La formation linguistique des jeunes et des adultes

Prise en charge québécoise de l'intégration des adultes

L'immigration a été longtemps encadrée par le gouvernement fédéral et l'intégration des immigrants était principalement laissée aux forces socioéconomiques en présence. La situation change à partir des années 60 avec l'entrée en scène d'un nouvel intervenant : le gouvernement du Québec. De plus, les États se sentent beaucoup plus responsables de l'intégration des nouveaux arrivants.

L'engagement du Québec se traduira, entre autres, par des ententes avec les autorités fédérales. Mais l'immigration est une compétence qui appartient encore en propre au gouvernement fédéral. Les ententes avec le Québec sont de nature administrative. Elles peuvent donc, à leur échéance, être révoquées par le gouvernement fédéral.
En 1968, l'Assemblée nationale du Québec adopte une loi créant le ministère de l'Immigration du Québec (MIQ), dont le mandat est d'attirer au Québec des immigrants susceptibles de contribuer à son développement et de favoriser leur intégration à la société québécoise. La même année, naissent les cofis (Centres d'orientation et de formation des immigrants). Ces derniers dépendent alors de la Loi fédérale sur la formation professionnelle des adultes (FPA) et leur mandat est conséquemment axé sur l'intégration des nouveaux immigrants au marché du travail. Cet objectif différencie alors les cours des cofis de ceux dispensés par le réseau scolaire du ministère de l'Éducation. En 1975, considérés comme un lieu privilégié de l'insertion des nouveaux immigrants, les cofis sont intégrés au MIQ. En 1977, la formation en anglais offerte dans les cofis est abolie. On peut présumer que la décision d'offrir la formation en français uniquement fut prise dans le contexte du réaménagement des politiques linguistiques du gouvernement du Québec et, de façon indirecte, des débats engagés, à partir de 1968, dans la société québécoise, sur le statut du français et sur l'intégration des immigrants (Wagner, 1998).

En 1978, l'Entente administrative Couture-Cullen entre les autorités fédérales et québécoises accorde au gouvernement du Québec une autonomie plus grande en matière d'immigration. Cette même année, le ministère étend aux cofis son offre de cours à temps partiel, jusque-là réservée aux commissions scolaires.

En 1981, le ministère de l'Immigration devient le ministère des Communautés culturelles et de l'immigration (MCCI). Son mandat est élargi pour englober la planification, la coordination et la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives à l'épanouissement des communautés culturelles et à leur participation à la vie québécoise. Il est reconnu tant par le Québec que par le gouvernement fédéral que la formation linguistique des immigrants contribue à leur intégration au marché du travail et vise à répondre aux besoins particuliers des immigrants. Cependant, jusqu'alors, l'entente Canada-Québec exclut des cours les immigrants connaissant suffisamment l'anglais pour s'intégrer au marché du travail, ainsi que ceux ne s'y destinant pas. Jusqu'en 1987, le Programme national de formation en établissement (PNFE) du gouvernement fédéral constitue la seule source de financement des services de francisation. Pour rejoindre les personnes exclues du programme, notamment les femmes au foyer, le gouvernement québécois crée, en 1987, deux nouveaux programmes : le Programme québécois de francisation des immigrants (PQFI) et le Programme d'aide à la francisation des immigrants (PAFI). Finalement, en 1988, le gouvernement s'engage à financer des ONG pour la mise en place de cours de français permettant aux immigrants ne se destinant pas au marché du travail d'apprendre le français et de bénéficier d'une allocation minimale. Agissant encore comme sous-traitant du gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec affirme graduellement sa volonté de contrôler davantage l'immigration.

En 1990, l'Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration détermine deux objectifs : accroître l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du français destinés aux immigrants et aux Québécois des communautés culturelles et développer l'usage du français chez les immigrants et les Québécois des communautés culturelles (MCCI, 1990). De plus, l'éventail des catégories d'intervenants s'élargit aux ministères et organismes, aux ONG et aux partenaires socioéconomiques.

En 1991, l'Accord Québec-Canada relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains (Accord Gagnon-Tremblay/McDougall) vient confirmer le rôle de plus en plus important du gouvernement québécois en matière d'intégration des nouveaux arrivants. Cet accord :
  1. reconnaît au gouvernement du Québec la pleine autonomie dans les ½services d'accueil et d'intégration linguistique [... des] résidents permanents╗ (article 24);
  2. admet expressément le ½caractère distinct de la société québécoise╗ en reconnaissant spécifiquement que le Québec doit ½fournir aux résidents permanents les moyens d'apprendre la langue française et de reconnaître les principales caractéristiques de la société québécoise╗ (annexe A);
  3. entraîne un retrait complet du gouvernement fédéral de l'intégration avec pleine compensation financière au Québec.
L'accord s'inscrit parfaitement dans les perspectives contemporaines de développement culturel de la société québécoise, notamment en ce qui a trait au redressement démographique, à la pérennité du fait français, à la prospérité économique et à l'ouverture du Québec sur le monde. (Voir : Rapport du vérificateur général du Québec, 1994-1995 : 174 pages)


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