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Text File  |  1994-06-09  |  27KB  |  79 lines

  1. Immigration dans l'Ouest du Canada (1896-1914)
  2.  
  3. Donald Avery 
  4.  
  5. Tendances gΘnΘrales 
  6.  
  7.      Entre les dΘbuts de la ConfΘdΘration et la dΘclaration de la PremiΦre Guerre mondiale, la politique du Canada en matiΦre d'immigration a reposΘ sur deux principes fondamentaux, α savoir qu'un grand nombre d'immigrants est essentiel au dΘveloppement Θconomique de la nation, et qu'il faut accorder une prΘfΘrence aux immigrants pouvant Ωtre facilement assimilΘs α la population. L'Acte de l'AmΘrique du Nord britannique (article 95) prΘvoyait que le gouvernement fΘdΘral et les gouvernements des provinces pourraient lΘgifΘrer l'un et l'autre sur l'immigration. └ la suite de consultations fΘdΘrales-provinciales tenues au cours des annΘes 1870, on convint toutefois de crΘer une administration centralisΘe. La Direction gΘnΘrale de l'Immigration serait chargΘe de faire connaεtre le Canada α l'Θtranger et de veiller α l'application des rΦglements relatifs α l'entrΘe d'ΘlΘments indΘsirables comme des indigents, des criminels et des malades.
  8.  
  9.      Au cours des trois dΘcennies qui suivirent la ConfΘdΘration, on ne rΘussit pas α attirer un trΦs grand nombre d'immigrants. En effet, la grande majoritΘ des immigrants d'Europe de l'Ouest et de Grande-Bretagne avaient l'impression que, du point de vue Θconomique et social, les chances Θtaient meilleures aux ╔tats-Unis. Beaucoup de Canadiens du dix-neuviΦme siΦcle n'Θchappaient pas non plus α l'attrait de l' "American way of life"; vers 1900, plus d'un million d'anciens Canadiens rΘsidaient aux ╔tats-Unis.
  10.  
  11.      L'Θlection du gouvernement libΘral de Wilfrid Laurier, en 1896, fut suivie d'une augmentation marquΘe de l'immigration. Ce changement d'administration co∩ncida avec une pΘriode de prospΘritΘ mondiale qui, au Canada, se traduisit par une attention particuliΦre au dΘveloppement de l'Ouest. On pensait que la production du blΘ, la construction de chemins de fer et le dΘveloppement de l'industrie, tant extractive que manufacturiΦre, fourniraient au Canada les grandes lignes de sa prospΘritΘ. Pour faire de ce rΩve une rΘalitΘ, il fallait des travailleurs vigoureux, ne craignant pas la besogne, qui cultiveraient les vastes Θtendues de prairie vierge, construiraient les voies ferrΘes transcontinentales et fourniraient la main-d'oeuvre nΘcessaire α une sociΘtΘ industrielle en pleine expansion. C'est ainsi que le nouveau gouvernement s'attela α la tΓche avec plus d'enthousiasme que ses prΘdΘcesseurs: il chercha α attirer de nouveaux immigrants non seulement des pays habituels, Grande-Bretagne, Europe de l'Ouest et ╔tats-Unis, mais aussi d'Europe centrale et d'Europe de l'Est.
  12.  
  13.      Entre 1896 et 1905, la Direction gΘnΘrale de l'Immigration Θtait placΘe sous la direction vigoureuse du ministre de l'IntΘrieur, Clifford Sifton. Les dΘpenses de la Direction gΘnΘrale doublaient et redoublaient α mesure que Sifton lanτait un programme ambitieux en vue d'attirer des colons dans l'agriculture. Des agents du gouvernement parcouraient la Grande-Bretagne, les ╔tats-Unis et l'Europe, promettant 160 acres de terre gratuite α toute personne disposΘe α crΘer des exploitations rurales dans l'Ouest canadien. Des gratifications spΘciales Θtaient offertes aux agents des compagnies de navigation pour diffuser de la propagande vantant le Canada et pour encourager des immigrants α y venir. Le gouvernement fΘdΘral accordait aussi α divers groupes ethniques et sectes religieuses le droit de s'Θtablir en colonies et leur garantissait la libertΘ du culte, politique qui provoquera par la suite certaines controverses.
  14.  
  15.      La haute prioritΘ accordΘe α l'immigration subsista pendant toute la durΘe du mandat de Laurier; et cette politique ne fut pas modifiΘe par le gouvernement Borden, entre 1911, date de son Θlection, et le dΘbut de la guerre de 1914. On estime que plus de deux millions d'immigrants sont entrΘs au Canada de 1896 α 1914. Sifton semble avoir eu raison d'affirmer avec tant d'insistance qu'une croissance rapide de la population, surtout dans l'Ouest du Canada, Θtait essentielle α la prospΘritΘ nationale. Au dΘbut du siΦcle, sept pour cent seulement de la population du Canada habitait cette rΘgion; en 1914, ce chiffre atteignait vingt pour cent. ╔conomiquement parlant, la production du blΘ avait dΘcuplΘ, la longueur des chemins de fer doublΘ et le produit national brut Θtait passΘ de $1,057,000,000 en 1900 α $2,235,000,000 en 1910.
  16.  
  17.      Une telle augmentation de la population, cependant, n'Θchappa pas α la critique. L'immigration, selon les organisations ouvriΦres, crΘait une offre permanente de main-d'oeuvre bon marchΘ, et permettait ainsi aux milieux des affaires de rΘsister aux syndicats ouvriers, lorsqu'ils demandaient des augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail et des ateliers fermΘs. Les syndicats prΘtendaient que non seulement l'on permettait aux entreprises de faire venir de l'Θtranger des briseurs de grΦve, mais qu'en outre nombre de prΘtendus immigrants agricoles se joignaient aux rangs de la main-d'oeuvre industrielle. NΘanmoins, α une Θpoque o∙ les impΘratifs de la croissance Θconomique Θtaient d'une importance primordiale, la lutte des organisations ouvriΦres contre la puissance de la grosse entreprise restait sans espoir.
  18.  
  19.      Cette obsession de la croissance commenτait Θgalement α faire l'objet de critiques au QuΘbec. Nombre de Canadiens franτais faisaient valoir qu'au lieu de recruter des immigrants europΘens, le gouvernement fΘdΘral devait aider des Canadiens franτais du QuΘbec α s'Θtablir dans les zones rurales de l'Ouest canadien. Ils exprimaient aussi la crainte que l'afflux de ces immigrants europΘens ne modifie le caractΦre biculturel de la nation, notamment dans l'Ouest. Ni les syndicalistes ni les Canadiens franτais inquiets de l'immigration ne purent cependant enrayer la vague de colons Θtrangers. La pression des conditions socio-Θconomiques extΘrieures Θtait trop forte et l'ensemble des Canadiens Θtait trop optimiste pour qu'il soit possible d'attΘnuer l'immigration.
  20.  
  21.      Un autre aspect du dΘbat sur l'immigration tournait autour de l'importance accordΘe aux traits raciaux et culturels comme critΦres d'entrΘe au Canada. Beaucoup de chefs d'entreprises insistaient pour que l'on importe α grande Θchelle des immigrants non blancs qui serviraient de prolΘtariat industriel, mais l'opinion publique canadienne Θtait en gΘnΘral hostile α l'entrΘe de groupes ethniques dont on pensait qu'ils ne pouvaient Ωtre assimilΘs. Les traits indΘsirables des races non-blanches, prΘtendait-on, proviennent de facteurs gΘnΘtiques et raciaux que le contact avec la sociΘtΘ canadienne ne peut pas modifier. Bien que les gouvernements fΘdΘraux de Laurier et de Borden aient rΘsistΘ aux nativistes qui exigeaient l'exclusion totale de tous les immigrants asiatiques et non-blancs, dΦs 1914, on adopta des mesures restrictives qui rΘduisirent ΘnormΘment le nombre des hommes de couleur admis au Canada.
  22.  
  23.      Par contre, on ne prit aucune mesure restrictive α l'endroit des immigrants de race blanche. Bien s√r, on faisait grief α certains groupes ethniques et nationaux d'Europe d'avoir des modes de comportement qui laissaient α dΘsirer, mais on persistait α prΘtendre que ces traits rΘsultaient de facteurs reliΘs α la culture et au milieu. Le temps et les institutions canadiennes-anglaises, croyait-on α l'Θpoque, finiraient par faire disparaεtre ces diffΘrences et faciliteraient l'assimilation de tous les immigrants blancs par la collectivitΘ canadienne-anglaise.
  24.  
  25. Immigrants britanniques 
  26.  
  27.      Entre 1896 et 1914, plus d'un million de NΘo-canadiens, soit environ la moitiΘ de l'ensemble des immigrants, vinrent du Royaume-Uni. Ces immigrants reprΘsentaient toutes les classes de la sociΘtΘ britannique. De petits propriΘtaires terriens, des membres des professions libΘrales et des commerτants traversaient l'Atlantique en mΩme temps que des travailleurs agricoles, des mΘcaniciens et des domestiques. Des oeuvres britanniques de bienfaisance, comme l'ArmΘe du Salut et les orphelinats du docteur Barnardo aidaient les plus pauvres ainsi que des milliers d'orphelins α payer leur voyage, en partant du principe que ceux-ci trouveraient en terre canadienne l'occasion de devenir des citoyens utiles.
  28.  
  29.      En gΘnΘral les Canadiens se montrΦrent bien disposΘs envers les immigrants britanniques. Toutefois certains critiquaient le faible pourcentage de colons ayant de l'expΘrience en matiΦre agricole, et leur incapacitΘ α se faire aux rudes conditions de l'Ouest. Les Θpreuves de la malheureuse colonie Barr, fixΘe prΦs de Saskatoon en 1903, contribua α renforcer cette image peu favorable.
  30.  
  31. Immigrants amΘricains
  32.  
  33.      L'arrivΘe de milliers d'agriculteurs amΘricains, attirΘs par les terres gratuites ou bon marchΘ de l'Ouest canadien, fut d'une importance considΘrable pour l'expansion de la production agricole. Rompu aux mΘthodes de la culture sΦche et possΘdant habituellement un capital suffisant, le colon amΘricain rΘussissait trΦs bien, Θconomiquement parlant. Il Θtait donc normal que la Direction gΘnΘrale de l'immigration dΘpense des millions de dollars dans les rΘgions agricoles des ╔tats-Unis pour convaincre leurs habitants d'immigrer au Canada.
  34.  
  35.      Un grand nombre de ces immigrants amΘricains faisaient partie de groupes ethniques ou de sectes religieuses: Scandinaves du Minnesota, Allemands catholiques de l'Illinois, HuttΘrites du Dakota du Sud et Mormons de l'Utah. Ces groupes venaient au Canada non pas seulement pour des raisons d'ordre Θconomique, mais aussi parce que le gouvernement canadien Θtait disposΘ α leur permettre de s'Θtablir en enclaves ou en colonies ethniques. Cette attitude tolΘrante de la part des autoritΘs fΘdΘrales ne s'Θtendait toutefois pas aux Noirs amΘricains; leurs demandes d'Θtablissement Θtaient d'ordinaire laissΘes sans suite ou rejetΘes.
  36.  
  37. Immigrants europΘens 
  38.  
  39.      Entre 1896 et 1914, l'immigration en provenance du continent europΘen prit une ampleur sans prΘcΘdent. Plus de 700,000 immigrants venant de l'Europe de l'Ouest, de l'Est et du Sud se dΘversΦrent dans le pays. Cet afflux soudain s'explique par plusieurs raisons, notamment en ce qui concerne l'exode d'Europe orientale, o∙ nombre de minoritΘs faisaient face α des conditions Θconomiques, politiques et culturelles qui ne leur convenaient pas. D'autre part, la publicitΘ vantant le Canada se rΘpandait, les agents des compagnies de navigation savaient se faire convaincants, les amis et parents dΘjα ΘmigrΘs envoyaient des comptes rendus favorables; tout ceci donnait une image nouvelle du Canada, terre de rΘussite Θconomique et sociale.
  40.  
  41.      Pour dΘcider α quels groupes nationaux et ethniques d'Europe il convenait d'accorder une aide pour venir au Canada, la Direction gΘnΘrale de l'immigration examina α la fois l'avantage Θconomique prΘsentΘ par chaque groupe et la possibilitΘ, pour la population canadienne, de l'assimiler. La catΘgorie "bienvenue" comportait notamment les immigrants d'Europe de l'Ouest: Belgique, France, Hollande, Suisse, de mΩme que les Scandinaves. Les immigrants slaves d'Europe centrale et orientale Θtaient considΘrΘs comme tout juste acceptables, mais, pendant la plus grande partie de cette pΘriode, ils furent encouragΘs α s'installer au Canada. Par contre, les immigrants de l'Europe mΘridionale Θtaient placΘs dans la catΘgorie des "mal vus": ArmΘniens, Grecs, Turcs, Italiens, Espagnols, Portugais et Slaves des Balkans du Sud. Les immigrants juifs aussi Θtaient souvent ajoutΘs α la liste des "mal vus".
  42.  
  43.      Les fonctionnaires de l'Immigration canadienne tenaient les immigrants franτais en haute estime, tant du point de vue Θconomique que du point de vue culture. Mais le gouvernement franτais, soucieux de prΘvenir la dΘpopulation des campagnes, adopta des lois rigoureuses contre la publicitΘ faite α l'immigration et tenta de diriger tous ses Θmigrants vers l'empire colonial franτais. C'est pourquoi la moyenne des immigrants franτais ne dΘpassa pas, avant 1914, 2,000 personnes par an. De plus, nombre des immigrants qui vinrent malgrΘ tout au Canada Θtaient issus de milieux urbains de la classe moyenne et ne possΘdaient que peu d'expΘrience en agriculture. Cet insuccΦs α recruter des quantitΘs importantes d'immigrants francophones venant soit de France soit de Belgique fut un motif de grief trΦs important pour des nationalistes Canadiens franτais comme Henri Bourassa.
  44.  
  45.      La Direction gΘnΘrale de l'immigration fit des tentatives sΘrieuses Θgalement pour attirer des immigrants d'Allemagne, de Hollande et des pays scandinaves. Les gens de ces pays Θtaient jugΘs intΘressants sous plusieurs aspects. Ils Θtaient d'excellents agriculteurs et de bons ouvriers pour l'industrie, et ils s'intΘgraient rapidement α la sociΘtΘ canadienne-anglaise, assumant facilement leurs responsabilitΘs de citoyens. Plusieurs facteurs freinΦrent toutefois l'afflux des immigrants de ces pays: d'une part, le r⌠le des gouvernements protectionnistes et vigilants, luttant contre l'exode de leur main-d'oeuvre, et d'autre part, l'attrait magnΘtique des ╔tats-Unis o∙, grΓce aux collectivitΘs allemandes, nΘerlandaises et scandinaves dΘjα solidement Θtablies, les immigrants avaient plus de chances de trouver du travail.
  46.  
  47.      Pendant toute cette pΘriode, le prΘjugΘ des Canadiens contre les immigrants d'Europe mΘridionale fut trΦs marquΘ. La propension des EuropΘens du Sud α chercher du travail en milieu urbain allait α l'encontre de la politique officielle consistant α prΘfΘrer les immigrants du secteur agricole. Et, qui plus est, les comptes rendus des journaux sur les difficultΘs d'ordre social survenant dans les ghettos urbains des ╔tats-Unis poussaient beaucoup de Canadiens α faire des EuropΘens du Sud des anarchistes, des socialistes et des criminels. C'est en raison de ces prΘtendus inconvΘnients que la Direction gΘnΘrale de l'immigration ne tenta rien pour recruter des immigrants d'Europe mΘridionale.
  48.  
  49.      Les fonctionnaires de la Direction gΘnΘrale de l'immigration voyaient d'un meilleur oeil les immigrants slaves des empires autrichien et russe. Beaucoup de ces nouveaux arrivants Θtaient des paysans ukrainiens et polonais qui rΘpondaient avec enthousiasme α l'offre d'exploitations rurales gratuites dans l'Ouest du Canada. Leur apport, sur le plan Θconomique, fut considΘrable: comme agriculteurs, ils dΘfrichΦrent et cultivΦrent de vastes Θtendues dans les provinces des Prairies; comme travailleurs agricoles, ils aidΦrent les agriculteurs canadiens-anglais α augmenter leur production de blΘ; comme travailleurs non spΘcialisΘs dans l'industrie, enfin, ils fournirent les bras et la force musculaire nΘcessaires aux chemins de fer, aux mines et α l'exploitation du bois. Les possibilitΘs Θconomiques de ces immigrants Θtaient assez grandes pour l'emporter sur certaines rΘserves qu'avaient Θmises α l'origine des Canadiens anglais se mΘfiant des traits culturels de ce "nouveau" genre d'immigrants. C'est ainsi que la population slave du Canada passa  de 5,000 personnes environ en 1896 α plus de 100,000 en 1914.
  50.  
  51.      Par ailleurs, ce sont les persΘcutions religieuses qui provoquΦrent l'Θmigration de Russie de deux groupes de sectes religieuses pacifistes, les Mennonites et les Doukhobors. Leur dΘcision de se fixer au Canada s'explique par les concessions gΘnΘreuses que leur consentait le gouvernement fΘdΘral en matiΦre d'Θtablissement de leurs communautΘs, de libertΘ religieuse et d'exemption du service militaire.
  52.  
  53.      Les Mennonites furent les premiers α profiter de l'offre du Canada: entre 1874 et 1880, quelque 7,000 membres de cette secte de langue allemande se fixΦrent au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest. Pendant les annΘes 1890, la prospΘritΘ des Mennonites encouragea les fonctionnaires de l'Immigration α offrir des privilΦges spΘciaux α d'autres groupes de sectes religieuses, notamment aux Doukhobors, si elles consentaient α s'Θtablir au Canada.
  54.  
  55.      En 1899, plus de 7,000 Doukhobors Θtaient installΘs dans trois colonies au voisinage de Prince-Albert et de Yorkton. Au dΘbut les rΘalisations Θconomiques de la secte impressionnΦrent les Canadiens. Toutefois les "maniΦres bizarres" des Doukhobors et plusieurs cas de dΘsobΘissance civile collective crΘΦrent une hostilitΘ considΘrable de l'ΘlΘment anglo-saxon α leur Θgard. Le refus des Doukhobors de prΩter le serment d'allΘgeance, nΘcessaire pour obtenir un titre dΘfinitif α des terres gratuites, aboutit α la confiscation, en 1907, d'une partie importante des exploitations agricoles qui leur avaient ΘtΘ concΘdΘes. └ la suite de ces confiscations, de nombreux Doukhobors, sous la direction spirituelle de Peter Veregin, partirent vers la rΘgion du Kootenay en Colombie-Britannique, o∙ ils Θtablirent de nouvelles colonies sur des terres achetΘes.
  56.  
  57.      Les immigrants juifs sont un autre exemple de communautΘ, α la fois groupe ethnique et secte religieuse, que des lois discriminatoires et des persΘcutions violentes chassΦrent d'Europe. Entre 1880 et 1914, l'Europe orientale assista α de nombreux pogromes dirigΘs contre les Juifs russes, polonais et roumains. En consΘquence, des milliers de ces rΘfugiΘs s'attroupΦrent au Canada. Leur manque d'expΘrience agricole et leur rΘcalcitrance α tout effort d'assimilation dΘtermina, α l'origine, une certaine rΘsistance α leur entrΘe, mais leur rΘussite Θconomique contribua α rΘduire quelque peu cette opposition. Fait peut-Ωtre plus important, la collectivitΘ juive canadienne, qui assurait l'entretien des immigrants juifs, exerτa α l'Θpoque de fortes pressions sur le gouvernement. En 1914, il existait des communautΘs juives importantes α MontrΘal, Toronto et Winnipeg.
  58.  
  59. Immigrants asiatiques 
  60.  
  61.      L'immigration d'Asiatiques au Canada, de 1896 α 1914, se limita fondamentalement α la c⌠te Ouest. Le recensement de 1901 rΘvΦle que dix pour cent de la population de Colombie-Britannique Θtait alors d'origine asiatique. Beaucoup de ces immigrants Θtaient des manoeuvres recrutΘs par des bureaux de placement privΘs de la c⌠te Ouest, lesquels Θtaient en relation avec des organismes d'Θmigration situΘs en Chine, au Japon et en Inde. EmployΘs comme terrassiers sur les voies de chemin de fer, comme mineurs, - pΩcheurs, domestiques, travailleurs agricoles et ouvriers de l'industrie du bois, les immigrants asiatiques contribuΦrent largement au dΘveloppement Θconomique de la province. Malheureusement, nombre d'habitants de la Colombie-Britannique avaient tendance α les considΘrer comme une menace Θconomique et culturelle. Pour les ouvriers blancs, les travailleurs orientaux Θtaient des concurrents dΘloyaux, une source de main-d'oeuvre bon marchΘ, dont l'exploitation pouvait Ωtre faite par les mains de chefs d'entreprise sans scrupules. Les nationalistes canadiens prΘtendaient que les Asiatiques ne sont pas assimilables, et constituent donc un obstacle α l'unitΘ nationale.
  62.  
  63.      L'opposition α l'immigration des Orientaux provoqua sur la c⌠te Ouest de nombreuses manifestations publiques et une sΘrie de litiges entre le gouvernement fΘdΘral et la province, sur le plan constitutionnel. La lΘgislature de la Colombie-Britannique cherchait α interdire totalement l'immigration d'Asiatiques. Le gouvernement fΘdΘral soutenait qu'une loi d'exclusion absolue rendrait impossible le maintien des importantes relations commerciales et diplomatiques entre le Canada d'une part et la Chine, le Japon et l'Inde d'autre part. Les autoritΘs fΘdΘrales toutefois mirent en vigueur divers mΘcanismes rΘgulateurs, comme l'imposition d'une "taxe per capita" sur les manoeuvres chinois. Ces mesures ne rΘussirent pas α satisfaire des groupes comme la section provinciale de la Ligue pour l'exclusion des Asiatiques. En 1907, des milliers d'Orientaux arrivΦrent dans la province, et des meutes de blancs envahirent les quartiers chinois et japonais de Vancouver, attaquant les Asiatiques et dΘtruisant leurs biens. └ la suite de ces troubles, le gouvernement fΘdΘral restreignit davantage le nombre d'immigrants orientaux admis au Canada. Bien que ces mesures aient ramenΘ pour un temps le calme dans la province, en 1914 l'incident du Komagata Maru, qui mettait en cause un chargement d'Hindous essayant de dΘbarquer α Vancouver, rΘvΘla de nouveau α quel point la susceptibilitΘ de la Colombie-Britannique Θtait prompte α rΘagir face α une immigration massive d'Orientaux.
  64.  
  65. L'incidence de la "nouvelle" vague d'immigration sur la sociΘtΘ canadienne 
  66.  
  67.      L'arrivΘe au Canada de plus de deux millions d'immigrants de 1896 α 1914 modifia de faτon apprΘciable la nature de la population canadienne. En 1914, les personnes nΘes α l'Θtranger en Θtaient arrivΘes α reprΘsenter vingt-deux pour cent de la population et beaucoup de ces nouveaux venus ne semblaient guΦre canadianisΘs. Les partisans d'une immigration europΘenne α grande Θchelle avaient eu beau prΘdire avec optimisme que les ╔glises protestantes, le systΦme d'Θcoles publiques et le contact avec le rΘgime politique et Θconomique du Canada transformeraient ces "Θtrangers", il n'en Θtait pas moins Θvident que nombre de ces immigrants s'accrochaient encore aux traditions de l'Ancien Monde. Ceci Θtait particuliΦrement vrai des immigrants slaves. L'╔glise catholique grecque d'Ukraine et l'╔glise orthodoxe de Russie ne se contentΦrent pas d'organiser des paroisses dans tout le pays, et ce avant mΩme la PremiΦre Guerre mondiale: elles allΦrent jusqu'α s'allier aux Θlites la∩ques pour tenter d'imposer l'usage de leurs langues "nationales" comme langue d'enseignement dans les Θcoles publiques. Au Manitoba, o∙ le compromis Laurier-Greenway de 1897 avait prΘvu un systΦme scolaire bilingue, on estime qu'il y avait plus de cent Θcoles bilingues polonaises et ukrainiennes au dΘbut du siΦcle. Une situation analogue existait en Saskatchewan et en Alberta.
  68.  
  69.      Pour beaucoup de Canadiens franτais, le fait que les immigrants europΘens puissent s'assurer des privilΦges culturels au Manitoba et dans les autres provinces des Prairies Θtait directement liΘ α la tendance de beaucoup de groupes ethniques α voter en bloc, selon les directives de leur Θlite la∩que et religieuse, pour le parti politique au pouvoir. Lors de diverses Θlections provinciales et fΘdΘrales, aussi bien les LibΘraux que les Conservateurs jugΦrent opportun d'adopter une politique tendant α perpΘtuer le multiculturalisme, tout en assurant publiquement qu'ils s'engageaient α favoriser l'intΘgration rapide des immigrants. Il n'est par consΘquent pas surprenant que beaucoup de rΘformateurs canadiens-anglais aient rapprochΘ les Θcoles bilingues des "machinations" politiques et des Θlecteurs de ces groupes ethniques.
  70.  
  71.      Par ailleurs, les rΘformateurs canadiens-anglais prenaient pour acquis que la politique de la "porte ouverte" Θtait en partie responsable de la conjoncture sociale dΘplorable de l'Θpoque. Ils donnaient en exemple les ghettos ethniques de MontrΘal, Toronto, Fort William et Winnipeg, qui se caractΘrisaient par une surpopulation extrΩme, des conditions de vie contraires α l'hygiΦne, une indigence Θvidente, un taux de criminalitΘ ΘlevΘ et le commerce du vice. D'aucuns prΘdisaient que le Canada avait devant lui un avenir d'anarchie et de rΘvolution si ces milliers d'immigrants continuaient α Ωtre transformΘs en "animaux" dans des milieux urbains malsains.
  72.  
  73.      La prΘtendue menace sociale que constituait "l'Θtranger" permit α divers mouvements de rΘforme de prendre un essor considΘrable. Les partisans des lois de tempΘrance soulignΦrent les effets dΘsastreux, du point de vue social, que l'alcool pouvait avoir sur l'immigrant de sexe masculin; ils y cherchΦrent la justification de lois strictes contre le "trafic de l'alcool". Diverses institutions canadiennes-anglaises tentΦrent Θgalement d'aider les immigrants α s'adapter α leur milieu urbain. Les ╔glises protestantes, par exemple, entretenaient des missions dans les quartiers "Θtrangers" de bien des villes: l'un des plus cΘlΦbres de ces centres est le All-People's Mission, que dirigeait l'╔glise mΘthodiste dans le quartier nord de Winnipeg. L'immigrant pouvait apprendre l'anglais et y suivre des cours d'Θducation civique. Il y avait Θgalement accΦs α divers services sociaux, notamment aux jardins d'enfants et α des camps de plein air pour les enfants.
  74.  
  75.      Les conditions inhumaines que beaucoup d'immigrants Θtaient obligΘs de supporter dans des camps ferroviaires et miniers isolΘs inquiΘtaient Θgalement les rΘformateurs. On allΘguait que l'absence de mesures de sΘcuritΘ dans les chantiers, les logements insalubres et les payes irrΘguliΦres mΘcontentaient sΘrieusement le travailleur Θtranger. La situation fut aggravΘe par la rΘpugnance du gouvernement fΘdΘral et des gouvernements provinciaux α s'immiscer dans l'entreprise privΘe et par la difficultΘ de ces travailleurs encore peu familiers avec la langue anglaise α rendre publiques leurs dolΘances. Conscients que leurs griefs ne seraient pas pris en considΘration, beaucoup d'entre eux se tournaient vers des organisations ouvriΦres extrΘmistes comme l'Industrial Workers of the World, mouvement ouvrier anarcho-syndicaliste dont le siΦge social Θtait aux ╔tats-Unis. Entre 1912 et 1914, des travailleurs immigrants prirent part α une sΘrie de grΦves violentes qui menaτaient de bouleverser des secteurs vitaux de l'Θconomie canadienne. La crainte et l'hostilitΘ des Canadiens anglais α l'Θgard des travailleurs Θtrangers s'aggravΦrent au cours de la PremiΦre Guerre mondiale; ces sentiments nativistes atteignirent leur point culminant au cours de la "peur rouge" de 1919.
  76.  
  77.      La croissance rapide de la population du Canada et la diversification ethnique qui l'accompagna, entre 1896 et 1914, eurent des consΘquences cruciales pour l'avenir du pays. Tandis que les rΘgions dΘjα peuplΘes de l'Est parvenaient α conserver leur dualitΘ culturelle anglaise-franτaise, les rΘgions en voie de dΘveloppement, au nord et α l'ouest des Grands Lacs, revΩtirent nombre des caractΘristiques d'une sociΘtΘ pluraliste. L'apparition de collectivitΘs ethniques joua un r⌠le utile en ce qu'elle aida les membres de celles-ci α passer d'un milieu linguistique α un autre, et quelquefois d'un mode de vie rural α un mode de vie urbain. Dans certains cas, toutefois, la communautΘ ethnique fit office de frein sur les rΘalisations individuelles et sur la mobilitΘ sociale de ses membres. La discrimination Θconomique et culturelle, de la part tant de la sociΘtΘ anglophone que de la sociΘtΘ francophone, crΘa Θgalement des difficultΘs α beaucoup d'immigrants. Et cependant, malgrΘ ces nombreux problΦmes, le Canada avait franchi en 1914 une Θtape importante dans son Θvolution de sociΘtΘ multiculturelle.  
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