De la Révolution tranquille aux États généraux sur lÆéducation

Une société en transformation


Au milieu des années 1950, s'amorce, en effet, un vaste débat de société quant à plusieurs problèmes constitutionnels, confessionnels et linguistiques. L'éducation semble au premier rang des préoccupations. Dès 1956, la commission Tremblay déclare que: ½140 mémoires, sur les 250 présentés à la commission, abordent un aspect ou l'autre de la réforme scolaire considérée urgente.╗ [CSE].

Au début des années 1960, plus précisément en 1961, le gouvernement ordonne la tenue d'une Commission royale d'enquête sur l'enseignement au Québec, ayant le mandat d'étudier l'organisation et le financement de l'éducation ainsi que de préparer la réforme scolaire à venir. Il s'agit de la commission Parent, du nom de Mgr Parent, vice-recteur de l'Université Laval, président de l'étude. La remise des différentes parties du rapport s'est étalée de 1963 à 1966 et a provoqué toutes sortes de réactions de la part des différents intervenants du milieu scolaire.

De façon générale, la Commission recommande au gouvernement le respect de la diversité en termes d'option religieuse. Elle définit la confessionnalité en lui accordant essentiellement deux sens: la confessionnalité stricte qui correspond à des écoles où toutes les activités scolaires doivent concourir à l'éducation et à la pratique religieuses de l'enfant, vision que prône l'Épiscopat ainsi que la confessionnalité large qui correspond à des écoles où les cours d'enseignement religieux pourraient être constitués d'un corps doctrinal chrétien commun à plusieurs confessions religieuses. Les enfants y recevraient une éducation selon leur religion (lorsque chrétienne) et les enfants membres d'une autre religion en seraient dispensés.

En fait, le message qui ressort le plus clairement du rapport, c'est que la population du Québec a changé et change encore. Alors il serait souhaitable que le système scolaire respecte dorénavant son caractère pluraliste au point de vue religieux. On y propose donc un modèle d'école publique, qui pourrait être confessionnelle, dans certains cas, et non confessionnelle, dans d'autres. C'est un modèle qui reflète la pluralité des besoins sociaux, qui répond aux désirs des parents et des enseignants, qui respecte les droits acquis par les communautés catholiques et protestantes tout en demeurant en-deçà des pouvoirs dont dispose l'État pour les mettre en application.

En 1964, l'adoption du Bill 60 permet la création du ministère de l'Éducation. Mais, comme on l'a vu plus tôt, le Bill 60 ne correspond pas tout à fait aux recommandations du rapport Parent concernant l'option de la diversité au niveau confessionnel. Au contraire, ½la juridiction des Comités confessionnels a été étendue, leur autorité précisée et accrue, par rapport à celles des anciens Comités du Conseil de l'instruction publique╗ [Després-Poirier].

Après quelques années de statu quo, un nouveau processus de réforme s'amorce à la fin de l'année de 1970, quelques mois seulement après l'entrée au pouvoir du Parti québécois. Ainsi, en 1977, le ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, publie le ½Livre vert╗. Il y est surtout question du système de gestion administrative et très peu de confessionnalité. En 1979, le gouvernement organise la conférence Québec-Commissions scolaires, suivie d'un second rapport officiel, le ½Livre orange╗, intitulé : L'école québécoise. Énoncé de politique et plan d'action dans lequel le ministre se fait très conservateur.

En juin 1982, le nouveau ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin, publie le ½Livre blanc╗ intitulé: L'École québécoise: une école communautaire et responsable qui traduit une importante réorientation. On y suggère que l'école devienne le pivot du système, reléguant ainsi en arrière-plan les commissions scolaires. On y prévoit de transformer les commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques.

Un an plus tard, le projet de loi 40, basé sur ces recommandations, est présenté, longuement débattu et retiré, car aussitôt accueilli par un tollé de protestations. Un nouveau ministre de l'Éducation, M. Bérubé, dépose en 1984 le projet de loi 3 qui inclut des garanties de confessionnalité principalement pour les écoles et remplace les commissions scolaires confessionnelles par des commissions de langue française ou de langue anglaise. En se basant sur la charte des Droits et Libertés de la Personne, on y suggère également de remplacer le régime de l'exemption religieuse par un régime de l'option entre éducation religieuse et éducation morale.

Encore une fois les protestations sont fortes et les plus passionnées proviennent justement du terrain de la confessionnalité. Pour l'aile modérée, ½les écoles sont d'abord publiques avant d'être confessionnelles╗ [Cahiers de l'Association canadienne française pour l'Avancement des sciences].

Pour les principaux intervenants favorables au maintien d'une stricte confessionnalité des commissions scolaires et des écoles comme l'Association des parents catholiques, la Coalition des Parents chrétiens, la Commission des Écoles catholiques de Montréal et l'Office diocésain de l'Éducation (chapeauté par l'archevêque de Montréal lui-même), Mgr Grégoire, il n'y a que le statu quo qui soit souhaitable.

½Pour sa part, le Mouvement laïque québécois appelle à la déconfessionnalisation complète de l'enseignement public, qui doit devenir commun et laïque.╗ [Palard]. Le mouvement demande la séparation réelle de l'État et des Églises, la laïcité des écoles publiques, la disparition des comités confessionnels et du Conseil supérieur de l'éducation et la suppression totale des services d'enseignement religieux.

Dans les faits, la loi 3 est invalidée par la Cour en raison de la restriction du territoire des commissions scolaires confessionnelles protégées de Montréal et de Québec qui y est faite, ce qui ne tient pas compte de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique. Le Québec change alors de gouvernement et cette décision du tribunal n'est finalement jamais contestée en Cour suprême du Canada.

On peut constater que, même lorsque le législateur québécois souhaite changer le statut confessionnel de ses commissions scolaires, il n'est pas vraiment possible de le faire en raison de la protection accordée aux protestants et aux catholiques par l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867.


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