L'évolution historique de la langue d'enseignement à partir de la Révolution tranquille

Au début des années 60, en effet, la situation change. Les deux guerres mondiales ont provoqué une forte augmentation de l'émigration partout à travers le monde y compris au Canada. Le Québec, en particulier, amorce des changements profonds avec le début de la Révolution tranquille. Les résultats d'un recensement effectué en 1961 mettent en évidence les données suivantes : les Québécois d'origine française représentent 80,6% de la population, ceux d'origine britannique 10,8% et ceux d'autres origines ethniques 8,6%,[Després-Poirier].

Une réalité qui ressort également des données, c'est que plus de 80% des nouveaux Québécois d'origine ethnique s'installent à Montréal et s'intègrent naturellement, depuis le début du siècle, à la culture anglophone. En fait, pour eux, le Québec représente seulement une partie du Canada. Bien avant leur arrivée, ils savent que la langue anglaise est la langue officielle du Canada et qu'elle est de surcroît la langue de la majorité de tout un continent, l'Amérique du Nord. Sur place, ils constatent également assez rapidement qu'au Québec, la minorité anglaise détient la majorité des postes de prestige et de pouvoir économique.

Que vont alors désirer ces immigrants pour leurs enfants, après tous les efforts et les sacrifices que leur a coûté leur expatriation? Sûrement pas de les voir ½s'intégrer à la partie de la population qui occupe plutôt les emplois subalternes, qui participe peu à la direction de l'industrie et dont le revenu est nettement inférieur à celui d'une puissante minorité╗ [Rapport Parent, vol 4]. Ils vont majoritairement souhaiter s'assimiler à la culture anglophone et faire instruire leurs enfants en anglais.

Le réveil des Québécois francophones

Le réveil des Québécois francophones est brutal. Les nombreux changements sociaux associés à la Révolution tranquille, comme la libéralisation mondiale, l'essor de l'individualisme au détriment de la collectivité et la présence accrue des femmes sur le marché du travail, ont entraîné une chute spectaculaire de leur taux de natalité. Au début des années 60, le Québec obtient le taux le plus bas au Canada alors qu'il était reconnu jusque-là pour sa fertilité ½légendaire╗.

Dans ce contexte, le problème de l'intégration anglophone des nouveaux immigrants devient soudainement alarmant pour les francophones. Comment faire pour inciter les nouveaux arrivants à faire partie de la communauté francophone? L'absence de législation linguistique au Québec, alliée à la politique fédérale du bilinguisme, empêche jusque-là, selon [Després-Poirier], ½toute discrimination positive en faveur du français╗. Pour maintenir sa population, le Québec va donc devoir mettre en branle une série de mesures visant à intégrer les nouveaux arrivants à sa culture francophone.

Au Québec, la Commission Parent recommande la création de mesures incitatives. Deux partis indépendantistes voient le jour : le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) et le Ralliement national (RN) qui font de l'unilinguisme français une question électorale dès 1966. La visite du général de Gaulle l'année suivante et son ½Vive le Québec libre╗ enflamme le nationalisme québécois. En octobre 1968, le Parti québécois est fondé avec un programme clair en ce qui concerne la langue : faire du français la langue officielle du Québec. Au même moment, en 1967, la Commission fédérale sur le bilinguisme et le biculturalisme, la Commission Laurendeau-Dunton, dépose pour sa part un rapport préliminaire et propose d'inscrire le libre choix de la langue d'enseignement dans la Constitution canadienne. Les Québécois anglophones opinent évidemment à cette proposition. La population francophone, de plus en plus nationaliste, demeure dans ses positions.

Au coeur du débat : la langue d'affichage au Québec et la langue d'enseignement des nouveaux Québécois. Les opinions s'opposent et le débat social sur la langue devient bientôt incontournable au Québec.

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