LES RâGIONS MINIΘRES DU NORD DE L'ONTARIO (1880-1920)
Gilbert A. Stelter
Au XIXe siÅcle, l'attrait de l'or, de l'argent et d'autres mÄtaux plus ou moins prÄcieux a fait dÄcouvrir ê l'AmÄrique de nouveaux espaces. L'or de la Californie donna lieu ê l'importante ruÄe de 1849 et le mouvement ininterrompu de la vague d'agitation ira jusque dans l'Ouest canadien, o¥ l'on verra une sÄrie d'autres ruÄes entre autres la plus importante, celle du Klondike en 1890. L'appët des richesses incita les prospecteurs ê ouvrir ê la colonisation des rÄgions jusqu'alors inhabitÄes. C'est ainsi que la dÄcouverte de mÄtaux prÄcieux stimula l'essor du ╟Nouvel╚ Ontario ê la fin du XIXe et au dÄbut du XXe siÅcle. C'est au cours de cet Älan que l'on dÄcouvrit du nickel et du cuivre ê Sudbury en 1883, de l'argent ê Cobalt en 1903, et de l'or dans la rÄgion de Porcupine en 1909. Ces camps miniers n'apportent peut-Étre pas autant de pittoresque et de fougue que connaissent les booms du Cariboo et du Klondike, mais ê long terme, l'importance de chacun d'eux a dÄpassÄ celle des ruÄes spectaculaires qui ne furent que de courte durÄe. En effet, la production miniÅre du Nord de l'Ontario constitua une large part des exportations de minÄraux du Canada.
La conquÉte de ce nouveau territoire, c'est l'histoire de milliers d'hommes hardis, dont beaucoup ne dÄcouvrirent que les misÅres de l'existence des pionniers sans faire fortune pour autant. Si la dÄcouverte des dÄpÖts miniers de Sudbury et de Cobalt fut accidentelle et due ê la construction des chemins de fer, tout individu prospecteur n'en jouait pas moins un rÖle important dans la localisation des gisements. ╦ Cobalt, tout comme au Cariboo et au Klondike, le prospecteur pouvait dÄcouvrir un dÄpÖt minier et l'exploiter par la suite. D'autre part, les prospecteurs de Sudbury et de la rÄgion de Porcupine jalonnaient des concessions dans l'intention de vendre ê une sociÄtÄ ayant les capitaux et les connaissances techniques nÄcessaires ê l'exploitation d'une mine. L'achat de ces concessions constituait un risque, car les chances de succÅs Ätaient minces. Les financiers canadiens et britanniques n'osÅrent pas investir dans des entreprises dont l'enjeu Ätait aussi douteux. Ce sera donc des âtats-Unis qu'Ämaneront les premiers capitaux.
La structure d'une sociÄtÄ se dÄfinissait en grande partie selon la complexitÄ relative des opÄrations requises pour l'extraction du mÄtal du minerai. De simples processus comme le lavage, d'usage en Californie et au Klondike, o¥ les mÄtaux trouvÄs ê l'Ätat pur, peuvent Étre extraits en lavant ê la batÄe le gravier du lit des ruisseaux ou en le passant au sluice (canal muni d'une sÄrie de boötes disposÄes par Ächelons qui servent ê retenir la matiÅre exploitable), se rÄvÄlÅrent impraticables dans le Nord de l'Ontario. Les mÄtaux Ätaient noyÄs dans le minerai sous diverses formes d'alliage et dans l'ensemble, le minerai se prÄsentait en filons de longueur et de profondeur diverses. ╦ l'origine, au cours de pÄriodes de grandes perturbations, une chaleur intense provoqua la fusion de minÄraux qui s'infiltrÅrent dans les fissures et les failles de la cro₧te terrestre. Il fallut de grandes installations compliquÄes pour extraire le minerai et en tirer le mÄtal. Au cours des premiÅres annÄes, ce n'est qu'ê Cobalt qu'on put avoir recours ê des mÄthodes plus ou moins individuelles, parce que des filons de minerai ê haute teneur en argent apparaissent presque ê la surface et de plus, l'extraction de l'argent du minerai de calcite Ätait chose relativement facile. Plus de quarante sociÄtÄs se formÅrent; quelques-unes travaillaient ê Ächelle trÅs rÄduite. Dans les champs aurifÅres de la rÄgion de Porcupine, l'or Ätait mÉlÄ ê du quartz et on ne pouvait l'en tirer que par des mÄthodes ÄlaborÄes. Plusieurs sociÄtÄs rÄussirent, toutefois trois d'entre elles dominaient le marchÄ. Pendant ce temps ê Sudbury, on essayait de mettre au point un procÄdÄ d'extraction du nickel du minerai de sulfure, mais l'expÄrience s'avÄra difficile et trÅs co₧teuse; le nickel n'est pas encore connu au XIXe siÅcle. Le besoin de recherches ajoutÄ ê celui d'opÄrations d'envergure provoqua de nombreuses faillites pour en arriver finalement ê la domination du marchÄ par une seule sociÄtÄ.
La nature des relations de travail et surtout l'organisation syndicale reflÄtaient, d'une certaine faìon, le mode d'administration des camps miniers. Les sociÄtÄs miniÅres s'opposaient vivement ê l'organisation de la force ouvriÅre et leurs dÄmarches connurent plus ou moins de succÅs. ╦ Sudbury, l'organisation syndicale faisait dÄfaut ê cause du pouvoir maintenu par une seul sociÄtÄ. Le syndicalisme s'enracina davantage ê Cobalt, o¥ un nombre grandissant de sociÄtÄs embauchÅrent des mineurs. Dans la rÄgion, l'histoire du syndicalisme est celle d'une organisation passablement radicale, la Western Federation of Miners (connue plus tard sous le nom de Mine, Mill and Smelter Workers), crÄÄe au Montana par le militant Bill Haywood. Au dÄbut, la plupart des membres canadiens de ce syndicat Ätaient de la Colombie-Britannique. Les principales revendications des ouvriers en Ontario sont habituellement le droit ê l'organisation, la journÄe de travail de huit heures et les Ächelles de salaire. Le premier local syndical fut organisÄ ê Cobalt en 1906 et, en moins de dix ans, ÄmergÅrent des cellules syndicales ê Sudbury, dans la rÄgion de Porcupine et dans d'autres camps miniers. Cobalt devint la centrale syndicale de l'Ontario en 1916, mais ê cette Äpoque le syndicat de Sudbury est dÄjê dÄmantelÄ et ne reprendra forme que dans les annÄes 40.
L'une des grandes consÄquences de tout boom minier est l'apparition soudaine d'un certain nombre de villes frontiÅres. Celles du Nord de l'Ontario se rÄpartissent comme suit : il y a tout d'abord les pittoresques camps miniers qui surgissaient littÄralement du sol o¥ l'on retrouvait la traditionnelle rue principale flanquÄe de cabanes en bois rond et qui, dans l'espace d'une ou deux annÄes, se transformaient peu ê peu en villes. Cobalt en est sans doute le meilleur exemple. Elk City, Gowganda, Golden City, South Porcupine et d'autres villes connurent Ägalement cette mÄtamorphose. Mais de telles villes disparaissent souvent et presque aussi rapidement qu'elles sont nÄes. Un autre type de ville qui prend naissance et devient courant plus tard est la ville n'ayant qu'une seule industrie, Copper Cliff par exemple. Ces villes appartenaient ê la sociÄtÄ qui les avait construites afin d'abriter ses administrateurs et certains de ses employÄs. Elles offraient habituellement toute une gamme de services urbains, mais leur taille et leur composition sociale Ätaient beaucoup plus statiques que celles d'autres villes qui n'Ätaient pas la propriÄtÄ des sociÄtÄs miniÅres. Enfin, il existe un troisiÅme type urbain : les villes qui constituent le centre rÄgional des services et de distribution. D'habitude, ces agglomÄrations Ätaient bien situÄes ou d'accÅs facile. DiffÄrentes des villes champignons, elles grandissaient lentement et, en apparence, elles ressemblaient aux villes Ätablies ailleurs au pays. Leur croissance reflÄtait l'essor de l'ensemble des activitÄs Äconomiques de la rÄgion, et surtout l'augmentation de la main-d'oeuvre industrielle. Sudbury et Timmins sont des villes de ce type.
Toutes ces villes miniÅres ont un facteur Äconomique en commun; la main-d'oeuvre se retrouvait dans l'entreprise unique et par consÄquent, son destin est liÄ au succÅs ou ê l'Ächec des activitÄs miniÅres locales. Il aurait ÄtÄ difficile de diversifier le champ d'activitÄs, et ce pour plusieurs raisons : les rÄgions miniÅres Ätaient gÄnÄralement impropres ê l'agriculture; les camps Ätaient isolÄs des grands marchÄs et les salaires relativement ÄlevÄs dans l'industrie miniÅre dÄcourageaient l'avÅnement d'industries secondaires. Ces communautÄs sont encore aujourd'hui des villes ╟coloniales╚, parties intÄgrantes de l'empire Äconomique, culturel et politique de Toronto. Les camps miniers ne sont que des agents chargÄs d'extraire un produit d'exportation dont le grand bÄnÄficiaire est invariablement la mÄtropole.
L'industrie du nickel dans la rÄgion de Sudbury
Depuis le milieu du XIXe siÅcle, on rapportait la prÄsence de dÄpÖts de minÄraux dans diverses rÄgions du Nord de l'Ontario, mais rien ne fut entrepris avant 1883, annÄe de la dÄcouverte ê Sudbury de ce qui semble Étre du minerai de cuivre. Le minerai est exposÄ lors de la coupe d'un rocher ê environ trois milles ê l'ouest de Sudbury, o¥ se situait un centre de construction ferroviaire temporaire; nous sommes ê l'Äpoque de la construction de la ligne de chemin de fer du Canadien Pacifique. Des spÄculateurs achetÅrent aussitÖt le terrain situÄ le long de la voie ferrÄe au prix courant d'un dollar l'acre. Mais il n'y eut ni ruÄe, ni boom minier, des spÄcialistes ayant expliquÄ aux rÄsidants de l'endroit que les traces de cuivre n'Ätaient pas d'ordre ê commander l'exploitation. Toutefois, quelques prospecteurs comme Thomas Frood et James Stobie passaient la rÄgion au peigne fin en 1884 et dÄjê, l'annÄe suivante, la plupart des gisements importants Ätaient localisÄs et dÄlimitÄs.
Aucun prospecteur ne pouvait entreprendre seul l'exploitation de sa concession ê cause du co₧t ÄlevÄ de l'Äquipement lourd nÄcessaire en plus des connaissances techniques requises, qui dÄpassaient les moyens du prospecteur amateur. C'est pourquoi Frood et bien d'autres furent heureux de vendre leurs concessions ê Samuel J. Ritchie, entrepreneur amÄricain, qui mit sur pied au dÄbut de 1886 la Canadian Copper Company. La mÉme annÄe, la nouvelle sociÄtÄ commenìa ê expÄdier le minerai extrait des miniÅres de Copper Cliff et d'ailleurs, ê la Orford Copper Company du New Jersey pour y Étre traitÄ. ╦ l'affinerie, on dÄcouvre que le minerai est moins riche en cuivre qu'on l'avait estimÄ, mais qu'il contenait en outre un mÄtal peu connu, le nickel, exploitÄ alors ê l'Ächelle commerciale qu'en Nouvelle-CalÄdonie, colonie franìaise du Pacifique Sud.
La dÄcouverte du nickel dÄclencha un long programme de recherches visant ê trouver le meilleur moyen de faire l'extraction du mÄtal. C'est ê Ritchie que revint la tëche de vendre le nickel, et c'est le genre de dÄfi qu'il adorait relever. Fier de ses relations avec les hautes sphÅres des gouvernements amÄricain et canadien, il entreprend bientÖt, en compagnie de reprÄsentants de la Marine amÄricaine et de Charles Tupper, Haut-commissaire du Canada ê Londres, une tournÄe des grandes entreprises d'Europe qui utilisaient alors le nickel. Un grand intÄrÉt de la part de ces compagnies se manifesta vis-ê-vis l'emploi du nickel pour le blindage des navires (l'escalade navale menant ê la PremiÅre Guerre mondiale venait ê peine de commencer) et crÄa une atmosphÅre trÅs favorable ê l'exploitation des champs de Sudbury. Le marchÄ du nickel Ätait acquis. La Marine amÄricaine envoya mÉme une Äquipe ê Sudbury afin de s'assurer que la quantitÄ de minerai pourrait suffire ê ses besoins ê long terme. Dans le mÉme temps, les choses se gëtaient pour Ritchie. Ses associÄs, effrayÄs par ses spÄculations douteuses et ses promesses contradictoires aux gouvernements canadien et amÄricain, le dÄmirent de ses fonctions et, peu aprÅs, le chassÅrent de la sociÄtÄ. On procÄda en 1902 ê une importante rÄorganisation administrative : la Canadian Copper Company, la Orford Copper Company et diverses firmes de moindre importance se rÄunirent pour former une gigantesque sociÄtÄ de portefeuille (holding) qui s'appellera l'International Nickel. Ceci eut pour rÄsultat d'assujettir l'industrie canadienne du nickel ê l'Äconomie amÄricaine et plus particuliÅrement ê l'industrie amÄricaine de l'acier qui s'Ätait chargÄe de l'organisation du cartel.
Pendant toutes ces nÄgociations internationales, le travail d'exploitation et d'affinage dans la rÄgion de Sudbury Ätait en pleine expansion, et la Canadian Copper y fait figure dominante. De 1887 ê 1902, la Canadian Copper a extrait 71% de presque deux millions de tonnes de minerai arrachÄs ê la terre dans tout le district. DÅs 1888, des fonderies locales opÅrent selon deux procÄdÄs consÄcutifs : le frittage en plein air et le traitement en haut fourneau. Le frittage a pour effet de rÄduire la quantitÄ de soufre qui se trouve dans le minerai : on entasse le minerai sur un lit de bois, le soufre une fois allumÄ, br₧le pendant des mois, dÄgageant d'Äpaisses fumÄes sulfureuses. On passe ensuite le rÄsidu du minerai au haut fourneau pour en extraire d'autres impuretÄs avant de l'envoyer ê l'affinerie. Le frittage fit partie du processus de fonte jusqu'ê la fin des annÄes vingt; il fut le principal agent de dÄvastation de la vÄgÄtation de Sudbury et la rÄgion immÄdiate. Les vapeurs dÄtruisirent les broussailles et l'Ärosion complÄta le ravage. Les amÄliorations et l'agrandissement des hauts fourneaux ont enfin permis de sauter l'Ätape du frittage.
La croissance des localitÄs de la rÄgion fut directement liÄe au dÄveloppement de l'industrie du nickel. En 1900, le plus grand producteur, la Canadian Copper, employait environ 1 200 hommes. Sudbury devint lentement le centre rÄgional des services; la population Ätait prÅs de 2 000 ëmes en 1900, soit 17 ans aprÅs sa fondation. En 1921, la ville comptait 8 000 habitants, car la demande de nickel avait montÄ en flÅche avec la PremiÅre Guerre mondiale. Comme on peut le voir sur l'image no. 11, Sudbury a dÅs lors perdu son allure pionniÅre et ressemble sans trop de diffÄrence aux autres petites communautÄs de l'Ontario.
L'argent ê Cobalt
La dÄcouverte du cuivre et du nickel ê Sudbury entraöna le dÄveloppement d'une partie du Nord de l'Ontario, mais l'essor de Sudbury eut peu de rÄpercussions dans le domaine minier vis-ê-vis la crÄation de nouveaux secteurs dans la rÄgion. La dÄcouverte d'argent ê Cobalt dÄcoule indirectement d'une tentative du gouvernement ontarien de stimuler la colonisation agricole des zones argileuses du Nord de l'Ontario. En 1903, au cours de la construction du chemin de fer de la Temiskaming and Northern Ontario Railways, les employÄs du chemin de fer dÄcouvraient des traces de dÄpÖts de minÄraux non loin de Haileybury, petit centre de service agricole. On fit parvenir des Ächantillons de roc au service de gÄologie du gouvernement provincial, qui fit les analyses, aprÅs quoi Willet Miller, gÄologue provincial, se rendait sur les lieux. Ebahi par la quantitÄ de minerai ê haute teneur en argent qu'il trouva ê fleur de sol dans les deux principales concessions jalonnÄes, Miller se mit aussitÖt en frais de faire le relevÄ de la rÄgion et d'en tracer la carte. Les canadiens se mÄfiaient de ce ╟nouvel Eldorado╚, peut-Étre parce qu'ils connaissaient bien le sort de ceux qui se sont rendus au Klondike cinq ans plus tÖt. La ruÄe ne commenìa qu'au printemps de 1905, une fois que les premiers envois d'argent de 1904 eurent confirmÄ la valeur de l'exploitation. Le voyage des chercheurs de fortune jusqu'ê Cobalt ne ressemble guÅre ê l'extraordinaire expÄdition du Klondike. Prospecteurs et spÄculateurs pouvaient prendre le Pullman de nuit ê Toronto et arriver au camp le matin suivant avec leurs bagages et leur Äquipement, armÄs d'une carte gÄologique prÄcise tracÄe ê partir des relevÄs de Miller.
Pourtant, la ville de Cobalt ressemble au Klondike en ce sens qu'elle est le camp du pauvre. Avec de la chance, un prospecteur pouvait dÄcouvrir et exploiter une mine, puisqu'il y avait des filons d'argent presque pur trÅs prÅs de la surface. Le forgeron du chemin de fer, Fred LaRose, l'un de ceux qui en 1903, dÄcouvraient de maniÅre singuliÅre de l'argent, vendit ses concessions pour environ $30 000 ê un groupe dont font partie les deux frÅres Timmins. D'autres prospecteurs exploitÅrent leurs propres concessions et devinrent de riches propriÄtaires miniers. Parmi ceux-ci, on compte W.G. Tretheway, Cornouaillais riche d'une expÄrience acquise en Colombie-Britannique. En 1904, il jalonnait deux concessions et entreprenait de les exploiter avec un matÄriel trÅs rudimentaire. Les filons de minerai effleurant ê la surface Ätaient trÅs riches, et les ventes de sa premiÅre annÄe d'exploitation lui permirent d'acheter un meilleur Äquipement qui fit de ses mines deux des plus productives des dÄbuts du campement de Cobalt. L'expÄrience de Tretheway est loin d'Étre unique, une multitude de petites sociÄtÄs qui n'exploitaient habituellement qu'une seule mine voyaient le jour. En 1905, on dÄnombrait seize mines. L'annÄe 1910 fut le point culminant du boom : 41 mines produisaient pour environ $15 millions d'argent par annÄe. Durant l'annÄe 1922, bon nombre de mines Ätaient ÄpuisÄes, mais le campement de Cobalt avait produit pour prÅs de $300 millions d'argent.
Contrairement ê Sudbury, dont l'essor est lent, mais qui finit par se transformer en un centre urbain important, Cobalt atteignit son plein dÄveloppement en moins de cinq ans. La ville de tentes et de cabanes de 1905 Ätait devenue, en 1910, un centre urbain d'aspect permanent avec une population de 10 000 ëmes. Toutefois, comme au dÄbut, la ville avait l'air construite au petit bonheur, ê cause de son manque de symÄtrie. En fait, on trouve habituellement opportun de souligner que Cobalt n'est en rÄalitÄ qu'une grande rue qui longe ici et lê les bords du lac Cobalt.
Pour bien dÄcrire Cobalt, il faut se rappeler qu'il s'agit d'un campement minier qui apparaöt subitement non loin de deux villes Ätablies, Haileybury et New Liskeard. Il s'Ätablit dÅs lors une sorte de distinction spatiale des classes puisque la plupart des mineurs et le personnel technique s'installaient ê Cobalt alors que bien des propriÄtaires miniers vivaient cinq milles plus loin, ê Haileybury, dans la ╟rue des millionnaires╚ surplombant le lac TÄmiscamingue. En un sens, cette rÄgion de trois villes constituait en rÄalitÄ une seule communautÄ; aussi bien, aprÅs 1912, les trois localitÄs Ätaient-elles reliÄes toutes les demi-heures par un systÅme de tramways Älectriques.
Bien que Cobalt fut trÅs ╟vivante╚, sa population vivait dans le respect de la loi. C'est peut-Étre d₧ en partie ê une loi de l'Ontario qui interdisait la vente de l'alcool ê moins de cinq milles d'une mine en exploitation (plusieurs mines Ätaient ê proximitÄ de la ville). Les rÄsidants qui dÄsiraient boire en toute lÄgalitÄ pouvaient aller dans un des nombreux hÖtels de Haileybury. D'autres, toutefois, avaient tendance ê frÄquenter les dÄbits de boisson clandestins. Les 35 ê 40 bars illÄgaux existant commerìaient bien ouvertement sans souci de rÄpression de la part des autoritÄs. Quoi qu'il en soit, plusieurs des aspects nÄgatifs des campements miniers des autres rÄgions ÄloignÄes ne se retrouvaient pas ê Cobalt, o¥ les gens accordaient tout leur appui aux Äcoles, aux Äglises, aux thÄëtres et aux sports.
Gisements d'or dans la rÄgion de Porcupine
Une fois la plupart des propriÄtÄs jalonnÄes dans la rÄgion de Cobalt, les prospecteurs se prÄcipitÅrent vers le Nord ê la recherche de nouveaux gisements. Une ruÄe de courte durÄe dans la rÄgion de Gowganda provoqua l'apparition instantanÄe des campements de Elk City et de Gowganda. En 1909, il y eut de nouveau beaucoup d'effervescence, ê l'annonce d'importantes dÄcouvertes d'or dans le district de Porcupine, plus loin au nord. On jalonna la mÉme annÄe le site futur des trois grandes mines de la rÄgion : la Dome, la Hollinger, et la McIntyre. Chose pour le moins ironique, un ancien du Klondike avait prospectÄ la concession de Hollinger plusieurs annÄes auparavant; il avait creusÄ le sol ê la recherche d'or natif, sans reconnaötre la valeur du gisement. Ceux qui en devinÅrent la valeur, Benny Hollinger et ses partenaires, vendirent leurs concessions pour $350 000 ê des bailleurs de fonds prÉts ê risquer le tout pour le tout. Il s'agit de ce groupe mÉme menÄ par Noah Timmins, qui avait fait fortune ê la mine LaRose ê Cobalt. Son instinct ne le trompe pas puisque les concessions qu'il acheta devinrent par la suite la source de la plus grande production d'or de l'histoire miniÅre du Canada.
La rÄgion de Porcupine n'Ätait pas accessible par voie ferrÄe comme l'ont ÄtÄ Sudbury et Cobalt puisque la ligne de la Temiskaming and Northern Ontario Railways passait ê environ 35 milles ê l'est. L'ÄtÄ, il Ätait presque impossible de s'y rendre par d'autres moyens, ê cause du sol marÄcageux. Au dÄbut, soit au cours de l'hiver de 1910-1911, on transportera une bonne partie de l'Äquipement premier ê l'aide de chevaux. Une voie de la ligne de chemin de fer atteignit enfin la rÄgion est du district, ê l'ÄtÄ 1911, crÄant ainsi de meilleurs rapports avec l'extÄrieur.
En 1911, l'activitÄ miniÅre allait bon train dans la rÄgion. Les visiteurs Ätaient frappÄs par la qualitÄ des opÄrations de dÄfrichage et de dÄfoncement, qui tÄmoignait de l'expÄrience acquise ê Cobalt. La plupart des responsables bÄnÄficiaient en fait d'une expÄrience ê Cobalt, encore que les opÄrations dans la rÄgion de Porcupine fussent plus importantes, et que les processus chimiques utilisÄs pour la sÄparation des mÄtaux fussent plus complexes. La mine la plus importante est la Hollinger qui, au cours de ses 58 annÄes d'existence, a produit pour plus d'un demi-milliard de dollars d'or, alors que les mines McIntyre et Dome ont produit chacune pour plus d'un quart de milliard de dollars d'or; d'ailleurs, on les exploite encore.
Le dÄferlement soudain de milliers de chercheurs de fortune dans les nouveaux champs miniers firent naötre instantanÄment plusieurs communautÄs. La premiÅre, Golden City, fut Ätablie sur la rive du lac Porcupine sur l'initiative du gouvernement provincial afin d'assurer une croissance dans l'ordre. South Porcupine, sise ê l'autre extrÄmitÄ du lac, Ätait plus animÄe ê cause de sa proximitÄ du site d'exploration et de la mine Dome. Les deux villes ont une Ätrange ressemblance physique : on retrouvait dans chacune la traditionnelle rue principale flanquÄe de cabanes, de bars, de magasins, de banques et de maisons. Au cours de l'ÄtÄ de 1911, South Porcupine Ätait ravagÄe par un feu dÄvastant la rÄgion. Cependant, un village de tentes abritant 500 personnes Ätait ÄrigÄ en l'espace d'une journÄe et la ville fut tÖt reconstruite. Les deux villes de Golden City et de South Porcupine, ÄlevÄes ê la hëte sur des terrains marÄcageux, ne possÄdaient pas de systÅme d'Ägouts et d'installations sanitaires adÄquats. Un site plus propice, appelÄ Timmins, prÅs de la mine Hollinger, suscitera l'intÄrÉt des spÄculateurs fonciers ê l'automne de 1911. Le premier Älan que connut la ville est d₧ ê la construction de logements, du type appartenant ê la compagnie, et destinÄs aux employÄs de la mine Hollinger. La croissance de Timmins fut lente et sa population n'atteignait pas encore 4 000 habitants en 1921, mais elle surclassa les autres villes de la rÄgion et devint le principal centre de services de tout le district de Porcupine.
La prospection miniÅre continua sur de nouveaux territoires ê la suite des dÄcouvertes de Porcupine. En 1911, on trouva d'autres gisements importants ê Kirkland Lake, et c'est lê que le lÄgendaire Harry Oakes Ätablit les bases d'une fortune incroyable dans des mines comme la Lakeshore. En l'espace d'une dÄcennie, la recherche insatiable de nouvelles sources de mÄtaux prÄcieux fait passer les prospecteurs du nord-est de l'Ontario au nord-ouest du QuÄbec, o¥ le boom de Noranda ouvre une autre nouvelle rÄgion miniÅre.
Bilan de l'activitÄ miniÅre dans les rÄgions ÄloignÄes
Il est Ävident que les mines ont jouÄ un rÖle important dans le dÄveloppement de plusieurs rÄgions du Canada, y compris la nord da l'Ontario. L'exploitation miniÅre a accÄlÄrÄ la croissance d'autres entreprises de par ses besoins de transports, d'Änergie hydro-Älectrique, de produits agricoles et forestiers, et aussi de services urbains. Sur un plan plus gÄnÄral, l'exploitation miniÅre a Ägalement fourni au Canada un produit d'exportation de base important, ou du moins tout aussi important pour l'Äconomie que l'avaient ÄtÄ pour les gÄnÄrations prÄcÄdentes le poisson, les fourrures, les produits forestiers et agricoles.
L'exploitation miniÅre comme raison d'Étre de toute une rÄgion implique plusieurs inconvÄnients qui paraissent bien Ävidents si l'on considÅre l'expÄrience du Nord de l'Ontario. ParticuliÅrement ê ses dÄbuts, grandement insouciante, elle dilapida la nature sans porter la responsabilitÄ qu'elle affectait sÄrieusement l'environnement. En outre, par sa nature mÉme, l'exploitation miniÅre a tendance ê confirmer le statut colonial de la rÄgion par rapport aux mÄtropoles en accentuant son rÖle de fournisseur de produits bruts et en nÄgligeant l'industrie secondaire. En fin de compte, l'effet le plus dÄvastateur de l'exploitation miniÅre prise comme pilier Äconomique d'une rÄgion est son instabilitÄ, puisque les mines s'Äpuisent tÖt ou tard. En Californie et au Cariboo, l'exploitation miniÅre a ouvert des rÄgions propices ê d'autres entreprises Äconomiques. Au Yukon, quand l'activitÄ miniÅre a cessÄ, il n'y avait rien pour la remplacer. Qu'arrivera-t-il au Nord de l'Ontario?