De la Révolution tranquille aux États généraux sur lÆéducation

Cas vécu: l'École Notre-Dame-des-Neiges

Parallèlement à ces efforts gouvernementaux, se déroule à Montréal, de 1970 à 1980, une tentative concrète de changement en ce qui a trait à la confessionnalité scolaire. Il s'agit du cas de l'école élémentaire Notre-Dame-des-Neiges, officiellement de confessionnalité catholique, qui souhaite offrir à sa clientèle étudiante un enseignement spirituel pluraliste. [Plante-Proulx]

Ce qui peut paraître à première vue comme une affaire à caractère strictement confessionnel a commencé plutôt par la mobilisation d'un groupe de parents qui voulaient simplement sauver leur école de quartier. En effet, l'école Notre-Dame-des-Neiges, qui vient tout juste d'être construite en 1971, menace dès l'année suivante de fermer ses portes faute de clientèle. La majorité des parents du quartier, assez à l'aise financièrement, préfère envoyer leurs enfants dans l'une ou l'autre des nombreuses écoles privées des environs.

Les parents du comité d'école organisent donc les services souhaités: cantine le midi, garderie en milieu scolaire, transport scolaire adéquat, etc. L'école double sa clientèle mais passe de 92% française à 71%, et de 94% catholique à 68%. Les mentalités changent et la nouvelle diversité de la clientèle, qui représente mieux la véritable population du quartier, pousse l'école à vivre quotidiennement et officieusement un genre de ½confessionnalité ouverte╗. [Plante-Proulx]

Dès 1973, un professeur demande à être exempté de l'obligation d'enseigner la religion catholique par respect de l'authenticité qu'exige, selon lui, une vraie démarche religieuse. La même année, quelques enfants sont exemptés de l'enseignement préparatoire à l'Eucharistie. En 1975-76, on offre à 50 enfants un programme de formation morale donné par trois professeurs exemptés de l'enseignement de la catéchèse.

En 1978, les parents se prononcent à 92% pour une école pluraliste et non confessionnelle. Les membres du personnel de l'école votent également en faveur à 79%. Le Conseil paroissial de Pastorale, allié à 290 personnalités catholiques de la région appuie la démarche ainsi que le commissaire du quartier. Même le ministère de l'Éducation est sympathique à la cause. Il faut savoir que la proportion d'enfants exemptés atteint maintenant 36% et qu'il devient de plus en plus difficile, dans ces conditions, de rallier l'ensemble des élèves et des enseignants autour d'un projet éducatif à caractère catholique.

En 1979, le Comité d'école demande officiellement la déconfessionnalisation de l'école afin que celle-ci ½devienne une école juridiquement non confessionnelle et pluraliste au plan religieux╗. [Plante-Proulx] Cette proposition est acceptée par le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation qui accepte de révoquer le caractère confessionnel de l'école.

Cette décision est aussitôt portée en appel par la minorité de parents qui défend le maintien du statut confessionnel strict. Ces parents sont appuyés par l'archevêque de Montréal, l'Association des parents catholiques du Québec (APCQ), le Mouvement scolaire confessionnel (MSC) et une majorité de commissaires de la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM), ceux qui ont été élus avec l'appui actif du MSC.

En 1980, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec établit par jugement que la CECM n'a pas le droit d'administrer des écoles élémentaires qui ne seraient pas catholiques. Par conséquent, l'école Notre-Dame-des-Neiges ne peut être que catholique.

Avec cette tentative avortée de déconfessionnalisation, on peut constater que, même lorsqu'une communauté locale souhaite changer le statut confessionnel de son école, le caractère ½confessionnel╗ des commissions scolaires, notamment celles de Montréal et de Québec, rend ce changement impossible, en vertu de l'article 93.1 de la Constitution canadienne de 1867.

Conçue initialement pour protéger les droits des peuples fondateurs du Québec, cette ½vieille╗ loi constitutionnelle, était adéquate en 1867 au moment où la population québécoise se constituait en deux groupes homogènes. De nos jours, elle entrave le développement d'une organisation scolaire plus souple et plus moderne qui serait en mesure de respecter la grande pluralité de la société québécoise contemporaine.


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