Des années de repositionnement : de 1982 à maintenant

Introduction

Pendant la première étape s'écoulant de 1982 à 1992, la CEQ consacre le meilleur de ses énergies à conserver les acquis, tout en résistant au néolibéralisme, puis en se repliant pendant plusieurs années. Cette situation incite la CEQ à revoir ses stratégies de telle sorte que la décennie des années 1990 est en grande partie consacrée à la réorganisation de ses structures et de ses orientations. Cette période est bien documentée par Martin dans [LEMIEUX, André]

La résistance et le repli face au néolibéralisme

Le virage idéologique de 1982 examiné ci-haut survient tout de même dans un contexte qu'il convient de rappeler: l'échec référendaire de 1981, le rapatriement de la Constitution canadienne fait en l'absence du Québec, en 1982, l'entrée dans une grave récession économique à l'échelle mondiale, une critique orchestrée du travail enseignant, la baisse observable des effectifs scolaires, bref, une série de phénomènes qui entraînent de la part de l'État-employeur québécois une nette option en faveur du néolibéralisme, c'est-à-dire une forme de gestion axée sur la décroissance, l'augmentation de la productivité, la prépondérance de la loi du marché, la privatisation, à travers la rationalisation du travail. Des coupures de postes, de personnel et des services sont annoncées dès 1981. Le gouvernement recherche la coopération des centrales syndicales, qui refusent de la lui offrir.

Du côté de la CEQ, Yvon Charbonneau revient à la présidence. Le préjugé favorable au parti au pouvoir s'estompe, la résistance s'organise. Trois lois sont alors adoptées par le gouvernement en vue de réaliser ses objectifs financiers, entraînant le retour du front commun CEQ-CSN-FTQ et la riposte gouvernementale à travers la loi 105 votée en 1982 et marquant un recul important pour une période de trois ans en termes de salaires, de conditions de travail, de sécurité d'emploi, de régime de retraite : en somme, la suspension des conventions collectives en vigueur. La grève est alors déclenchée en janvier 1983, d'importantes manifestations ont lieu, surtout menées par la CEQ, qui se retrouve pratiquement isolée, (les autres centrales s'étant entendues en grande partie avec le gouvernement) entraînant l'adoption de la loi 111 qui oblige les enseignants à rentrer au travail. Les ententes sur décrets sont signées en juin 1983 (elles sont toujours en vigueur actuellement pour la majeure partie ; les négociations de 1999 constituent par ailleurs leur remise en question), instaurant un régime de négociation cyclique aux trois ans, sorte de négociation permanente en somme.

Les enseignants en ressortent avec un goût amer, accompagné d'une certaine désillusion face à leur engagement sociopolitique. Une certaine morosité s'installe aussi à travers l'implantation des ½nouveaux programmes╗ et l'application des mesures administratives découlant des ententes collectives: augmentation et resserrement des tâches pédagogiques, mise en disponibilité, mobilité accrue. Le mécontentement gagne graduellement les enseignants à un point tel que le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) se penche sur la condition enseignante et reconnaît les difficultés que vivent les enseignants au quotidien. Des recommandations du CSE visant un certain assouplissement des conditions et du climat de travail seront éventuellement mises en place.

D'une manière générale, il n'y aura pas de grèves ou de manifestations bruyantes pendant les prochaines années, la CEQ entrant dans une période de repositionnement face à l'État et face à ses membres, principalement sous la présidence de Lorraine Pagé, à partir de 1988. Sur le plan syndical, l'accent sera mis sur le maintien des acquis, sur les inégalités salariales et la précarité grandissante, face à un gouvernement libéral qui accentue les mesures de rationalisation des budgets déjà mises en place par le gouvernement péquiste précédent. Sur le plan professionnel, la CEQ participe activement aux efforts visant à contrer le décrochage scolaire et à améliorer la réussite scolaire au niveau secondaire. Il n'en reste pas moins que l'heure est à la remise en question de la position à occuper face à l'État employeur/législateur qui définit de plus en plus les règles du jeu. C'est pourquoi, pour la CEQ, la prochaine décennie sera celle de la restructuration.

Pages : 1 2