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Text File  |  1996-08-11  |  22KB  |  51 lines

  1. LE TRANSPORT MARITIME ET LA CONSTRUCTION NAVALE DANS LES PROVINCES MARITIMES AU XIXe SI├êCLE 
  2.  
  3. Charles Armour et D. A. Muise 
  4.  
  5.      Les habitants des Maritimes, vivant au voisinage de l'oc├⌐an et ├á proximit├⌐ des ressources mat├⌐rielles exploitables, sont depuis longtemps gens de mer selon une tradition ├á laquelle ils restent fortement attach├⌐s.
  6.  
  7.      En fait, ce qui a attir├⌐ un bon nombre des premiers colons europ├⌐ens dans la r├⌐gion, ce sont les m├⌐tiers reli├⌐s ├á la mer, soit la p├¬che dans les eaux c├┤ti├¿res, soit l'exploitation pour l'exportation des vastes for├¬ts de la r├⌐gion. Les deux genres d'activit├⌐ ont in├⌐vitablement entra├«n├⌐ l'essor de la construction navale et du transport maritime, d'abord simples compl├⌐ments des industries principales, mais qui ont constitu├⌐ par la suite une industrie capable, au moins en partie, d'assurer sa propre croissance.
  8.  
  9.      Dans le monde du XIXe si├¿cle, toutes les constructions ├⌐taient en bois. Les Europ├⌐ens traversaient l'Atlantique sur des voiliers de bois. Pour eux, la mer repr├⌐sentait souvent une ├⌐preuve, une barri├¿re ├á franchir. Plus tard, elle devait devenir moins une barri├¿re qu'un nouveau territoire ├á explorer, riche en ressources naturelles qui devait assurer aux gens des Maritimes un certain progr├¿s mat├⌐riel. Avant la construction des vapeurs et des coques de navire en acier, le voilier de bois ├⌐tait le roi des oc├⌐ans.
  10.  
  11.      Les qualit├⌐s que les habitants des Maritimes ont d├⌐montr├⌐es pour s'adapter ├á la vie en mer dans leur zone limit├⌐e d'influence ont conf├⌐r├⌐ ├á l'┬½├óge du bois, du vent et de la voile┬╗ des proportions quasi ├⌐piques et ont fait une ├⌐poque f├⌐conde en r├⌐cits de grand courage et de hauts faits entour├⌐e d'une gloire qui ne devait pas survivre ├á l'influence d├⌐vastatrice du progr├¿s.
  12.  
  13. I.  Des facteurs qui ont contribu├⌐ ├á l'├⌐tablissement de l'industrie de la construction navale dans les Maritimes 
  14.  
  15.      L'industrie navale des provinces Maritimes doit sa naissance et son essor ├á des forces ext├⌐rieures. Il ne faut pas n├⌐gliger le r├┤le jou├⌐ par l'emplacement de ces provinces et par la convergence de ressources naturelles qui s'y trouvent. Cependant, ce sont des facteurs ext├⌐rieurs qui stimulaient souvent cette croissance, c'est-├á-dire les guerres qui s├⌐vissaient de temps ├á autre en Europe et en Am├⌐rique ou encore la demande, entretenue artificiellement, de ressources coloniales, comme le bois d'oeuvre. Les p├⌐riodes qui encourageaient une expansion rapide de la navigation dans les Maritimes furent tour ├á tour favoris├⌐es et contrecarr├⌐es par ces facteurs ext├⌐rieurs, de la guerre de Sept Ans au milieu du XVIIIe si├¿cle ├á la guerre de Crim├⌐e vers 1850 et la guerre de S├⌐cession aux ├ëtats-Unis pendant les ann├⌐es 1860. Les guerres mettaient des gens et des biens en mouvement, d├⌐tournaient souvent l'attention des participants et permettaient ainsi ├á un ├⌐tranger entreprenant d'exploiter les possibilit├⌐s offertes. Il n'y a rien de tel pour am├⌐liorer la situation d'un pays constructeur de navires qu'une guerre sur un territoire qui n'est pas le sien ou qu'un vaste d├⌐placement de personnes ou de marchandises, comme la ru├⌐e vers l'or en Californie et en Australie dans les ann├⌐es 1850.
  16.  
  17.      La premi├¿re p├⌐riode de l'expansion du transport maritime dans les provinces de l'Atlantique, celle qui a lieu avant 1800, eut peu de rapport avec la construction navale. La guerre de Sept Ans (1754-1760) et la guerre de l'Ind├⌐pendance am├⌐ricaine (1774-1783) amen├¿rent dans la r├⌐gion une classe de commer├ºants. Les membres de cette soci├⌐t├⌐ ├⌐taient souvent des agents au service de grandes entreprises britanniques, ou des entrepreneurs venant des anciennes colonies am├⌐ricaines situ├⌐es plus au sud. La plupart commen├ºaient d'une fa├ºon ou d'une autre dans le commerce de l'approvisionnement des troupes britanniques ├á l'├⌐poque o├╣ Halifax devint le centre de la puissance maritime britannique en Am├⌐rique du Nord. Presque tous les navires en activit├⌐ dans la province avant 1780, et leur nombre ├⌐tait comparativement peu ├⌐lev├⌐, furent construits ailleurs. Les seules exceptions ├⌐taient les esquifs ou les chaloupes utilis├⌐s pour le p├¬che c├┤ti├¿re par les p├¬cheurs acadiens de l'├«le du Cap-Breton, ainsi que les petites embarcations non pont├⌐es dont se servaient les tout premiers colons. Quelques go├⌐lettes, dont la taille ne d├⌐passait gu├¿re celle des embarcations non pont├⌐es utilis├⌐es dans la p├¬che c├┤ti├¿re, servaient ├á transporter le charbon des mines du Cap-Breton, et ├á approvisionner la garnison de Halifax. La capacit├⌐ de ces vaisseaux d├⌐passait rarement cinquante tonneaux.
  18.  
  19.      ├Ç cette ├⌐poque, le transport maritime ├⌐tait tr├¿s li├⌐ ├á l'expansion commerciale. Il est essentiel de rappeler ici que l'activit├⌐ commerciale d├⌐pendait ├⌐troitement des liens qui unissaient la r├⌐gion et l'Empire britannique. La r├⌐volution am├⌐ricaine, qui amena l'effondrement du premier Empire britannique, donna ├á la r├⌐gion des Maritimes une excellente occasion de cro├«tre ├á l'int├⌐rieur des limites prot├⌐g├⌐es de la nouvelle organisation imp├⌐riale. Au d├⌐but, cela s'exprimait par des dispositions interdisant aux navires des ├ëtats-Unis de participer au commerce lucratif avec les Antilles. Cet ensemble de lois, connu sous le nom de Navigation Acts accorda la pr├⌐f├⌐rence aux navires et aux commer├ºants de l'Empire; aussi les marchands des Maritimes ne tard├¿rent-ils pas ├á d├⌐fendre leur droit d'approvisionner les Antilles en marchandises premi├¿res telles que le poisson et les douves de tonneau, sans oublier les denr├⌐es alimentaires. Ce premier d├⌐veloppement entra├«na une accumulation de capital et d'exp├⌐rience qui permettront plus tard aux Maritimes d'investir des sommes importantes dans la construction navale. Les avantages qu'il y avait ├á demeurer dans l'Empire ├⌐taient tels que des commer├ºants des Maritimes trouvaient souvent profitable de devenir d'ardents imp├⌐rialistes.
  20.  
  21.      Un autre facteur ext├⌐rieur connexe, encore plus important, fut la p├⌐nurie de bois pour les navires et les b├ótiments qui se fit en Grande-Bretagne au tournant de si├¿cle. Le guerres napol├⌐oniennes ayant ferm├⌐ les ports de la Baltique aux marchands de bois anglais, l'Am├⌐rique du Nord ne tarda pas ├á devenir la principale source d'approvisionnement de la Grande-Bretagne. Les ├⌐normes for├¬ts de l'Am├⌐rique du Nord britannique furent assaillies par les b├╗cherons, et leur bois fut ensuite exp├⌐di├⌐ au-del├á de l'Atlantique. Plus que tout autre chose, cette exploitation entra├«na l'expansion de la construction navale lans les Maritimes, car il fallait des navires d'un plus gros tonnage pour transporter les cargaisons de bois. En m├¬me temps cette exploitation attira pour la premi├¿re fois l'attention des entrepreneurs britanniques sur les possibilit├⌐s d'investissement dans les Maritimes.
  22.  
  23.      Une autre ressource importante de Martimes contribua ├⌐norm├⌐ment au d├⌐veloppement de la marine marchande. L'abondance de poissons de diverses sortes au large des c├┤tes de l'Am├⌐rique du Nord attirait les Europ├⌐ens depuis le XVIe si├¿cle. Les colons qui venait s'├⌐tablir dans les innombrables baies et ports, en Nouvelle-├ëcosse surtout, ├⌐taient souvent d├⌐j├á habitu├⌐s ├á gagner leur vie sur la mer. Cela ├⌐tait particuli├¿rement vrai pour les gens de la Nouvelle-Angleterre, venus avant et apr├¿s la r├⌐volution am├⌐ricaine. Pour ces efforts, le colon arrivait ├á attraper les poissons sans trop de difficult├⌐s et ├á les vendre sans probl├¿me; ainsi, m├¬me ceux qui n'avaient aucune exp├⌐rience, comme par exemple les colons allemands install├⌐s ├á Lunenburg dans les ann├⌐es 1750, ne tard├¿rent pas ├á se lancer dans l'industrie de la p├¬che. On se retrouva donc avec une population qui devint rapidement habile dans les m├⌐tiers de la mer. Celle-ci constitue ├⌐galement une voie de communication facile d'une colonie ├á une autre. Du m├⌐tier de p├¬cheur ├á celui de marin, il n'y a qu'un pas; nombreux furent les fils des premiers colons qui le franchirent, et avec un minimum de d├⌐paysement.
  24.  
  25. II.  L'├⌐volution de la construction navale dans les Maritimes 
  26.  
  27.      Pendant les premi├¿res d├⌐cennies du XIXe si├¿cle les Maritimes b├⌐n├⌐fici├¿rent d'une incroyable accumulation de capitaux qui ├⌐tait associ├⌐e ├á la construction navale et ├á l'industrie du bois. Les marchands britanniques qui envoyaient leurs agents en Am├⌐rique du Nord mirent peu de temps ├á se rendre compte que toutes les ressources n├⌐cessaires ├á la construction navale se trouvaient d├⌐j├á sur place et qu'il ne manquait qu'une main-d'oeuvre exp├⌐riment├⌐e et des ing├⌐nieurs sp├⌐cialis├⌐s dans ce domaine pour r├⌐aliser toutes les possibilit├⌐s qui existaient. Bien qu'on f├«t venir des ouvriers sp├⌐cialis├⌐s directement de Grande-Bretagne pour surveiller la construction des b├ótiments, on ne tarda pas ├á int├⌐grer la main-d'oeuvre locale dans l'industrie. La complexit├⌐ de la construction navale n├⌐cessitait la coordination de plusieurs m├⌐tiers: depuis les charpentiers en navires jusqu'├á ceux qui faisaient les voiles, en passant par toute la gamme des m├⌐tallurgistes qui produisaient les ferrures essentielles ├á une bonne construction.
  28.  
  29.      Pendant ces premi├¿res ann├⌐es les navires ├⌐taient con├ºus d'une fa├ºon plut├┤t rudimentaire et la qualit├⌐ d'ex├⌐cution ne fut pas souvent ├á la hauteur des normes europ├⌐ennes. Dans certains cas, les navires ├⌐taient ├á peine plus que des chalands de haute mer qui souvent ├⌐taient d├⌐molis quand ils arrivaient en Grande-Bretagne avec leur cargaison de bois. Ces bateaux ├⌐taient difficiles ├á manoeuvrer et contribuaient pour une large part ├á la r├⌐putation parfois mauvaise qu'avaient les navires construits dans les colonies pendant le premier tiers du si├¿cle. Il ne s'agit l├á, cependant, que d'une phase passag├¿re et les navires coloniaux commenc├¿rent ├á acqu├⌐rir une r├⌐putation d'excellence tr├¿s l├⌐gitime dans les ann├⌐es 1830 et 1840. Cette p├⌐riode marqua le v├⌐ritable d├⌐but de la construction navale dans les colonies et vit appara├«tre d'excellents architectes coloniaux. Le renom international de Donald McKay date de cette ├⌐poque de pleine croissance. Son exp├⌐rience montra ├á quel point l'industrie des Maritimes avait des liens avec celle qui se d├⌐veloppait le long du littoral nord-ouest de l'Atlantique. Les innovations dans les techniques et dans la conception se succ├⌐d├¿rent rapidement pendant le deuxi├¿me tiers du si├¿cle et les constructeurs des Maritimes firent preuve d'autant d'entreprise que leurs homologues dans d'autres pays ├á adapter et ├á mettre au point des m├⌐thodes nouvelles et meilleures dans la construction de navires au long cours.
  30.  
  31.      L'┬½├óge d'or┬╗ de la construction marqua ├⌐galement l'apog├⌐e du voilier comme instrument de l'├⌐conomie des Maritimes. C'est une chose d'utiliser des comp├⌐tences techniques dans l'exploitation d'une ressource naturelle de fa├ºon ├á produire une marchandise commercialisable, c'est une autre chose d'exploiter des avantages d'emplacement et de main d'oeuvre de fa├ºon ├á tailler pour le produit de ces comp├⌐tences une place dans un march├⌐ concurrentiel. Les Maritimes ne tard├¿rent pas ├á profiter de ces avantages et ├á faire de la construction navale une entreprise ph├⌐nom├⌐nale. En l'espace d'une g├⌐n├⌐ration, les colonies maritimes, dont la participation ├á la navigation mondiale ├⌐tait passablement insignifiante au d├⌐but, se hiss├¿rent au rang des grandes puissances pour le tonnage poss├⌐d├⌐. Vers 1850, l'activit├⌐ r├⌐unie des trois colonies maritimes leur permit de gagner les rangs des puissances maritimes du monde et d'occuper la quatri├¿me place derri├¿re la Grande-Bretagne, la France et les ├ëtats-Unis.
  32.  
  33.      Cet essor prodigieux survint parce que les marchands et les investisseurs ├⌐taient pr├¬ts ├á collaborer ├á la construction, ├á la propri├⌐t├⌐ et ├á l'exploitation des navires. Un r├⌐gime complexe d'investissement, aux termes duquel constructeurs et fournisseurs avaient souvent des int├⌐r├¬ts dans un vaisseau donn├⌐ ou dans un groupe de vaisseaux, fit du commerce maritime une ├⌐conomie collective qui influen├ºa ├á peu pr├¿s tous les aspects de la soci├⌐t├⌐ des Maritimes. Cela fut possible parce que les capitaux n├⌐cessaires pour ├⌐tablir un chantier naval ├⌐taient plut├┤t modestes. En fait, puisque tant de ports avaient leur propre chantier naval, il aurait ├⌐t├⌐ difficile de trouver un centre de premi├¿re importance. Souvent, l'emplacement d'un chantier d├⌐pendait de la proximit├⌐ d'une source de bois appropri├⌐ ou de la disponibilit├⌐ d'une main-d'oeuvre convenable; au cours des ann├⌐es, des chantiers navals se d├⌐plac├¿rent souvent d'un port ├á l'autre.
  34.  
  35.      Le centre de cette industrie, si l'on tient absolument ├á en trouver un, pourrait se situer ├á Saint-Jean (N.-B.); les vastes for├¬ts de la vall├⌐e de la rivi├¿re Saint-Jean y garantissaient un approvisionnement constant du bois essentiel ├á la construction navale. Les chantiers navals de Saint-Jean ├⌐taient c├⌐l├¿bres dans le monde entier et, au XIXe si├¿cle, produisirent quelques-uns des plus gros et des meilleurs navires gr├⌐es en carr├⌐ qu'on ait construits ├á cette ├⌐poque dans le monde entier. Le Marco Polo (1,625 tonneaux), construit en 1851, ├⌐tait peut-├¬tre le plus connu de ces gros b├ótiments, mais il y en avait bien d'autres de taille et d'importance ├⌐gales. Ces grands navires exigeaient bien s├╗r une mobilisation de capital et de main-d'oeuvre qui allait au-del├á des possibilit├⌐s de la plupart des chantiers navals des Maritimes. Les milliers de go├⌐lettes, de barques, de brigantins, etc., construits le long de la c├┤te n├⌐cessitaient ├⌐norm├⌐ment d'habilet├⌐ et d'esprit d'entreprise, mais ├⌐taient habituellement le produit de chantiers beaucoup plus petits, caract├⌐ris├⌐s par une bonne proportion de sous-traitance pour divers aspects de la construction.
  36.  
  37.      La relation entre construction navale d'une part, et propri├⌐t├⌐ et exploitation de navires d'autre part n'est pas aussi ├⌐vidente qu'on pourrait le croire ├á premi├¿re vue. Souvent, les deux sont tr├¿s distinctes. La plupart des navires ├⌐taient probablement faits sur commande par des constructeurs, soit pour des marchands locaux, soit pour des acheteurs ├⌐trangers. Pour ce qui est de la propri├⌐t├⌐, par contre, elle peut se r├⌐duire ├á l'exploitation d'une simple petite go├⌐lette pour la p├¬che en haute mer, comme elle peut aller jusqu'├á comprendre une flotte de plusieurs navires employant de nombreux marins et voguant sur toutes les mers du monde. Certains navires ├⌐taient construits pour ├¬tre vendus presque imm├⌐diatement, tandis que d'autres demeuraient la propri├⌐t├⌐ de gens des Maritimes pendant des ann├⌐es et servaient leurs propri├⌐taires sans interruption. Ce fut surtout le cas pendant les quelques d├⌐cennies qui suivirent 1850, ├⌐poque o├╣ le commerce mondial comparativement libre et la mont├⌐e en fl├¿che des exp├⌐ditions internationales de marchandises cr├⌐├¿rent une forte demande pour les bons navires marchands. C'est la derni├¿re belle ├⌐poque du voilier, et les habitants des Maritimes ├⌐taient alors probablement les marins les plus habiles du monde dans le transport des marchandises.
  38.  
  39. III.  La Navigation et les gens des Maritimes 
  40.  
  41.      L'union ├⌐troite qui s'├⌐tablit ├á cette ├⌐poque entre la population et la politique des Maritimes d'une part, et les activit├⌐s reli├⌐es ├á l'oc├⌐an d'autre part, ├⌐tait si ├⌐vidente qu'elle ne suscitait gu├¿re de commentaires de la part de ceux qui y participaient. Les all├⌐es et venues d'un grand nombre de navires venant de partout constituaient presque quotidien dans les petits ports comme Yarmouth et Sydney, pour ne pas parler de Halifax ni de Saint-Jean. Il n'├⌐tait pas rare que des vaisseaux partent de leurs ports d'attache pour une p├⌐riode de deux ou trois ans pendant laquelle, ils faisaient plusieurs travers├⌐es de l'Atlantique et, parfois des voyages dans le Pacifique, en transportant bien des cargaisons diff├⌐rentes. Les jeunes habitants des Maritimes avaient l'occasion de visiter des coins ├⌐loign├⌐s du monde et souvent, ils en venaient rapidement ├á ├¬tre ├á la t├¬te de leurs propres b├ótiments. Nombreux ├⌐taient les capitaines de moins de trente ans qui ├⌐taient commandants des navires employant plusieurs hommes. Cela est un peu moins surprenant lorsqu'on songe que les mousses s'embarquaient d├¿s l'├óge de dix ou douze ans. Parfois, le capitaine ou le second emmenaient leur famille en voyage, de sorte que leurs enfants faisaient tr├¿s jeune l'exp├⌐rience de la vie en mer.
  42.  
  43.      Bien s├╗r, le navire ├á voile ├⌐tait ├⌐galement un mode de transport assez dangereux. Le marin ne pouvait compter que sur quelques instruments pour juger de sa position et de sa vitesse, et sur ├á peu pr├¿s rien en fait de dispositifs de s├⌐curit├⌐. ├Ç bord d'un navire, tout ├⌐tait organis├⌐ d'une fa├ºon autocratique, et la vie de tout un ├⌐quipage pouvait d├⌐pendre de la d├⌐cision du capitaine de carguer les voiles ou de changer de direction par mauvais temps. La plupart des navires ├⌐taient petits en comparaison des g├⌐ants que sont les b├ótiments de haute mer d'aujourd'hui et ils ├⌐taient soumis aux caprices du vent et du temps. Les pertes de vies et de b├ótiments ├⌐taient monnaie courante dans la vie des Maritimes, quelle que f├╗t l'habilet├⌐ des marins. De violentes temp├¬tes pouvaient an├⌐antir des douzaines de navires et des centaines d'hommes d'un seul coup. Dans certaines parties des Maritimes, l├á o├╣ la navigation occupait le plus de gens, il n'y avait gu├¿re de familles qui ne furent pas ├⌐prouv├⌐es par le mer.
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  45.      On ne pouvait employer un voilier en bois pour transporter des cargaisons que pour un temps limit├⌐. Les navires ├⌐taient class├⌐s par les soci├⌐t├⌐s d'assurance selon un syst├¿me compliqu├⌐ de mesures qui tenaient compte de la nature des mat├⌐riaux, de la r├⌐putation des constructeurs et d'une foule de facteurs connexes. Cependant, c'├⌐tait surtout l'├óge qui d├⌐terminait la cat├⌐gorie. Apr├¿s cinq ou dix ans de mer, il ├⌐tait difficile d'obtenir une bonne assurance pour les cargaisons. Il en r├⌐sultait que pendant les premi├¿res ann├⌐es de rendement optimum des b├ótiments, on les exploitait jusqu'├á la limite de leurs possibilit├⌐s de fa├ºon qu'ils rapportassent le maximum de profits ├á leurs constructeurs et ├á leurs propri├⌐taires. Ces navires finissaient souvent leurs jours dans un r├┤le plut├┤t indigne: comme charbonniers ou comme caboteurs, transportant ├á bas prix des cargaisons encombrantes et de peu de valeur. Ce n'├⌐tait d'ordinaire qu'une question de temps avant qu'un b├ótiment trait├⌐ de cette fa├ºon ne f├╗t englouti par la mer. L'esp├⌐rance de vie d'un navire bien construit pouvait atteindre vingt ans, mais il s'agissait l├á plut├┤t de l'exception que de la r├¿gle.
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  47.      Un petit groupe d'entrepreneurs des Maritimes avait amass├⌐ des fortunes respectables en exploitant la situation internationale et en profitant de l'avantage g├⌐ographique et des ressources humaines de la r├⌐gion. Cependant, ce ph├⌐nom├¿ne n'avait pas donn├⌐ lieu ├á un d├⌐veloppement ├⌐conomique de longue dur├⌐e. Les revenus de l'industrie maritime reposaient en effet sur la prestation de services sur le march├⌐ international. Tant que les Maritimes pouvaient surmonter la concurrence d'autres centres de construction navale les revenus entraient, mais ceux-ci menaient rarement ├á l'├⌐tablissement d'une activit├⌐ industrielle ├á fort capital dans la r├⌐gion, sauf dans une ou deux villes comme Saint-Jean et Yarmouth. L'investissement dans la navigation ├⌐tait en fait plut├┤t instable, c'est-├á-dire susceptible d'├¬tre retir├⌐ de l'industrie et r├⌐investi dans des secteurs plus r├⌐mun├⌐rateurs de l'├⌐conomie. Avec la disparition du voilier ├á coque de bois et son remplacement par des navires au long cours ├á coque d'acier, actionn├⌐s ├á vapeur, l'├⌐conomie des Maritimes subit un dur coup. L'absence d'une base diversifi├⌐e rendait la r├⌐gion particuli├¿rement vuln├⌐rable aux changements de l'├⌐conomie internationale. Cette situation, ainsi que la r├⌐orientation des ├⌐changes commerciaux du Canada qui suivit la Conf├⌐d├⌐ration du Canada, bouleversa l'├⌐conomie traditionnelle. Heureusement, l'exploitation du charbon et une certaine industrialisation en Nouvelle-├ëcosse, de m├¬me que l'essor de la papeterie au Nouveau-Brunswick, amortirent quelque peu le choc; cependant, la position inconfortable des Maritimes dans la Conf├⌐d├⌐ration a toujours ├⌐t├⌐ une cons├⌐quence de la p├⌐riode de transition qui co├»ncida avec les premiers temps de la Conf├⌐d├⌐ration. Quoi qu'il en soit, le souvenir d'une ├⌐poque o├╣ les fils de la Nouvelle-├ëcosse ├⌐taient consid├⌐r├⌐s comme les meilleurs marins du monde subsiste encore dans les Maritimes.
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  49.      De cette union tr├¿s ├⌐troite avec la mer il a d├⌐velopp├⌐ un patrimoine extr├¬mement riche qui fait partie int├⌐grante de la vie m├¬me des Maritimes. L'├óge des ┬½navires de bois et des hommes de fer┬╗ est fertile en r├⌐cits d'h├⌐ro├»sme individuel en face d'une mer hostile et cruelle. Recueillis au hasard ├á l'├⌐poque et embellis par les g├⌐n├⌐rations qui se les transmettaient, les r├⌐cits romantiques de la lutte de l'homme contre la nature ont enrichi la rime du po├¿te et l'histoire du conteur. La d├⌐cadence de l'industrie maritime pendant le dernier tiers du si├¿cle et le d├⌐clin subs├⌐quent de maints ports minuscules qui avaient si bien servi l'industrie ne faisaient qu'accentuer le culte que vouaient certaines r├⌐gions des Maritimes ├á l'┬½├óge d'or┬╗ qui avait pr├⌐c├⌐d├⌐ la Conf├⌐d├⌐ration.  
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