LONDON (ONTARIO): UNE ÉTUDE-TYPE SUR L'ÉVOLUTION URBAINE
Frederick H. Armstrong et Daniel J. Brock
Introduction: La région métropolitaine
Pendant plus d'un siècle, London (Ontario) fut considérée comme la neuvième ou la dixième ville d'importance au pays, et pourtant c'est un centre relativement peu connu au-delà des limites de son arrière-pays immédiat, la péninsule prospère du sud-ouest de l'Ontario, ou «l'Ouest ontarien», comme on l'appelle habituellement là-bas, bien que ce terme ait été employé incorrectement pendant un siècle. Le fait que l'on connaisse mal London vient en partie de ce que cette ville n'a jamais été un endroit de prédilection pour les touristes et les voyageurs. Un riche arrière-pays agricole peut être une source de richesse, mais il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il recèle des attractions naturelles et installations récréatives propres aux régions des Grands Lacs et aux régions montagneuses de la province qui sont à bonne distance de London. En outre, les grands événements historiques et, heureusement, les grandes batailles de l'histoire n'ont pas touché London. Cependant, le facteur sans doute le plus important est le fait que London est éclipsée par Toronto qui est le centre d'attraction économique, ainsi que la capitale politique de l'Ontario. Toutefois, la ville est du moins en partie responsable de son isolement, car elle a la réputation, qu'elle semble d'ailleurs s'être presque efforcée d'acquérir, d'être de nature affectée, inhospitalière et généralement conservatrice.
En dépit du fait qu'elle ne soit pas bien connue, la ville de London se trouve, néanmoins, sur les principales lignes de communications, que ce soit par rail, par route ou par air, et non seulement vers le sud de l'Ontario, mais aussi vers le mid-west américain. Sur le plan stratégique, la ville est située en plein centre du continent, élément que la division créée par les frontières internationales tend à faire oublier. Cet élément de centralité de son lieu d'emplacement et le fait que de si nombreuses routes mènent à London confirment nouveau la prospérité dont la ville a joui dans le passé et dont elle continue de jouir aujourd'hui.
Par ailleurs, London est une ville tranquille où il fait bon vivre. La désignation qu'aimaient tant les pères de la cité, «la Ville des arbres», tient toujours aujourd'hui. Alors que d'autres villes, notamment Toronto, ne peuvent résister à l'accroissement du nombre des gratte-ciel et la tentation de s'étendre comme les tentacules d'une pieuvre, London est juste assez grande; on y vit en sécurité; elle possède de vastes secteurs résidentiels où la vie est agréable et elle est en train de se constituer un très beau système de parcs le long des embranchements de la rivière Thames, qui se rejoignent à une fourche, the Forks, au centre de la ville.
Ce que London illustre réellement aujourd'hui, et ce qu'elle a prouvé au cours de son développement, c'est le modèle typique du processus d'urbanisation dans un centre secondaire de la région métropolitaine sur le continent nord-américain. L'historique de la ville de London constitue presque un cas-type de la façon dont une ville importante se constituera à mesure que se peuplera une nouvelle région ou une sous-région, si elle possède les conditions géographiques idéales. Dans un même temps, étant donné que la ville a vu le jour relativement tôt au cours du siècle dernier, elle illustre un autre modèle universel, soit la façon dont les vagues successives des changements technologiques, avec leurs changements au chapitre des communications et des services, a affecté la qualité générale de la vie au cours des cent cinquante dernières années. Cet élément s'applique tout aussi bien à la croissance des grandes métropoles d'Europe qu'aux villes frontières du Nouveau Monde. Ainsi, avec ses premiers habitants, un bon site et la montée d'une nouvelle technologie, ce que nous voyons dans la croissance de la ville de London, c'est l'établissement d'une collectivité de pionniers qui devient la ville centrale d'une région en voie de peuplement.
Il est difficile de comprendre la place qu'occupe London à titre de métropole canadienne secondaire, étant donné que la ville n'est pas une capitale provinciale comme d'autres villes, telles Winnipeg et Edmonton. Ainsi, sa taille fut en partie limitée par l'absence de l'importante bureaucratie qui semble aller de pair avec les structures administratives modernes. Les villes qui permettent l'établissement de parallèles avec London, en Ontario, sont Kingston, bien que son arrière-pays moins important ait réduit sa taille et son importance économique, et Thunder Bay, qui possède aussi sa propre région. Toutefois, il est possible que la ville canadienne qui soit la plus comparable à London soit Sherbrooke, qui domine les Cantons de l'Est du Québec, tout comme London domine le territoire du sud-ouest ontarien. Sherbrooke, tout comme London, possède une région naturelle, est limitée en grandeur à la fois par des caractéristiques naturelles et par la frontière américaine, et est dominée par l'autre métropole canadienne de première importance, Montréal. En outre, étant donné que les deux possédaient un arrière-pays naturel dont l'étendue était limitée et qui ne s'étendait pas à perte de vue, elles n'ont pas été réduites en importance par de nouvelles métropoles surgissant dans leur propre arrière-cour, comme ce fut le cas pour Edmonton et Calgary dans les territoires d'autrefois dominés par Winnipeg, ou Toronto dans celui de Kingston. La ville de London diffère de Sherbrooke en ce sens qu'elle n'a pas subi de changements sur le plan ethnique, mais les deux villes ont grandi de la même façon à mesure que leurs campagnes avoisinantes se peuplaient, à peu près pendant la même période et avec des résultats relativement analogues.
La terre, le Gouverneur et la population
Ainsi, la péninsule du sud-ouest de l'Ontario forme une région naturelle, ou une sous-région, bordée par le lac Huron et la baie Georgienne à l'ouest et au nord, par le lac Erié au sud et dans la ligne de l'escarpement du Niagara à l'est. En outre, il est naturel qu'une telle région géographique donne naissance à une ville ou des villes d'importance à mesure que sa population s'accroissait, une métropole pour organiser ses communications, diriger son commerce et fournir ses industries et ses institutions financières.
Il restait à savoir où une telle ville devait être érigée. Avec un peuplement s'étendant à partir de l'est, et le lac Ontario étant ouvert aux communications avec l'Europe, bien avant le lac Erié, une ville portuaire à l'embouchure de ce lac semblait être le site tout désigné pour la métropole de la péninsule. Les candidats possibles, soit Toronto et le noyau urbain en expansion à la tête du lac Ontario -- Ancaster, Dundas et Hamilton -- étaient toutefois handicapés par l'escarpement et le mauvais état des routes, bien que ce dernier groupe de collectivités allait dominer une bonne partie du commerce de l'ouest de la province au début. À l'extrémité ouest de la péninsule elle-même, la «ville du district» d'origine pour l'administration de la région se trouvait au vieux bourg français situé sur les détroits -- d'Étroit -- mais elle était trop éloignée du centre, dans la mauvaise direction des lignes commerciales, et devait bientôt être divisée par une frontière internationale. Les successeurs de Détroit, Amherstburg et Sandwich, devaient être tout aussi isolés et ne devaient pas connaître de développement au cours des premiers temps, du moins en partie, parce que les pionniers évitaient les terres mal drainées qui les entouraient.
Le centre métropolitain du sud-ouest de l'Ontario devrait par conséquent être une nouvelle ville qui se développerait par voie de peuplement. Étant donné que la colonisation s'opérerait largement vers le nord à partir du lac Erié, un emplacement sur son rivage semblait logique. Mais quel emplacement? Ici encore, la nature n'offrait pas de site pour l'établissement d'une grande ville. Il était évident que l'on avait besoin d'une route à l'intérieur des terres, mais les deux principales rivières qui drainaient la péninsule du sud-ouest évitaient le rivage central. La Grand River serpentait très loin en direction de l'est et se terminait bien avant la péninsule du Niagara; et la rivière Thames descendait encore plus loin vers l'ouest pour rejoindre le lac St. Clair, et non le lac Erié. Les ruisseaux qui se jetaient dans ce lac ne fournissaient pas une très bonne route intérieure.
C'est pourquoi il n'est pas surprenant que les premiers pionniers loyalistes et post-loyalistes aient choisi les terres arables situées derrière Long Point dans le County de Norfolk, et que leurs petits centres, Charlotteville d'abord, puis Vittoria, aient été les premières capitales administratives locales ou villes de district, lorsque le district de London, couvrant la moitié septentrionale de l'Ouest du Haut-Canada, fut établi en 1800. Aucune des deux, toutefois, ne possédaient de voies de communications maritimes à l'intérieur des terres, pas plus que leur rivale, Port Talbot, lorsque le colonel Thomas Talbot, l'organisateur de la région en matière de colonisation, en fit plus tard le centre de ses opérations.
Mais avant que Talbot entreprenne ces opérations en 1803, une autre figure avait fait bonne impression sur la jeune colonie du Haut-Canada, l'homme qui est toujours reconnu comme le père de Toronto et de l'Ontario mais moins souvent associé à la ville de London: le colonel John Graves Simcoe, premier lieutenant gouverneur du Haut-Canada, le sud de l'Ontario actuel. Simcoe fut envoyé comme gouverneur dans une région sauvage occupée par quelques Amérindiens, des Canadiens et des Loyalistes, et menacée par les États-Unis encore à l'état d'embryon; il avait pour tâche de constituer un gouvernement. On aurait pu l'excuser s'il avait fait moindre chose, et pourtant son indomptable énergie et son amour pour cette terre d'adoption l'ont fait lorgner vers l'avenir et planifier des villes qui ne devaient voir le jour que longtemps après sa mort. Il se préoccupait surtout de la défense contre les Américains, du maintien des contacts avec les Amérindiens et de la construction de routes vers l'Ouest. La capitale dont on avait besoin devait à la fois se trouver à l'intérieur des terres pour des raisons de protection et sur la route du commerce des fourrures vers l'Ouest, afin d'attirer les colons et de pousser le centre du Haut-Canada vers l'Ouest, là ou le contrôle impérial était encore incertain.
Simcoe note sur sa carte l'emplacement des Forks (la fourche) de la rivière Thames et le visite en 1793, une année après son arrivée. Il décide alors que ce site répond à ses exigences. En outre, cette localité possède un bon approvisionnement en eau potable, de la force motrice pour les moulins et des voies de communication vers l'Est le long de la rivière Thames. Son choix est prématuré. Néanmoins, il prend des mesures qui joueront plus tard un rôle de tout premier ordre dans le cadre de l'évolution de la ville de London en tant que métropole régionale. La première d'entre elles est l'établissement d'une réserve de la Couronne de quelque 3,850 acres (1,560 hectares) pour la construction future d'immeubles gouvernementaux à la fourche de la rivière Thames. La deuxième est un plan visant l'établissement d'un lien direct de Dundas à la tête du lac Ontario jusqu'aux Forks, comme London était souvent appelée. Cela devait devenir Dundas Street, qui devait lier London aux nouveaux peuplements sur le lac Ontario, et plus tard être poursuivi jusqu'à Toronto.
Au cours des années qui suivent l'administration de Simcoe, le peuplement s'effectue lentement. Après la querre de 1812, les colons accompagnant Talbot vinrent s'ajouter à ceux de Long Point. Bon nombre d'entre eux viennent des États-Unis: il s'agit d'habitants de la Nouvelle-Angleterre et de New York plutôt que d'immigrants en provenance du vieux pays, car l'ouest du Haut-Canada se trouve sur la route de migration vers l'Ouest. Plusieurs des colons de Talbot sont écossais, mais en 1818, le Township de London est principalement habité par des immigrants protestants irlandais. De ces premiers groupes, les Américains sont les mieux placés pour ouvrir une région frontalière qu'ils connaissent déjà à fond, et mieux que les immigrants en provenance de la Grande-Bretagne.
Bientôt les fermiers de Talbot s'établissent au nord du Lac. Située à 14.5 milles (23.3 kilomètres) au sud de London, St. Thomas, longtemps la rivale de London, entreprend son développement. La Canada Land Company, une société britannique, se voit octroyer le Huron Tract en direction du nord, qui ne fait pas essentiellement partie du County de Huron et du County de Perth. Avec la croissance de sa population, Vittoria devient encore plus éloignée de la frontière en pleine expansion et plus inaccessible. Son tribunal de district brûle en novembre 1825. Reconstruire Vittoria, peu importe que la bureaucratie locale approuve l'emplacement clément et déjà peuplé du lac, n'est pas à conseiller. Il faut alors trouver une ville de district plus centralisée et plus accessible.
Du village administratif au centre de communications
Les trois événements cruciaux dans la montée de la ville de London à titre de centre métropolitain dominant, sont: son choix comme centre administratif du district, sa sélection à titre de ville de garnison pour l'ouest de la péninsule et l'achèvement de son réseau de communications avec l'arrivée du chemin de fer; tous surviennent en moins de vingt-sept ans. Dans les deux premiers cas, London est favorisé par la chance, mais en ce qui a trait au troisième développement, la majeure partie du mérite doit aller aux marchands de la ville qui tentaient de consolider leur contrôle sur l'économie de la péninsule.
En 1826, lorsqu'il s'avère nécessaire de trouver un nouveau centre administratif, on considère que St. Thomas est non seulement radical sur le plan politique, mais aussi situé trop près du lac, ce qui pour les colons de l'intérieur des terres, ne représente réellement aucune amélioration sur le choix de Vittoria. Delaware, à ce moment un hameau situé à l'ouest de London, exige trop cher pour ses terres. Le village de Dorchester, une autre des réserves de Simcoe, situé à quelques milles en amont de l'actuel village de Dorchester, est le point le plus central de tous les choix sérieux, mais n'a pas le potentiel nécessaire en matière d'expansion et le peuplement relativement important des environs des Forks. Les fonctionnaires du gouvernement se tournent par conséquent vers la réserve de la Couronne, libre et vaste, pour l'établissement de la ville de London et comme endroit où on pourrait ériger un centre Tory.
Bientôt, un tribunal qui constitue encore aujourd'hui le point central de la ville est en construction près de la fourche et une collectivité s'installe autour pour approvisionner le gouvernement, ce qui fera de London un centre de services en voie de développement: avocats pour les tribunaux, constructeurs pour édifier la ville, marchands pour voir à son approvisionnement, propriétaires d'hôtels pour les loger tous, ainsi que fermiers arrivant dans la ville du district. Les industries suivent tout naturellement, car tous les centres de colonisation ont besoin de leurs opérateurs de moulins, de leurs tanneurs et de leurs brasseurs. Une telle industrie, l'actuelle brasserie Labatt, dont les origines remontent 1827, est toujours en place.
Vers le milieu des années 1830, le hameau a déjà connu ses premières exécutions publiques (l'un des principaux spectacles de l'époque jusqu'à son abolition en 1869) et il a survécu au choléra qui commence à peine à se répandre en Amérique du Nord; il est devenu le centre de la société agricole du district et a vu l'arrivée de ses premiers ministres. Parmi les membres du clergé les plus influents se trouve le révérend Benjamin Cronyn qui est éventuellement devenu le premier évêque anglican de la ville et le fondateur de l'une de ses premières riches dynasties. D'une certaine façon, la ville est divisée. Bon nombre des colons sont d'origine américaine et l'établissement lui-même n'est un peu plus qu'un poste frontière, avec l'image dure et confuse d'une collectivité du genre. Pourtant, en même temps, la ville possède une oligarchie administrative conservatrice et loyale, issue des Britanniques: la division locale du Pacte de famille qui dirige la colonie. Ce groupe prétend établir un bastion de la civilisation impériale à la frontière et de former, dès le début, une élite administrative urbaine.
Secondée par l'ouverture du canal Welland et l'influx subséquent de nouveaux arrivés vers 1830, la population du County de Middlesex double pour atteindre 20,000 personnes, et les Forks eux-mêmes comptent plus de 1,000 personnes. Des services additionnels deviennent nécessaires à la fois pour la ville et pour l'arrière-pays. Des journaux, un Institut de mécanique (ou une bibliothèque publique), des églises, une école secondaire, un marché et une foire agricole font leur apparition. Le statut de London en tant que centre financier du sud-ouest de l'Ontario est consolidé avec l'ouverture d'une filiale de la banque du Haut-Canada. En 1836, la ville se voit accorder la faveur d'élire un député à l'assemblée législative du Haut-Canada; évidemment, elle choisit un Conservateur.
La rébellion de 1837 surgit alors avec une soudaine violence, ébranlant l'oligarchie locale, mais supprimant à la fin toute opposition et donnant à la ville son deuxième élan: la garnison britannique. En 1838, lorsqu'il est décidé de loger une garnison dans la péninsule, il est nécessaire de trouver un endroit central d'où les troupes puissent se rendre en hâte à tout point menacé, de Long Point à Windsor et de Sarnia à Goderich. St. Thomas, qui a déjà hébergé des troupes, semble peu intéressée à accueillir les soldats indisciplinés. Ainsi, London gagne, en partie par défaut. Les résultats sociaux et économiques deviennent rapidement évidents. La garnison apporte une touche de culture britannique et impériale et la région des Forks commence à perdre ses aspects de ville de pionniers. Les officiers s'imposent, en outre, dans des événements sociaux tels des équipes de sport et des bals, et les mariages sont fréquents au sein de la classe dirigeante locale; de même, les soldats marient souvent des filles de la ville. En outre, une garnison implique des dépenses militaires; les marchands et les manufacturiers réalisent des profits immédiats et à long terme qui contribuent grandement à étendre l'hégémonie financière et commerciale de London sur le sud-ouest de l'Ontario.
En 1840, avec l'accroissement de sa population, London reçoit sa première incorporation, qui couvre la région limitée, en somme, par les embranchements du nord et du sud des rues Thames, Huron et Adelaide. Les magistrats du district de London ne peuvent plus faire face à la charge de travail accrue et le Conseil de police, comme on l'appelle alors, reçoit des pouvoirs de réglementation accrus. Les membres du conseil élisent George J. Goodhue, un agent immobilier et l'un des marchands les plus importants de la ville, à titre de premier président de London, comme on appelait alors le maire de la ville. La population atteint désormais 1,716 personnes et la région qui formait le district de London à l'origine possède 221,000 acres (89,505 hectares) de terres en culture; cela représente plus de trois fois la superficie couverte quatorze ans auparavant, avec un accroissement des profits pour les marchands qui approvisionnent les agriculteurs. De nouvelles industries s'implantent -- la fonderie Leonard et les brasseries Carling ont vu le jour à cette époque -- et les détaillants en gros de London commencent à étendre leur réseau à la campagne avoisinante. La cité devient ainsi un centre de services pour un arrière-pays qui ne cesse de croître. Dans un même temps, les travailleurs commencent à donner des signes de malaise et à exprimer le désir de s'unir pour la défense d'un intérêt commun. En décembre 1845, plus de 100 menuisiers, contremaîtres et journaliers, tiennent une rencontre pour s'opposer «à toute tentative d'imposer de la machinerie pour supprimer ou détruire le travail manuel».
Les entrepreneurs reçoivent une aide importante de la part de Hamilton H. Killaly, commissaire des travaux publics pour la Province du Canada, nouvellement formée, laquelle combine ce qui constitue aujourd'hui le Sud de l'Ontario, anciennement le Haut-Canada, et le Sud du Québec, anciennement le Bas-Canada. La fortune sourit de nouveau à London en lui donnant un député de l'assemblée législative qui avait tant de circonvenants à ses ordres. De façon typique, en ce dix-neuvième siècle, Killaly entreprend d'élargir le réseau routier primitif autour de sa propre circonscription et l'améliore grâce au processus de macadamisation consistant à utiliser des pierres broyées ou des madriers, qui fait maintenant fureur en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord. Bientôt, London a amélioré les routes de Dundas à Hamilton dans l'est, de Windsor et Sarnia dans l'ouest, et de St. Thomas et Port Stanley au sud, en plus de prévoir de meilleures installations portuaires à Port Stanley. Le contrôle de la ville sur son arrière-pays est consolidé, à l'exception du nord. Le mouvement qui en résulte se manifeste par l'établissement de places de marché plus vastes et plus permanentes par la reprise rapide des activités à la suite des conflagrations de 1844 et de 1845. La nouvelle incorporation de la ville, accordant des pouvoirs plus importants, suit en 1847. Le nouveau gouvernement se compose d'un maire élu par la population et de magistrats représentant les quartiers.
Ces changements arrivent à temps, car London accueille un certain nombre d'immigrants irlandais catholiques qui fuient la famine de la pomme de terre, ce qui modifie substantiellement l'orientation largement protestante de la ville. Entre 1842 et 1848, la population irlandaise de London augmente de 128.6% et l'élément catholique romain de 204.4%. Cet élément irlandais créa de nouvelles exigences de services publics, de bien-être social et de respect de la loi.
La suppression de la garnison britannique, qui fut envoyée combattre dans la Guerre de Crimée, semble avoir peu d'effets sur la prospérité de la ville, car l'Amérique du Nord est en pleine expansion. Les marchands et les manufacturiers qui dominent le conseil sont à même de faire remarquer avec fierté des réalisations comme des commissions scolaires locales. Par-dessus tout il y a une nouvelle forme et des nouveaux systèmes de communications. En 1847, London est reliée à toute l'Amérique du Nord par télégraphe, lequel s'est répandu rapidement à partir de l'Est des États-Unis après 1844. En 1849, les hommes d'affaires construisent la Proof Line Road (rue Richmond - Route no 4) en direction du nord, reliant ainsi graduellement l'arrière-pays de London, dans cette direction, par de meilleures routes jusqu'à Stratford, Goderich et éventuellement Queen's Bush dans la partie nord du sud-ouest ontarien.
Puis, le 15 décembre 1853, les habitants de London, et en particulier la collectivité commerciale, voient le triomphe d'un rêve de vingt ans: le premier train de la Great Western Railway (aujourd'hui le Canadien National) fait son entrée en ville. Avec son arrivée, l'hégémonie de London sur le sud-ouest ontarien est consolidée. Lorsque la route 401 traverse le sud-ouest ontarien dans les années 1950, elle confirme la centralité de la ville. Le schème urbain de la péninsule occidentale est alors établi.
Développement du chemin de fer et consolidation de la région métropolitaine
Pourtant, l'arrivée du chemin de fer en provenance de Hamilton marque simplement la première étape du développement du réseau ferroviaire de London dans le sud-ouest ontarien. Une période d'expansion des communications va suivre et se poursuivre jusqu'à ce que la compagnie connue aujourd'hui sous le nom de Canadien Pacifique étende ses lignes à l'ouest de Woodstock en 1887. En 1853, London est simplement le terminus temporaire de la Great Western; mais en 1854, la ligne se rend à Windsor et un autre embranchement atteint Sarnia en 1858. En 1856, après trois années de construction, le chemin de fer de London et de Port Stanley est complété, faisant de St. Thomas une simple station sur la route. La ligne ferroviaire connaît un échec financier, et en 1872, elle est louée à la Great Western Railway. Entre temps, l'expansion a commencé dans le nord avec les lignes de London, de Huron et de Bruce qui se rendent jusqu'à Wingham en 1876.
Après l'époque du chemin de fer, les villes de moindre importance auraient pu devenir des sièges de comté, mais St. Thomas, Sarnia, Goderich, Strafford, Woodstock, Simcoe et même probablement Chatham à l'extrémité ouest, sont clairement subordonnées à London. Au nord, aucune nouvelle ville ne voit le jour, à l'exception de Owen Sound qui devient plus tard un centre récréatif et centre de traitement du bois, car toutes les lignes de communications sont clairement orientées vers London.
Ce phénomène, évidemment, se répète partout à l'est du continent à mesure que les centres qui ne possèdent pas encore de chemin de fer confirment leur hégémonie sur leur arrière-pays, ou la perde à des rivaux mieux situés. Kingston se voit ignorée sur le tracé Montréal-Toronto. Au nord, le réseau de communications Bytown (renommé Ottawa en 1855), qui doit contribuer à faire de cette ville la capitale du pays, est ouvert en même temps. Dans le sud du Québec, Sherbrooke, comme London, consolide sa position à titre de centre de réseau des Cantons de l'Est. London est en outre chanceuse, en ce sens qu'aucune métropole possédant un chemin de fer n'apparaît dans ses environs -- Windsor est la seule exception, mais elle ne constitue pas une rivale pour l'arrière-pays direct de London.
Les chemins de fer et le télégraphe ne sont pas les seuls moyens, toutefois, par lesquels London consolide ses communications avec l'arrière-pays. L'actuel London Free Press, le journal régional du sud-ouest ontarien, en 1849. En 1863, le Free Press, se double d'un autre journal qui a une longue histoire, The Advertiser, lequel continuera d'exister jusqu'en 1936. Comme il convient à la métropole d'une région agricole, The farmer's Advocate est fondé en 1866 et dure presque jusqu'à l'actuelle décennie. London devient ainsi un centre de journaux, ainsi qu'une métropole ferroviaire. Avec l'inauguration de la première centrale téléphonique de London, en 1879, on voit l'arrivée du lien final avec le monde. De nouveau, ce progrès technologique démontre à quel point le développement de London a suivi en parallèle celui d'autres centres urbains et comment les progrès de la science créaient progressivement une certaine uniformité à travers le monde. London se voit dotée de sa première centrale la même année que Londres, un an après Toronto, et moins de quatre années après les premières expériences d'Alexander Graham Bell à Brantford et Boston. En 1881, les poteaux de téléphone de l'époque, d'ailleurs assez laids, commencent à border les rues de London, et suscitent le dégoût de certains des marchands.
Néanmoins, la période s'échelonnant de 1853 à 1885 est loin d'être une histoire ininterrompue de progrès, car l'époque en est une d'expansions, d'emballements et de récessions. À compter de 1849, il y a un essor rapide accompagné par l'expansion de la construction du chemin de fer. Cette prospérité prend de l'ampleur entre 1854 et 1856, grâce à la vente du blé aux troupes qui font la Guerre de Crimée. Les effets de ces événements sur London font de la ville un centre en pleine expansion. La population augmente rapidement, et le 1er janvier 1855, London devient ville. De nouveaux services sont créés avec l'accroissement de la prospérité et de la population. Les premiers lampadaires au gaz et les premiers systèmes d'eau font leur apparition en 1854, l'année suivante, le premier hôpital est érigé et la première force constabulaire régulière est créée. Le gouvernement de la province augmenta également ses services dans la ville, construisant un immeuble de douanes en 1855 destiné à traiter l'accroissement des expéditions par chemin de fer. Ce projet servit à démontrer que London était le principal centre de la région. Les principaux symboles matériels de la nouvelle prospérité, toutefois, sont la construction d'un nouvel hôtel de ville, inauguré à temps pour l'incorporation, et le début de la construction du plus grand hôtel des colonies de l'Amérique du Nord britannique, Tecumseh House. Avec cette expansion, de nouvelles organisations voient le jour: en 1857, les marchands créent la Chambre de commerce, dans le but de favoriser leurs intérêts à la fois dans la ville et dans l'arrière-pays.
On peut également trouver dans d'autres domaines la confirmation de la position de London à titre de centre régional. Sur le plan ecclésiastique, la ville domine clairement. Elle est depuis longtemps un centre méthodiste important, et en 1856, l'Église catholique établit le diocèse de London, et les presbytériens (Kirk of Scotland) établissent un synode à London. L'année suivante, les Anglicans établissent le diocèse de Huron. Dans tous les cas, les territoires ecclésiastiques de la ville recouvrent, en somme, son arrière-pays économique.
La prospérité, toutefois, fut de courte durée. La Guerre de Crimée prend fin en 1856, l'année suivante l'expansion du chemin de fer se termine et l'Amérique du Nord connaît une des paniques et des dépressions les plus importantes du siècle. Dans un centre de développement comme London, où l'expansion est accompagnée d'une spéculation immobilière incontrôlée, la dépression frappe particulièrement dur. Winnipeg devait connaître, plus de deux décennies plus tard, le même phénomène. La population diminue, des industries prospères cessent d'opérer et des immeubles demeurent inhabités. Néanmoins, même au plus fort de la dépression, il existe des signes d'une stabilité de base. La compagnie McCormick Biscuits est fondée en 1858, et Tecumseh House ouvre enfin ses portes au cours de cette année, et la province construit un bureau de poste en 1860.
Bientôt, les conditions changent et l'expansion de la ville se poursuit. En 1861, alors que le recensement dénombre une population quelque peu réduite, avec 11,555 personnes, la Guerre civile américaine éclate. Les hommes d'affaires de London contrôlent le passage du grain de l'Ouest ontarien pour être acheminé jusqu'aux armées du nord. En outre, la garnison britannique revient au cours de la même année, afin d'être prête à défendre la péninsule au cas où la guerre éclate avec les États-Unis.
Vers la fin des années 1850, une nouvelle industrie se développe grâce à l'extraction du pétrole dans le township de Enniskillen; ce pétrole est alors acheminé vers l'Ouest. À titre de centre financier et de transport important et le plus rapproché, London en vient à dominer rapidement l'industrie pétrolière. En 1868, au moins neuf raffineries sont établies dans la région de London, et cette expansion remplace celles des terrains, et une nouvelle banlieue industrielle, London East, prend rapidement de l'expansion. Convenablement situé le long des voies du chemin de fer à contre vent de la ville elle même, London East possède bientôt un large éventail d'industries et une classe de travailleurs en pleine croissance.
Page 1 de 2
(Cliquez "suite" pour aller à la deuxième partie)