groupes religieux participΦrent α l'amΘlioration des milieux urbains et industriels. PrΘoccupΘes par le chaos social qui semblait croεtre dans les villes et au pays, ces femmes de la classe moyenne combattirent en faveur de programmes de sΘcuritΘ sociale qui devinrent par la suite des services gouvernementaux. Par la suite, les femmes commencΦrent α Ωtre prΘsentes dans les oeuvres sociales, les bibliothΦques et les services de santΘ publique.
  84.  
  85. RΘaction de la classe ouvriΦre 
  86.  
  87.      Les efforts de rΘforme des Canadiens de la classe moyenne, quelque valables qu'aient pu Ωtre leurs objectifs, n'eurent, au mieux, que des rΘsultats trΦs divers. De plus, il faut se rappeler que la plupart des programmes de rΘforme -- lois sur les manufactures, sur les accidents du travail, et, plus tard, sur l'assurance-ch⌠mage, l'assurance-santΘ et autres plans de sΘcuritΘ sociale -- rΘpondaient tous α d'anciennes demandes des associations ouvriΦres. Ces rΘformes sociales n'ont pas fondamentalement transformΘ la sociΘtΘ canadienne, mais elles ont permis d'amΘliorer quelque peu les conditions de vie misΘrables de nombreux travailleurs canadiens. Cela, nous le devons aux premiers syndicats ouvriers et α leurs vigoureux efforts.
  88.  
  89.      Le prΘsent essai a insistΘ sur la marginalitΘ des classes laborieuses de Toronto. Pourtant, les ouvriers de cette ville, confrontΘs α ces infortunes, ont non seulement rΘussi α vivre mais aussi α crΘer de fortes organisations et α lutter contre le systΦme qui les opprimait. On peut affirmer sans crainte de se tromper que la famille ouvriΦre a ΘtΘ le fondement sur lequel tout le reste a ΘtΘ ΘdifiΘ. Non seulement Θtait-elle une unitΘ Θconomique viable qui permettait de se dΘfendre devant les variations saisonniΦres et les crises pΘriodiques, mais elle reprΘsentait aussi un rΘseau de relations riche en possibilitΘs en cas de besoin et rΘpondait α de nombreux besoins humains.
  90.  
  91.      En plus des liens familiaux, les membres de la classe ouvriΦre nouaient des relations de bon voisinage qui permettaient lα aussi d'obtenir de l'aide lorsque les temps Θtaient difficiles. C'Θtait tout particuliΦrement le cas des travailleurs qui Θtaient suffisamment stables pour pouvoir Θviter les innombrables dΘmΘnagements qui caractΘrisaient la vie des ouvriers. Les liens ethniques reprΘsentaient Θgalement d'importantes sources de soutien moral et Θconomique, comme le montrΦrent des groupes tels que l'Emerald Benevolent Association (catholiques irlandais) ou la Finnish Organization of Canada. Ainsi, au milieu des vicissitudes qui ont marquΘ la vie, les ouvriers canadiens ont forgΘ des traditions de secours mutuel et de fraternitΘ qu'ils ont ensuite conservΘes dans la principale institution qu'ils ont crΘΘe -- la mouvement syndical. Les syndicats sont apparus dans toutes les sociΘtΘs industrielles capitalistes comme des institutions de dΘfense et d'entraide ouvriΦres. Les premiers syndicats offraient α la fois des services de nΘgociation collective et des systΦmes Θtendus de secours mutuels pour les membres, en cas de ch⌠mage, de maladie et de dΘcΦs. Les menuisiers et les typographes formΦrent les premiers syndicats α Toronto dans les annΘes 1830, mais avec l'avΦnement du chemin de fer et de son corollaire, l'industrialisation, d'autres ouvriers qualifiΘs adoptΦrent le syndicalisme. Dans les annΘes 1870, les syndicats canadiens crΘΦrent leur premiΦre organisation nationale, l'Union des travailleurs du Canada ou C.L.U. (Canadian Labour Union). Les ouvriers torontois prirent l'initiative de sa crΘation en prenant comme point de dΘpart leur Toronto Trades Assembly ou T.T.A. (regroupement de syndicats). La crise des annΘes 1870 provoqua la disparition des deux organisations, mais les ouvriers refirent leur unitΘ α la faveur de la reprise Θconomique du dΘbut des annΘes 1880 et mirent sur pied le Toronto Trades and Labor Council ou T.T.L.C. (1891 ) et la Trades and Labor Congress of Canada ou T.L.C. (1893). Une fois de plus, les travailleurs torontois prenaient l'initiative dans la crΘation du ½Congress╗.
  92.  
  93.      Les centrales urbaines (T.T.A. et T.T.L.C.) et les groupements nationaux (C.L.U. et T.L.C.) exercΦrent de fortes pressions sur les gouvernements fΘdΘral et provincial afin qu'ils adoptent des lois pour venir en aide aux ouvriers. Dans les annΘes 1870, les travailleurs obtinrent, α la suite de ces luttes, le droit de former des syndicats (1872), de faire la grΦve (1875, 1876) et de nouveaux rapports d'ΘgalitΘ avec leurs employeurs grΓce α la Loi sur les conventions (1877).
  94.  
  95.      Les premiers syndicats ne regroupaient que des ouvriers spΘcialisΘs, mais dans les annΘes 1880, apparut une nouvelle philosophie du syndicalisme. Les Chevaliers du Travail, qui croyaient au regroupement des travailleurs sans Θgard au sexe, α la race ou au mΘtier, arrivΦrent au Canada et encouragΦrent les ouvriers torontois α se lancer avec une ardeur fΘbrile dans l'organisation et les activitΘs politiques. MΩme s'ils subirent de nombreux revers α la fin des annΘes 1880, les Chevaliers du Travail avaient Θtabli une tradition d'organisation ouverte α tous qui ne fut jamais oubliΘe par les ouvriers canadiens.
  96.  
  97.      Excercer des pressions sur les gouvernements pour qu'ils Θlaborent des rΘformes et offrir des services de secours α leurs membres reprΘsentaient des fonctions importantes pour les syndicats. Toutefois, leur r⌠le principal consistait α combattre l'employeur afin de participer α la fixation des conditions de travail et de la rΘmunΘration. Entre la naissance de la ConfΘdΘration et la Grande Guerre, les travailleurs de Toronto firent plus de quatre cents grΦves. Sans ces luttes, leur vie aurait ΘtΘ beaucoup plus misΘrable et plus alΘatoire.
  98.  
  99.      Certains travailleurs allΦrent plus loin que le syndicalisme et conclurent qu'ils ne pourraient rΘaliser leurs objectifs de justice sociale α l'Θchelle du Canada qu'en se lanτant dans l'action politique en faveur des ouvriers. De leurs dΘbuts hΘsitants dans les annΘes 1870 et 1880, Θmergea au Canada une tradition politique socialiste qui, jusque dans les annΘes 20, fut dominΘe par l'idΘologie politique marxiste.
  100.  
  101.      Les travailleurs torontois jouΦrent un r⌠le dΘcisif dans cette Θvolution, des premiΦres campagnes ouvriΦres de 1883, 1886 et 1887 jusqu'aux dΘbuts du Parti socialiste du Canada et du Parti socialiste dΘmocratique qui connut certains succΦs des Θlecteurs α Toronto avant la PremiΦre Guerre mondiale. Les travailleurs, crΘΦrent, malgrΘ l'insΘcuritΘ et la misΦre, un mouvement syndical stable et se lancΦrent dans des activitΘs politiques qui promettaient un monde fondΘ sur l'ΘgalitΘ, et non sur la cupiditΘ. 
  102.  
  103.      La pauvretΘ n'Θtait pas une anomalie propre α la sociΘtΘ canadienne de la fin du XIXe siΦcle et du dΘbut du XXe siΦcle. N'Θmanant ni des dΘfaillances individuelles ni de la malchance, elle existait au coeur mΩme de la sociΘtΘ industrielle capitaliste. Les ouvriers ont toujours vΘcu dans la crainte de la pauvretΘ. Les Canadiens se fΘlicitent souvent de leurs nombreux programmes de sΘcuritΘ sociale. Pourtant, ces derniers ne font que dissimuler les pires flΘaux amenΘs par la pauvretΘ. Aucune sociΘtΘ capitaliste, mΩme la plus ½prospΦre╗, n'a rΘussi α l'abolir. Les ouvriers canadiens, qui ont combattu et qui continuent de lutter dans leurs syndicats et leurs partis politiques pour une sociΘtΘ fondΘe sur le collectivisme, nous ont proposΘ une voie toute diffΘrente.  
  104.  
  105.