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Text File  |  1996-06-20  |  23KB  |  53 lines

  1. LES MEUBLES DU HAUT-CANADA 
  2.  
  3. Elizabeth Ingolfsrud 
  4.  
  5.      Les provinces du Haut et du Bas-Canada, crÄÄes en 1791 par l'Acte constitutionnel, le furent en grande partie pour rÄpondre aux dÄsirs des Loyalistes de l'Empire Uni, qui souhaitaient une forme de gouvernement basÄe sur la common law et le rÄgime foncier anglais, ce qui exclurait le code civil et le rÄgime seigneurial. La crÄation de la nouvelle province du Haut-Canada amena une recrudescence des activitÄs dans le domaine de l'arpentage des cantons et de l'organisation des concessions des terres, et on Älabora un plan de colonisation pour ce qui devait devenir le noyau du Dominion. Comme le Haut-Canada disparut en 1841 en tant que province distincte, les deux territoires unis Ätaient Ägalement connus sous les noms Canada-Est et Canada-Ouest. Les meubles du Haut-Canada, tels que dÄcrits dans cette Ätude, reprÄsentent le mobilier d'une Äpoque de cinquante ans, de 1791 ê 1841. Ce furent des annÄes propices ê la crÄation et les meubles de cette Äpoque possÅdent des qualitÄs distinctives. L'expansion des collectivitÄs et une plus grande auto-dÄtermination donnÅrent lieu ê des formes de gouvernement plus ÄvoluÄes et ê une spÄcialisation plus poussÄe du commerce et de la fabrication.
  6.  
  7.      MÉme s'ils furent fabriquÄs dans les premiÅres annÄes d'existence de la province, les meubles du Haut-Canada Ätaient solides, beaux et de bonne qualitÄ. Les colons des âtats-Unis avaient adaptÄ les styles britannique et europÄens au go₧t nord-amÄricain, qui s'Ätait communiquÄ au Haut-Canada. Tout au long de cette pÄriode, l'Ouest du Haut-Canada subit l'influence de la Pennsylvanie, tandis qu'ê l'est on se tournait plutÖt vers l'âtat de New York. Par suite d'une immigration plus forte et de l'amÄlioration des moyens de communication, surtout aprÅs 1830, l'influence britannique s'accentua.
  8.  
  9.      La plupart des meubles Ätaient fabriquÄs au Haut-Canada mÉme, mais le nombre des importations est assez important pour qu'on en retrace l'origine. Peu de meubles furent importÄs d'Europe, sauf le mobilier de grande valeur des personnages richissimes ou des militaires et les modestes coffres servant ê transporter les effets des colons. Certains meubles furent importÄs du Bas-Canada, spÄcialement dans la rÄgion de la frontiÅre; des documents font Ätat de quelques articles, ordinairement de petite taille, par exemple des fauteuils, commandÄs par de riches commerìants qui faisaient directement affaire avec le Bas-Canada. Cependant, la plupart des importations venaient des âtats-Unis.
  10.  
  11.      L'Ätude du mobilier du Haut-Canada nous amÅne logiquement ê distinguer deux pÄriodes. La premiÅre couvre les annÄes qui se sont ÄcoulÄes entre la fin de la RÄvolution amÄricaine et l'annÄe 1815, qui marque la fin des guerres amÄricaines et des guerres napolÄoniennes. La deuxiÅme va de 1815 ê l'annÄe o¥ le Haut-Canada est devenu le Canada-Ouest. Pendant la premiÅre pÄriode, la seule influence, ou presque, fut celle des âtat-Unis. L'immigration britannique Ätait nÄgligeable: les possibilitÄs d'Ätablissement Ätaient trÅs mal connues, le gouvernement britannique Ätait peu enclin ê laisser partir ses citoyens et la guerre rendait les voyages difficiles. On a estimÄ qu'un seul habitant du Haut-Canada sur cinq venait d'Europe avant 1815. En outre, la province Ätait gÄographiquement isolÄe. Le Haut-Canada constituait une province intÄrieure sÄparÄe de l'Angleterre et du reste de l'Europe par l'immense ocÄan Atlantique, les provinces Maritimes et le Bas-Canada. Par ailleurs, il n'Ätait sÄparÄ des âtats-Unis que par les Grands Lacs et les cours d'eau les reliant. Comme les premiÅres colonies s'Ächelonnaient le long des lacs ou des cours d'eau navigables et que le bateau Ätait le moyen de transport le plus courant, il Ätait plus facile de faire affaire avec les âtats-Unis.
  12.  
  13.      La colonisation du Haut-Canada n'a vraiment commencÄ qu'au moment o¥ il a fallu trouver un lieu de refuge aprÅs la RÄvolution amÄricaine. Comme les premiers colons Ätaient des Loyalistes en fuite, ils ne purent guÅre apporter de meubles avec eux, mÉme si certains d'entre eux en possÄdaient de trÅs beaux chez eux. Les militaires qui, en raison de leurs dÄplacements constants, emportaient le moins de choses possible, ne s'encombraient Ävidemment pas de meubles. Ces deux groupes furent suivis des ╟Plain Folk╚, notamment les Quakers, les Mennonites, les frÅres moraves et les Dunkers (baptistes d'origine allemande). Ils Ätaient attirÄs ê la fois par l'abondance de bonnes terres bon marchÄ et l'invitation amicale du gouverneur Simcoe, qui se rendit vite compte de l'apport prÄcieux que constituait la venue de ces colons laborieux et qui leur garantit, de par la constitution mÉme, le droit de ne pas porter les armes. En outre, ils prÄfÄraient la domination britannique au nouveau gouvernement amÄricain. Depuis leur refus de participer ê la RÄvolution amÄricaine, ils Ätaient moins bien vus dans leur pays. La plupart d'entre eux, en particulier ceux qui devaient entreprendre le long et pÄnible voyage ê travers les cols montagneux de la Pennsylvanie, ne songÅrent mÉme pas ê apporter des meubles de dimensions importantes. Ils prÄfÄrÅrent amener avec eux des artisans habiles qui pourraient leur en fabriquer une fois installÄs. Un autre groupe d'immigrants Ätait formÄ de Yankees ambitieux venus seuls ou en groupes. Certains Ätaient des dÄfricheurs dÄsireux d'amasser des capitaux en prÄparant le terrain pour des colons moins entreprenants mais plus nombreux. D'autres, attirÄs par l'abondance des terres et les prix peu ÄlevÄs, vinrent au Haut-Canada pour y exploiter des fermes. Quelle que fut leur intention, les colons yankees Ätaient connus pour leur dÄbrouillardise; ils pouvaient mÉme faire montre de leurs talents en fabriquant des meubles, au besoin.
  14.  
  15.      Tous les colons avaient certes besoin de meubles. Au dÄbut de la colonie, les gens, qui demeuraient pour la plupart dans des cabanes en bois rond, pouvaient se contenter, pour commencer, de solides chaises faites de rondins, et de lits de branches. Ces meubles grossiers sont abondamment dÄcrits dans les guides destinÄs aux colons et dans les mÄmoires des vieux pionniers racontant leurs modestes dÄbuts, mais on s'empressa de se dÄbarrasser de ces moyens de fortune lorsque l'on put trouver mieux. Il est intÄressant de lire ces descriptions, mais il ne vaut guÅre la peine de s'arrÉter ê Ätudier les meubles en question. Ils se retrouvent ê toutes les Äpoques de colonisation d'un pays et ne sont pas vraiment reprÄsentatifs du style de mobilier du Haut-Canada.
  16.  
  17.      On trouvait, parmi les premiers colons, des ÄbÄnistes et des menuisiers en meubles. Le nom Ätait fonction du degrÄ d'habiletÄ, le plus habile des deux Ätant l'ÄbÄniste. Les plus beaux meubles, c'est-ê-dire ceux qui comportaient de la marqueterie, des tiroirs ê moulures, du placage et des bois importÄs, Ätaient l'oeuvre d'ÄbÄnistes. Le menuisier en meubles pouvait faire des chaises ordinaires et la plupart des meubles simples; il en allait de mÉme pour le charpentier, qui travaillait en plus le bois de bien d'autres faìons. On sait trÅs peu de choses sur la formation des ÄbÄnistes ê l'Äpoque du Haut-Canada. Nombre d'entre eux vinrent des âtats-Unis et, plus tard, d'Angleterre, accompagnÄs d'apprentis; la durÄe et la nature de l'apprentissage variaient cependant. Certains ÄbÄnistes combinaient l'exploitation agricole et la fabrication de meubles; d'autres, qui fabriquaient Ägalement des cercueils, Ätaient aussi entrepreneurs, coutume qui subsiste dans certaines villes de l'Ontario. La plupart des artisans du bois du Haut-Canada comptaient sur le commerce local et la publicitÄ se faisait de vive voix. Ainsi, les tÄmoignages les plus importants sur le mobilier du Haut-Canada nous sont fournis par les meubles qui nous sont restÄs de cette Äpoque.
  18.  
  19.      Le contenu d'une maison typique du Haut-Canada nous indique les principaux ÄlÄments de fabrication. La maison elle-mÉme Ätait probablement construite en billes. Si le propriÄtaire Ätait ê l'aise, l'habitation comprenait plusieurs piÅces et comportait parfois un revÉtement extÄrieur en bois. Dans la cuisine, la piÅce la plus importante, un grand foyer ouvert servant ê cuire les aliments et a chauffer toute a maison dominait la place. Le centre des activitÄs Ätait la longue table de cuisine aux pieds et cadre peints et au plateau de bois mou blanchi et durci ê force de brossage. Assis sur des chaises ê dossier de traverses et siÅge de planches style Windsor, les membres de la famille et les amis prÄparaient la nourriture, mangeaient, tricotaient, raccommodaient, sculptaient des objets au couteau ou bavardaient tout simplement. AppuyÄ ê un mur, il y avait un grand vaisselier peint, fermÄ ou ouvert ê l'avant, qui contenait de la vaisselle et de la nourriture. Un Ävier ou un simple banc ê seaux et un petit rouet Ätaient probablement les seuls autres meubles de la piÅce. Dans les petites maisons, la cuisine contenait des meubles qui prenaient peu de place comme un banc-lit ou une table ê bascule (ou table-fauteuil). Dans les grandes maisons, la chambre ê coucher renfermait un lit fait de gros poteaux que l'on rendait plus confortable grëce ê un sommier de corde. Comme ces lits Ätaient ÄlevÄs, on pouvait placer dessous un autre lit ê roulettes de bois, appelÄ d'ailleurs roulette, que l'on sortait pour y coucher les visiteurs ou les enfants. Un banc-coffre, o¥ l'on rangeait les couvertes et le linge, complÄtait l'ameublement. La chambre ê coucher principale faisait partie du salon ou lui Ätait contiguæ. Si la famille Ätait assez riche ou bÄnÄficiait des services d'un bon ÄbÄniste, un lit ê hautes colonnes pourvu de rideaux servant ê protÄger des courants d'air et ê assurer l'intimitÄ dominait la piÅce. Parmi les autres meubles, on pouvait trouver une haute armoire ê linge comportant ê la fois des tiroirs et des ÄtagÅres, un petit tabouret employÄ ê des fins diverses, une ou deux chaises, et peut-Étre un autre coffre ê linge. Le salon pouvait comprendre, en plus d'autres chaises ê siÅge de traverses, en paille ou en bois, un divan, des petites tables (parfois une ê abattants), des guÄridons et peut-Étre mÉme un bureau.
  20.  
  21. Les styles de mobilier 
  22.  
  23.      Au dÄbut, la plupart des ÄbÄnistes du Haut-Canada avaient trÅs peu de contacts avec le monde extÄrieur, de sorte qu'ils Ätaient obligÄs de conserver les styles qu'ils connaissaient ê leur arrivÄe. C'est ce qui explique le retard constatÄ dans le domaine du meuble au Haut-Canada; il n'est pas rare ainsi de trouver des meubles datant du dÄbut du dix-neuviÅme siÅcle mais qui ont l'aspect de meubles amÄricains du dix-huitiÅme, mis ê part certains ÄlÄments, par exemple des piÅces mÄtalliques d'Äpoque se rattachant ê une pÄriode postÄrieure. Le style Chippendale Ätait le plus couramment employÄ, ê l'Äpoque, pour les meubles. Le modÅle fabriquÄ au Haut-Canada se caractÄrise par les pieds en console, les quarts de colonne encastrÄs et les tiroirs ê battement ou ê recouvrement. En fait, les colons et les ÄbÄnistes venant de Pennsylvanie Ätaient si entichÄs du style Chippendale qu'ils l'employÅrent, sous une forme modifiÄe, jusqu'aux annÄes 1870. Le bois le plus utilisÄ pour la fabrication des meubles Chippendale Ätait le noyer, et les colons allemands de Pennsylvanie n'avaient habituellement pas de difficultÄ ê en trouver, car ils recherchaient les terres o¥ poussait cette espÅce. Ils savaient que les grands noyers au tronc large rÄvÄlaient l'existence d'un sol riche en calcaire, ce qui voulait dire de bonnes rÄcoltes assurÄes et une ferme rentable.
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  25.      Les versions nord-amÄricaines des styles classiques Hepplewhite et Sheraton, qui avaient succÄdÄ au Chippendale en Europe, Ätaient connues dÅs 1815, mais seulement de faìon gÄnÄrale, dans la haute sociÄtÄ ou dans la partie est de la province, qui Ätait plus ouverte sur les âtats-Unis. En fait, nombre des premiÅres commodes ê pieds franìais ÄvasÄs ê la mode Hepplewhite ou ê piÅtement tournÄ ê la faìon Sheraton Ätaient probablement importÄes. Ces styles se reflÅtent, dans le mobilier fabriquÄ au Haut-Canada, dans les pattes de table en gaine (la vraie patte Hepplewhite n'est en gaine que sur les deux faces intÄrieures) ou tournÄes ê la mode Sheraton.
  26.  
  27. La fabrication des meubles 
  28.  
  29.      Comme les forÉts du Haut-Canada devaient Étre dÄfrichÄes en vue de la colonisation, il y avait une abondance et une grande variÄtÄ de bois. DÅs les dÄbuts de l'histoire de la province, des moulins ê scie verticale mue par l'eau dÄbitaient les arbres. On pouvait choisir des planches de plus de deux pieds de largeur pour faire les plateaux et les volets de table, les coffres et les chevets. Les planches Ätaient aplanies au rabot; on peut voir sur ces vieux meubles, ê moins qu'ils n'aient ÄtÄ rÄnovÄs par la suite, les sillons laissÄs par l'outil.
  30.  
  31.      Les artisans se servaient de bois dur ou de bois mou, parfois des deux ê la fois. Les bons ÄbÄnistes savaient qu'il Ätait prÄfÄrable et mÉme nÄcessaire d'employer les deux pour fabriquer certains genres de meubles. Pour faire des pattes durables, par exemple, il fallait absolument se servir de bois dur. Les siÅges en planche, les chevets, l'intÄrieur des tiroirs et toute piÅce qui devait Étre chantournÄe ou ajustÄe Ätait plus facile ê faire en bois mou. Certains bois avaient des qualitÄs spÄciales: le noyer, par exemple, pouvait Étre pliÄ pour former le dossier d'une chaise Windsor. Les ÄbÄnistes, tirant parti de la propriÄtÄ qu'a le bois de rÄtrÄcir en vieillissant, construisaient des chaises trÅs solides. Ils insÄraient les barreaux faits de bois trÅs sec dans des trous percÄs dans les montants et dans les pieds qui, en sÄchant, se refermaient sur les barreaux, les serrant comme dans un Ätau. Ils assemblaient les traverses et les montants ê l'aide de mortaises et faisaient ternir les piÅces ensemble grëce ê des chevilles de bois. Les chambranles des portes et les coffres ê panneaux Ätaient assemblÄs ê tenons et ê mortaises (une partie saillante rectangulaire Ätant introduite dans une entaille de dimension correspondante). Les panneaux Ätaient fixÄs au bëti au moyen de rainures et de languettes. Certains coffres ou autres meubles Ätaient assemblÄs ê queues d'aronde. Les tiroirs Ätaient assemblÄs ê guillaume (des entailles rectangulaires s'ajustant pour former les coins) ou ê queues d'aronde. Comme les artisans faìonnaient les pattes et les poteaux un ê un sur leurs tours ê pÄdale ou ê lame simple, ils ne pouvaient leur donner exactement la mÉme forme ni la mÉme Äpaisseur.
  32.  
  33.      La plupart des ÄbÄnistes eurent la bonne idÄe d'apporter leurs outils en quittant leur coin de pays. On y trouvait par exemple des feuillerets. Le menuisier bricoleur qui habitait loin des grands centres pouvait voir ses possibilitÄs limitÄes parce qu'il ne possÄdait que les outils que l'on trouve habituellement dans une ferme. Cependant, s'il Ätait disposÄ ê se rendre dans une ville comme York, Kingston ou Newark, il pouvait se procurer des outils importÄs lorsqu'il en avait les moyens. Ceux qui pouvaient se le payer pouvaient acheter aussi des pentures et des poignÄes de tiroir en cuivre importÄes de Grande-Bretagne ou des âtats-Unis, mais la plupart devaient se contenter de pentures et de serrures fabriquÄes par le forgeron et de boutons de bois de forme allongÄe ou genre champignon.
  34.  
  35.      Les meubles du Haut-Canada Ätaient peints ou ornÄs de bois dur ê grain fin. Les piÅces qui comportaient des surfaces exposÄes de bois dur et de bois mou Ätaient peintes en noir, en brun, en vert et bleu foncÄs ou tirant sur le gris, en rouge ou en ocre jaune. Il en Ätait de mÉme pour les piÅces de bois mou, ê l'exception des plateaux de table de cuisine. L'artisan se servait souvent de deux couleurs ou plus pour imiter le bois dur. Il donnait parfois plus d'Äclat aux couleurs en marbrant le bois avec les doigts, ê la chandelle ou ê la plume. Lorsqu'il en avait le temps et s'en sentait capable, il dessinait des fleurs, des coeurs et d'autres dÄcorations sur les coffres ê linge. Il fabriquait des coffres ê trousseau pour les filles des colons allemands venus de Pennsylvanie et y inscrivait les noms et les dates; celles-ci y mettaient le linge et les articles de maison qu'elles cousaient, brodaient ou tricotaient en prÄvision de leur mariage.
  36.  
  37.      Le bois dur servait ê rehausser l'apparence des meubles et ê les rendre plus solides. Les Äcrivains de l'Äpoque parlent surtout du noyer, du noyer tendre, de l'Ärable et du merisier. Les bois ê grain fin comme l'Ärable mouchetÄ, l'Ärable frisÄ ou le petit merisier servaient surtout ê la dÄcoration. Il en Ätait de mÉme pour le bouleau jaune, mais celui-ci Ätait employÄ moins souvent: il semble avoir eu plus de faveur dans l'Est du Haut Canada. MÉme si aucun Äcrit ne tÄmoigne de ce fait, les meubles qui nous sont restÄs de cette Äpoque permettent de constater que ces bois ê grain fin Ätaient employÄs seuls dans la plupart des meubles fabriquÄs au Haut-Canada avant 1815, ê l'exception de quelques articles de mobilier de style classique, dont une partie importante de la dÄcoration comportait ê la fois du bois clair et du bois foncÄ.
  38.  
  39. Les nouveaux styles 
  40.  
  41.      La situation changea considÄrablement au cours de la deuxiÅme pÄriode du mobilier du Haut-Canada, c'est-ê-dire ê la fin des guerres britanniques, qui fut marquÄe par l'arrivÄe d'un nombre important d'immigrants venus de Grande-Bretagne. La dÄmobilisation des armÄes, la rÄvolution industrielle et l'expansion des exploitations agricoles transformÅrent la vie d'un grand nombre et firent voir le Nouveau Monde sous un jour de plus en plus favorable. Ajoutons ê cela les invitations des parents prospÅres installÄs au Canada, qui s'offraient souvent ê payer ê l'immigrant le prix de la traversÄe. L'affluence des colons et la venue d'un grand nombre d'immigrants assurÅrent au fabricant de meubles un marchÄ plus vaste et plus diversifiÄ. Il pouvait maintenant choisir: soit continuer ê fabriquer du mobilier simple et robuste pour le plus grand nombre, soit orienter ses efforts vers des travaux plus complexes. Grëce ê une meilleure communication avec le monde extÄrieur, il lui Ätait plus facile de se procurer les ouvrages amÄricains ou europÄens les plus rÄcents dans le domaine du mobilier, des bois de placage spÄciaux et tout ce qu'il fallait pour fabriquer des meubles plus co₧teux et plus ÄlaborÄs.
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  43.      AttirÄs par ces avantages, nombre d'ÄbÄnistes dÄcidÅrent de tenter leur chance au Haut-Canada. Il en vint de partout: de Grande-Bretagne, des âtat-Unis et mÉme des Maritimes. Il est fort possible que quelques-uns soient venus aussi du Bas-Canada. Avec leurs hautes qualifications et leurs idÄes nouvelles, ils firent une vive concurrence aux artisans de la rÄgion. Nombre d'entre eux continuÅrent certes ê travailler comme ils le faisaient auparavant; mais il s'en trouva, en particulier chez les jeunes, qui voulurent relever le dÄfi. Ils allÅrent ê cette fin faire leur apprentissage dans les grands centres des âtats-Unis, l'endroit le plus prÅs o¥ ils pouvaient espÄrer se perfectionner assez pour rivaliser avec les nouveaux venus. Ils en revinrent mieux prÄparÄs ê satisfaire tous les go₧ts.
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  45.      Aux styles nÄo-classiques Hepplewhite et Sheraton, d'origine anglaise, s'en ajouta un autre venu de France. Cette version franìaise, qui rÄsultait d'une combinaison des styles grec, romain et Ägyptien, fut appelÄe Empire franìais; il faisait l'objet d'une grande admiration aux âtats-Unis, o¥ tout ce qui Ätait franìais, y compris la RÄvolution, Ätait grandement prisÄ. Les ÄlÄments dÄcoratifs qui se retrouvent le plus souvent dans les meubles du Haut-Canada ayant ce style sont les feuilles d'acanthe ou les palmettes, les ananas, les pieds ailÄs ou imitant des pattes d'animal et les colonnes supportant les tiroirs supÄrieurs des meubles. Le style Empire du Haut-Canada s'est surtout inspirÄ d'adaptations amÄricaines, mais il a aussi ÄtÄ influencÄ par les ÄbÄnistes nouvellement arrivÄs de Grande-Bretagne, qui connaissaient la version anglaise de ce style empruntant aux anciens styles classiques et appelÄ Regency anglais. Comme les habitants du Haut-Canada combinaient aussi tous ces styles et y mettaient une forte dose d'Empire amÄricain, il convient s₧rement de dÄsigner le produit final par un nom spÄcial, le Regency canadien, car la plupart de ces meubles n'Ätaient pas d'un seul style, mais rÄsultaient d'un mÄlange de styles.
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  47.      La mÄthode de fabrication des meubles est restÄe fondamentalement la mÉme pendant cette deuxiÅme pÄriode, mais il y eut des changements au niveau de la dÄcoration. TrÅs souvent la mobilier de style nÄo-classique Ätait rehaussÄ par la combinaison de bois clair et de bois foncÄ. La prÄfÄrence des Anglais pour l'acajou et le bois de citronnier fit place ê l'emploi du noyer ou merisier et de l'Ärable blanc. L'acajou, qui devait Étre importÄ, Ätait utilisÄ pour le placage. Les placages, qui Ätaient de minces feuilles de bois collÄes sur un support en bois mou, permettaient d'assortir les motifs des panneaux. Le placage est gÄnÄralement mince comme une feuille de papier, mais certaines des feuilles obtenues ê l'Äpoque avaient un quart de pouce d'Äpaisseur. On incrustait ou sculptait diffÄrentes piÅces; ainsi, les tiroirs comportaient souvent des bordures moulÄes et des Äcussons de serrure incrustÄs d'ivoire ou de bois. D'autres cuivres et poignÄes de verre pressÄ Ätaient importÄs des âtats-Unis ou d'Angleterre.
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  49.      Avec le temps, la diffÄrence entre les meubles fabriquÄs en ville et ceux exÄcutÄs ê la campagne s'accentua. Les ÄbÄnistes hautement qualifiÄs venus de la mÅre patrie ou des âtats-Unis aboutissaient plus souvent qu'autrement dans les villes, qui offraient un marchÄ plus important pour les meubles dÄlicats. Lorsque les affaires commenìaient ê bien aller, ils engageaient des apprentis et ouvraient des ateliers. Ils vendaient les meubles en magasin ou travaillaient sur commande. Dans les campagnes, la plupart des meubles devaient Étre commandÄs et le bois Ätait souvent fourni par le client, qui l'avait soigneusement choisi sur sa propre terre. Les meubles Ätaient parfois payÄs en bois, car les ÄbÄnistes recherchaient toujours les bois durs, ordinaires ou ê grain fin.
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  51.      En dÄpit de l'essor que connut le commerce des meubles pendant les vingt derniÅres annÄes d'existence du Haut-Canada, les âtats-Unis continuaient ê offrir une vive concurrence. Les fabricants de meubles firent connaötre leurs griefs dans les journaux et allÅrent mÉme jusqu'ê demander au Parlement, en 1830 et 1831, de les protÄger contre l'invasion des meubles et du bois amÄricains. Ils n'obtinrent pas l'aide du gouvernement, mais les fabriques de meubles continuÅrent ê croötre en nombre et en importance ê mesure que la population augmentait. Les annÄes 1840, qui marquent la fin de la pÄriode ÄtudiÄe ici, annonìaient l'Åre victorienne, au cours de laquelle la vapeur devait rÄvolutionner les styles et les mÄthodes de fabrication des meubles au Haut-Canada.  
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