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Text File  |  1994-06-10  |  36KB  |  121 lines

  1. LES TRAVAILLEURS QU╔B╔COIS ET LA R╔VOLUTION INDUSTRIELLE └ LA FIN DU XIXe SI╚CLE 
  2.  
  3. Fernand Harvey 
  4.  
  5.      Tous les pays dΘveloppΘs ont connu, α un moment o∙ l'autre de leur histoire, une rΘvolution industrielle. L'Angleterre a ΘtΘ le premier pays α connaεtre ce profond bouleversement Θconomique et social, au cours du dernier tiers du XVIIIe siΦcle. En quoi consiste au juste ce qu'on a appelΘ la rΘvolution industrielle?
  6.  
  7.      Le terme de ½rΘvolution industrielle╗ est utilisΘ par analogie avec une rΘvolution de type politique; il dΘsigne un changement rapide qui survient sur le plan Θconomique et qui transforme la structure sociale d'ensemble d'une sociΘtΘ. Les historiens diffΦrent d'opinion quant α la date du dΘbut de la rΘvolution industrielle. Certains indiquent 1760, d'autres 1780, etc., selon qu'ils mettent l'accent sur telle ou telle innovation technologique ou selon le phΘnomΦne Θconomique qu'ils privilΘgient. Ainsi, dans le cas de la Grande-Bretagne, cette rΘvolution industrielle dΘbuta autour de 1760 et s'Θtendit sur un siΦcle. Elle se caractΘrisait par l'introduction dans plusieurs secteurs de l'industrie manufacturiΦre de nouvelles machines et de nouveaux procΘdΘs de fabrication. Sur le plan de l'Θnergie, la rΘvolution industrielle Θtait liΘe α l'utilisation de la machine α vapeur. ParallΦlement α ces transformations du secteur manufacturier, on observait d'importants dΘveloppements dans les moyens de transport et de communication (canaux, chemins de fer, etc.). Sur le plan financier, cet essor du dΘveloppement industriel impliquait une disponibilitΘ de capitaux pour des investissements importants dans de nouvelles fabriques de textiles, de produits du fer, etc. dont la construction Θtait rendue nΘcessaire par les innovations technologiques. Cette conjugaison de la technique et du capital eut comme consΘquence de multiplier le taux de productivitΘ et de rΘduire le co√t des produits. En fait, la rΘvolution industrielle a fait Θclater l'ancien mode de production artisanal et annonτait dΘjα la production de masse du XXe siΦcle.
  8.  
  9.      La rΘvolution industrielle eut aussi une dimension sociale fondamentale: elle annonτait les rapports de classe du XXe siΦcle. Deux classes sociales y jouaient un r⌠le fondamental: la grande bourgeoisie capitaliste qui Θtait α l'origine de ce changement social, et le prolΘtariat urbain qui s'Θtait constituΘ α partir du milieu rural et de l'immigration. En effet, un dΘveloppement industriel de cette envergure nΘcessitait l'existence d'un vaste rΘservoir de main-d'oeuvre disponible; il venait principalement des campagnes et fut α l'origine d'une urbanisation accΘlΘrΘe. On imagine, dΦs lors, les consΘquences culturelles de la rΘvolution industrielle: un nouveau mode de vie se dΘveloppait et vint relΘguer dans le passΘ la vieille culture rurale et paysanne.
  10.  
  11.      Si la Grande-Bretagne a ΘtΘ le premier pays α connaεtre la rΘvolution industrielle, d'autres pays suivirent le mouvement au cours du XIXe siΦcle; notamment la France, l'Allemagne, les ╔tats-Unis, le Canada et le Japon. Au Canada et au QuΘbec, les effets de la rΘvolution industrielle commenτΦrent α se faire sentir de faτon significative au cours des annΘes 1880.
  12.  
  13.      Nous verrons comment s'est rΘalisΘe cette rΘvolution industrielle au QuΘbec et plus particuliΦrement α MontrΘal, sur le plan de l'organisation du travail, des conditions de travail et des conditions de vie des travailleurs et quelle a ΘtΘ la rΘaction des ouvriers face α l'industrialisation.
  14.  
  15. L'organisation du travail 
  16.  
  17.      De nos jours, il existe plusieurs usines o∙ le travail est partiellement ou complΦtement automatisΘ. C'est-α-dire que les ouvriers qui y sont employΘs surveillent les machines au lieu d'agir directement sur la production, soit manuellement, soit α l'aide de machines-outils. C'est le cas, par exemple, dans une raffinerie de pΘtrole ou dans une usine automatisΘe de fabrication de piΦces d'automobiles. L'automatisation, telle qu'elle s'est dΘveloppΘe dans plusieurs secteurs industriels depuis le milieu des annΘes 1950 constitue, en fait, la troisiΦme Θtape de l'Θvolution de l'organisation technique du travail. AntΘrieurement, il y a eu l'artisanat et la mΘcanisation. C'est sur ces deux Θtapes antΘrieures que nous insisterons parce qu'elles illustrent, justement, par le passage de la premiΦre α la seconde, le phΘnomΦne de la rΘvolution industrielle.
  18.  
  19. L'artisanat 
  20.  
  21.      Au QuΘbec, le travail artisanal dominait au dΘbut du XIXe siΦcle. L'Θconomie Θtait relativement peu dΘveloppΘe et les besoins matΘriels de la population demeuraient limitΘs. Ainsi, le commerce Θtait liΘ α la demande directe pour un produit. C'est-α-dire qu'un artisan organisait sa production pour rΘpondre α la demande, au fur et α mesure; il n'accumulait pas de stocks. Par exemple, un individu qui dΘsirait acheter une paire de souliers devait s'adresser α l'artisan-cordonnier qui prenait sa commande et qui lui fabriquait l'article demandΘ. De la mΩme faτon, quelqu'un ayant dΘcidΘ de se faire construire une maison faisait les arrangements nΘcessaires avec un charpentier.
  22.  
  23.      Durant cette Θpoque o∙ l'organisation du travail Θtait de type artisanal, la production se faisait donc sur une Θchelle rΘduite; elle Θtait dirigΘe par un maεtre-artisan, aidΘ d'un ou de quelques apprentis, et parfois d'un compagnon. Le maεtre Θtait gΘnΘralement propriΘtaire de sa boutique. Au QuΘbec, cette organisation Θtait fortement liΘe α la famille. C'est pourquoi, la boutique de l'artisan Θtait situΘe α proximitΘ de sa demeure et les apprentis-artisans Θtaient trΦs souvent des membres de la famille.
  24.  
  25.      L'apprenti Θtait ΓgΘ de 12 α 19 ans, selon les mΘtiers, mais il arrivait dans certains cas qu'il fut plus jeune. Cet apprenti Θtait placΘ chez un maεtre par ses parents, suite α un contrat passΘ devant un notaire. Le maεtre s'engageait α loger, α nourrir et parfois mΩme α vΩtir l'apprenti et α lui montrer tous les secrets du mΘtier, afin qu'il puisse devenir compagnon ou plus tard maεtre-artisan, α la fin de son temps d'apprentissage dont la durΘe Θtait en moyenne 3 ou 4 ans. En retour, l'apprenti s'engageait α obΘir α son maεtre, α travailler pour lui et α ne pas dΘserter son domicile.
  26.  
  27.      Au QuΘbec, entre 1790 et 1815, les corps de mΘtiers qui Θtaient numΘriquement les plus importants et dont le systΦme d'apprentissage Θtait le mieux dΘveloppΘ sont ceux de boulanger, de pilote, de charpentier de navire, de cordonnier, de tailleur, de menuisier et de forgeron. C'est α MontrΘal et α QuΘbec qu'on retrouvait la plus forte concentration d'artisans. Leur technique de production Θtait relativement simple. Chaque artisan possΘdait ses propres outils, lesquels n'Θtaient pas standardisΘs comme ce sera le cas, α partir de la rΘvolution industrielle. Les sources d'Θnergie majeures demeuraient la force musculaire, la force hydraulique ou la force animale. On comprend, dΦs lors, qu'il se soit Θtabli une relation profonde entre l'artisan et les matiΦres premiΦres. L'artisan possΘdait la pleine maεtrise de son travail dont il contr⌠lait les diffΘrentes Θtapes, ce qui lui permettait de s'identifier α son oeuvre et de donner un sens α son travail. Or, c'est prΘcisΘment cette relation de proximitΘ avec les matiΦres premiΦres et entre le maεtre et ses apprentis qui fut bouleversΘe et dΘtruite avec l'avΦnement de la rΘvolution industrielle, laquelle imposa un autre type d'organisation du travail liΘ α la mΘcanisation et α la production de masse.
  28.  
  29.      La rΘvolution industrielle ne fit pas disparaεtre pour autant le travail artisanal. Celui-ci a subsistΘ jusqu'au XXe siΦcle dans certains mΘtiers qui ont ΘtΘ touchΘs plus tardivement par la mΘcanisation. On observe cette survivance des anciens mΘtiers surtout dans les villages et dans le milieu rural. Ainsi, par exemple, il existait encore des forgerons et des marΘchaux-ferrants dans certains villages du QuΘbec, au dΘbut des annΘes 1950. Par ailleurs, mΩme aujourd'hui certaines professions ont conservΘ plusieurs caractΘristiques du travail artisanal. C'est le cas des mΘtiers de la construction o∙ l'ouvrier conserve la maεtrise de son travail, contrairement aux travailleurs d'usine.
  30.  
  31. La manufacture 
  32.  
  33.      Le passage de la boutique de l'artisan α la grande fabrique industrielle ne s'est pas fait brusquement. Ce fut le rΘsultat d'un long processus de transformation de l'organisation du travail. Entre la boutique d'artisan et la fabrique mΘcanisΘe, il existait une Θtape intermΘdiaire: la manufacture.
  34.  
  35.      Qu'est ce qu'une manufacture? Dans le langage courant, on emploie indistinctement ½manufacture╗ ou ½fabrique╗ pour dΘsigner une usine. Cependant, historiquement, la manufacture dΘcrite par Karl Marx se distinguait nettement de la fabrique mΘcanisΘe. La manufacture, telle qu'elle existait dans certains pays, du XVIIe au XIXe siΦcle, consistait essentiellement α rΘunir sous un mΩme toit plusieurs artisans, qui avaient travaillΘ jusque-lα dans de petites boutiques, et α augmenter la production grΓce α l'introduction de ce qu'on appelle la ½division du travail╗.
  36.  
  37.      Prenons un exemple: la fabrication de carrosses tirΘs par des chevaux. └ l'Θpoque des petites boutiques, un artisan fabriquait lui-mΩme, avec l'aide d'un ou de deux apprentis, toutes les piΦces constituant un carrosse. Puis, ce fut l'avΦnement de la manufacture. Il s'agissait d'un lieu de travail plus grand que la boutique o∙ plusieurs artisans oeuvraient ensemble, se divisant les diffΘrentes Θtapes du travail. Ainsi, un groupe d'ouvriers ne fabriquaient que des roues, d'autres que des portes, d'autres que des piΦces de mΘtal, etc. Dans ce cas-ci, la manufacture regroupait des artisans de mΘtiers divers (forgerons, menuisiers, ΘbΘnistes, bourreurs, etc.). Dans d'autres cas, comme par exemple, une manufacture d'Θpingles, c'Θtait le mΩme mΘtier qui Θtait divisΘ en fonction de ses opΘrations. Ainsi, ΘmergΦrent peu α peu ceux qu'on appelle au XXe siΦcle les ½ouvriers spΘcialisΘs╗, c'est-α-dire, des ouvriers astreints α une mΩme tΓche monotone et rΘpΘtitive, soumis α un rythme de travail rapide (cadences) et encadrΘs par des contremaεtres (foremen) autoritaires.
  38.  
  39.      Mais la manufacture n'Θtait pas encore la fabrique. L'outillage utilisΘ pour la fabrication demeurait assez prΦs de celui de l'artisan traditionnel. Il n'y avait pas de force motrice centrale considΘrable comme l'Θnergie α vapeur ou l'ΘlectricitΘ et pas ou peu de machines-outils. Les machines-outils sont des machines dont l'action s'exerce directement sur un outil pour le faire fonctionner. Par exemple, une perceuse Θlectrique; elle est constituΘe d'un moteur Θlectrique qui actionne des mΦches. La perceuse Θlectrique est donc une machine-outil, par opposition α un vilebrequin qui est une perceuse α main, c'est-α-dire un simple outil actionnΘ par la force physique de l'artisan. La force manuelle demeure primordiale. Le changement se situait donc moins sur le plan de la technologie utilisΘe que sur celui de l'organisation du travail. Pour que des manufactures naissent et se dΘveloppent, il a fallu que des maεtres-artisans deviennent des marchands-fabricants. Ainsi, au lieu de produire uniquement sur commande, on commenτait α produire en grande quantitΘ, α accumuler des stocks et α dΘvelopper la publicitΘ dans les journaux et ailleurs. Le marchand-fabricant cessait donc d'Ωtre un artisan pour devenir un capitaliste. Il rΘunissait plusieurs artisans dans sa manufacture, diminuait ainsi ses co√ts de production et augmentait ses profits, alors que ses ouvriers, anciens maεtres-artisans, compagnons et apprentis, auxquels venaient s'ajouter des manoeuvres, devenaient des salariΘs. Puis, peu α peu, en fonction des progrΦs de la technologie, le marchand-fabricant introduisit des machines-outils pour accΘlΘrer la production et ruiner ses concurrents.
  40.  
  41.      Au QuΘbec, les manufactures commenτΦrent α se dΘvelopper au cours du second quart du XIXe siΦcle. Ce type d'organisation du travail existait dans les plus grosses entreprises telles que les fonderies, les manufactures de meubles, de carrosses, de chaussures, de clous et de chapeaux. L'industrie de la chaussure constituait un cas particuliΦrement intΘressant. Dans cette industrie, le stade de la manufacture commenτa α se dΘvelopper aprΦs 1825. Puis, en 1849, deux manufacturiers montrΘalais d'origine amΘricaine, Champion Brown et William Childs, introduisirent les premiΦres machines-outils (des machines α coudre). Entre 1849 et 1864, l'introduction de diverses machines-outils et de l'Θnergie α vapeur permit de faire passer cette industrie du stade de la manufacture α celui de la fabrique.
  42.  
  43. La fabrique 
  44.  
  45.      L'avΦnement de la fabrique fut liΘ α une Θtape nouvelle de la rΘvolution industrielle qui s'est situΘe autour des annΘes 1870-1880. Cette Θtape nouvelle permit une plus grande mΘcanisation; elle se manifesta par une accΘlΘration du dΘveloppement technologique et un Θpanouissement des moyens de production. Deux facteurs expliquent ce dΘveloppement technologique: la gΘnΘralisation de l'utilisation de la vapeur comme source d'Θnergie et la mise au point de machines-outils de plus en plus perfectionnΘes. Ces machines-outils amΘliorΘes permirent de fabriquer des piΦces tout α fait identiques, donc interchangeables, rendant ainsi possible la production de masse.
  46.  
  47.      Dans la manufacture, nous l'avons soulignΘ, les sources d'Θnergie n'Θtaient pas sensiblement diffΘrentes de celles qui existaient dans la boutique de l'artisan. Mais l'introduction de la machine α vapeur dans certains secteurs industriels vint bouleverser l'organisation et la cadence du travail. └ partir du moment o∙ on utilisa une machine α vapeur (ou une turbine α vapeur, α partir de la fin du XIXe siΦcle), les opΘrations effectuΘes par des ouvriers cessΦrent d'Ωtre des gestes autonomes. Chaque ouvrier travaillait alors sur une machine-outil, et toutes les machines-outils Θtaient reliΘes, au moyen de courroies, au moteur central de la fabrique qui constituait la machine α vapeur. Marx a dΘcrit, mieux que tout autre, l'essentiel du machinisme, tel qu'il existait au milieu du XIXe siΦcle:
  48.  
  49.      Dans la manufacture et le mΘtier, l'ouvrier se sert de son outil; dans la fabrique, il sert la machine. Lα, le mouvement de l'instrument de travail part de lui; ici, il ne fait que le suivre. Dans la manufacture, les ouvriers forment autant de membres d'un mΘcanisme vivant. Dans la fabrique, ils sont incorporΘs α un mΘcanisme mort qui existe indΘpendamment d'eux. 
  50.  
  51.      Ce texte de Marx nous permet de comprendre que l'avΦnement de la fabrique a enlevΘ α l'ouvrier la maεtrise de son travail. Soumis α un processus de fabrication ininterrompu et prΘdΘterminΘ, ce dernier a perdu le prestige et l'autonomie de l'artisan traditionnel pour tomber sous la dΘpendance de la machine et du grand capital. Cette transformation n'est pas sans provoquer de profondes rΘpercussions Θconomiques et sociales comme nous le verrons plus loin.
  52.  
  53.      Tous les mΘtiers ne furent pas affectΘs en mΩme temps ni au mΩme rythme par le phΘnomΦne de la mΘcanisation. L'industrie textile du coton constitue l'exemple classique de mΘcanisation poussΘe. Au QuΘbec, cependant, les fabriques de textiles ne s'implantΦrent qu'α partir de 1873 au moment o∙ cette industrie Θtait dΘjα fortement mΘcanisΘe dans les pays industrialisΘs. Il n'y eut donc pas de phase artisanale ou manufacturiΦre dans le secteur du coton au Canada. Mais d'autres mΘtiers implantΘs un peu avant la mΘcanisation, tels que ceux de cigarier et de cordonnier, connurent de profondes transformations avec l'utilisation de l'Θnergie α vapeur et des machines-outils. Le cas des cordonniers est typique α cet Θgard. TΘmoignant devant la Commission royale d'enquΩte sur les relations entre le capital et le travail, en 1888, un tΘmoin dΘclarait qu'il existait α ce moment trΦs peu de cordonniers pouvant faire une paire de chaussures.
  54.  
  55.      ... aujourd'hui, en rΦgle gΘnΘrale, tous les employΘs qui travaillent dans les manufactures (sic), ne sont capables de faire qu'un seul ouvrage, c'est-α-dire de poser un talon ou coudre la semelle, ou poser une empeigne, parce qu'aujourd'hui les machines perfectionnΘes ont remplacΘ la main-d'oeuvre. (Commission du travail, procΦs-verbaux du QuΘbec, Ottawa, 1888, p. 411.)
  56.  
  57.      AmorcΘ au cours du dernier tiers du XIXe siΦcle, le processus de mΘcanisation de la production s'est poursuivi au dΘbut du XXe siΦcle. └ cet Θgard, il est certain que le dΘveloppement des usines d'armement au cours de la PremiΦre Guerre mondiale a favorisΘ un nouvel essor de la mΘcanisation comme en font foi certaines illustrations de l'Θpoque. Dans le secteur du textile, par ailleurs, la mΘcanisation fut poussΘe au point o∙ certains employΘs n'exerτΦrent plus qu'une fonction de surveillance des machines.
  58.  
  59.      Tout au long du XIXe siΦcle, cependant, l'utilisation dominante de l'Θnergie α vapeur posait des problΦmes de co√t pour les petites entreprises. En effet, l'utilisation de la vapeur nΘcessitait d'importants investissements que les petites entreprises pouvaient difficilement se permettre sauf exception. RΦgle gΘnΘrale, de telles installations Θtaient rΘservΘes aux grandes entreprises en milieu urbain.
  60.  
  61.      Au tournant du XXe siΦcle, l'utilisation progressive du moteur α explosion et de l'ΘlectricitΘ comme source d'Θnergie de remplacement permirent l'introduction de la mΘcanisation dans les petites entreprises jusque-lα tenues α l'Θcart du mouvement. Le moteur α gaz et le moteur Θlectrique permettaient de fractionner l'Θnergie et de n'utiliser que la force nΘcessaire, ce qui Θtait impossible avec la machine α vapeur. Ainsi, au XXe siΦcle, les diffΘrentes machines-outils en vinrent peu α peu α avoir chacune leur moteur Θlectrique, Θliminant de ce fait les longues courroies de transmission existant dans les fabriques du XIXe siΦcle et qui Θtaient la cause de multiples accidents de travail. En effet, il n'Θtait pas rare qu'on se fasse prendre les cheveux (dans le cas des femmes) ou un bras dans ces courroies mal protΘgΘes.
  62.  
  63.      Cependant, la mΘcanisation ne progressa pas au mΩme rythme dans tous les secteurs industriels. Certain mΘtiers tels que ceux de typographe, de tanneur et de tailleur de pierre conservΦrent leurs techniques artisanales beaucoup plus longtemps.
  64.  
  65. Les conditions de travail 
  66.  
  67.      Dans l'industrie lΘgΦre employant une main-d'oeuvre α bon marchΘ, la mΘcanisation entraεna la dΘvalorisation des mΘtiers et le remplacement des anciens artisans par des manoeuvres non qualifiΘs, et aussi par des femmes et des enfants. Le travail des enfants n'Θtait pas une nouveautΘ α la fin du XIXe siΦcle puisqu'il existait dΘjα, comme nous l'avons vu prΘcΘdemment, α l'Θpoque de l'artisanat. └ cette Θpoque, le travail des apprentis Θtait long et pΘnible et toute tentative de fuite Θtait sΘvΦrement punie. Cependant, l'apprenti-artisan pouvait au moins espΘrer apprendre un mΘtier et gagner sa vie par la suite.
  68.  
  69.      GrΓce au dΘveloppement de la production industrielle, bien des choses changΦrent: il a fallu disposer d'importants capitaux et recruter une ½armΘe╗ de prolΘtaires. Afin de mettre ces nouveaux salariΘs au travail, les boutiques et les manufactures de jadis devenaient inadΘquates. C'est pourquoi il a fallu construire de vastes fabriques dans le cas des secteurs industriels les plus dΘveloppΘs. Au QuΘbec, α la fin du XIXe siΦcle, ces secteurs Θtaient le textile (coton), le tabac et la chaussure qui employaient une main-d'oeuvre α bon marchΘ (cheap labour); mais il y avait aussi l'industrie du matΘriel roulant de chemin de fer et l'industrie de transformation du fer, lesquelles nΘcessitaient des ouvriers qualifiΘs.
  70.  
  71.      Par ailleurs, l'avΦnement des fabriques crΘa une nouvelle demande pour le travail des enfants. Mais il n'Θtait plus question d'apprentissage comme autrefois. Les propriΘtaires des fabriques encourageaient l'emploi des enfants, dont certains avaient moins de 12 ans, Θtant donnΘ qu'ils pouvaient remplacer des hommes sur certaines machines et que leur salaire Θtait considΘrablement moindre que celui d'un adulte. └ titre d'exemple, dans une fabrique de cigares au cours des annΘes 1880, un homme pouvait gagner en moyenne sept dollars par semaine, alors qu'un enfant ne gagnait qu'entre un et trois dollars par semaine. └ une Θpoque o∙ l'enseignement primaire n'Θtait pas obligatoire et o∙ la famille ouvriΦre avait besoin de rΘunir les salaires du pΦre, de la mΦre et des enfants pour survivre, on ne s'Θtonne pas de constater que le travail des enfants Θtait une pratique gΘnΘralisΘe au QuΘbec.
  72.  
  73.      Ainsi, le recensement fΘdΘral de 1891 rapporte qu'environ 10 000 enfants de moins de 16 ans travaillaient dans les Θtablissements industriels du QuΘbec. On en trouvait un nombre Θquivalent dans les Θtablissements industriels de l'Ontario. Dans les seules villes de MontrΘal et de QuΘbec, les enfants employΘs dans des usines Θtaient au nombre de 3 000, soit 7% de la main-d'oeuvre globale. Il convient aussi de noter qu'α la mΩme date, 28% des employΘs d'usine de ces deux villes Θtaient des femmes. Jusqu'en 1884, il n'existait aucune loi restreignant l'engagement des enfants dans les Θtablissements industriels au Canada. Cette annΘe-lα, l'Ontario adopta une loi en ce sens et fut suivie par le QuΘbec, en 1885. Mais la loi quΘbΘcoise qui interdisait l'emploi d'enfants de moins de 14 ans demeurait rudimentaire et fut amendΘe α plusieurs reprises par la suite. Les premiers inspecteurs chargΘs de faire respecter la loi de 1885 ne furent nommΘs qu'en 1888. Par la suite, leur nombre demeura longtemps insuffisant devant l'ampleur de la tΓche α accomplir.
  74.  
  75.      Les conditions de travail Θtaient pΘnibles dans les grandes fabriques. Les ouvriers et les ouvriΦres de la fin du XIXe siΦcle Θtaient soumis α l'arbitraire des contremaεtres et des rΦglements internes de la fabrique. Les employΘs se voyaient ainsi imposer des amendes de 10 cents ou de 25 cents pour Ωtre arrivΘs en retard, pour avoir parlΘ α un voisin durant le travail, pour s'Ωtre tiraillΘs (dans le cas des enfants). Le montant de ces amendes Θtait considΘrable, compte tenu des salaires de l'Θpoque: d'un α trois dollars par semaine pour les enfants et de cinq α huit dollars par semaine pour les adultes travaillant en usine.
  76.  
  77.      Les abus de pouvoir Θtaient aussi chose courante. └ cet Θgard, il faut citer un cas extrΩme: celui de la fabrique de cigares Fortier, α MontrΘal, o∙ l'on enfermait les enfants turbulents dans un cachot durant une journΘe avant de les battre ou de les conduire devant le recorder (juge de la cour municipale) pour Ωtre jugΘs.
  78.  
  79.      Au XIXe siΦcle, il n'existait aucune forme de sΘcuritΘ sociale telle que l'assurance-accident, l'assurance-ch⌠mage ou un fonds de pension universel. C'est pourquoi un ouvrier malade ou en ch⌠mage Θtait vite acculΘ α la misΦre, lui et sa famille. La mort du pΦre constituait, cela va de soi, une tragΘdie pour le reste de la famille sur le plan Θconomique. Or, les patrons se souciaient peu d'assurer la sΘcuritΘ au travail et nΘgligeaient de prendre des mesures d'hygiΦne ΘlΘmentaires, d'o∙ les accidents et les maladies frΘquentes chez les travailleurs. L'intΘrieur des fabriques et leur environnement extΘrieur Θtaient donc propices au dΘveloppement des maladies industrielles.
  80.  
  81.      Lors des audiences tenues au QuΘbec par la Commission royale d'enquΩte sur les relations entre le capital et le travail, en 1888, plusieurs tΘmoins firent Θtat des longues heures de travail qui prΘvalaient dans la plupart des entreprises. └ une Θpoque o∙ le syndicalisme demeurait relativement faible, sauf dans certains mΘtiers privilΘgiΘs, et o∙ la lΘgislation ouvriΦre Θtait quasi inexistante, les propriΘtaires de fabriques dΘterminaient seuls la durΘe de la journΘe et de la semaine de travail. Or, la recherche du profit maximal et la prΘsence d'une forte concurrence les amenΦrent α exiger de leurs employΘs de longues heures de travail.
  82.  
  83.      Dans le secteur secondaire, la journΘe de travail durait, en moyenne, 10 heures et la semaine, 60 heures. C'est donc dire qu'on travaillait mΩme le samedi. Il n'Θtait pas rare que la semaine de travail atteignεt 72 heures, chez les boulangers ou les mouleurs, par exemple, et dans certains autres mΘtiers lorsqu'on exigeait des ouvriers qu'ils fissent du temps supplΘmentaire. Dans le secteur des services, la semaine de travail Θtait encore plus longue puisqu'elle Θtait souvent de 72 heures et mΩme davantage! C'Θtait le cas des commis de magasin, des conducteurs de tramways, des policiers, des pompiers, des dΘbardeurs du port de MontrΘal, etc. Il importe ici de souligner que les vacances annuelles n'existaient pas pour les travailleurs du XIXe siΦcle et du dΘbut du XXe siΦcle. Le dimanche Θtait la seule journΘe de congΘ, et dans certains cas, des ouvriers Θtaient obligΘs de travailler aussi cette journΘe-lα.
  84.  
  85.      Le XIXe siΦcle fut l'Γge d'or du libΘralisme Θconomique et du ½capitalisme sauvage╗. L'ouvrier vendait sa force de travail au patron qui l'achetait au plus bas prix possible. En l'absence de toute convention collective, il n'y avait pas de normes gΘnΘrales pour fixer les salaires. Chaque ouvrier constituait un cas isolΘ et son salaire, particuliΦrement dans le secteur industriel, Θtait dΘterminΘ par son rendement et par la conjoncture Θconomique de l'entreprise. C'est donc dire que les salaires variaient sensiblement selon les mΘtiers, selon les tΓches α l'intΘrieur d'un mΩme mΘtier selon qu'on Θtait un homme, une femme ou un enfant, selon qu'on Θtait ouvrier qualifiΘ ou non qualifiΘ.
  86.  
  87.      Un ouvrier n'Θtait pas assurΘ de gagner toujours un salaire constant. Outre les baisses de salaires dΘcrΘtΘes par l'entreprise et qui Θtaient frΘquentes au XIXe siΦcle, selon la conjoncture Θconomique, il existait des variations de salaire selon la saison et selon le mode de rΘmunΘration. Il n'Θtait pas rare, en effet, qu'un ouvrier f√t rΘmunΘrΘ tant⌠t α la piΦce, tant⌠t α l'heure, en fonction de l'intΘrΩt de l'entreprise. Au QuΘbec, les salaires les plus bas se retrouvaient dans les secteurs de la chaussure, du textile (coton), du vΩtement et des cigares. Ainsi, en 1888 par exemple, si l'on considΦre qu'un salaire de neuf dollars par semaine Θtait un minimum pour assurer une existence dΘcente α une famille, on constate que la plupart des salaires se situaient en deτα de ce niveau. D'o∙ la nΘcessitΘ pour les autres membres de la famille ouvriΦre de travailler pour complΘter les revenus insuffisants du pΦre.
  88.  
  89. Les conditions de vie 
  90.  
  91.      L'une des premiΦres consΘquences de l'industrialisation a ΘtΘ d'accΘlΘrer le mouvement d'urbanisation. En effet, les nouvelles fabriques se sont surtout installΘes dans les villes existantes, ce qui a eu pour effet d'y attirer des ruraux et des immigrants Θtrangers afin de constituer un vaste rΘservoir de main-d'oeuvre nΘcessaire α l'industrialisation. Les nouveaux prolΘtaires se sont donc installΘs, de faτon anarchique, dans des villes comme MontrΘal et QuΘbec. Il n'existait alors ni politique sociale ni planification urbaine de la part des gouvernements municipaux, provincial ou fΘdΘral. Le dΘveloppement urbain et l'amΘnagement des quartiers ouvriers ont ΘtΘ laissΘs aux mains des spΘculateurs et des propriΘtaires pour qui des questions comme l'environnement et la salubritΘ des logements ouvriers Θtaient le dernier des soucis. C'est ainsi que les ouvriers montrΘalais se sont installΘs autour du canal Lachine, dans le quartier irlandais de Griffintown et dans l'est de la ville dans un environnement laid et insalubre. Il suffit de rappeler qu'au cours des annΘes 1880-1890 il existait encore des toilettes extΘrieures et des Θgouts α ciel ouvert dans les quartiers ouvriers de MontrΘal. On pouvait Θgalement observer la dΘtΘrioration de l'environnement dans le cas de la basse-ville de QuΘbec.
  92.  
  93.      Plusieurs logements Θtaient mal ΘclairΘs, mal aΘrΘs et des familles s'entassaient dans des piΦces trop exiguδs. Le mobilier Θtait rΘduit au minimum et les conditions d'hygiΦne Θtaient dΘplorables. En outre, la ville de MontrΘal coupait pΘriodiquement l'eau courante α plusieurs familles parce qu'elles Θtaient incapables de payer la taxe d'eau imputΘe aux locataires.
  94.  
  95.      La vie quotidienne de la classe ouvriΦre, surtout α MontrΘal et α QuΘbec, se passait entre la fabrique et la maison. L'Θcole Θtait absente du paysage dans la mesure o∙ les parents n'avaient pas les moyens de se priver du revenu de leurs enfants au travail. Par ailleurs, les longues heures de travail et l'absence de vacances annuelles rendaient presque impossible le dΘveloppement des loisirs. Il est vrai que certaines entreprises avaient commencΘ α organiser un pique-nique annuel pour leurs employΘs mais cette pratique timide, qui n'Θtait du reste pas gΘnΘralisΘe, constituait peu de choses par rapport α la vie quotidienne du reste de l'annΘe.
  96.  
  97.      On comprend, dΦs lors, que le problΦme de l'alcoolisme se posait avec acuitΘ dans le milieu ouvrier. Le nombre de dΘbits de boissons Θtait plus ΘlevΘ dans les quartiers ouvriers que dans les autres quartiers de MontrΘal. Des mouvements de tempΘrance, lancΘs par des philanthropes, tentaient de freiner la consommation de l'alcool, mais ils avaient une attitude moralisante par rapport au problΦme. Ils avaient tendance α condamner les pΦres de famille alcooliques et les rendaient responsables de l'Θtat de pauvretΘ de leur famille, au lieu de voir que c'Θtait plut⌠t la pauvretΘ et  l'exploitation des ouvriers qui engendraient l'alcoolisme. Ainsi, par exemple, la ½SociΘtΘ de protection des femmes et des enfants╗ de MontrΘal se vantait, en 1888, d'avoir, en six ans, rΘussi α faire condamner 438 pΦres de famille trouvΘs coupables d'ivrognerie et de brutalitΘ.
  98.  
  99.      Par ailleurs, α une Θpoque o∙ les loisirs Θtaient inexistants pour la classe ouvriΦre et o∙ le syndicalisme demeurait embryonnaire, certaines auberges comme la cΘlΦbre taverne de Joe Beef, constituaient d'importants lieux de rencontre et de solidaritΘ ouvriΦres.
  100.  
  101. Le mouvement ouvrier 
  102.  
  103.      Il fallut du temps avant que le syndicalisme s'implantΓt solidement au QuΘbec. Tout au long du XIXe siΦcle, le mouvement ouvrier est demeurΘ une force relativement faible; ce qui n'exclut pas l'existence de grΦves importantes au cours du siΦcle dernier. Un relevΘ rΘcent en compte plus de 230, de 1843 α 1900, et il y en a eu sans doute davantage. Ces grΦves rΘsultaient d'une action spontanΘe de protestation ou d'une action organisΘe par un syndicat de mΘtiers. Les motifs de grΦve Θtaient nombreux, mais les principaux concernaient la rΘduction des salaires, les mauvaises conditions de travail et les congΘdiements. C'Θtaient des grΦves surtout dΘfensives et le taux d'Θchec Θtait ΘlevΘ, d'autant plus qu'il n'existait pas de lΘgislation dans le domaine de l'arbitrage des conflits de travail au XIXe siΦcle.
  104.  
  105.      Les mΘtiers et les occupations touchΘs par les grΦves Θtaient multiples. Les grΦves les plus spectaculaires Θtaient celles d'ouvriers du domaine du transport: employΘs α la construction de canaux, employΘs des chemins de fer, charretiers et dΘbardeurs. Mais on en trouvait Θgalement chez les typographes et les ouvriers de la construction. Chez les ouvriers de la chaussure, des cigares et du coton, cependant, les grΦves Θtaient plus rares avant la toute fin du XIXe siΦcle α cause du faible pouvoir de nΘgociation des ouvriers non qualifiΘs de ces industries qui pouvaient Ωtre facilement congΘdiΘs.
  106.  
  107.      Quant au syndicalisme proprement dit, il commenτa α se dΘvelopper au cours du deuxiΦme tiers du XIXe siΦcle, en particulier chez les typographes, les dΘbardeurs, les charpentiers de navire, les cordonniers et les menuisiers. Il s'agissait essentiellement de syndicats isolΘs qui dΘfendaient les intΘrΩts de leur mΘtier. Ces unions ouvriΦres n'Θtaient pas encore regroupΘes α l'intΘrieur d'une centrale syndicale.
  108.  
  109.      L'implantation au Canada et au QuΘbec de l'association des Chevaliers du travail, α partir de 1881, vint modifier profondΘment les pratiques syndicales. D'origine amΘricaine, les Chevaliers du travail connurent un progrΦs rapide tant aux ╔tats-Unis qu'au Canada, au cours des annΘes 1880. On peut les considΘrer comme les principaux responsables de la naissance d'un vΘritable mouvement ouvrier structurΘ au QuΘbec. Les Chevaliers du travail ont favorisΘ le dΘveloppement d'une conscience de classe ouvriΦre, au-delα de la conscience de mΘtier qui prΘvalait auparavant.
  110.  
  111.      En effet, jusque-lα, les stratΘgies syndicales des unions de mΘtiers se limitaient α dΘfendre les intΘrΩts immΘdiats de leurs membres, non seulement contre les patrons mais aussi contre un envahissement incontr⌠lΘ du mΘtier, par les ouvriers non qualifiΘs. DΘpassant cette conscience de mΘtier, les Chevaliers du travail ont oeuvrΘ au dΘveloppement d'une conscience de classe plus vaste qui se donnait pour objectif de rΘunir tous les ouvriers, peu importe leur mΘtier ou le niveau de leurs qualifications. Pour atteindre cet objectif, les Chevaliers du travail ont crΘΘ des assemblΘes locales mixtes qui regroupaient des travailleurs qualifiΘs et non qualifiΘs. └ cet Θgard, ce mouvement fut l'ancΩtre des unions industrielles qui se dΘveloppΦrent aux ╔tats-Unis et au Canada, α partir des annΘes 1930, et qui regroupΦrent les ouvriers en fonction d'un type d'industrie plut⌠t qu'en fonction des mΘtiers.
  112.  
  113.      Les Chevaliers du travail furent aussi α l'origine de la fondation du Conseil central des mΘtiers et du travail de MontrΘal,en 1886, et de celui de QuΘbec, en 1890.
  114.  
  115.      MalgrΘ leurs liens organiques avec les Chevaliers du travail amΘricains, les Chevaliers du travail quΘbΘcois dΘveloppΦrent trΦs t⌠t un sentiment d'autonomie qui leur permit de survivre au dΘclin du mouvement aux ╔tats et en Ontario, au cours des annΘes 1890. Ce dΘclin, ailleurs en AmΘrique du Nord, s'explique par l'offensive d'un nouveau mouvement ouvrier: l'American Federation of Labor (AFL). FondΘe en 1886 aux ╔tats-Unis, l'AFL, qui prΘconisait un retour α un syndicalisme de mΘtiers plus conservateur, supplanta les Chevaliers du travail au Canada anglais. Au QuΘbec, les retards d'organisation de l'AFL s'expliquent en partie par la barriΦre linguistique et l'hostilitΘ de l'╔glise catholique face aux unions internationales ½neutres╗. Cependant, les unions internationales affiliΘes α l'AFL rΘussirent α expulser les Chevaliers du travail du CongrΦs des mΘtiers et du travail du Canada, lors de son congrΦs annuel α Berlin (Kitchener) en Ontario, en 1902. DΦs lors, les Chevaliers du travail cessΦrent de constituer une force syndicale au QuΘbec. NΘanmoins, plusieurs de leurs membres furent α l'origine de la fondation d'autres syndicats nationaux.
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  117.      Ainsi, au dΘbut du XXe siΦcle, et plus particuliΦrement α partir des annΘes 1920, on vit se dΘvelopper un dualisme syndical au  QuΘbec, qui marquait l'Θvolution ultΘrieure du mouvement ouvrier:  le syndicalisme national puis catholique, d'une part, et le syndicalisme international, d'autre part. Le syndicalisme international de mΘtiers occupa une place dominante, α MontrΘal en particulier, mais dut composer avec deux autres courants: les unions industrielles (C.I.O.) et les syndicats catholiques, jusqu'en 1956. Cette date marqua la fondation du CongrΦs du Travail du Canada, lequel regroupa dΘsormais les unions de mΘtiers et les unions industrielles. Seule la ConfΘdΘration des travailleurs catholiques du Canada (C.T.C.C.) conserva son autonomie.
  118.  
  119.      L'industrialisation amorcΘe au QuΘbec au cours du dernier tiers du XIXe siΦcle se poursuivit au XXe siΦcle, par vagues successives, jusqu'α nos jours. Mais, cette pΘriode, qui s'Θtendit approximativement de 1870 α 1914, fut fondamentale parce qu'elle marqua le dΘmarrage d'un long processus de transformation de la sociΘtΘ quΘbΘcoise. On pouvait observer ces changements sur le plan de la technologie et de l'organisation du travail puisqu'on passait graduellement de l'artisanat et de la manufacture α la fabrique. Mais, ces transformations de la production eurent aussi des consΘquences profondes sur les conditions de travail et de vie des travailleurs. Ce n'est donc pas un hasard si cette pΘriode co∩ncide avec l'Θmergence d'un vΘritable mouvement ouvrier, car les travailleurs sentaient le besoin de regrouper leurs forces pour affronter la bourgeoisie industrielle capitaliste en Θmergence.  
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