L'évolution historique de la langue d'enseignement à partir de la Révolution tranquille

Premier débat sur la langue : la crise de Saint-Léonard

En 1968, le gouvernement de l'Union nationale dépose le projet de loi 85 qui vise ½à protéger les droits de la minorité╗; la minorité anglaise du Québec, il va s'en dire. Le projet de loi suscite de vives réactions chez les nationalistes. Une importante manifestation, à laquelle s'est jointe la majorité des étudiants francophones, permet de faire reculer le gouvernement. En fait, les Québécois n'entendent pas permettre au gouvernement francophone de protéger les droits de la minorité anglophone au détriment de ceux de la majorité francophone, [Després-Poirier]. Ainsi, la détérioration du tissu social francophone est importante par endroit. La population de Saint-Léonard, entre autres, était francophone à plus de 95% en 1960 alors qu'elle ne l'est plus qu'à 60% en 1967 et ce, malgré une population totale 10 fois plus élevée. La raison : l'arrivée massive d'immigrants italiens dans cette ville et leur intégration au secteur anglophone.

Pour enrayer le problème à la source, les membres de la commission scolaire de Saint-Léonard ½ décident de bloquer l'inscription des enfants de souche italienne dans la section anglophone ╗. C'est ainsi qu'en juin, ils adoptent une résolution à cet effet. Cette mesure est loin de faire l'affaire des Italo-Québécois qui créent la Saint Leonard English Catholic Association of Parents. Les francophones ripostent en créant le Mouvement pour l'intégration scolaire (MIS). Le débat, qui oppose les tenants du libre-choix de la langue d'enseignement et les partisans de l'unilinguisme français voulant imposer l'école française à tous, se vit à la fois dans les médias, auprès du gouvernement, devant les tribunaux et même dans la rue.

Les immigrants se sentent au coeur de la lutte de pouvoir qui opposent les Canadiens anglais et les Canadiens français. ½Les premiers les utilisent comme troupes de choc pour défendre leurs propres intérêts, alors que les seconds veulent les intégrer à l'univers francophone ou à tout le moins les empêcher de grossir les rangs des anglophones╗. [Linteau et autres]

La pression publique francophone et les tensions sociales considérables vont entraîner les gouvernements successifs d'Union nationale, du Parti libéral et du Parti québécois à doter le Québec d'une véritable politique linguistique.

On se rend compte ici que, si le pouvoir économique a toujours été davantage entre les mains des anglophones du Québec, le pouvoir politique, pour sa part, celui qui permet de légiférer, appartient aux Québécois francophones. C'est d'ailleurs ce pouvoir, et non la volonté des immigrants, qui va leur permettre, avec l'adoption de trois lois sur la langue, de renverser la situation, d'amorcer et de réaliser graduellement l'intégration des nouveaux arrivants à la majorité francophone.




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