Revendications et engagement sociopolitique : 1968-1982

Les affrontements idéologiques liés à la réforme scolaire: 1968-1976 (suite)

Il en est de même de sa propre évolution, amorcée en 1969, qui met fin dès 1970 à l'ambiguïté syndicat/profession, pour finalement aboutir en 1974 à la transformation en centrale syndicale, soit la Centrale de l'enseignement du Québec. Déjà, depuis 1967, la CEQ recrute d'autres personnels liés au système éducatif, de même que d'autres corps de métier, fondant la solidarité et la combativité nécessaires à cette action, en vue des prochaines négociations. La Crise d'octobre de 1970, avec les arrestations arbitraires et la répression policière, le rapport Dion sur l'endoctrinement des élèves par les enseignants et la déqualification du personnel enseignant en 1971 sont des événements qui renforcent les convictions ½socialisantes╗ de tous. Ils ne sont pas sans donner lieu à d'importants débats internes. Ces faits, joints à ce que Lessard et Tardif [Lessard, C. et M. Tardif] nomment ½les grandes vagues de perfectionnement╗ que suscitent l'universitarisation de la profession, l'implantation des programmes-cadre et des nouvelles technologies de l'époque, entraînent éventuellement une dissension syndicale-professionnelle qui aboutit entre autres à l'exclusion par la CEQ du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec (CPIQ), regroupant les membres (environ 15 000 à ce moment) selon leur discipline d'enseignement. C'est cet organisme qui, quelque trente ans plus tard, inscrira une demande de création d'un ordre professionnel, ainsi qu'on le verra plus loin.

Ainsi, le climat de méfiance réciproque CEQ/gouvernement déjà en place se nourrit de ces débats, de même que des rondes de négociations en front commun. Celle de 1972, guidée par la loi 46 ½Loi du régime de négociations dans les secteurs de l'éducation et des hôpitaux╗, est marquée par une grève générale de 24 heures (28 mars), puis une grève de 10 jours à partir du 11 avril, réprimée par le bill 19 suite aux injonctions non suivies, par l'emprisonnement des dirigeants syndicaux, puis une grève de solidarité à la grandeur du Québec le 9 mai (environ 30 000 grévistes). La CEQ obtient finalement certains gains concernant la tâche, la sécurité d'emploi, le régime de retraite, tout en se voyant imposer un décret. Elle riposte en votant, dès son congrès de 1972, la non-participation aux organismes consultatifs du système éducatif, consommant définitivement et radicalement sa rupture idéologique avec l'État.

La ronde de négociations de 1975 débute sur fond de dissensions syndicales, aussi bien au niveau des centrales elles-mêmes qu'au niveau interne. L'enjeu est principalement financier, compte tenu de la perte du pouvoir d'achat entraînée par la crise du pétrole de 1973. Le gouvernement fixe les règles des négociations à l'avance par des lois comme la loi anti-inflation de 1975. Une dizaine de grèves de 24 heures sont alors déclenchées en guise de protestation pendant les années 1975 et 1976. Chez les enseignants, ces grèves sont réprimées par la loi du 23 avril 1976 ordonnant leur retour au travail. Les négociations se poursuivent et les enseignants acceptent les offres patronales en août 1976, obtenant des gains intéressants en termes d'arbitrage des ratios d'élèves et de sécurité d'emploi (au troisième renouvellement de contrat), en échange d'une mobilité provinciale. La charge de travail est aussi améliorée (adoption du principe d'un temps maximum individuel malgré le statu quo en termes d'heures: 27 heures/semaines). Il reste que le gouvernement, aux yeux du front commun et de la CEQ en particulier, se comporte comme le porte-parole de la ½classe dominante╗, justifiant ainsi l'affrontement avec la société québécoise. Les élections de 1976 viennent momentanément changer ce climat.

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