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Rampa19SageDuTibetLivreAlainStanke1980.txt
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2006-10-15
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298KB
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3,880 lines
RAMPA
le sage du Tibet
Traduit de I'anglais par Annick Chauveau
StankΘ
**********
Rampa19p000.gif
*************
Titre original: TIBETAN SAGE
Photo : Les Productions StankΘ Inc.
⌐ Lobsang Rampa
⌐ ╔ditions internationales Alain StankΘ, 1980
Tous droits de traduction et d'adaptation rΘservΘs ; toute reproduction d'un extrait quelconque de ce livre
par quelque procΘdΘ que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, strictement interdite sans
I'autorisation Θcrite de 1'Θditeur.
ISBN 2-7604-0072-7
DU M╩ME AUTEUR
LE TROISI╚ME îIL (The Third Eye) J'ai lu, Albin Michel
LA CAVERNE DES ANCIENS (The Cave of the Ancients) J'ai lu, Albin Michel
L'HISTOIRE DE RAMPA (The Rampa Story) J'ai lu, Albin Michel
LAMA M╔DECIN (Doctor from Lhasa) J'ai lu, Albin Michel
LES SECRETS DE L'AURA (You for Ever) J'ai lu
L'ERMITE (The Hermit) L'homme
LES UNIVERS SECRETS (Chapters of Life) ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
POUR ENTRETENIR LA FLAMME (Feeding the Flame) L'homme
LA SAGESSE DES ANCIENS ù LE DICTIONNAIRE DE RAMPA (Wisdom of the Ancients) ╔ditions internationales Alain
StankΘ LtΘe
LA TREIZI╚ME CHANDELLE (The Thirteenth Candie) L'homme
LA ROBE DE SAGESSE (The Saffron Robe) Albin Michel
VIVRE AVEC LE LAMA (Living with the Lama) La Presse
LES CL╔S DU NIRVANA (Beyond the Tenth) J'ai lu
C'╔TAIT AINSI (As it was) ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
JE CROIS (I Believe) ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
TROIS VIES (Three Lives) ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
LA SAGESSE DES ANCIENS ù LE DICTIONNAIRE DE RAMPA ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
LE MONDE DE RAMPA ù SAN RA-AB RAMPA ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
LE SAGE DU TIBET ╔ditions internationales Alain StankΘ LtΘe
└ Alain StankΘ, ami de toujours...
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Avertissement
Lorsque j'ai Θcrit dans Le TroisiΦme oeil, il y a dΘjα plusieurs annΘes, que j'avais volΘ en cerf-volant, mes propos ont ΘtΘ accueillis
par des huΘes et des moqueries comme si j'avais commis le plus grand des dΘlits. Et aujourd'hui le vol en cerf-volant est pratique
courante. On peut voir des cerfs-volants tirΘs par des hors-bord s'Θlever trΦs haut dans le ciel, et d'autres bel et bien "pilotΘs" par un
homme α bord. Celui-ci doit, dans un premier temps, se tenir au bord d'une falaise ou sur n'importe quel promontoire assez haut,
puis se lancer dans le vide sur son appareil qui, vΘritablement, le porte. Personne aujourd'hui ne daigne reconnaεtre que Lobsang
Rampa avait dit juste, et pourtant ils ont ΘtΘ nombreux α se moquer lorsque, pour la premiΦre fois, j'ai parlΘ de vol en cerf-volant.
Beaucoup de choses qui, il y a seulement quelques annΘes, semblaient relever de la science-fiction sont devenues des faits quasi
quotidiens. Les satellites que l'on envoie dans l'espace en sont un exemple,
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ou bien la retransmission α Londres ou α Paris des Θmissions tΘlΘvisΘes des ╔tats-Unis, du Japon ou d'ailleurs Et cela, je l'avais
prΘdit. Nous avons vu aussi un homme, ou plut⌠t des hommes, marcher sur la Lune ; cela encore prouve que mes livres ont dit vrai
et cette confirmation de mes Θcrits ne va d'ailleurs qu'en s'amplifiant.
Le prΘsent ouvrage n'est pas un roman. Ce n'est pas non plus un livre de science-fiction. C'est le compte rendu pur et simple de ce
qui m'est rΘellement arrivΘ, et je rΘpΦte que l'auteur se fait un devoir de ne prendre aucune libertΘ quant α la vΘracitΘ des faits.
MalgrΘ cela, certains peut-Ωtre s'obstineront α n'y voir que de la science-fiction ou quelque chose de similaire. Chacun est libre, bien
s√r, d'en penser ce qu'il veut, libre aussi d'en rire. Mais peut-Ωtre qu'une fois le livre fermΘ un ΘvΘnement se produira qui viendra
confirmer mes dires. Je tiens α signaler toutefois que je ne rΘpondrai α aucune question concernant ce livre ; le courrier volumineux
que j'ai reτu concernant mes prΘcΘdents ouvrages, sans que mes correspondants ne pensent α joindre un timbre pour la rΘponse, m'a
dΘcidΘ α prendre pareille mesure. Parfois il m'a co√tΘ davantage pour rΘpondre α un lecteur que celui-ci n'a d√ payer pour obtenir
mon livre.
Bref, voici de nouveaux Θcrits ; je souhaite qu'ils vous plaisent et que vous les jugiez crΘdibles ; je me
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permets d'ajouter, toutefois, que si cela n'est pas, peut-Ωtre est-ce parce que vous n'avez pas encore atteint un degrΘ d'Θvolution
suffisant.
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Chapitre premier
½ Lobsang ! Lobsang ! ╗... J'avais l'impression trΦs vague d'Θmerger d'un profond sommeil dans lequel m'aurait plongΘ une immense
fatigue. La journΘe avait ΘtΘ trΦs rude, mais je n'Θtais pas seul puisque quelqu'un m'appelait. A nouveau la voix se fit entendre : ½
Lobsang ! ╗ Soudain tout, autour de moi, se mit α trembler ; j'ouvris les yeux et j'eus le sentiment que la montagne au pied de
laquelle je me trouvais Θtait en train de s'effondrer. C'est alors qu'une main se tendit qui, d'un mouvement sec, m'empoigna pour me
mettre vivement α l'Θcart. Il Θtait temps : α peine avait-elle accompli ce geste qu'un Θnorme rocher aux arΩtes tranchantes s'Θcrou¡lait
juste derriΦre moi et dΘchirait ma robe. Tant bien que mal je me levai et, encore tout abasourdi, suivis mon compagnon jusque sur
une petite corniche au bout de laquelle se trouvait un ermitage minuscule.
Autour de nous ce n'Θtait que neige et rochers dΘgringolant. Soudain nous aperτ√mes la silhouette courbΘe d'un vieil ermite qui
courait α notre rencon-
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tre du mieux qu'il pouvait. Mais une masse Θnorme de rochers se mit alors α dΘvaler la pente, emportant avec elle l'ermite, l'ermitage
et la pointe rocheuse qui lui servait de support. Celle-ci avait plus de cin¡quante mΦtres de long ; elle n'en fut pas moins balayΘe
comme une simple feuille morte dans un coup de vent.
Mon guide, le lama Mingyar Dondup, me tenait fermement par les Θpaules. Autour de nous c'Θtait l'obscuritΘ totale ; aucune Θtoile
ne scintillait et, venant des maisons de Lhassa, pas la moindre lueur vacillante d'une chandelle. Tout n'Θtait que tΘnΦbres.
Brusquement, surgit devant nous un amas de rocs, de sable, de neige et de glace apparemment tout rΘcent, et la corniche sur laquelle
nous avancions d'un pas trΦs incertain se mit α basculer vers l'amont, nous donnant l'horrible impression de glisser, glisser α tout
jamais sans le moindre recours. Cette glissade prit fin cependant dans une violente secousse. Sans doute avais-je perdu connaissance
car, lorsque je retrouvai mes esprits, j'Θtais en train de me remΘmo¡rer les circonstances qui avaient ΘtΘ α l'origine de ce voyage
jusqu'α cet ermitage lointain.
Au Potala, nous Θtions en train de nous divertir avec le tΘlescope qu'un gentleman anglais avait offert au dela∩-lama en signe d'amitiΘ,
lorsque, tout α coup, je repΘrai α flanc de montagne, en un point trΦs ΘlevΘ, des banniΦres α priΦres que l'on agitait ; les mouvements
semblaient se faire selon un code, aussi
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je passai trΦs vite l'appareil α mon guide, en lui indiquant la direction.
Le tΘlescope fermement appuyΘ contre le mur d'enceinte, α l'endroit le plus ΘlevΘ du Potαla, le guide resta lα un bon moment α
scruter, puis s'Θcria : ½ C'est l'ermite qui demande de l'aide. Il est malade. Il faut avertir l'AbbΘ et lui dire que nous sommes prΩts α y
aller. ╗ D'un geste brusque il replia le tΘlescope et me le tendit pour que je le rapporte dans la piΦce o∙ le dela∩-lama rangeait les
offrandes exceptionnelles.
Je courus avec le prΘcieux objet, prenant garde de ne pas trΘbucher pour ne pas le laisser tomber. C'Θtait le premier tΘlescope que je
voyais. Ensuite je sortis pour remplir d'orge mon sac et vΘrifier si mon briquet α amadou fonctionnait ; puis, en flΓnant, j'attendis le
lama Mingyar Dondup.
Il apparut bient⌠t portant deux baluchons, l'un trΦs lourd qu'il avait dΘjα sur le dos, et un autre plus lΘger qu'il installa sur le mien. ½
Nous irons α cheval jusqu'au pied de la montagne, dit-il, puis nous renverrons les chevaux et il nous faudra grimper. La montΘe sera
trΦs dure, je l'ai dΘjα fait. ╗
Chacun ayant enfourchΘ sa monture, nous descendεmes les marches jusqu'α la route de l'anneau qui entoure Lhassa. A l'endroit o∙
elle bifurque, je ne pus m'empΩcher, comme je le faisais toujours, de jeter un coup d'oeil furtif vers la gauche α la maison o∙
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j'Θtais nΘ. Mais ce n'Θtait pas le moment de s'attendrir, nous Θtions en mission.
Les chevaux se mirent bient⌠t α haleter et α s'Θbrouer ; de toute Θvidence ils peinaient. Une telle escalade reprΘsentait un effort
au-dessus de leurs forces. Leurs sabots ne faisaient que glisser sur le roc. ½ Je crois que les chevaux doivent s'arrΩter lα, dit tout α
coup le lama Mingyar Dondup poussant un soupir. A partir de maintenant nous ne pouvons compter que sur nos pauvres pieds ! ╗
Nous descendεmes donc de cheval et, en les flattant de la main, mon compagnon dit aux bΩtes de rentrer. Elles firent demi-tour et
reprirent le sentier par lequel nous Θtions venus, ragaillardies, semblait-il, α l'idΘe de rentrer sans avoir α finir cette pΘnible montΘe.
AprΦs avoir redressΘ nos baluchons et vΘrifiΘ si nos bΓtons Θtaient en parfait Θtat ù la moindre fissure pouvant Ωtre fatale ù, nous
passΓmes α l'inspection des autres objets ; nous avions bien notre pierre α feu et l'amadou ainsi que nos provisions. Nous pouvions
donc partir. Sans mΩme un regard en arriΦre, l'ascension commenτa. Les roches que difficilement nous escaladions Θtaient aussi
dures et aussi glissantes que du verre. Sans souci pour nos mains et nos tibias que nous Θcorchions sur la paroi, nous cherchions la
moindre fissure o∙ insΘrer les doigts et les orteils, et grΓce α ces appuis prΘcaires, lentement, nous progressions. Nous atteignεmes
enfin une petite plate-forme sur laquelle nous nous hissΓmes pour reprendre haleine et retrouver quelque Θnergie. Un
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filet d'eau qui s'Θchappait d'une fente rocheuse nous permit de nous dΘsaltΘrer et de faire de la tsampa. Elle ne fut pas trΦs bonne car
l'eau Θtait glaciale et l'espace restreint ne permettait pas de faire du feu. Mais le fait de boire et de manger nous requinqua, et nous
envisageΓmes ensuite la possibilitΘ de continuer notre ascension. La paroi Θtait tout α fait lisse et il semblait impossible que quelqu'un
ait pu jamais l'escalader. Nous l'attaquΓmes cependant, comme d'autres avant nous l'avaient fait. Nous montions centimΦtre par
centimΦtre et, petit α petit, grandissait le point minuscule vers lequel nous tendions. Nous p√mes bient⌠t distinguer chacun des
rochers qui constituaient l'ermitage.
Celui-ci Θtait perchΘ α l'extrΩme pointe d'un Θperon rocheux qui surplombait la pente. En poursuivant notre escalade, nous rΘussεmes
α nous glisser dessous, puis, avec beaucoup de peine, nous nous hissΓmes dessus. Une fois lα, nous prεmes le temps de souffler ;
nous Θtions dΘjα trΦs haut par rapport α la plaine de Lhassa, l'oxygΦne commenτait α manquer et il faisait trΦs froid. Lorsque nous
f√mes en Θtat de repartir, le chemin nous parut moins ardu jusqu'α l'entrΘe de l'ermitage. Le vieil ermite Θtait sur le seuil. Je jetai un
coup d'oeil α l'intΘrieur et fus frappΘ par l'exigu∩tΘ de la piΦce. De toute Θvidence il Θtait impossible d'y pΘnΘtrer α trois, et je dΘcidai
de rester α l'extΘrieur. Mon guide me fit un signe d'approbation et je m'Θloignai tandis que la porte se refermait derriΦre lui.
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La nature a ses lois qu'il faut respecter en tout et partout ; et c'est pour rΘpondre α l'une de ses exigences qu'il me fallut trΦs vite
chercher un endroit pouvant faire office de "lieux d'aisance". Je le trouvai au bord de l'Θperon rocheux sous la forme d'une roche
plate qui s'avanτait dans le vide et qui comportait en son milieu un orifice trΦs pratique ; il Θtait sans doute artificiel ou bien naturel,
mais Θlargi par quelqu'un. En m'accroupissant dessus j'eus aussit⌠t l'explication d'un mystΦre qui m'avait intriguΘ en montant. Nous
Θtions passΘs prΦs d'un monticule α l'aspect quelque peu singulier, qu'ornaient ce qui semblait Ωtre des tessons de glace jaunΓtres
dont certains avaient une forme allongΘe. Je venais de comprendre que cet amoncellement bizarre n'Θtait que la preuve d'un passage
de l'homme en ces lieux, et c'est avec entrain que j'ajoutai ma propre contribution.
Une fois ce besoin satisfait, je me promenai dans les environs, et trouvai le sol trΦs glissant. Je suivis nΘanmoins le sentier et arrivai
bient⌠t au niveau d'une grosse pierre en Θquilibre instable qui faisait une avancΘe. Je trouvais un peu Θtrange la position de ce rocher
mais ne comptais pas approfondir ce problΦme lorsque, tout α coup, en examinant de plus prΦs le phΘnomΦne, j'eus immΘdiatement
la certitude qu'il n'Θtait pas naturel. Un homme avait dΘlibΘrΘment placΘ la pierre dans cette position. Mais dans quel but et de quelle
maniΦre ? Je donnai un coup de pied, au hasard, dans le roc, mais ayant oubliΘ que j'Θtais pieds nus, je dus pendant un moment
frotter
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mon pied endolori. Puis tournant le dos α l'avancΘe, j'inspectai l'autre bord et me trouvai ainsi du c⌠tΘ de la pente par laquelle nous
Θtions montΘs.
Que nous ayons pu escalader cette paroi semblait tenir de la magie tant elle Θtait vertigineuse. D'en haut, cette surface ressemblait α
une plaque de marbre poli, et penser qu'il nous faudrait bient⌠t redescendre par la mΩme voie me donnait la nausΘe... Je voulus
prendre ma boεte d'amadou et ma pierre α feu, mais brusquement me revint α l'esprit le tableau exact de ma situation : je me trouvais
quelque part en montagne et sous le roc, sans le moindre vΩtement pour me vΩtir, sans le moindre grain d'orge pour me nourrir, sans
bol, sans amadou et sans pierre α feu. J'ai d√ alors Θmettre un juron, d'essence non bouddhique, car j'entendis une voix chuchoter α
mon oreille :
½ Lobsang, mon ami, est-ce que τa va ? ╗
Je reconnus la voix de mon maεtre, le lama Mingyar Dondup, et aussit⌠t me sentis rassurΘ. ½ Oui je suis ici, rΘpondis-je, j'ai d√
m'Θtourdir en tombant, je n'ai plus ma robe ni tout ce qu'elle contenait, et je n'ai pas la moindre idΘe de l'endroit o∙ nous sommes,
pas plus que je ne sais comment en sortir. Il nous faut de la lumiΦre. ╗
Le lama, dont les jambes Θtaient coincΘes sous un gros rocher, rΘpliqua : ½ Ne t'inquiΦte pas, Lobsang, je connais bien cette passe ;
le vieil ermite
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dΘtenait de grands secrets en ces lieux ; ici est inscrite l'histoire de l'HumanitΘ, du commencement α la fin. ╗ Il fit une pause, puis
ajouta : ½ Si tu passes la main sur la paroi de gauche tu vas bient⌠t sentir une aspΘritΘ. En poussant trΦs fort α cet endroit, la pierre
doit basculer, et tu auras ainsi accΦs α une sorte de renfoncement dans lequel tu trouveras des robes de rechange et une provision
d'orge. Mais tu devras ouvrir d'abord un placard et y chercher de l'amadou, une pierre α feu et des chandelles. Tout cela doit se
trouver sur la troisiΦme ΘtagΦre en partant du bas. Ce n'est qu'avec un peu de lumiΦre que nous pourrons vΘritablement maεtriser la
situa¡tion. ╗
Tout d'abord, je regardai la paroi de gauche, comme me l'avait indiquΘ mon compagnon, puis tΓtai le mur du corridor, mais ma
quΩte me semblait vaine tant celui-ci me paraissait lisse comme s'il e√t ΘtΘ artificiel.
J'allais abandonner quand tout α coup mes doigts rencontrΦrent l'aspΘritΘ attendue. Je bourrai le mur de coups de poing α cet endroit,
jusqu'α y laisser des lambeaux de peau. Je poussai de toutes mes forces, persuadΘ que je n'y arriverais jamais. Enfin, mes efforts
furent rΘcompensΘs et la roche bascula sur elle-mΩme en un grincement effrayant. Je pus voir, en effet, quelque chose qui
ressemblait α un placard et qui comportait des ΘtagΦres. AprΦs avoir repΘrΘ la troisiΦme, j'y cherchai la pierre α feu et l'amadou ; je
les trouvai bient⌠t en mΩme temps que les chandel-
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les. L'amadou Θtait d'une qualitΘ exceptionnelle ; il n'Θtait pas du tout humide et s'enflamma sur le champ. Je m'empressai d'allumer
une chandelle car je commenτais α me br√ler les doigts.
½ Allumes-en deux, me dit mon guide, une pour toi et une pour moi. Il y en a tout un stock ; nous en aurions mΩme suffisamment
pour tenir un siΦge de huit jours ╗ Je jetai un coup d'oeil α l'intΘrieur du placard et y trouvai une barre mΘtallique provenant sans
doute d'un tonneau. Elle paraissait en fer et j'eus du mal α la soulever. Je voulais m'en servir comme levier pour dΘgager les jambes
de mon compagnon qui Θtaient prises sous un rocher. M'Θclairant d'une bougie, j'allai informer le lama de mon intention, puis je
revins m'occuper de cette barre. C'Θtait le seul moyen, pensais-je, de libΘrer mon compagnon.
Je posai la barre au pied du bloc de pierre et, α quatre pattes devant, cherchai un moyen de le soulever. En regardant les cailloux tout
autour, il me vint une idΘe : si je donnais α mon guide une des planches en bois que j'avais trouvΘes dans la cachette, peut-Ωtre
pourrait-il la faire glisser avec une pierre sous le rocher au moment o∙ je soulΦverais celui-ci, en admettant que j'y parvienne ! Le
lama approuva mon idΘe. ½ C'est notre seule chance, dit-il, car si je dois rester un instant de plus lα-dessous je vais y laisser mes os !
Allons, commenτons. ╗
Je repΘrai donc une grosse pierre de forme cubique d'environ quatre mains d'Θpaisseur, l'appor-
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tai, au pied du rocher et l'appuyai contre lui, puis je donnai une planche α mon ami pour qu'il contribue α la manoeuvre. Nous
pensions que si j'arrivais α soulever un tant soit peu le bloc de pierre, il pourrait pousser un caillou dessous et crΘer ainsi une
ouverture par o∙ il pourrait sortir ses jambes.
Je cherchai l'endroit le plus propice pour y insΘrer la barre et enfonτai cette derniΦre par l'extrΘmitΘ qui portait une griffe, aussi
profondΘment que possible, entre le sol et la base du bloc. Il me fallut ensuite placer un gros caillou aussi prΦs que possible de la
griffe.
Quand j'eus terminΘ, je lanτai : ½ Vous Ωtes prΩt, Maitre ? ╗ Et l'Θcho de ma propre voix faillit me renverser ! Je poussai ensuite de
toutes mes forces et m'appuyai de tout mon poids sur la barre, mais sans rΘsultat. Je n'Θtais pas assez lourd. Je cherchai alors autour
de moi quel caillou je pourrais utiliser en renfort. Il fallait qu'il soit trΦs lourd, mais aussi que je puisse le porter. J'en repΘrai un et le
traεnai jusqu'α la roche. Il me fallut ensuite le poser en Θquilibre sur la barre et α nouveau m'appuyer de tout mon poids sur lui tout
en l'empΩchant de tomber. └ ma grande joie, tout α coup, je sentis un tressaillement dans la barre qui bient⌠t bascula vers le sol.
½ Bravo, tu as rΘussi ! s'Θcria mon ami, et j'ai pu mettre la pierre sous la roche ; je vais pouvoir maintenant retirer mes jambes. ╗
Au comble de la joie je me redressai et vis, en effet, que les jambes du lama Θtaient presque complΦ-
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tement dΘgagΘes, mais elles Θtaient α vif et saignaient abondamment. Nous avions peur d'une fracture et c'est avec beaucoup de
prΘcautions que je l'aidai α les mouvoir. Elles fonctionnaient normalement, semblait-il, en dΘpit de la blessure ; je me glissai sous le
rocher pour atteindre ses pieds encore retenus dessous et les poussai pour aider le lama α s'extraire complΦtement de sous la pierre.
J'opΘrai trΦs dΘlicatement et, de toute Θvidence, mΩme si les blessures paraissaient trΦs sΘrieuses, il n'y avait rien de cassΘ.
En poussant je dus dΘvier de ma trajectoire, gΩnΘ par une aspΘritΘ du sol, et je pensai alors que c'Θtait sans doute α cette aspΘritΘ que
le lama devait de n'avoir pas eu les jambes broyΘes. Ce n'est pas sans un soupir de soulagement que nous parvεnmes au bout de nos
peines, et j'aidai mon ami α s'asseoir sur une petite corniche.
Comme nos deux bougies ne nous Θclairaient pas Suffisamment, j'allai en chercher d'autres dans la cavitΘ que nous avions
dΘcouverte. J'y trouvai Θgalement une sorte de panier dans lequel je mis divers objets.
└ la lumiΦre des six bougies que j'avais rapportΘes nous p√mes mieux voir les plaies. Du haut de la cuisse jusqu'au genou la jambe
Θtait complΦtement α vif, et du genou jusqu'aux pieds les chairs n'Θtaient que lambeaux sanguinolents qui pendaient tout autour.
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Le lama me renvoya α la caverne pour y prendre de la charpie et un pot contenant un baume spΘcial. GrΓce α ses explications, je
n'eus pas de mal α trouver ce qu'il me demandait ; je rapportai en plus une bouteille de dΘsinfectant, ce qui parut faire plaisir α mon
ami. Je nettoyai toute la surface de ses jambes, de haut en bas, et sur les indications de mon guide replaτai les chairs meurtries sur
les os apparents, appliquant sur le tout l'onguent que j'avais rapportΘ. Au bout d'une heure, celui-ci Θtait tout α fait sec et le "plΓtre"
semblait tenir.
Avec la charpie, je fis alors des pansements que j'enroulai tout autour par mesure de prΘcaution. Puis j'allai remettre sur les ΘtagΦres
tous les objets que j'avais empruntΘs, sauf les chandelles que nous gardΓrnes.
Ramassant deux planches de bois je les donnai au lama qui m'en sut grΘ, et je lui fis part de mon intention d'escalader l'Θboulis pour
voir ce que l'on pouvait faire.
Il me sourit et me rassura : ½ Je connais bien cet endroit, Lobsang, il existe depuis un million d'annΘes. D'ici sont originaires les
premiers habitants de notre pays ; ce sont eux qui l'ont amΘnagΘ. └ condition qu'une roche ne s'effondre pas en obstruant la voie,
nous pouvons rester ici une semaine ou deux en toute sΘcuritΘ. ╗
Il hocha la tΩte en direction de la vallΘe, et ajouta : ½ Je ne pense pas que nous pourrons repartir
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de ce c⌠tΘ, et si nous ne trouvons pas une ouverture dans la roche volcanique, peut-Ωtre serons-nous dΘcouverts dans un millier
d'annΘes par des explorateurs qui trouveront alors nos squelettes trΦs intΘressants ! ╗
Je fis quelques pas dans la galerie et dΘpassai l'Θboulis par le c⌠tΘ, mais ce chemin me semblant trop pΘrilleux, je me demandais
comment le lama allait pouvoir passer. ½ Qui veut peut ╗, me dis-je ; et l'idΘe me vint alors de me mettre α quatre pattes au pied de
l'Θboulis et de faire monter mon ami sur mon dos ; celui-ci aurait ainsi moins de mal α passer par-dessus si je lui servais de
marche-pied. Quand je lui soumis mon idΘe, le lama s'y opposa tout d'abord, mais aprΦs plusieurs tentatives aussi pΘnibles
qu'infructueuses pour escalader tout seul la roche, il finit par accepter mon offre. J'empilai alors quelques galets pour me faire un
coussin aussi plat que possible, puis je me mis α quatre pattes en disant α mon ami que j'Θtais prΩt. Prestement il posa un pied sur ma
hanche droite et l'autre sur mon Θpaule gauche, et en un Θclair il passa par-dessus l'Θboulis et se retrouva de l'autre c⌠tΘ. Je me
redressai et vis qu'il Θtait en sueur, tant il avait souffert et avait craint de me faire mal.
Une fois de l'autre c⌠tΘ, nous nous assεmes pour rΘcupΘrer un peu de nos forces. Nous ne pouvions pas faire de tsampa puisque
nous n'avions plus ni bols ni orge, mais soudain je me rappelai en avoir vu dans la caverne et, une fois de plus, j'y retournai. Je
fouillai
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parmi les bols en bois et en choisis deux, rΘservant le plus beau pour mon guide. Je les nettoyai avec un peu de sable et lorsqu'ils
furent bien dΘcapΘs je les remplis d'orge. Il me fallait encore faire du feu, mais c'Θtait un jeu d'enfant puisque la caverne renfermait
tout ce dont j'avais besoin : amadou, pierre α feu et b√ches. A l'aide d'un gros morceau de beurre que je trouvai aussi dans le placard
je pus faire cette bouillie consistante que nous appelons ½ tsampa ╗. Revenant auprΦs de mon guide, nous nous installΓmes sans mot
dire pour la manger. RequinquΘs par ce repas nous Θtions de nouveau prΩts α partir.
Nous partεmes donc, munis de nos seules richesses ici-bas, α savoir, un bol en bois, de l'amadou, une pierre α feu, un sac d'orge, et
deux planches ! Tout couverts de bleus et de meurtrissures, et aprΦs une marche qui me parut durer des siΦcles, nous atteignεmes
enfin ce que je pris pour la fin du tunnel. Mais le lama m'⌠ta vite mes illusions : ½ Non, Lobsang, ce n'est pas la fin, dit-il, mais si tu
appuies α la base de ce pan de rocher, il va pivoter sur lui-mΩme et nous pourrons passer par-dessous. ╗ Comme il me l'avait dit je
poussai donc sur le rocher qui fermait le passage et, avec un grincement terrifiant, celui-ci bascula pour se mettre en position
horizontale. Il tenait tout seul, mais par mesure de prudence je le tins pendant que mon ami passait. Je me glissai α mon tour
dessous, et quand nous f√mes
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tous deux de l'autre c⌠tΘ je donnai un coup sur la dalle pour qu'elle reprenne sa position d'origine. La faible lueur de nos chandelles
rendait encore plus profonde l'obscuritΘ des lieux. ½ Lobsang, Θteins ta bougie, me dit alors le lama, j'Θteins la mienne aussi ; ainsi
nous pourrons mieux apprΘcier la lumiΦre du jour !╗
La lumiΦre du jour ! Je pensai que mon ami Θtait victime d'une hallucination que j'attribuais α la fatigue et α la douleur. J'Θteignis
nΘanmoins ma chandelle, et l'air s'imprΘgna aussit⌠t d'une odeur assez 'dΘsagrΘable de beurre rance.
½ Dans quelques instants, me dit mon guide, nous allons Ωtre submergΘs de lumiΦre. ╗ Je me sentais parfaitement idiot, debout au
milieu des tΘnΦbres. Celles-ci me semblaient rΘsonner de mille bruits sourds et oppressants que je n'eus pas le loisir d'identifier car un
phΘnomΦne Θtrange se produisit qui retint toute mon attention. └ l'autre bout de la salle dans laquelle nous nous trouvions, venait
d'apparaεtre une grosse boule lumineuse, toute rouge, qui avait l'aspect du mΘtal que l'on chauffe jusqu'α l'incandescence. Le rouge
s'attΘnua progressivement, devint jaune, puis blanc, et bient⌠t une lumiΦre lΘgΦrement bleutΘe, pareille α celle du jour, inonda la
piΦce, rΘvΘlant chaque objet dans sa vΘritable nature. Je restai lα, pantelant d'Θmerveillement. La salle o∙ nous Θtions Θtait trΦs vaste,
si vaste qu'elle aurait pu contenir le Potala tout entier. J'Θtais comme
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hypnotisΘ α la fois par la lumiΦre et par les dessins Θtranges qui ornaient les murs. Autre fait extraordi¡naire : le sol Θtait jonchΘ
d'objets non moins Θtranges mais qui ne gΩnaient pas lorsqu'on marchait dessus !
½ Quel endroit prodigieux, n'est-ce pas, Lob-sang ! me dit mon guide en s'approchant. Il date d'une Θpoque beaucoup trop lointaine
pour que l'es¡prit humain puisse la concevoir. C'Θtait ici le quartier gΘnΘral d'un peuple capable d'effectuer de grands voyages dans
l'espace et quantitΘ d'autres choses. Des millions d'annΘes ont passΘ et tout est encore intact. Un certain nombre d'entre nous Θtaient
les gardiens de ces lieux que l'on nomme le Temple de l'IntΘrieur. ╗
Je m'approchai de l'un des murs pour mieux voir ce que je m'imaginais Ωtre des dessins ; mais je vis qu'il s'agissait de signes
calligraphiques'parfaitement inconnus sur terre. ½ Tu as raison, me dit mon ami qui pouvait lire dans mes pensΘes, tout ce que tu
vois ici est l'oeuvre d'un peuple supΘrieur que l'on appelle les Jardiniers ; ce sont eux qui ont amenΘ sur terre les hommes et les
animaux. ╗
Il se tut, et me montra du doigt un casier contre le mur. ½ Peux-tu aller jusque-lα, me dit-il, et pren¡dre deux de ces bouts de bois
que tu vois reliΘs par paires ? ╗ ObΘissant, j'allai dans la direction qu'il m'indiquait, et restai un moment en admiration devant le
contenu de l'armoire. Il semblait y avoir lα toutes sortes d'objets et de potions α usage mΘdical.
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J'avisai dans un coin un certain nombre de ces bouts de bois reliΘs deux par deux par une traverse, et j'en pris deux. Je compris qu'ils
devaient servir α soutenir un homme. Je n'avais α cette Θpoque aucun mot pour dΘsigner ù je devais ne l'apprendre que plus tard
ùCe qu'Θtaient des bΘquilles. J'en donnai deux au lama qui plaτa les traverses sous ses aisselles tandis qu'il appuyait ses mains sur
des ergots de bois placΘs α Mi-hauteur. ½ Lobsang, me dit-il, tu as parfaitement Compris l'usage de ces objets ; ils aident les invalides
α marcher. Maintenant je vais pouvoir aller moi-MΩme jusqu'α ce placard et me faire un plΓtre plus Solide. Il me permettra de
marcher plus facilement jusqu'α ce que les chairs se cicatrisent. ╗
Il fit quelques pas et, par curiositΘ, je le suivis.
Va chercher les planches que nous avions, me dit-il, et nous les mettrons dans ce coin pour les avoir sous la main en cas de besoin.
╗ Lα-dessus il me tourna le dos et se mit α fouiller dans le casier. J'allai donc chercher les planches et les posai lα o∙ il m'avait dit.
Maintenant, reprit le lama, pourrais-tu aller cher¡cher nos baluchons et la barre mΘtallique que nous avons laissΘs dans la galerie ? Au
fait, la barre n'est pas en fer comme tu le pensais, mais en acier ; c'est une matiΦre beaucoup plus dure et plus rΘsistante. ╗
Je me rendis donc dans la galerie, aprΦs avoir fait basculer le rocher comme nous l'avions fait prΘcΘdemment. Je bΘnissais la lumiΦre
qui m'avait suivi et qui Θclairait tout le tunnel ; je pus ainsi retrouver facilement mon chemin jusqu'α l'Θboulis
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que j'escaladai de nouveau pour prendre nos baluchons et la barre mΘtallique qui se trouvaient derriΦre. Les sacs me parurent
extrΩmement lourds, mais sans doute cette impression Θtait-elle due au manque de nourriture et α l'Θtat de faiblesse qui en rΘsultait.
Je portai les sacs jusqu'au rocher et revins chercher la barre. J'eus beaucoup de mal α la soulever et je m'essoufflais et grognais
comme un vieillard. J'eus l'idΘe alors de la prendre par une des extrΘmitΘs et de la laisser traεner derriΦre moi en marchant. Mais il
fallait d'abord passer l'Θboulis avec, et ce ne fut pas chose facile !
ArrivΘ au rocher, je le fis basculer, passai pΘniblement dessous en traεnant mes objets, et me retrouvai bient⌠t dans la grande salle
aprΦs avoir refermΘ derriΦre moi la ½ porte d'entrΘe ╗.
Le lama Mingyar Dondup Θtait trΦs occupΘ et n'avait pas perdu son temps. Ses deux jambes Θtaient maintenant Θtroitement
maintenues chacune dans une gaine rigide qui brillait α la lumiΦre. Il semblait pouvoir marcher normalement.
½ Lobsang, commenτa-t-il, nous allons nous faire un repas avant de visiter ces lieux. Je viens d'avoir une liaison tΘlΘpathique avec un
ami du Potala, et il me dit qu'α l'extΘrieur la tempΩte fait rage. Mieux vaut rester ici le temps qu'elle se calme. Elle doit durer environ
une semaine. ╗ Cette nouvelle ne m'enthousiasma guΦre ; je ne pouvais plus supporter d'Ωtre enfermΘ dans cette galerie souterraine,
et
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mΩme l'attrait de cette salle immense ne parvenait pas α compenser l'angoisse qu'avaient suscitΘe ces lieux clos. J'Θtais comme un
animal en cage. Mais, parmi mes tourments, la faim Θtait encore ce qu'il y avait de plus insupportable ; aussi c'est avec joie que
j'accueillis la proposition de mon ami.
C'est lui qui prΘpara le repas. Il cuisinait α merveille, α mon avis du moins. Et comme il Θtait bon de s'asseoir devant un bol de
tsampa bien chaude ! Je lui trouvai un parfum extraordinaire que je humais avec dΘlice. Mes forces me revenaient et mon humeur
morose se dissipait. Lorsque j'eus avalΘ ma ration, le lama me demanda si j'en voulais d'autre. ½ Tu peux en avoir autant que tu
veux, me dit-il, il y a ici de quoi nourrir une lamaserie ! Je te dirai plus tard d'o∙ vient cette nourriture mais, pour le moment, en
veux-tu d'autre ? ╗ ½ Oh oui ! merci, rΘpondis-je, je crois que j'ai encore un peu de place pour un supplΘment de tsampa, et c'est
tellement bon Jamais je ne l'ai trouvΘe aussi dΘlicieuse. ╗
Le lama eut un petit rire ΘtouffΘ tandis qu'il allait remplir mon bol. Puis il revint en riant α gorge dΘployΘe, tenant α la main une
bouteille. ½ Regarde, Lobsang, me dit-il, tu as ici la meilleure eau-de-vie qui soit ; elle est ici dans un but thΘrapeutique, mais je
pense que, du fait de notre captivitΘ, nous en mΘritons un peu pour donner quelque saveur α notre bouillie insipide ! ╗
Je pris le bol qu'il me tendait et reniflai la mixture, l'air mΘfiant, car on m'avait toujours dit que
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ces breuvages alcoolisΘs Θtaient l'oeuvre des dΘmons. Et aujourd'hui, on m'encourageait α en absorber ! ½ Tant pis, me dis-je, au
moins τa me remettra d'aplomb !╗ Et je me mis α manger.
Je tiens α rappeler que pour manger nous ne disposions que de nos doigts. Nous n'utilisions ni couteaux ni fourchettes, et encore
moins de baguettes, si bien qu'aprΦs il fallut nous laver les mains en les frottant avec du sable fin.
J'Θtais donc en train de vider consciencieusement mon bol, utilisant non seulement mes doigts mais aussi toute la paume de ma main
droite, lorsque, d'un seul coup, je m'effondrai en arriΦre. Je me plais α dire que j'Θtais bel et bien ½ tombΘ de sommeil ╗ comme on
dit, mais mon ami le lama m'assura, comme il le dit plus tard au Potala, que j'Θtais, en fait, ivre-mort ! Ivre ou non, j'ai en tout cas
bien dormi et dormi longtemps. Et lorsque je m'Θveillai, la salle Θtait toujours merveilleusement ΘclairΘe. Je portai mon regard vers ce
qui devait Ωtre le plafond mais il Θtait si loin qu'on pouvait α peine le distinguer. C'Θtait assurΘment une piΦce immense qui donnait
l'impression que la montagne Θtait tout α fait creuse. ½ Regarde, Lobsang, la lumiΦre est encore lα et va Θclairer un nouveau jour.
Cette Θmanation lumineuse ne s'accompagne d'aucun dΘgagement de chaleur, contrairement α cette vilaine chandelle qui sent
mauvais et qui fume ; elle est exactement α la mΩme tempΘrature que l'air ambiant. Qu'en penses-tu ? ╗
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Je regardai une fois de plus autour de moi n'arrivant toujours pas α comprendre comment une telle lumiΦre pouvait pΘnΘtrer dans
une salle qu'entouraient des murs de pierre. Devant ma perplexitΘ le lama me dit : ½ Tout cela paraεt extraordinaire en effet. Je suis
incapable d'expliquer ce phΘnomΦne ; c'est une invention qui remonte α des millions d'annΘes. Des Ωtres, α cette Θpoque, ont
dΘcouvert un moyen de conserver la lumiΦre Θmise par le soleil, et ils utilisaient celle-ci pour dissiper les tΘnΦbres. Si l'on n'utilise
plus cette technique dans nos citΘs et dans nos temples, c'est parce que nous ne savons pas comment la retrouver et l'appliquer.
Nulle part ailleurs je n'ai vu pareil Θclairage ! ╗
Un million d'annΘes, rΘpΘtai-je l'air rΩveur, c'est plus que je n'en peux concevoir. Un million, c'est un chiffre avec toute une sΘrie de
zΘros derriΦre, six je crois ; mais je ne vois pas α quoi cela peut correspondre dans la rΘalitΘ ! Dix ans, vingt ans, je peux α la rigueur
en avoir une idΘe, mais plus, non ! ╗ Comment a-t-on pu construire cette salle ? ╗ demandai-je tout en passant les doigts
distraitement sur l'une des inscriptions du mur. Soudain je reculai d'effroi, un dΘclic venait de se faire entendre, et un pan de mur
commenτait α s'enfoncer.
Lobsang ! s'Θcria mon ami, tu viens de mettre au jour une cavitΘ secrΦte ! Aucun d'entre nous ne connaissait l'existence de cette
seconde salle. ╗ Prudemment, nous passΓmes la tΩte par l'ouverture
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et nous f√mes surpris de constater que le rayon lumineux nous accompagnait, et qu'α mesure que nous nous Θloignions de la
premiΦre salle, cette derniΦre progressivement s'obscurcissait.
Nous avancions avec crainte et regardions atten¡tivement autour de nous pour dΘpister un Θventuel danger. Puis, rassemblant notre
courage, nous nous dirigeΓmes hardiment vers le centre de la piΦce o∙ tr⌠nait une masse gigantesque. Cette ½ forme ╗, pour laquelle
nous n'avions pas de nom, avait d√ Ωtre brillante dΘjα, mais sa surface Θtait maintenant toute ternie et grisΓtre. Elle mesurait prΦs de
huit mΦtres de haut et ressemblait α deux plats posΘs l'un sur l'autre.
Nous en fεmes le tour et dΘcouvrεmes, α l'arriΦre de l'appareil, une Θchelle qui, α partir d'un orifice situΘ au sommet, descendait
jusqu'au sol. Oubliant alors que mon statut de jeune ecclΘsiastique exigeait quelque tenue, je m'Θlanτai vers l'Θchelle et y grimpai
prestement sans mΩme m'Ωtre assurΘ de sa soliditΘ. Mais elle tenait, apparemment. Je constatai encore une fois que le rayon
lumineux Θtait toujours lα quand je passai la tΩte pour regarder α l'intΘrieur de la machine. J'y vis le lama qui, de son c⌠tΘ, avait
pΘnΘtrΘ dans l'appareil α l'Θtage infΘrieur. ½ Lobsang, dit-il sur un ton solennel, nous sommes dans ce qu'on appelle "le char des
dieux" ; ils utilisent de tels engins pour se dΘplacer dans l'espace. Tu en as d'ailleurs peut-Ωtre vu dans le ciel ? ╗ ½ Oh oui !
rΘpondis-je, mais c'est le premier que je vois de si prΦs. ╗
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Chapitre deuxiΦme
Nous nous trouvions dans une sorte de couloir dont les parois Θtaient constituΘes de placards et de casiers divers. Je tirai une poignΘe
au hasard et un immense tiroir vint α moi, coulissant aussi bien que s'il e√t ΘtΘ neuf. Il renfermait toutes sortes d'objets Θtranges. Le
lama Mingyar Dondup qui regardait par-dessus mon Θpaule prit quelque chose et s'exclama : ½ Ce sont s√rement des piΦces
dΘtachΘes ! Je suis s√r qu'il y a ici de quoi faire fonctionner α nouveau la machine. ╗
Nous refermΓmes le tiroir et allΓmes plus loin. Le faisceau de lumiΦre nous prΘcΘdait et, dans les lieux que nous quittions, la lumiΦre
diminuait progressivement. Nous atteignεmes bient⌠t une trΦs grande piΦce qui s'illumina dΦs que nous y pΘnΘtrΓmes. Quelle ne fut
pas notre surprise de la voir remplie de monde ! C'Θtait, semblait-il, le poste de pilotage, et les individus que nous voyions Θtaient
assis chacun en un endroit bien prΘcis. L'un d'eux regardait attentivement ce qui devait Ωtre un tableau
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de bord, ⌠∙ se trouvaient une multitude de cadrans ; il semblait se prΘparer au dΘcollage. ½ Comment se fait-il, m'Θcriai-je encore
tout abasourdi, que ces Ωtres soient encore lα aprΦs des millions d'annΘes ! Ils ont l'air tellement vivants, seulement profondΘment
endormis. ╗
Un autre homme Θtait assis devant une table sur laquelle Θtaient ΘtalΘes d'immenses cartes qu'il consultait la tΩte dans ses mains et les
coudes appuyΘs sur la table. Nous parlions α mi-voix. Tout cela Θtait presque effrayant et nos petits acquis techniques, dont nous
Θtions si fiers, paraissaient plut⌠t pitoyables dans ce milieu.
½ Ces hommes sont en Θtat d'hibernation, m'expliqua le lama. Je suis certain qu'il existe un moyen de leur redonner vie, mais je ne le
connais pas et je me demande ce qui se passerait si je le connaissais. Tu as vu comme moi d'autres cavernes dans cette montagne ;
beaucoup contiennent des choses assez Θtonnantes, des Θchelles mΘcaniques, par exemple, tu t'en souviens ? Mais cet endroit est
vraiment exceptionnel, je n'en ai jamais vu de pareil. En tant qu'aεnΘs, nous avons, certains autres lamas et moi, la responsabilitΘ de
ces lieux. Il nous revient de les garder intacts, et je peux te dire que c'est ici l'endroit le plus merveilleux. Je me demande s'il y a
encore d'autres salles α dΘcouvrir. Mais examinons celle-ci d'abord. Nous avons une semaine devant nous, car il me faudra bien tout
ce temps avant que je sois capable de redescendre dans la vallΘe. ╗
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Nous nous approchΓmes des autres hommes ; il y en avait sept en tout. On avait l'impression que chacun Θtait α son poste et qu'ils
s'apprΩtaient α dΘcoller. Mais le dΘcollage avait d√ Ωtre interrompu par une catastrophe subite ; peut-Ωtre un tremblement de terre qui
aurait fait s'effondrer des rochers sur ce qui devait Ωtre un toit α glissiΦre.
Le lama s'arrΩta α la hauteur d'un homme qui tenait un livre, une sorte de journal de bord, et il semblait qu'il venait d'y inscrire
quelque chose peut-Ωtre les derniers incidents. Mais nous ne pouvions comprendre son Θcriture. ╔taient-ce des lettres, des
idΘogrammes ou bien seulement des symboles techniques ? Nous n'en savions rien. ½ Nous n'avons jamais rΘussi α traduire ces
signes, dit le lama, mais, attends un instant... N'est-ce pas un appareil α enregistrer, lα-bas ? (Il montrait du doigt l'appareil, en proie α
une vive excitation. De toute faτon, τa m'Θtonnerait qu'il soit en Θtat de fonctionner ╗, reprit-il comme nous nous dirigions vers
l'appareil en question.
Il avait la forme d'une boεte et, α mi-hauteur, une ligne en faisait le tour. Nous essayΓmes de pousser vers le haut, juste au-dessus de
la ligne de dΘmarcation, et bient⌠t, α notre grande joie, la boεte s'ouvrit, rΘvΘlant des rouages α l'intΘrieur, et quelque chose qui
semblait servir aux dΘplacements d'une bande mΘtallique entre deux bobines.
Le lama se pencha vers les diffΘrents boutons fixΘs sur le devant de la boεte, les touchant tour α
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tour. Tout α coup, nous sursautΓmes : une voix se fit entendre qui venait de la partie supΘrieure de l'appareil. C'Θtait une voix comme
nous n'en avions jamais entendu et le discours Θtait tout α fait inintelligible. Pour ajouter α notre Θtonnement, les paroles furent
suivies de sons qui se voulaient peut-Ωtre ½ musicaux ╗ mais qui, pour nos oreilles, n'Θtaient que cacaphonie. Ne pouvant en
supporter davantage, mon guide pressa un bouton et le bruit s'arrΩta. Assez ΘprouvΘs par nos dΘcouvertes, toutes plus excitantes les
unes que les autres, nous aspirions tous deux au repos ; aussi, des fauteuils qui se trouvaient lα furent-ils les bienvenus. Mais en
m'asseyant sur l'un d'eux, je fus saisi de frayeur en le sentant se dΘrober sous moi. J'Θtais comme assis sur un coussin d'air. Cet
instant de surprise passΘ, le lama me dit : ½ Peut-Ωtre qu'un peu de tsampa nous ferait du bien ; nous sommes tous deux ΘpuisΘs. ╗
Lα-dessus il chercha des yeux l'endroit le plus propice pour y faire du feu. C'est alors qu'il remarqua une alc⌠ve, α l'extΘrieur de la
"cabine de pilotage". ½ C'est sans doute ici qu'ils prΘparaient leurs repas, dit-il en y pΘnΘtrant, toujours prΘcΘdΘ du rayon lumineux.
Tous ces boutons doivent bien servir α quelque chose, ils ne sont pas ici pour le dΘcor ! ╗ Il me montra un bouton sur lequel Θtait
reprΘsentΘe une main semblant indiquer la position "arrΩt". Sur un autre Θtait dessinΘe une flamme ; c'est sur ce dernier qu'il appuya.
Au-dessus se trouvaient des rΘcipients mΘtalliques. Il en prit un.
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TrΦs vite nous ressentεmes une sensation de chaleur. ½ Tiens, Lobsang, me dit mon Maεtre, mets ta main ici. Est-ce que tu sens
comme c'est chaud ? Nous allons pouvoir faire chauffer la tsampa. ╗ Je mis la main lα o∙ il m'indiquait et la retirai aussit⌠t ; sans
doute l'avais-je posΘe un peu trop prΦs car la sensation ressentie fut trΦs forte ! Mon guide sourit et mit la tsampa froide dans le
rΘcipient mΘtallique, puis posa le tout sur une grille au-dessus de la source de chaleur. Il y ajouta de l'eau, et le mΘlange ne tarda pas
α bouillonner. Il appuya alors sur le bouton "arrΩt" et le rouge incandescent disparut. Ayant retirΘ le rΘcipient, α l'aide d'un objet
mΘtallique dont l'extrΘmitΘ avait la forme d'une petite Θcuelle, il distribua la tsampa dans les bols. Nous n'avions plus qu'α la manger,
et, pendant quelque temps, nous n'entendεmes plus que le bruit que nous faisions en mangeant.
½ J'ai une de ces soifs ! m'Θcriai-je dΦs que j'eus avalΘ la derniΦre bouchΘe. Je boirais volontiers quelque chose... ╗ └ c⌠tΘ de
l'endroit o∙ nous avions fait chauffer la tsampa je vis une sorte de grande cuvette et, au-dessus, deux manettes mΘtalliques. Je
tournai l'une d'elles et de l'eau froide se rΘpandit dans la cuve. Je la tournai rapidement dans l'autre sens, et l'eau s'arrΩta de couler.
J'essayai l'autre manette elle Θtait rouge celle-lα et il sortit alors de l'eau si chaude que je faillis m'Θbouillanter. Je refermai le robinet
et me tournai vers le lama : ½ Maεtre, dis-je, si cette eau est lα depuis des millions d'annΘes,
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comme toute chose ici, pourquoi ne s'est-elle pas ΘvaporΘe depuis longtemps ? Comment expliquer qu'elle devrait normalement Ωtre
mauvaise, alors qu'elle est potable ? ╗
½ L'eau peut se conserver indΘfiniment, dΘclara mon guide. Regarde les lacs et les fleuves, l'eau ne s'est pas ΘvaporΘe ! L'eau a
toujours existΘ, bien avant qu'il y ait des hommes sur terre. Et si cette eau est toujours potable c'est parce qu'elle provient sans doute
d'un rΘservoir assez Θtanche pour la prΘserver de toute pollution. Selon moi, ce vaisseau qui est dans l'autre salle, est venu atterrir ici
pour se rΘapprovisionner et peut-Ωtre pour rΘparer une ava¡rie. A en juger par la pression de l'eau au robinet, la rΘserve d'eau est
immense, en tout cas suffisante pour que nous puissions passer un mois ici ! ╗
½ Mais s'il y a de l'eau, m'Θcriai-je, peut-Ωtre y a-t-il aussi de la nourriture bonne α manger ! ╗ Et lα-dessus, j'essayai de m'extirper de
mon siΦge qui semblait vouloir me retenir. J'appuyais par hasard sur le c⌠tΘ du fauteuil quand je me vis tout α coup propulsΘ dans
les, airs et me retrouvai en position debout sur le sol. L'effet de surprise passΘ, je me dirigeai vers la petite cuisine et tΓtai la paroi qui
laissait voir quelques trous dont je ne comprenais pas l'utilitΘ. En enfonτant le doigt au centre de l'un d'eux, tout α fait par hasard, je
vis bient⌠t coulisser un panneau et aperτus toutes sortes de pots, de bocaux et de boεtes dont je cherchai l'ouverture. Les bocaux
Θtaient transparents, et ce que je voyais α l'intΘrieur
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me paraissait bon α manger. Mais quel go√t cela aurait-il, pensai-je, aprΦs tant d'annΘes !
Cette question du vieillissement ou du non-vieillissement des choses m'intriguait. Je passai ensuite α l'inspection des autres rΘcipients,
et les images que je voyais notamment sur certaines boεtes me laissaient perplexe ; elles ne ressemblaient α rien de ce que je
connaissais. Et il n'y avait apparemment aucun moyen d'ouvrir ces rΘcipients. J'inspectai niche aprΦs niche, placard aprΦs placard, et
allais de surprise en surprise. Dans l'un des bocaux transparents je crus reconnaεtre des feuilles de thΘ, mais ce qui retint le plus mon
attention fut ce qui me sembla Ωtre des morceaux de viande. Je n'avais jamais mangΘ de viande de ma vie, et avais grande envie d'y
go√ter un jour. Ma curiositΘ satisfaite par la visite de la cuisine, je rejoignis mon ami le lama. Je le trouvai trΦs absorbΘ par la lecture
d'un livre.
½ Maεtre, lanτai-je tout excitΘ, j'ai dΘcouvert l'endroit o∙ ils stockaient leur nourriture. Mais elle se trouve dans des boεtes que l'on ne
peut pas ouvrir ! ╗ Mon guide tourna un regard vide vers moi mais, se ressaisissant, il Θclata bient⌠t de rire et dit : ½ Mais si,
Lobsang, il y a un moyen de les ouvrir ; il y a des millions d'annΘes on connaissait un procΘdΘ de conditionnement diffΘrent du n⌠tre
qui permettait de conserver des aliments trΦs frais. J'ai dΘjα mangΘ de la viande de dinosaures aussi fraεche que si l'animal avait ΘtΘ
abattu la veille. Je vais te rejoindre lα-bas et nous allons examiner tes dΘcouvertes. ╗
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En l'attendant, je me dirigeai du c⌠tΘ de la cabine de pilotage, et m'assis pour mΘditer un peu sur la question qui m'embarrassait le
plus : ½ Si ces hommes Θtaient vraiment aussi ΓgΘs qu'on me le disait, pourquoi n'Θtaient-ils pas tombΘs en pous¡siΦre ? ╗ Je
n'arrivais pas α croire qu'ils Θtaient lα depuis des millions d'annΘes tant ils paraissaient intacts et vivants. On aurait dit qu'ils
attendaient d'Ωtre rΘveillΘs. Je remarquai alors sur le dos de l'un d'entre eux une petite sacoche que j'ouvris. Elle contenait des
bobines sur lesquelles Θtaient enroulΘs des fils Θlectriques et des choses en verre dont je ne comprenais pas l'usage. Il y avait aussi
une plaque avec diffΘrentes touches. J'appuyai sur l'une d'entre elles et fus glacΘ d'effroi : l'homme α qui j'avais pris la sacoche avait
eu un sursaut et, sur-le-champ, Θtait tombΘ en poussiΦre ù une poussiΦre vieille de plusieurs millions d'annΘes... Le lama Mingyar
Dondup me rejoignit. Je n'avais pas bougΘ, j'Θtais comme pΘtrifiΘ. Il me regarda, puis fixant le tas de poussiΦre il dit : ½ Ce n'est
qu'en essayant les divers appareils, en appuyant sur les diffΘrents boutons, en jouant avec les diffΘrentes manettes que nous
trouvons dans ces cavernes que nous pourrons peu α peu dΘcouvrir leur fonction. Quant α ces hommes, je crois comprendre qu'ils
savaient qu'ils allaient mourir ici, enterrΘs vivants ; alors le mΘdecin du bord a d√ leur donner α chacun cet Θquipement de survie
qu'ils ont sur le dos et qui les a mis en Θtat d'hibernation. Ils ne sont pas
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rΘellement morts ; ce dispositif leur dispense la quantitΘ minimum d'Θnergie nΘcessaire au fonctionnement de leur organisme ; mais
ce fonctionnement est, bien entendu, trΦs rΘduit. En appuyant sur cette touche, la rouge, tu as rompu le fil tΘnu qui reliait cet homme
α la vie et, d'un seul coup, son Γge vΘritable s'est effondrΘ sur lui le rΘduisant en poussiΦre. ╗ Nous regardΓmes ses compagnons
encore "vivants" et dΘcidΓmes que nous ne pouvions pratiquement rien pour eux. Nous Θtions nous-mΩmes prisonniers de la
montagne, comme l'Θtait le vaisseau ; et qui pouvait dire, par ailleurs, que si nous rΘveillions ces hommes ils ne mettraient pas en
danger le monde des lamaseries ? Il Θtait certain qu'ils dΘtenaient un savoir supΘrieur au n⌠tre qui les ferait passer pour des dieux par
rapport α nous, et notre peuple ne pouvait se permettre d'Ωtre α nouveau rΘduit en esclavage comme il l'avait ΘtΘ jadis.
Mon guide et moi gardΓmes le silence un moment, chacun absorbΘ dans ses pensΘes. Qu'arriverait-il si nous pressions tel ou tel
bouton ? Quelle sorte d'Θnergie pouvait Ωtre assez puissante pour maintenir ces hommes en vie ? Au mΩme moment, nous f√mes pris
d'une frisson et le lama rompit le silence. ½ Tu es jeune, Lobsang, commenτa-t-il, et moi je suis un vieil homme, j'ai expΘrimentΘ
quantitΘ de situations ; j'aimerais savoir ce que toi tu penses de celle-ci. Que ferais-tu ? Ces hommes sont en vie, cela est certain ;
mais qui peut nous dire que si nous leur redonnons vie ils ne se comporteront pas en
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barbares ? Peut-Ωtre mΩme nous tueraient-ils pour venger leur compagnon que nous avons laissΘ mou¡rir ? Il faut penser α tout cela.
Et aucune des inscriptions qui sont ici ne peut nous aider puisque nous ne les comprenons pas. ╗
Il s'interrompit car je venais de me lever en proie α la plus grande des excitations. ½ Maεtre, m'Θcriai-je, j'ai vu tout α l'heure un livre
qui peut peut-Ωtre nous aider ; on dirait un dictionnaire multi¡lingue. ╗ Sans attendre sa rΘponse, je me prΘcipitai dans une piΦce
contiguδ α la cuisine et retrouvai le fameux livre qui paraissait tout neuf. Je le pris α deux mains, car il Θtait lourd, et l'apportai α mon
guide.
Cachant mal son excitation, il le prit et se mit α le consulter. Il resta α lire un certain temps, puis se rendant compte de mon
impatience il me dit : ½ Dans ce livre nous avons la clΘ de tout. Il raconte par ailleurs une histoire fascinante. Je peux le lire parce
qu'il est Θcrit en une langue sacrΘe α l'usage des seuls lettrΘs. Le TibΘtain moyen ne peut pas la compren¡dre, moi je peux ; et dire
que ce livre a deux millions d'annΘes ! C'est l'Γge du vaisseau Θgalement. Ce livre dit qu'il tire son Θnergie de la lumiΦre, c'est-α-dire
de n'importe laquelle des sources lumineuses : soleil, Θtoiles, etc., ou bien de toute substance ayant dΘjα utilisΘ ce type d'Θnergie ù
Θnergie qu'α son tour il transmet α un autre corps. ╗
½ Les hommes qui sont ici sont nuisibles, pour¡suivit le lama qui se rΘfΘrait toujours au livre.
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C'Θtaient les domestiques des "Jardiniers de la Terre". Ils avaient quittΘ le "vaisseau mΦre", comme l'appelle le livre, et se trouvaient
dans ce qu'il nomme un "canot de sauvetage" (c'est le vaisseau qui est lα). Le livre dit aussi que la nourriture conservΘe ici est bonne
et que les hommes de l'autre piΦce peuvent Ωtre rΘanimΘs ; mais quand bien mΩme ils le seraient, ils resteraient ces Ωtres pervers qui
recherchaient des femmes plus petites qu'eux pour, disaient-ils, faire des expΘriences ; cette union rΘsultant, bien entendu, en de
violentes souffrances pour leurs compagnes. Dans ce livre, les auteurs se demandent si l'Θquipement de survie va fonctionner ou
bien s'il va Ωtre dΘsamorcΘ aprΦs avoir quittΘ le vaisseau mΦre. Je pense qu'il faudrait en lire plus encore, mais la conclusion
immΘdiate est que si nous redonnons vie α ces individus, ils risquent de se montrer trΦs cruels α notre Θgard, et nous ne pourrions pas
lutter contre eux. Ils sont habituΘs α traiter autrui comme du vulgaire bΘtail servant α des expΘriences gΘnΘtiques ; et, toujours selon
ce livre, ils auraient commis beaucoup d'atrocitΘs en effectuant des expΘriences sexuelles avec les femmes de notre peuple. Mais tu
es trop jeune encore pour savoir tout cela. ╗
Je me promenai un peu dans les parages, laissant mon ami allongΘ sur le sol o∙ il soulageait ses jambes trΦs douloureuses. J'arrivai
dans une piΦce de couleur verte ; au centre tr⌠nait une table, assez insolite, qu'Θclairait du plafond une lumiΦre trΦs intense. Partout
ce n'Θtait que boεtes et rΘcipients en verre.
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Je pensai qu'ils devaient soigner les malades dans cette piΦce, et j'allai avertir le lama de ma dΘcou¡verte. Il se mit debout
pΘniblement, et me suivis en clopinant jusqu'α la salle que je venais de lui dΘcrire.
DΦs que j'y pΘnΘtrai, il y fit clair comme en plein jour, et je notai sur le visage du lama une expression de grande satisfaction. ½
Bravo, Lobsang, s'exclama-t-il, Sa SaintetΘ le dela∩-lama sera fier de toi ; tu as fait aujourd'hui deux dΘcouvertes importantes. ╗ Il fit
quelques pas dans la piΦce, examinant tour α tour les objets. Puis il jeta un coup d'oeil α des bocaux qui m'avaient intriguΘ car ils
renfermaient quelque chose que je ne connaissais pas. S'asseyant sur une chaise il se plongea bient⌠t dans la lecture d'un livre qu'il
avait pris sur une ΘtagΦre.
½ Comment se fait-il, Maεtre, que vous compre¡niez cette langue ? ╗ demandai-je ΘtonnΘ.
Il repoussa le livre et sembla un instant mΘditer sur ma question. ½ Tu sais, Lobsang, dit-il enfin, c'est une longue histoire qui
remonte au dΘbut des temps, et nous-mΩmes, lamas, nous nous perdons dans ses mΘandres. Mais je vais te la rΘsumer briΦvement.
½ Le monde o∙ nous vivons Θtait prΦs d'Ωtre colonisΘ et nos Maεtres ù je les appelle "Maεtres" car dans la hiΘrarchie ils sont encore
au-dessus des Jardiniers ù donnΦrent l'ordre de planter sur Terre une nouvelle espΦce. C'est de cette premiΦre souche que notre
peuple est issu.
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Sur une planΦte fort ΘloignΘe de la n⌠tre, α l'autre bout de l'univers, on se mit α prΘparer l'ΘvΘnement et l'on construisit un vaisseau
spatial spΘcial capable de se dΘplacer α trΦs grande vitesse et qui devait emporter dans ses cales les embryons humains. Les
Jardiniers, comme on appela ceux qui devaient accomplir cette mission, emmenΦrent donc sur terre les embryons, mais on ne sait
rien de la pΘriode qui suivit leur arrivΘe sur notre planΦte et qui va jusqu'α l'Θmergence des premiΦres crΘatures humaines.
½ Pendant ce temps, sur leur planΦte d'origine, des changements importants avaient lieu. Le "dieu" qui rΘgnait alors Θtait trΦs vieux et
son pouvoir Θtait convoitΘ par une bande de sinistres individus qui rΘussirent α le dΘtr⌠ner pour mettre α sa place un fantoche α leur
solde.
Quand les Jardiniers revinrent de la planΦte Terre, ils furent trΦs mal accueillis par les traεtres au pouvoir : on voulait les exterminer
car ils risquaient d'Ωtre gΩnants. Aussi remontΦrent-ils bien vite dans leur vaisseau, aprΦs s'Ωtre emparΘs de quelques femmes de leur
taille, et ils mirent le cap α nouveau sur la Terre (mais tu sais, Lobsang, la Terre ne reprΘsente qu'une infime partie de l'univers, et il
y a d'autres univers encore).
De retour sur Terre, ceux qui avaient crΘΘ l'espΦce humaine y Θtablirent leur propre empire. Ils construisirent nombre de
superstructures, de hautes
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pyramides notamment qui leur permettaient de cap¡ter par radio le moindre message et aussi de se prΘserver contre d'Θventuelles
attaques. Les humains leur servaient d'esclaves et les Jardiniers n'avaient qu'α savourer leur confort et Θmettre des ordres.
½ Bient⌠t les hommes et les femmes gigantes¡ques de cette race se lassΦrent de leurs partenaires respectifs et cherchΦrent des
aventures ailleurs. Ce qui entraεna des querelles et des troubles divers. C'est alors que, venu de quelque galaxie lointaine, un vaisseau
spatial surgit, que ne dΘtectΦrent pas les radars. Il Θtait immense, et de son bord descendirent des Ωtres qui α leur tour s'installΦrent et
bΓtirent des habitations. Les premiers occupants de la planΦte prirent trΦs mal cette invasion et il y eut une bataille de mots, que
suivit bient⌠t un vΘritable combat entre les deux factions. La guerre dura trΦs longtemps, et chacun se surpassa dans l'invention
d'engins diaboli¡ques. Finalement, comme les nouveaux arrivΘs ne parvenaient pas α se rendre maεtres de la situation, ils lancΦrent
des engins, α partir du grand vaisseau, porteurs de bombes qu'ils lΓchΦrent sur le territoire ennemi.
½ Ces bombes Θtaient des modΦles dΘjα trΦs perfectionnΘs de bombes atomiques, et lorsqu'elles tombaient, tout Θtait dΘcimΘ α des
kilomΦtres α la ronde. AprΦs le passage de ces engins il n'y eut plus sur terre qu'une aveuglante lumiΦre pourpre que contemplaient
les occupants du grand vaisseau en s'Θloignant dans l'espace.
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Pendant une centaine d'annΘes, peut-Ωtre plus, il n'y eut pratiquement plus de vie sur terre dans les rΘgions bombardΘes. Mais
lorsque les effets des radiations commencΦrent α se dissiper, des Ωtres se mirent α sortir, craintivement, se demandant ce qu'ils
allaient dΘcouvrir. Ils mirent bient⌠t sur pied une sorte d'agriculture, utilisant des charrues en bois et autres instruments. ╗
Maεtre, interrompis-je, vous dites que notre monde est vieux de plusieurs millions d'annΘes, peut-Ωtre cinquante millions, mais il y a
tant de choses que je ne comprends pas. Ces hommes, par exemple, dans cette piΦce, nous ne savons pas depuis combien de temps
ils existent. Et cette nourriture, pourquoi est-elle encore fraiche et comestible ? Pourquoi ces hommes ne sont-ils pas tombΘs en
poussiΦre ? ╗
Le lama sourit et me dit : ½ Nous sommes un peuple d'ignorants, mais il y a eu sur Terre des hommes beaucoup plus savants que
nous. Si tu prends ce livre, par exemple (il me montrait un livre qui se trouvait sur une ΘtagΦre), tu y trouveras toutes sortes
d'explications sur des pratiques mΘdicales et techniques chirurgicales totalement inconnues au Tibet. Et pourtant, nous sommes
parmi les premiers habitants de la Terre... ╗
Et pourquoi notre pays se trouve-t-il α si haute altitude ? repris-je. Pourquoi notre existence ici est-elle si pΘnible ? Les ouvrages que
vous avez rappor-
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tΘs de Katmandu parlent d'un tas de choses, mais ils ne disent rien de ce que nous voyons ici. Et pourquoi rien au Tibet ne marche
sur des roues ? ╗
½ Il y a un vieux, trΦs vieux dicton, rΘpondit le lama, qui dit que lorsque les engins α roues pΘnΘtreront au Tibet ce sera l'annonce
d'une invasion par des peuplades hostiles. Cela s'est vΘrifiΘ, et je vais te prouver que les anciens pouvaient rΘellement prΘvoir l'avenir
car il y a ici des instruments permettant de voir non seulement dans le passΘ, mais aussi dans le prΘsent et le futur. ╗
½ Mais comment ces objets peuvent-ils durer aussi longtemps ? continuais-je obstinΘment. Une chose, avec le temps et lorsqu'on ne
s'en sert plus, ne doit-elle pas nΘcessairement se dΘtΘriorer, tomber en dΘcrΘpitude comme cette vieille roue α priΦres que vous me
montriez l'autre jour dans l'ancienne lamaserie ? Elle Θtait si rouillΘe qu'elle ne pouvait plus tourner. Comment les gens faisaient-ils
jadis pour arrΩter ce processus de dΘsintΘgration ? Quel est le pouvoir occulte qui permet α ces objets de se conserver ? Et cette
lumiΦre qui nous prΘcΦde chaque fois que nous pΘnΘtrons dans une piΦce, quelle est-elle ? Nous n'avons au Tibet que des lampes α
beurre nausΘabondes ou des torches pour nous Θclairer, et ici il fait clair comme en plein jour ! Pourtant je ne vois pas ces
gΘnΘrateurs dont vous m'expliquiez l'emploi l'autre jour et qui produisent ce que vous appelez l' "ΘlectricitΘ". Pourquoi sommes-nous
si arriΘrΘs ? ╗
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J'Θtais profondΘment embarrassΘ par toutes ces questions que je venais de formuler.
Le lama garda le silence un certain temps puis me dit : ½ Tu as raison, mon ami, il y a des choses que tu dois savoir. Ne dois-tu pas
devenir le lama le plus savant et le plus clairvoyant du Tibet ? Tu seras capable de voir dans l'avenir aussi bien que dans le passΘ et
le prΘsent. Bon, je vais te dire... Il y avait jadis dans cette chaεne de montagnes un grand nombre de cavernes reliΘes entre elles par
des tunnels, mais dans chacune d'elles, o∙ que l'on soit, on avait de la lumiΦre et de l'air frais. Notre pays, le Tibet, se trouvait alors
α c⌠tΘ de la mer, et les gens vivaient dans les plaines ; celles-ci n'Θtaient que lΘgΦrement vallonnΘes. A cette Θpoque, les gens aussi
disposaient de pouvoirs qu'ils n'ont plus aujourd'hui. Puis, il se produisit une grande catastrophe dont furent responsables les savants
de ces rΘgions que l'on appelle l'Atlantide. Avec un explosif trΦs puissant, ils dΘtruisirent le monde... ╗
½ DΘtruisirent le monde ? interrogeai-je, incrΘdule. Mais notre pays existe toujours, et le monde aussi ! ╗
Le lama se leva alors et alla chercher un livre. Il y en avait des quantitΘs ici. Ouvrant le livre qu'il avait pris, il me montra des images.
½ Regarde, dit-il, le monde jadis Θtait protΘgΘ par une couche de nuages. On ne pouvait voir du sol le soleil, et l'on ne soupτonnait
pas l'existence des Θtoiles. A cette Θpo-
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que, les gens vivaient des centaines d'annΘes ; ils ne mouraient pas comme aujourd'hui meurent les gens dΦs qu'ils ont acquis
quelques connaissances. Si l'on meurt aujourd'hui, c'est α cause des rayons toxiques du soleil, qui ne sont plus arrΩtΘs par ces nuages
protecteurs. Ces rayons nocifs sont responsables de bon nombre de maladies sur terre, troubles aussi bien physiques que mentaux.
Cette explosion eut donc de violentes rΘpercussions sur le monde. Ce fut un grand bouleversement : les εles de l'Atlantide qui se
trouvaient trΦs loin du Tibet sombrΦrent dans la mer, tandis que notre pays fut projetΘ α prΦs de dix mille mΦtres au-dessus du niveau
de la mer. Les gens perdirent de leur robustesse et moururent en grand nombre du fait de la rarΘfaction de l'oxygΦne et de la plus
grande nocivitΘ des rayons solaires α cette altitude. ╗
Le lama fit alors une pause et se frotta les jambes ; il semblait beaucoup souffrir. ½ Une partie de notre pays est cependant restΘe
prΦs de la mer, reprit-il, mais ses habitants se sont progressivement diffΘrenciΘs de nous. Sur le plan de l'esprit, ils sont trΦs limitΘs ;
ils n'ont pas de temples, ils ne vΘnΦrent aucun dieu, et, encore de nos jours, ils se servent d'embarcations en peaux de bΩtes pour
aller chasser le phoque et pΩcher toutes sortes de poissons. Ils tuent aussi beaucoup de ces crΘatures majestueuses dont le chef
s'orne de cornes immenses, et ils en mangent la chair. Plus tard, les autres peuples de la terre ont donnΘ α ces gens du Nord le nom
d'Esqui¡maux. La partie du Tibet dans laquelle nous sommes
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renfermait l'Θlite de la population : les prΩtres, les sages, les mΘdecins les plus renommΘs, etc., tandis que celle qui s'est sΘparΘe pour
sombrer dans l'ocΘan, ou du moins rester α son niveau, ne renfermait que des individus trΦs moyens, des ouvriers non spΘcialisΘs et
sans grande intelligence comme les b√cherons ou les porteurs d'eau. Ces individus n'ont pas ΘvoluΘ et sont restΘs pratiquement au
mΩme stade durant un million d'annΘes. Ils se sont nΘanmoins maintenus sur terre en pratiquant une petite agriculture.
½ Mais avant de t'en dire davantage, coupa le lama, je voudrais que tu regardes mes jambes ; elles me font trΦs mal et j'ai trouvΘ un
ouvrage mΘdical ici qui parle de blessures qui ressemblent α la mienne. Je n'ai pas besoin d'en lire davantage pour savoir que je
souffre d'une infection. ╗ Je le regardai, l'air ΘtonnΘ, me demandant ce que je pouvais faire pour le soigner, moi pauvre novice !
Mais je retirai nΘanmoins ses pansements et j'eus un choc en voyant ses jambes. Les plaies Θtaient trΦs enflammΘes et couvertes de
pus, et toute la rΘgion sous le genou Θtait enflΘe.
½ Tu vas faire trΦs exactement ce que je te demande de faire, me dit mon guide. Tout d'abord, il faut dΘsinfecter les plaies.
Heureusement, il y a ici tout ce qu'il faut et en trΦs bon Θtat. Sur cette ΘtagΦre, en m'indiquant l'endroit du doigt, tu vas trouver un
flacon de verre portant une Θtiquette. C'est le troisiΦme de la gauche sur la deuxiΦme ΘtagΦre en partant du bas. Apporte-le et je te
dirai si c'est le bon. ╗
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ObΘissant, je me dirigeai vers les ΘtagΦres et je fis coulisser ce qui me sembla Ωtre une porte en verre. Mais je ne savais pas encore
bien reconnaεtre le verre car il n'y en avait pratiquement pas au Tibet. Les fenΩtres Θtaient tendues de papier huilΘ pour permettre α
la lumiΦre de passer, ou bien elles ne comportaient aucun "vitrage". Mettre des vitres en verre e√t co√tΘ trop cher car le verre devait
Ωtre importΘ de l'Inde et le transport par les sentiers de montagne n'Θtait pas facile
Je fis donc coulisser la vitrine et examinai les bouteilles. J'en trouvai une qui me sembla Ωtre celle que voulait le lama et la lui
apportai. Il la regarda et lut le mode d'emploi. AprΦs quoi il me demanda de lui passer un grand rΘcipient. ½ Celui qui est retournΘ,
prΘcisa-t-il ; lave-le bien et rappelle-toi que nous avons toute une rΘserve d'eau. Ensuite, tu y verseras environ trois bols d'eau. ╗ Je
lavai donc minutieusement le rΘcipient qui Θtait dΘjα trΦs propre, puis y versai la quantitΘ d'eau requise et apportai le tout au lama. Ce
qu'il fit alors m'Θtonna beaucoup : aprΦs qu'il eut manipulΘ quelque peu le flacon, l'extrΘmitΘ s'en dΘtacha brusquement. ½ Oh ! vous
l'avez cassΘ, m'Θcriai-je. Est-ce que je vais en chercher un autre ? ╗
½ Lobsang, mon ami, je ne l'ai pas cassΘ, dit gentiment le lama. Sache que si l'on a pu introduire quelque chose dans cette bouteille,
on peut aussi l'en retirer Ceci est tout simplement un bouchon, et en le retournant on peut mΩme s'en servir comme doseur.
Regarde... ╗
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Je regardai le bouchon qu'il tenait renversΘ et vis qu'il y avait, en effet, de haut en bas une graduation. ½ Il va nous falloir maintenant
du linge, reprit mon guide ; ouvre ce placard, je vais te dire quel paquet prendre. ╗
La porte n'Θtait pas en verre ni en bois, mais en une matiΦre que je ne connaissais pas. Je l'ouvris et vis une sΘrie de baluchons. ½
Prends le bleu, me dit mon ami, et aussi le blanc α droite. Et puis va te laver les mains ! ajouta-t-il aprΦs m'avoir examinΘ. PrΦs du
robinet tu verras un cube blanc, frotte tes mains avec et insiste sur les ongles. ╗
Je fis tout cela et trouvai amusant de voir ma peau s'Θclaircir α mesure que je frottais. Mes mains Θtaient presque roses et j'allais les
essuyer sur ma robe lorsque le lama arrΩta mon geste : ½ Non, Lobsang ! Essuie-toi avec τa (il me tendait un morceau d'Θtoffe qu'il
avait sorti d'un des baluchons) et ne touche surtout pas α ta robe ; elle est dΘgo√tante ! Il faut que tes mains soient impeccables pour
faire ce travail. ╗
J'Θtais fort intΘressΘ par tous les prΘparatifs. Mon ami avait Θtendu par terre une sorte de drap et avait posΘ dessus divers objets : une
cuvette, quelque chose qui ressemblait α un godet et un autre objet que je ne connaissais pas ; c'Θtait un tube de verre, semblait-il,
graduΘ, α l'extrΘmitΘ duquel se trouvait une aiguille en acier ; l'autre extrΘmitΘ consistant en une tirette. Il Θtait rempli d'un liquide de
couleur qui faisait des bulles. ½ Maintenant, Θcoute-moi attenti-
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vement, dit le lama. Il nous faut dΘsinfecter la chair jusqu'α l'os. Profitons de ce qui est offert ici ; ce sont des techniques mΘdicales
trΦs avancΘes. Prends cette seringue, sors-en l'extrΘmitΘ... attends je vais le faire... maintenant tu enfonces l'aiguille dans ma jambe,
lα o∙ je mets mon doigt. Cela va insensibiliser cette rΘgion et tu pourras nettoyer la plaie sans que je souffre. Allez, vas-y ! ╗
Je pris l'objet qu'il avait appelΘ "seringue" et levai un regard apeurΘ vers lui. ½ Non, je vous assure, je ne peux pas ! ╗
½ Lobsang, dit doucement mon ami, tu vas bien¡t⌠t Ωtre un lama-mΘdecin, et bien souvent tu seras obligΘ de faire mal α tes patients.
Allez, fais ce que je te dis et enfonce l'aiguille complΦtement. Je te dirai si τa fait mal. ╗
Je repris donc l'instrument et crus que j'allais dΘfaillir. Mais un ordre est un ordre ! Je tenais la seringue le plus bas possible en
l'approchant de la peau et je fermai les yeux tandis que je plantais l'aiguille d'un coup sec. Il n'y eut aucune rΘaction de la part du
lama. J'ouvris les yeux et le trouvai en train de me sourire. ½ Bravo, Lobsang ! me dit-il enfin, tu as fait du beau travail, je n'ai rien
ressenti. Tu seras un mΘdecin Θpatant ! ╗ Je croyais qu'il se moquait de moi, mais α son expression je vis qu'il Θtait sincΦre. ½
Maintenant que cette jambe est insensibilisΘe, tu vas pouvoir prendre cet instrument qui est lα ; ce sont des pinces... Ah ! j'oubliais,
verse un peu de ce liquide dans un bol et frotte ma jambe
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avec, de haut en bas. Si tu appuies bien, tu vas pouvoir enlever de gros blocs de pus. Lorsqu'il y en aura trop par terre il faudra que
tu m'aides α me dΘplacer vers un endroit plus propre. ╗
Je pris les pinces et m'en servis pour prΘlever de gros morceaux de coton que j'imbibais de liquide, puis je frottais vigoureusement la
surface blessΘe. Je dΘtachai ainsi beaucoup de pus et des caillots de sang sΘchΘ ; c'Θtait impressionnant.
La jambe fut bient⌠t parfaitement propre. ½ Voilα une poudre dont tu vas recouvrir toute la plaie, me dit encore mon ami. Elle va
dΘsinfecter et empΩcher que ne se reforme du pus. Tu prendras ensuite du linge dans ce baluchon bleu et tu me feras un pansement.
╗
Je continuai donc le nettoyage, saupoudrant partout, puis j'enveloppai la jambe dans une espΦce de gaine en plastique aprΦs l'avoir
bandΘe en prenant garde de ne pas trop serrer. Quand j'eus terminΘ, j'Θtais en sueur mais mon ami semblait aller beaucoup mieux.
Il me fallait encore faire l'autre jambe. ½ Tu ferais bien de me donner un stimulant, dit le lama. Sur cette ΘtagΦre tu vas voir une
boεte d'ampoules. Donne-m'en une. Tu vois ce bout pointu ? Casse-le d'un mouvement brusque contre ma peau, n'importe o∙. ╗
AprΦs avoir fait tout cela, je nettoyai le pus de l'autre jambe et la bandai ; puis, ΘpuisΘ, je sombrai dans le sommeil...
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Chapitre troisiΦme
Ma parole, quel soleil ! Il faut que je me mette α l'ombre ! ╗ pensai-je, encore couchΘ. Mais quand je me redressai et que j'ouvris les
yeux je compris que ce n'Θtait pas le soleil et que je n'Θtais pas dehors. O∙ Θtais-je ? En apercevant mon ami, le lama Mingyar
Dondup, tout me revint de ce qui aurait pu Ωtre un rΩve. Ce que j'avais pris pour le soleil Θtait cette lumiΦre mystΘrieuse qui
ressemblait α la lumiΦre du jour, mais dont nous ne connaissions pas l'origine.
Tu as l'air complΦtement abasourdi, Lobsang, me dit mon guide. J'espΦre que tu as bien dormi. ╗ ½ Oui, rΘpondis-je, mais je trouve
toujours tout cela extrΩmement compliquΘ ! Et plus je tente d'expliquer ces choses, plus mes explications s'embrouillent. Cette
lumiΦre, par exemple, d'o∙ vient-elle ? Pour¡quoi peut-elle se conserver, durant des millions d'annΘes, aussi brillante que le soleil ? ╗
Tu as beaucoup α apprendre, Lobsang, me dit gentiment mon guide. Tu es un peu jeune encore,
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mais puisque nous sommes dans ces lieux, je vais t'en dire un peu.
Les Jardiniers de la Terre, commenτa-t-il, lorsqu'ils venaient incognito sur la planΦte avaient besoin de retraites comme celle-ci, et
dΦs qu'ils rencontraient sur leur chemin un promontoire ro¡cheux, ils y faisaient une ouverture α l'aide d'un chalumeau (comme on
appellera cet appareil plus tard). Sous l'effet de la chaleur, une partie de la pierre fondait et le revΩtement grisΓtre que l'on peut voir α
l'extΘrieur provient de la vapeur que dΘgageait la roche en fusion. Lorsque la caverne Θtait percΘe aux dimensions voulues on la
laissait refroidir et sa paroi intΘrieure devenait lisse comme du verre.
AprΦs avoir fait cette immense caverne dans laquelle pourrait tenir le Potala tout entier, ils creusΦrent un tunnel le long de la chaεne
monta¡gneuse qui, α cette Θpoque, n'Θtait pas encore sortie de terre. Ce tunnel, long de cinq cents kilomΦtres environ, reliait entre
elles toutes les cavernes.
Puis il y eut cette effroyable explosion qui fit basculer la Terre, faisant disparaεtre des continents sous l'ocΘan, et en projetant
d'autres bien au-dessus du niveau de la mer. Nous avons eu de la chance d'Ωtre parmi ceux-lα, et de la chance aussi que nos collines
deviennent des montagnes. J'ai des reproduc¡tions de cela que je te montrerai. Mais, dans ce grand bouleversement, l'alignement des
tunnels se trouva grandement perturbΘ, et il fut impossible de le
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parcourir d'un bout α l'autre. Deux ou trois cavernes restaient accessibles et l'on se trouvait aussit⌠t dans la montagne. Quant au
tunnel, on y pouvait faire seulement quelques pas lα o∙ l'on se rappelait l'ancien tracΘ. Tu sais que le temps ne m'importe pas, aussi
ai-je pu jadis moi-mΩme visiter beaucoup de ces lieux, et dΘcouvrir des choses absolument extraordinai¡res. ╗
½ Oui mais, interrompis-je, tout cela ne me dit pas pourquoi ces lieux sont encore intacts aprΦs tant d'annΘes ! MΩme une roue α
priΦres, avec le temps, se dΘtΘriore, et ainsi en va-t-il de toutes nos posses¡sions terrestres. Comment expliquez-vous qu'il fasse ici
plus clair qu'en plein jour ? ╗
Le lama eut un geste d'impuissance. ½ Lobsang, dit-il, nous allons tout d'abord nous restaurer car nous devons tenir plusieurs jours
ici. ╗ Puis me montrant du doigt l'alc⌠ve, il ajouta : ½ Va lα-bas et rapporte quelques-unes de ces boεtes sur lesquelles il y a des
images. Il faut que tu aies une idΘe de la faτon dont les gens vivaient autrefois, il y a trΦs long¡temps. ╗
Je me levai, et sus ce qui m'importait avant tout de faire. ½ Honorable lama, dis-je en me retournant vers lui, puis-je vous aider α
satisfaire vos besoins naturels ? ╗ ½ Merci, Lobsang, rΘpondit-il dans un sourire, c'est dΘjα fait ! Il y a un endroit lα-bas trΦs
commode. Tu y verras un trou creusΘ dans le sol. ╗
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J'allai dans la direction qu'il m'indiquait et trouvai en effet un trou. Les murs de la piΦce Θtaient lisses, mais le sol ne l'Θtait pas, si
bien que l'on ne pouvait craindre de glisser. Une fois ces besoins satisfaits, je m'occupai de notre repas. J'allai dans l'alc⌠ve et m'y
lavai soigneusement les mains. C'Θtait si commode de n'avoir qu'un robinet α tourner ! En le fermant je sentis de l'air chaud qui
venait du mur. Je plaτai mes mains devant la bouche d'air qui Θtait une ouverture rectangulaire, et pus α loisir me sΘcher les mains.
Mais le courant s'arrΩta bient⌠t et je pensai que ceux qui avaient conτu ce systΦme avaient d√ calculer le temps moyen qu'il fallait
pour se sΘcher les mains ! J'ouvris ensuite le placard aux provisions et restai un moment α contempler les boεtes multicolores. Elles
Θtaient couvertes d'images qui n'avaient aucun sens pour moi. L'une d'elles reprΘsentait une chose rouge avec de grosses pinces, l'air
trΦs fΘroce ; une autre me faisait penser α un mille-pattes. Sur une autre encore on avait l'impression de voir des araignΘes cuirassΘes
de rouge. Je passai outre α ces horribles choses, et donnai la prΘfΘrence α ce qui me parut Ωtre des fruits. Il y en avait des rouges, des
jaunes et des verts ; l'effet Θtait des plus jolis ! J'en pris autant que je pus en porter et, avisant un chariot dans un coin, j'y plaτai mes
trΘsors et rejoignis ensuite le lama. Quand il me vit arriver dans cet Θquipage il ne put s'empΩcher de rire.
½ Est-ce que tu as trouvΘ agrΘable de te laver les mains ? me demanda-t-il ensuite. Et que penses-tu du
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sΘchage ? N'est-il pas fascinant de voir que tout cela fonctionne encore aprΦs un million d'annΘes ou plus ? C'est que l'atome de base
qui produit l'Θnergie nΘcessaire est pratiquement indestructible. Mais lorsque nous quitterons ces lieux tout s'arrΩtera. Il suffira que
quelqu'un d'autre vienne pour que tout se remette en marche. Au fait, la lumiΦre qui t'intrigue tant, sache qu'elle est obtenue par
quelque chose que tu ne pouvais deviner ; derriΦre cette paroi polie se trouve une substance chimique qui rΘagit α certains stimuli en
produisant de la lumiΦre froide. Mais voyons ce que tu as apportΘ. ╗
Je lui tendis les boεtes de conserve une par une, et il en mit quatre de c⌠tΘ. ½ Cela suffit pour maintenant, dit-il ; et il nous faut
quelque chose α boire aussi. Peux-tu aller chercher de l'eau ? Tu prendras des rΘcipients au-dessus du placard. Prends aussi sur
l'ΘtagΦre du bas des pastilles qui donneront un peu de saveur α l'eau. ╗
Je me rendis dans la cuisine, pris les rΘcipients, les remplis d'eau et les apportai α mon ami avant de repartir chercher les tubes qui
contenaient de dr⌠les de pastilles orange. Je donnai un tube α mon ami qui le dΘcapsula et jeta une pastille dans un verre d'eau. Il
rΘpΘta l'opΘration une seconde fois et me tendit un verre. Lui-mΩme prit le sien et but de bon coeur. Je l'observai, l'air un peu
hΘsitant, puis α mon tour avalai ce breuvage Θtrange. Mais je fus ΘtonnΘ, et bient⌠t ravi par son go√t inattendu.
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½ Mangeons quelque chose maintenant ╗, dit mon guide. Il s'empara d'une boεte ronde, et tira sie un anneau. Il y eut un appel d'air,
mon ami tira plus fort et tout le couvercle se souleva. A l'intΘrieur il y avait des fruits. Le lama les renifla, puis en go√ta un et me dit :
½ Tu peux en manger, ils sont encore trΦs frais ; choisis la boεte que tu veux je vais te l'ouvrir. ╗
Je regardai toutes les Θtiquettes et mon choix s'arrΩta sur des fruits noirs qui semblaient couverts de protubΘrances. Mon guide tira α
nouveau sur un anneau. Le mΩme bruit sec se fit entendre et le couvercle se souleva. Mais cette fois il y avait un problΦme, car les
fruits minuscules baignaient dans un liquide. ½ Il va falloir nous civiliser un peu, dit alors mon guide. Retourne dans la cuisine et
prends dans un tiroir l'un de ces objets en mΘtal argentΘ dont l'extrΘmitΘ a la forme d'une Θcuelle. Apportes-en deux.
J'allai chercher les objets qu'il me demandait et revins bient⌠t en disant : ½ Il y avait lα des objets Θtranges, certains avec des pointes
au bout, et d'autres avec une lame ! ╗
½ Ce sont des fourchettes et des couteaux, me dit tranquillement mon ami. Nous nous en servirons plus tard. Ce que tu as apportΘ
c'est une cuiller. En en plongeant l'extrΘmitΘ dans la boεte tu vas pouvoir recueillir les fruits en mΩme temps que le jus, et ce sans te
salir. ╗ Il me montra comment faire et je l'imitai, mais je ne remplis ma cuiller qu'α moitiΘ, ne
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sachant si j'allais aimer cet aliment nouveau pour moi. La sensation que j'Θprouvai α la premiΦre bouchΘe fut tellement agrΘable que
j'eus vite fait d'engloutir toute la boεte. Le lama qui avait ΘtΘ encore plus rapide que moi me dit en riant : ½ Il va falloir nous calmer
car, si nous continuons ainsi, nous n'aurons pas suffisamment de provisions ! ╗
½ Je me sens encore trΦs faible, reprit-il ensuite, je voudrais que tu continues α visiter tout seul. ╗
AprΦs le repas, d'un pas trΦs assurΘ, je quittai donc la grande piΦce et allai inspecter les autres salles. Dans l'une d'elles je trouvai
toutes sortes d'appareils Θtincelants comme des sous neufs. Mon regard fut attirΘ par l'un d'eux qui avait un Θcran. Il Θtait allumΘ et
l'on pouvait distinguer une image. On y voyait des boutons sur lesquels quelqu'un appuyait, et un fauteuil. Un homme en aidait un
autre α s'asseoir dans ce fauteuil, et tournait une manette placΘe sur le c⌠tΘ. La chaise grimpait alors de quelques centimΦtres. Sur
une autre image je vis le fauteuil se promener d'un appareil α l'autre... et c'est alors que je m'aperτus qu'il Θtait prΘcisΘment derriΦre
moi. Je me retournai si vite que je butai dessus et me retrouvai par terre, le nez contre le sol. J'avais l'impression qu'on me l'avait
arrachΘ tant il me faisait mal, et il Θtait tout humide. Je compris qu'il saignait et je retournai dans la salle o∙ Θtait le lama pour Θponger
ce sang.
J'allai prendre un peu de ce coton qui m'avait servi pour ses jambes et l'appliquai dans mes narines.
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L'Θcoulement s'arrΩta bient⌠t et je jetai le coton usagΘ dans un rΘcipient vide qui se trouvait α proximitΘ. Quelque chose me poussa
alors α regarder dedans et, α ma grande surprise, je me rendis compte que le coton n'y Θtait plus. J'allai alors ramasser, α l'aide d'une
pelle que je trouvai, le pus dont j'avais fait un tas dans un coin et le versai dans le mΩme rΘcipient. Comme le coton, il disparut α son
tour ! Je fis de mΩme pour ce que nous avions laissΘ dans les "lieux d'aisance", et tout se dΘroula de mΩme : la substance fut
engloutie sur-le-champ, tandis que le rΘcipient demeurait propre et brillant.
½ Lobsang, me dit le lama, tu devrais essayer de le placer dans le trou que nous utilisons. J'ai l'impres¡sion qu'il doit s'y adapter. ╗ Je
traεnai l'espΦce de cuvette jusqu'au trou ; elle s'adaptait en effet α merveille dessus.
½ Maεtre, dis-je en rejoignant mon ami, vous devriez vous asseoir dans le fauteuil que j'ai apportΘ ; je vous pousserais et vous
pourriez ainsi visiter sans vous fatiguer. ╗ Il accepta et je glissai le fauteuil sous lui. Puis comme je l'avais vu faire sur l'image, je
tournai l'une des poignΘes sur le c⌠tΘ et la chaise s'Θleva de quelques centimΦtres. Elle se trouvait ainsi α la bonne hauteur pour que
je puisse la diriger. (En fait, la mobilitΘ de ce que j'appelais un fauteuil roulant dΘpendait plus du phΘnomΦne de la lΘvitation que de
roues vΘritable.) Nous nous dirigeΓmes tous deux vers cette salle o∙ j'avais vu une multitude d'appareils.
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½ C'Θtait probablement leur salle de jeu, dΘclara le lama en y pΘnΘtrant. Toutes ces machines ne sont lα que pour le divertissement ;
jetons un coup d'oeil α cette espΦce de boεte qui se trouve α l'entrΘe. ╗
Je fis demi-tour et poussai le fauteuil vers l'appareil qu'il m'indiquait. C'Θtait prΘcisΘment celui sur lequel j'avais vu le fauteuil se
promener la premiΦre fois. Quel ne fut pas notre Θtonnement de nous voir sur l'Θcran, moi aidant le lama α monter. On vit aussi mon
ami dire quelque chose et notre Θquipage faire brusquement demi-tour pour aller lα o∙ nous Θtions prΘcisΘment. Nous Θtions bel et
bien en train de voir ce qui venait de se passer dans la piΦce. Ensuite apparurent sur l'Θcran les diffΘrents appareils qu'elle contenait,
accompagnΘs de leur mode d'emploi en images.
└ peu prΦs au centre de la salle se trouvait une machine qui, dΦs qu'on appuyait sur un bouton, dΘversait sur un plateau quantitΘ de
petits objets multicolores. ArrivΘs prΦs de cet appareil, le lama appuya sur ledit bouton, et dans un bruit mΘtallique tombΦrent toutes
sortes de petites boules. AprΦs les avoir examinΘes, et essayΘ de les casser, j'avisai un peu plus loin un plat que surmontait une lame
incurvΘe ; je plaτai les boules dessus et, un peu craintivement, abaissai la lame. Tout se passa comme je le souhaitais ; les boules
Θtaient chacune coupΘes en deux et une substance molle s'en Θchappait. Toujours trΦs intΘressΘ par ce qui se mange, j'en pris un
fragment que je posai sur ma langue. Sublime ! Je
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n'avais jamais rien mangΘ d'aussi bon. ½ Maεtre, m'Θcriai-je, il faut que vous go√tiez α cela ╗ Je le ramenai prΦs de la machine pour
qu'il appuyΓt α nouveau sur le bouton. Ce fut encore une avalanche de petites boules. J'en plaτai une dans ma bouche, et j'eus tout
d'abord l'impression que c'Θtait un caillou, mais elle ne tarda pas α se ramollir, et j'eus bient⌠t, en mastiquant, la plus agrΘable des
sensations. Chaque boule, selon sa couleur, avait un parfum diffΘrent, mais je n'avais pas la moindre idΘe de ce que c'Θtait. Le lama
remarqua mon embarras et me dit : ½ Lors de mes voyages en Occident j'ai vu beaucoup de machines ressemblant α celle-ci et
donnant les mΩmes bonbons, mais lα-bas il fallait mettre des piΦces de monnaie pour les obtenir ! Il y avait aussi beaucoup d'autres
appareils de type distribuant quantitΘ de choses. Il y en avait un que j'apprΘciais tout particuliΦrement car il donnait du "chocolat" ;
du moins Θtait-ce le mot qui Θtait inscrit dessus. Je serais bien incapable de te l'Θcrire. Mais... regarde (il me montrait l'une des
machines qui Θtaient dans la piΦce) c'est le mΩme mot qui est Θcrit sur celle-ci ! Il est lα au milieu de six autres, mais je suppose que
c'est la traduction en d'autres langues ! Voyons si elle fonctionne. ╗
- Il s'approcha de la machine et appuya sur un bouton ; il y eut une lΘgΦre secousse et bient⌠t un battant s'ouvrit rΘvΘlant toute une
rΘserve de bonbons au chocolat et autres friandises. Nous n'avions plus qu'α nous servir ! Nous en mangeΓmes jusqu'α nous rendre
malades. Je pensais que j'allais en
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mourir et dus aller dans ce fameux cabinet rejeter ce que je venais d'avaler. Le lama Mingyar Dondup, toujours assis dans son
fauteuil, m'appela ensuite pour que je le conduise au mΩme endroit, et nous baisserons le rideau sur ce qui se passa ensuite ! Plus
tard, lorsque nous f√mes α nouveau d'aplomb, nous en vεnmes α la conclusion que nous avions ΘtΘ victimes de notre gourmandise...
Puis nous passΓmes dans une autre piΦce. C'Θtait une sorte d'atelier de rΘparation. Il renfermait toutes sortes d'objets trΦs Θtranges et
parmi eux je recon¡nus ce qui me sembla Ωtre un tour α bois. Le dela∩-lama en avait un dans sa rΘserve spΘciale. Personne,
Θvidemment, ne savait s'en servir, mais moi qui m'Θtais souvent introduit en cachette dans cette piΦce, je savais le faire marcher.
C'Θtait un tour α pΘdales ; il n'y avait qu'α s'asseoir sur un tabouret et, avec les pieds, actionner deux pΘdales de haut en bas.
Celles-ci faisaient tourner une roue et quand on plaτait un morceau de bois entre deux repΦres ("la poupΘe", et la "contre-poupΘe")
on pouvait le tailler facilement et faire des bΓtons et des cannes parfaite¡ment rectilignes. Je cherchai dans l'immΘdiat α quoi il
pourrait me servir, et pensant aux planches que nous avions je dΘcidai d'en faire des cannes. Le rΘsultat fut magnifique, un vrai
travail de professionnel !
Nous nous approchΓmes ensuite de quelque chose qui ressemblait α un foyer. Il y avait aussi des chalumeaux et toutes sortes
d'objets en rapport avec le feu. Comme d'habitude nous fεmes divers essais et
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dΘcouvrεmes que nous pouvions rΘunir des piΦces mΘtalliques en les faisant fondre. AprΦs plusieurs tentatives nos rΘsultats devinrent
trΦs satisfaisants, mais le lama y coupa court et dit : ½ Nous avons encore beaucoup de choses α voir. Partons ! ╗
Je repris donc la manette et la tournai pour faire monter la chaise et nous allΓmes dans une autre salle. Celle-ci consistait en un grand
espace vide o∙ Θtaient disposΘes quelques tables mΘtalliques sur lesquelles reposaient d'Θnormes cuvettes. Nous ne comprenions pas
bien leur usage. Dans une piΦce adjacente il y avait un grand creux dans le sol et des inscriptions sur le mur qui, sans doute,
donnaient le mode d'emploi. Heureusement, des images les accompa¡gnaient. Comme elles l'indiquaient, nous nous assε¡mes sur le
bord de la "piscine", et je commenτai α dΘfaire les pansements de mon maεtre, puis l'aidai α se tenir debout. Il n'Θtait pas sit⌠t au
centre du bain qu'un liquide mousseux apparut dont le niveau monta progressivement.
Lobsang ! Lobsang ! s'Θcria mon ami, ce li¡quide, je le sens, va guΘrir mes jambes ! Je com¡prends certaines des inscriptions du
mur, elles disent que cette eau rΘgΘnΦre les tissus. ╗
Mais comment cela peut-il se faire, rΘtorquai-je incrΘdule, et comment pouvez-vous comprendre ce langage ?
C'est trΦs simple, rΘpondit-il. Tu sais que j'ai beaucoup voyagΘ, j'ai entendu parler quantitΘ de
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langages, et je me suis toujours intΘressΘ α l'Θtude de ces langues ΘtrangΦres. Tu as remarquΘ que je me plongeais souvent dans les
livres, essayant d'en apprendre toujours davantage. Eh bien ! cette lan¡gue, sur le mur, je crois que c'est ce qu'on appelle le sumΘrien
o∙ l'une des langues principales des εles de l'Atlantide. ╗
Les εles de l'Atlantide ? repris-je. Mais je croyais que c'Θtait un seul pays que l'on dΘsignait par ce nom. ╗ Le lama me sourit. ½ Non,
dit-il, il n'y a pas un endroit prΘcis qui s'appelle l'Atlantide. Ce terme dΘsigne plusieurs bandes de terre qui ont sombrΘ dans l'ocΘan.
╗
Ah bon, dis-je, je croyais que c'Θtait un pays o∙ l'on Θtait arrivΘ α un niveau de civilisation tel que nous autres, α c⌠tΘ, Θtions de
vΘritables ignorants ; et maintenant vous me dites que l'Atlantide n'est pas vraiment un pays ! ╗
Les idΘes sont encore trΦs confuses α ce sujet, reprit mon ami, et les hommes de science du monde entier jamais n'accepteront la
vΘritΘ, celle que je vais te dire. Il y a trΦs longtemps, ce monde o∙ nous vivons n'Θtait qu'une seule et mΩme Θtendue de terre.
Au-delα ce n'Θtait que de l'eau. Puis, sous l'effet des vibrations terrestres ù des tremblements de terre, si tu prΘfΦres ù, cette
Θtendue s'est fissurΘe et s'est brisΘe en plusieurs morceaux qui devinrent des εles. Lorsque ces εles Θtaient trΦs vastes on les appelait
des continents. Ces fragments de terre se disperse-
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rent et les gens qui les peuplaient oubliΦrent bient⌠t leur langue originelle, car ils utilisaient des dialectes propres α leur groupe. Jadis,
cependant, il n'Θtait pas besoin de parler pour se comprendre, on pratiquait la tΘlΘpathie. Mais certains individus malveillants en
profitaient pour saisir les pensΘes d'autrui qui ne leur Θtaient pas destinΘes ; aussi les groupes choisirent-ils de communiquer en un
langage qui leur Θtait particu¡lier. Ces langues particuliΦres se multipliΦrent et furent de plus en plus utilisΘes, si bien que l'on perdit
trΦs vite la facultΘ de communiquer par tΘlΘpathie, exceptΘ au Tibet et en quelques rares endroits. Ici nous pratiquons toujours cet
art, comme tu as pu t'en rendre compte lorsque je suis entrΘ en contact avec mon ami du Potala. J'ai informΘ ce dernier de notre
situation et il m'a rΘpondu, toujours par la mΩme voie, de rester ici, en attendant que la tempΩte se calme. Et de toute faτon, il
importe peu de se trouver en un endroit ou en un autre du moment que l'on y apprend quelque chose !
½ Sais-tu que ce bain me fait beaucoup de bien ? ajouta-t-il. Regarde mes jambes, ne vois-tu pas une amΘlioration ? ╗ Je regardai, et
fut Θbahi. La chair qui Θtait en lambeaux jusqu'α l'os (je pensais mΩme que, une fois au Chakpori, il faudrait amputer mon ami)
s'Θtait reformΘe entre les entailles.
½ Je crois que je vais sortir, dit le lama qui Θtait toujours dans la piscine, car mes jambes me dΘman¡gent, et si je reste un instant de
plus je vais devoir effectuer une vΘritable danse de Saint-Guy qui sera
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du plus haut comique ! Je sors et tu n'as pas besoin de m'aider. ╗ Il posa un pied par terre et le liquide baissa dans le bassin et
disparut complΦtement. Pourtant il n'y avait pas de trou permettant la vidange. L'eau semblait s'en aller par les parois et par le fond.
½ Regarde, Lobsang, s'Θcria mon guide, il y a ici des livres aux images fascinantes qui dΘcrivent les diffΘrentes machines qui se
trouvent ici. Il faut que nous Θtudiions cela pour en faire Θventuellement profiter le monde. ╗
Je jetai un coup d'oeil aux livres qui reprodui¡saient Θgalement l'intΘrieur du corps humain, et je trouvai ces illustrations rΘpugnantes.
Je me forτai nΘanmoins α Θtudier tout cela car il fallait que je m'instruise le plus possible sur le fonctionnement de l'organisme
humain.
Mais pour le moment, ce qui me paraissait urgent c'Θtait de me nourrir ! Le cerveau ne peut convenablement fonctionner si le ventre
est vide, pensai-je. PensΘe que j'exprimai α haute voix, d'ail¡leurs, ce qui fit sourire le lama. ½ C'Θtait mon idΘe aussi, rΘpliqua-t-il. Ce
traitement m'a affamΘ, allons voir ce qu'il reste dans la cuisine. Je crois qu'il va falloir nous rΘsigner α ne manger que des fruits ou
bien enfreindre l'une de nos rΦgles les plus sacrΘes et manger de la viande !
J'eus un haut-le-coeur, et dis : ½ Maεtre, com¡ment peut-on manger la chair d'un animal ! ╗
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Lobsang, rΘpondit-il gravement, ces animaux sont morts depuis des millions d'annΘes, et nous ne savons pas depuis combien de
temps cet endroit existe. Ce que nous savons c'est qu'il existe et qu'il vaut mieux, pour nous, manger cette viande et continuer α
exister, plut⌠t que jouer les puristes et mourir de faim ! ╗
Maεtre, repris-je, m'expliquerez-vous pourquoi cet endroit est encore intact. Tout s'use, et pourquoi pas les objets qui sont ici ? Ces
piΦces ont l'air d'avoir ΘtΘ dΘsertΘes d'hier. Je ne comprends pas, tout comme je ne comprends le mystΦre de l'Atlantide ! ╗
Il s'agit ici d'une technique que l'on appelle l'hibernation, dit le lama. Les Jardiniers de la Terre Θtaient, comme nous, soumis aux
maladies, mais comme elles ne pouvaient pas Ωtre traitΘes sur terre avec le peu de choses qu'il y avait, dΦs que quelqu'un tombait
malade et que l'on ne pouvait le soigner on l'enfermait dans un coffre en plastique aprΦs l'avoir placΘ en Θtat d'hibernation. Le
malade Θtait toujours vivant, mais son organisme fonctionnait au ralenti. On ne pouvait sentir ni les battements de son coeur ni sa
respiration. On ne pouvait cependant pas prolon¡ger cet Θtat au-delα de cinq ans. Tous les ans un vaisseau venait prendre ces
coffres, et le patient recevait alors un traitement adΘquat dans l'un des h⌠pitaux du Pays des Dieux. Une fois guΘri, il reprenait ses
activitΘs normales sur Terre. ╗
Et ces cadavres qu'il y a ici dans des cercueils de pierre, qui sont-ils ? demandai-je. Ils sont bien
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morts, n'est-ce pas, et pourtant ils semblent en vie ? ╗
Les Jardiniers de la Terre, poursuivit le lama, Θtaient des gens trΦs occupΘs et leurs supΘrieurs encore plus ; aussi, quand l'un d'eux
voulait connaεtre l'Θtat de sa progΘniture terrestre il pΘnΘtrait dans l'un de ces corps, du moins sa forme astrale, et, en le rΘanimant,
devenait ainsi un Ωtre humain ordinaire de l'Γge qu'il souhaitait, sans avoir α parcourir les Θtapes prΘcΘdentes de la vie, sans Ωtre
contraint de chercher du travail, par exemple, une femme, etc. Cela aurait ΘtΘ trop compliquΘ, et comme ces corps Θtaient bien
entretenus, ils Θtaient toujours prΩts α recevoir un "esprit" pendant une pΘriode donnΘe. Ces individus que l'on dit en transmigration
sont trΦs nombreux. Ils sont sur terre pour inspecter ce que font les hommes et essayer de prΘvenir, et Θventuel¡lement redresser
certaines tendances mauvaises. ╗
C'est fascinant, dis-je, mais j'ai aussi beaucoup de mal α y croire ! Est-ce que les corps recouverts d'or qui se trouvent au sommet du
Potala sont aussi destinΘs au mΩme usage ? ╗
Non, Lobsang, me rΘpondit mon ami, ce sont des Ωtres supΘrieurs que l'on a embaumΘs. Leur Γme gravite en des sphΦres
supΘrieures. Ils se sont arrΩtΘs un temps dans le monde astral pour y juger les nouveaux arrivants, et ils sont repartis plus haut. Il
faudra que je te parle de ce monde astral ou monde des esprits, et d'un royaume supΘrieur que l'on nomme Patra, et dont seuls les
lamas du Tibet ont
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connaissance. On ne peut en parler briΦvement, nous y reviendrons. Contentons-nous pour le moment de visiter cette caverne. ╗ Il
alla ensuite reposer des livres sur une ΘtagΦre et je lui dis : ½ C'est dommage, Maεtre, de laisser ici des livres aussi prΘcieux ; ne
pourrions-nous les rapporter au Potala ? ╗
Il se retourna vers moi et me jeta un regard intΘressΘ : ½ Sais-tu, Lobsang, me dit-il calmement, que je m'Θtonne, chaque jour
davantage, de tes progrΦs ? Tu es trΦs sensΘ pour ton Γge ! Je crois que le dela∩-lama a eu raison de me laisser libre de te dire tout ce
que je jugerais bon de t'apprendre. ╗
Le compliment me fit plaisir, et j'Θcoutai la suite : ½ Lors de cet entretien avec les officiers anglais auquel tu avais assistΘ, tu t'Θtais
conduit d'une faτon qui l'avait enchantΘ. Comme je te l'avais enseignΘ, tu as su garder un secret. Et j'Θtais trΦs content. Dans
quelques annΘes, le Tibet va Ωtre envahi par les Chinois ; ils pilleront le Potala, s'em¡pareront des statues d'or pour les fondre et en
rΘcupΘrer le mΘtal prΘcieux. Ils emmΦneront α PΘkin les livres sacrΘs pour y puiser la Sagesse dont ils nous savent les dΘtenteurs.
C'est pourquoi nous mettons α l'abri les objets les plus prΘcieux. Quant aux endroits exceptionnels comme celui o∙ nous nous
trouvons, nous rΘduirons au minimum les chances de les dΘcouvrir. De toute faτon, les Chinois ne pourront emprunter ce tunnel
avec leurs vΘhicules α quatre
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roues, et ils n'y viendront pas α pied, car cela leur ferait trop de route. Dans quelques annΘes, le Tibet sera envahi mais non conquis.
Les plus sages d'entre nous monteront sur ces hauteurs et vivront clandes¡tinement dans ces cavernes comme leurs ancΩtres l'ont fait
avant eux lorsqu'ils durent fuir. Pour le moment ne t'inquiΦte pas, le dela∩-lama nous laisse tout le temps que nous voulons, aussi
pourrons-nous, tout α loisir, consulter ces livres. Quant α les rappor¡ter au Potala il n'en est pas question ; cela revien¡drait α les
donner aux Chinois ! Ce serait dommage, non ?
½ Bon, il nous faut maintenant faire une Θtude systΘmatique de ces lieux, dit-il pour conclure, et essayer d'Θtablir leur topographie
prΘcise. ╗
½ Ce n'est pas la peine, Maεtre, dis-je tout excitΘ, j'ai ici une carte trΦs dΘtaillΘe ! ╗
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Chapitre quatriΦme
Le lama Mingyar Dondup parut trΦs satisfait, et il le fut encore plus lorsque je lui montrai aussi des cartes des autres cavernes.
J'avais farfouillΘ sur une ΘtagΦre, m'Θtonnant au passage de n'y trouver pas le moindre grain de poussiΦre, quand j'Θtais tombΘ sur
ces rouleaux de papier (enfin ce qui me paraissait Ωtre du papier, car il Θtait trΦs diffΘrent du n⌠tre qui est fait α la main α partir de
tiges de papyrus ; celui-ci Θtait beaucoup plus fin). Je pris donc ces liasses et dΘcouvris qu'il s'agissait de cartes. Il y en avait une
notamment qui Θtait la reproduction d'une zone de prΦs de cinq cents kilomΦtres de long ; le tunnel Θtait indiquΘ par une ligne
continue entrecoupΘe par endroits de pointillΘs, lα o∙ sans doute il n'Θtait plus praticable. ArrivΘs lα, il fallait donc sortir du segment
sans issue et chercher l'entrΘe du segment suivant. Le problΦme Θtait que nous ne savions pas combien de tremblements de terre
avaient eu lieu depuis l'Θtablissement de ces cartes. Sur une autre carte Θtait reprΘsentΘe la
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caverne dans laquelle nous nous trouvions. Toutes les piΦces Θtaient indiquΘes, et il y en avait une quantitΘ considΘrable. Ces piΦces
ainsi que les divers renfon¡cements Θtaient dΘsignΘs par des symboles que je ne comprenais pas ; mais j'espΘrais que mon guide
saurait les dΘchiffrer. Nous Θtendεmes les cartes par terre et les consultΓmes α plat ventre.
½ Lobsang, dit soudain le lama, tu as fait des dΘcouvertes remarquables au cours de ce voyage. Ce sera portΘ α ton actif ! Jadis
j'avais emmenΘ ici un jeune novice, et il n'avait pas voulu entrer tant il avait peur. Comme tu le sais, le vieil ermite qui a quittΘ ce
monde Θtait le gardien de ces lieux. Il nous faut maintenant construire un nouvel ermitage pour en garder l'entrΘe. ╗
½ Mais est-ce qu'un gardien n'est pas superflu, demandai-je un peu ΘtonnΘ, Θtant donnΘ que la majeure partie du tunnel que nous
avons empruntΘ est maintenant obstruΘe du fait du glissement de terrain ? Nous-mΩmes, sans ces cartes, aurions peu de chances de
sortir vivants, je crois. ╗
Le lama approuva de la tΩte, l'air grave, puis il se leva et se dirigea vers les rayonnages de livres, regardant les titres les uns aprΦs les
autres. Soudain il poussa un cri de joie et saisit un livre Θnorme, Θtincelant comme un sou neuf. ½ C'est une encyclopΘ¡die, dit-il, elle
est en quatre langues ; celles qui sont utilisΘes ici. ╗ Il prit le livre et le posa sur le sol o∙ Θtaient dΘjα les cartes qui n'auraient pu tenir
sur une
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table. Mon ami tournait les pages fΘbrilement, et prenait des notes qu'il reportait sur la carte de la caverne. ½ Il y a des siΦcles et des
siΦcles, commenta-t-il, vivait un peuple trΦs civilisΘ ; son degrΘ de civilisation dΘpassait de beaucoup celui que nous avons atteint α ce
jour. Malheureusement, α la suite de nombreux tremblements de terre et quantitΘ de raz de marΘe, des terres sombrΦrent en grand
nombre dans l'ocΘan. D'aprΦs ce livre, l'Atlantide n'a pas ΘtΘ le seul continent α Ωtre englouti. Il y en aurait eu un autre dans l'ocΘan
dit Atlantique ; puis encore un autre dans le mΩme ocΘan, mais plus bas. Il n'en est demeurΘ que les sommets des montagnes que
l'on voit Θmerger de la mer. Ces sommets constituent des εles que tu peux voir sur cette carte. ╗
Il farfouilla dans les papiers et en sortit bient⌠t une grande feuille multicolore ; il me montra ensuite les diffΘrentes mers du globe et
me situa approxima¡tivement l'archipel de l'Atlantide. ½ L'Atlantide, continua-t-il, qui veut dire "terre disparue", n'est pas un nom de
pays comme je te le disais, mais un nom pour dΘsigner ce continent perdu. ╗
Nous continuΓmes α consulter les cartes en silence. Personnellement, j'y cherchais un moyen de sortir de ces lieux tandis que le lama
tΓchait de trouver l'emplacement de salles particuliΦres. ½ Tiens, voilα ! dit-il tout α coup, dans cette piΦce il y a des instruments
absolument prodigieux. L'un sert α explorer le passΘ et reprΘsente Θgalement le prΘ¡sent ; l'autre permet de prΘdire l'avenir. Tu sais
que
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par l'astrologie on peut prΘdire l'avenir d'une nation, mais quand il s'agit de prΘdire celui d'un individu il faut un astrologue
particuliΦrement douΘ ; c'est un tel astrologue qui a prophΘtisΘ pour toi un futur assez pΘnible d'ailleurs ! ╗
½ Nous allons d'abord explorer les autres piΦces, reprit-il, avant d'aller voir ces fameux appareils qui te feront remonter α l'Θpoque de
l'implantation des premiers hommes sur la Terre. Chaque civilisation, chaque peuple a ses croyances, mais nous, au Tibet, dΘtenons
la vΘritΘ car nous avons accΦs aux Annales ou Archives akhasiques de probabilitΘs ; c'est-α-dire que nous sommes capables, par
exemple, de dire ce qui se passera dans l'avenir au Tibet, en Chine et en Inde. Mais en ce qui concerne les individus, les probabilitΘs
que donnent ces Archives sont alΘatoires, par consΘquent guΦre fiables.
½ Maεtre, interrompis-je, je ne comprends toujours pas pourquoi les choses ici sont demeurΘes intactes en dΘpit des annΘes. On m'a
toujours enseignΘ que rien de ce qui Θtait sur terre n'Θtait Θternel : le corps humain, le papier, les aliments, tout doit pΘrir et retomber
en poussiΦre. Pourquoi ici ils demeurent et conservent mΩme l'aspect du neuf ? ╗ Le lama me regarda en souriant et rΘpondit : ½ Il y
a un million d'annΘes, les hommes Θtaient beaucoup plus savants que de nos jours. Leurs connaissances techniques Θtaient telles
qu'ils pouvaient suspendre le temps. Le temps, tu le sais, n'est qu'une mesure arbitraire qui n'a de sens qu'ici-bas. Si tu attends, par
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exemple, un ΘvΘnement agrΘable, la durΘe qui t'en sΘpare te paraεtra interminable ; par contre, si tu dois rencontrer un supΘrieur en
vue d'une semonce tu ne sera guΦre pressΘ de te retrouver en face de lui. Le temps est une valeur arbitraire qui permet aux gens
d'organiser leurs affaires et la vie de tous les jours. Mais ici, dans ces cavernes, le temps n'importe plus ; elles sont hors du monde,
comme sΘparΘes de lui par un Θcran. Nous sommes ici dans la quatriΦme dimension. Mais avant d'aller plus loin dans notre
exploration il nous faut manger quelque chose ; au menu je te propose du dinosaure tuΘ il y a plus de un million d'annΘes par
quelque chasseur. Tu t'en rΘgaleras. ╗
½ Mais je croyais que manger de la viande Θtait interdit ╗ m'Θcriai-je.
½ Oui, les moines, en gΘnΘral, ne doivent pas manger de viande. La tsampa constitue leur ordinaire, car une nourriture trop riche α
base de viande nuit au bon fonctionnement du cerveau. Mais dans notre cas il est bon que nous mangions de la viande pour l'Θnergie
qu'elle dispense et dont nous avons grand besoin ; de toute faτon nous n'en avons pas beaucoup ; il y a ici surtout des lΘgumes et
des fruits. Ce n'est pas, en tout cas, le peu de viande que tu mangeras qui va souiller ton Γme immortelle ! ╗ Lα-dessus il se leva et
se dirigea vers la cuisine d'o∙ il revint avec une grosse boite sur laquelle Θtait reprΘsentΘ ce qui devait Ωtre un dinosaure. On avait
encerclΘ de rouge la partie correspondant au morceau
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qui se trouvait dans la boεte. Le tout me paraissait rΘpugnant. AprΦs quelques manipulations le lama ouvrit la fameuse boεte et la
chair qui Θtait α l'intΘrieur nous parut parfaitement fraεche, comme si l'animal venait d'Ωtre tuΘ le jour mΩme. ½ Il nous faut la faire
cuire, dit mon ami, car elle est bien meilleure ainsi. Maintenant regarde ce que je fais. ╗ Il prit un rΘcipient en mΘtal, fit quelques
gestes que je ne compris pas, puis y versa le contenu de la boεte. Il plaτa le tout dans une sorte de renfoncement aux parois
mΘtalliques dont il referma la porte aprΦs avoir tournΘ un bouton qui fit apparaεtre une petite lumiΦre. ½ Dans dix minutes, dit-il, ce
sera α point, car ce mode de cuisson permet α la viande d'Ωtre saisie de l'intΘrieur vers l'extΘrieur et non seulement α l'extΘrieur
comme sur une flamme. Je ne saurais t'expliquer son mΘcanisme fondΘ, je crois, sur l'interaction de plusieurs rayons. Mais il nous
faut maintenant choisir des lΘgumes pour aller avec la viande. ╗ ½ Mais o∙ avez-vous appris tout cela, Maεtre ? ╗ demandai-je. ½ J'ai
beaucoup voyagΘ, rΘpondit-il, et partout en Occident je cherchais α accroεtre mes connaissances ; ainsi je regardais les gens prΘparer
les diffΘrents repas de la semaine. Ce plat sent trΦs bon, mais il faut des lΘgumes ; nous allons trouver ce qu'il faut ici. ╗
Il plongea la main dans un placard et en retira une boεte de forme allongΘe. ½ Voilα ! ces lΘgumes doivent cuire environ cinq minutes
au four ╗, dit-il aprΦs avoir consultΘ le mode d'emploi. Une lumiΦre
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venait de s'Θteindre sur le panneau du four. ½ Cela veut dire, m'expliqua le lama, que nous devons mettre maintenant les lΘgumes. ╗
Il ouvrit donc la porte du four et versa dans le plat le contenu de la boεte de lΘgumes, puis referma la porte aussit⌠t et rΘgla diffΘrents
boutons qui firent s'allumer un voyant.
½ Lorsque tous ces voyants lumineux seront Θteints, prΘcisa-t-il, notre repas sera prΩt. Il nous faut des assiettes, et quelques-uns de
ces instruments Θtranges que tu as vus : les couteaux pointus, les cuillers, et ces ustensiles α quatre ou cinq pointes que l'on appelle
des fourchettes. Je suis certain que tu vas apprΘcier ce repas. ╗
Il avait α peine fini de parler que les voyants clignotΦrent, diminuΦrent d'intensitΘ pour finalement s'Θteindre. ½ ╟a y est, Lobsang,
s'exclama-t-il, tu peux t'asseoir, nous allons bient⌠t dΘguster... ╗ Il se dirigea vers ce qu'il appelait un four, en ouvrit la porte avec
prΘcaution, et une odeur trΦs agrΘable s'en Θchappa. J'observais avidement tous ses gestes. └ l'aide de couverts qu'il avait pris sur
l'ΘtagΦre il dΘposa dans mon plat une grande quantitΘ de chaque chose, tandis qu'il en mettait un peu moins dans le sien. ½ Allons,
Lobsang, commence, dit-il, il faut que tu prennes des forces. ╗
Il y avait plusieurs sortes d'aliments ; des lΘgumes de toutes les couleurs que je n'avais jamais vus, et surtout un gros morceau de ce
dinosaure. Je le pris
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tout entier entre mes doigts, mais le lama me dit d'utiliser une fourchette et me montra comment m'en servir. Suivant son exemple,
je coupai donc un petit morceau avec mon couteau et le portai α ma bouche aprΦs l'avoir regardΘ et reniflΘ. Je ne l'eus pas plut⌠t
dans la bouche que je courus α l'Θvier pour l'y cracher. Le lama riait. ½ Lobsang, me dit-il, tu crois que je me moque de toi, mais tu
as tort. Encore de nos jours, en SibΘrie, on dΘterre des dinosaures qui avaient ΘtΘ pris sous la glace ; et je t'assure que les gens lα-bas
s'en rΘgalent. Il faut parfois trois ou quatre jours pour qu'ils dΘgΦlent. ╗
½ Eh bien ! je leur donne ma part ! m'exclamai-je. J'ai eu l'impression de m'empoisonner ; autant manger ma grand-mΦre que cette
saletΘ ! C'est abominable. ╗ Sur ces paroles je me mis α gratter mΘticuleusement mon assiette pour qu'il ne reste plus la moindre
trace de viande, puis je me hasardai α prendre quelques lΘgumes. Je fus ΘtonnΘ de leur trouver trΦs bon go√t. C'Θtait la premiΦre fois
que je mangeais des lΘgumes ; jusque-lα je n'avais eu que de la tsampa et de l'eau pour mes repas. Je fis donc honneur aux lΘgumes,
mais le lama mit vite un frein α mon ardeur. ½ Tu as bien mangΘ, me dit-il, et tu sais que tu n'es pas habituΘ α manger des lΘgumes ;
il se peut que tu ne les supportes pas, et qu'ils te fassent l'effet d'une purge. Je vais te donner un mΘdicament pour prΘvenir des
troubles Θventuels. ╗
J'avalai les cachets qu'il me tendait. ½ Tu les as dΘjα avalΘs ? demanda-t-il ΘtonnΘ. En gΘnΘral on
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prend un peu d'eau avec. Avale un verre d'eau maintenant, τa les fera passer. ╗
Une fois de plus j'allai dans la cuisine, chancelant ; en effet, je n'Θtais pas habituΘ α manger des fruits et des lΘgumes ! Je sentais de
grands bouleversements du c⌠tΘ de mon estomac, et de mes intestins. Je dus bient⌠t abandonner la tasse que j'avais α la main et me
ruai vers cette petite piΦce qui comportait un trou dans le sol. Un peu plus il Θtait trop tard ! J'y arrivai α temps nΘanmoins.
En revenant auprΦs de mon ami je lui fis part des pensΘes qui m'obsΘdaient. ½ Maεtre, j'ai beau retourner le problΦme dans tous les
sens, je n'arrive toujours pas α comprendre pourquoi ces fruits, ces lΘgumes par exemple, vieux de deux millions d'annΘes, sont
intacts et comestibles ! ╗
½ Rappelle-toi, Lobsang, commenτa le lama, que ce monde existe depuis des millions d'annΘes et quantitΘ de crΘatures humaines s'y
sont succΘdΘ. Il y a deux millions d'annΘes, par exemple, il y avait sur terre une espΦce que l'on dit Homo habilis qui inventa au
dΘbut de notre Φre les outils dont allaient se servir les hommes du cycle suivant. L'homme actuel appartient α l'espΦce Homo sapiens,
mais nous descendons de ce type humain dont je te parle.
½ Tu comprendras peut-Ωtre si je compare le monde α un immense champ, et ce qu'il renferme, α des vΘgΘtaux. De temps en temps
un fermier laboure ce champ ; c'est-α-dire qu'il le retourne, bouleversant
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ainsi les plantes et leurs racines. Celles-ci se trouvent un instant α l'air libre avant d'Ωtre renfoncΘes encore plus profondΘment de telle
faτon qu'il est impossible de dΘterminer avec prΘvision quelles ont ΘtΘ les espΦces vΘgΘtables qui ont poussΘ dans le champ. Ce fut la
mΩme chose pour les Ωtres humains. Les Jardiniers testΦrent les espΦces humaines les unes aprΦs les autres et dΘtruisirent celles qui
ne leur convenaient pas en occasionnant toutes sortes de catastrophes. AprΦs chaque explosion ou tremblement de terre, la terre
recouvrait les derniΦres traces de l'humanitΘ et une nouvelle race Θmergeait des dΘcombres. Le cycle recommenτa des millions de
fois, et, comme dans le cas du fermier qui retourne son champ, il Θtait chaque fois impossible de reconstituer ce qui avait existΘ
durant les cycles prΘcΘdents.
½ Gardons toujours l'exemple du fermier, continua le lama. Il peut arriver qu'en cultivant son champ il dΘcouvre un objet brillant par
terre ; il se penche, le ramasse en se demandant ce que c'est. Il le mettra peut-Ωtre dans sa poche pour le rapporter α la maison et le
montrer α sa femme ou α ses voisins. Il se peut que ce soit un objet qui ait ΘtΘ enfoui un million d'annΘes auparavant et qui est
revenu α la surface aprΦs un tremblement de terre.
A la place d'un objet mΘtallique ce peut Ωtre un os sur lequel le fermier mΘditera, se demandant d'o∙ il peut bien provenir. Il y a
tellement eu de crΘatures Θtranges sur terre. Ainsi ces femmes α la peau pourprΘe qui avaient huit mamelles de chaque c⌠tΘ
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comme une chienne qui attend des petits. Il Θtait sans doute avantageux d'avoir seize mamelles, mais la race a nΘanmoins disparu car
cela ne devait pas Ωtre pratique. Admettons qu'une telle femme ait donnΘ le jour α un grand nombre d'enfants, sa poitrine l'aurait
empΩchΘe de marcher tant elle aurait ΘtΘ basse. Il y eut aussi une race o∙ les hommes ne mesuraient pas plus d'un mΦtre, et savaient
dΦs la naissance monter α cheval, contrairement α toi qui peux α peine te tenir sur le plus doux des poneys ! Ces hommes avaient les
jambes arquΘes de naissance et n'avaient besoin ni d'Θtriers ni de selle. Leur constitution mΩme les destinait α la cavalerie.
Malheureusement, le cheval n'existait pas encore α cette Θpoque... ╗
½ Maεtre, interrompis-je, tout cela ne me dit pas pourquoi ici, sous le roc, en plein coeur de la montagne, nous avons une lumiΦre
aussi intense que celle du soleil, et nous y avons chaud. Vraiment je ne comprends pas ! ╗
Le lama me sourit, comme il souriait souvent quand je parlais puis reprit : ½ Ces rocs que l'on appelle montagnes ont une propriΘtΘ
spΘcifique : ils absorbent la lumiΦre du soleil, ils l'absorbent de faτon permanente, et il ne reste plus qu'α savoir la rΘcupΘrer pour la
propager α nouveau selon l'intensitΘ dΘsirΘe lorsque le soleil n'est plus apparent. Il n'y a rien de magique dans ce phΘnomΦne, il est
aussi naturel que les marΘes de l'ocΘan ù mais j'oubliais que tu ne sais pas ce que c'est que la mer ù, c'est une immense rΘserve
d'eau non potable car elle
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provient des torrents qui ont dΘvalΘ la montagne et des fleuves qui ont parcouru les plaines charriant avec eux quantitΘ d'impuretΘs et
de substances toxiques. Le fait de boire cette eau hΓterait notre mort. Je te disais donc que nous pouvions rΘcupΘrer la lumiΦre
solaire absorbΘe par le roc. Et en utilisant une plaque spΘciale derriΦre laquelle on fait passer un courant d'air froid, tandis qu'elle est
chauffΘe par devant par le soleil, on obtient ce qu'on appelle de l'eau distillΘe, c'est-α-dire de l'eau trΦs pure, sous forme de fines
gouttelettes que l'on recueille dans un rΘservoir. Cela fait de la bonne eau potable. ╗
½ Mais expliquez-moi, Maεtre, pourquoi les choses peuvent durer si longtemps, dis-je en revenant toujours α mes prΘoccupations
premiΦres, pourquoi en tournant un simple robinet on obtient de l'eau qui est lα depuis plus d'un million d'annΘes. Pourquoi ne
s'est-elle pas ΘvaporΘe ? Comment peut-elle Ωtre encore potable aprΦs tant d'annΘes ? Tout cela m'embarrasse vivement. La rΘserve
d'eau qui se trouve, par exemple, sur le toit du Potala ne va-t-elle pas s'assΘcher bient⌠t si on ne la comble pas α nouveau ? ╗
½ Lobsang, me rΘpondit le lama, tu nous crois trΦs avancΘs technologiquement, tu crois que la mΘdecine, par exemple, n'a plus de
secrets pour nous au Tibet, mais tu te trompes car pour l'Θtranger nous ne sommes que des sauvages incultes, au plan matΘriel du
moins, car sur un autre plan nous en savons plus qu'eux. En dehors du Tibet le monde est un
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monde matΘrialiste. Pour revenir α ta question au sujet de l'eau, avant que nous arrivions ici et que tout se remεt en marche, elle
pouvait Ωtre lα depuis des millions d'annΘes comme elle pouvait l'Ωtre depuis seulement une heure ou deux ; cela n'a pas
d'importance. Nous sommes en prΘsence du phΘnomΦne d'hibernation qui est couramment pratiquΘe ailleurs α titre expΘrimental.
Des individus sont placΘs en Θtat cataleptique pendant des mois, l'un d'eux a mΩme dΘpassΘ la pΘriode critique sans en souffrir pour
autant ; la personne ne vieillit pas et pourtant elle est toujours vivante. On ne peut mΩme pas percevoir les battements du coeur, ni
discerner les signes de sa respiration α l'aide d'une glace. Comment expliquer ce sommeil qui prΘserve des mΘfaits du temps ? Il y a
encore quantitΘ de mystΦres de ce type qu'il nous faut Θclaircir ù des mystΦres qui n'en Θtaient pas α l'Θpoque des Jardiniers de la
Terre. L'hibernation Θtait connue d'eux ; la preuve en est cette salle que tu vois sur la carte o∙ ils conservaient ces corps aprΦs le
traitement spΘcifique. Une fois par an, deux lamas venaient dans cette piΦce examiner les corps ; ils les retiraient l'un aprΦs l'autre
des cercueils de pierre et vΘrifiaient s'ils Θtaient toujours en parfait Θtat. Ils faisaient travailler les diffΘrents muscles, donnaient
quelque nourriture α ces enveloppes charnelles puis s'attaquaient α la tΓche la plus difficile entre toutes : faire entrer le corps astral
d'un Jardinier dans l'un de ces corps. C'est quelque chose de trΦs spΘcial. ╗
½ Est-ce vraiment trΦs difficile ? ╗ demandai-je, intΘressΘ.
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½ Ah bon ! D'un c⌠tΘ tu te montres sceptique quant α la vΘracitΘ du phΘnomΦne, et d'un autre c⌠tΘ tu es avide d'en savoir davantage.
Tu n'es pas logique, Lobsang. Pour te rΘpondre, oui c'est une expΘrience assez pΘnible. Dans l'astral, on peut prendre la forme que
l'on veut, se faire trΦs petit ou trΦs grand, ou encore trΦs gros, selon le but recherchΘ. AprΦs avoir choisi l'enveloppe charnelle la plus
adΘquate, il faut s'allonger prΦs d'elle tandis que les lamas injectent une substance donnΘe dans le corps inerte. AprΦs cela ils vous
soulΦvent et vous posent α plat ventre sur cette enveloppe. Il faut environ cinq minutes pour Ωtre totalement absorbΘ. On a
l'impression que tout son corps s'engourdit progressivement. Puis une secousse se produit au niveau de la tΩte du gisant qui se met
bient⌠t sur son sΘant et dit quelque chose comme : ½ O∙ suis-je ? ╗ ½ Comment suis-je arrivΘ ? ╗ Il se souvient des premiers temps
du voyage qu'il a fait avec le prΘcΘdent occupant, mais au bout de douze heures environ il devient tout α fait neutre, et l'on peut le
plier α ses dΘsirs comme s'il s'agissait de son propre corps. Nous utilisons parfois ce procΘdΘ pour ne pas risquer de dΘtΘriorer notre
propre corps lorsque nous voyageons dans l'astral. Mais l'on ne doit pas forcer quelqu'un α entrer dans ces enveloppes s'il n'est pas
consentant.
½ Plus tard tu feras cette expΘrience pendant un an moins un jour. Il faut garder cette marge d'un jour car ces apparences ne peuvent
"vivre" au-delα de 365 jours ; aprΦs ce dΘlai surviennent des difficultΘs. Donc, au bout de 364 jours l'enveloppe charnelle dans
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laquelle tu seras, reprendra sa place dans le cercueil de pierre y frissonnant de froid tandis que ta forme astrale en sortira pour se
rΘintroduire dans ton propre corps. Tu retrouveras alors tes pensΘes et ton savoir antΘrieurs, mais enrichis de l'expΘrience acquise
durant les 364 jours de voyage.
½ Ce systΦme a ΘtΘ amplement expΘrimentΘ par les peuples de l'Atlantide, continua le lama. Ils conservaient un grand nombre de ces
corps en Θtat de catalepsie et, rΘguliΦrement, des esprits supΘrieurs, qui voulaient accroεtre leur savoir, les empruntaient. Ils
revenaient et reprenaient leur propre forme, laissant les enveloppes pour d'autres qui, α leur tour, s'y introduisaient. ╗
½ Mais je ne comprends pas, Maεtre, pourquoi les Jardiniers de la Terre, qui Θtaient si puissants, avaient besoin de cette mascarade ;
ne pouvaient-ils pas seulement se poster en un point quelconque du globe et voir d'est en ouest et du nord au sud ce qui se passait ?
╗
½ Mais tu n'y penses pas, Lobsang ! s'exclama le lama. Ils ne pouvaient se permettre d'avoir leur vrai corps endommagΘ. Si le corps
d'emprunt perd un bras ou une jambe ce n'est pas grave, cela ne lΦse en rien l'Θminent personnage qui est α l'intΘrieur. Tu sais que
dans la tΩte de l'homme se trouve le cerveau qui est un organe aveugle, sourd et muet, qui ne peut rΘpondre qu'α des stimulations,
mais qui n'a pas conscience de ces sensations. Pour te faire mieux
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comprendre pourquoi ces Ωtres supΘrieurs qu'Θtaient les Jardiniers empruntaient ces corps, je vais te donner un exemple. Admettons
que l'un d'eux veuille expΘrimenter la sensation de br√lure, il ne le pourrait pas sur son propre corps, insensible α la douleur. Aussi
aura-t-il recours α ces simulacres de corps humain pour que les conditions nΘcessaires α l'expΘrience soient remplies. Ces Ωtres sont
comme le cerveau de l'homme, incapables d'Θprouver des sensations visuelles, auditives ou des sentiments comme l'amour, la haine,
etc., alors que le corps le peut ; s'ils voulaient les Θprouver, ils ne pouvaient le faire que par procuration. ╗
½ Donc ces corps inertes Θtaient α la disposition de quiconque voulait s'en servir ? ╗ demandai-je.
½ Oh non ! pas du tout, s'exclama le lama. On ne pouvait introduire son esprit dans l'un de ces corps que si l'on avait de sΘrieux
motifs de le faire. Il fallait que l'action envisagΘe soit reconnue comme profitable α l'humanitΘ ; on ne pouvait emprunter une
enveloppe charnelle pour satisfaire ses instincts sexuels, par exemple, ou pour gagner de l'argent. Certaines tΓches devaient souvent
Ωtre effectuΘes sur Terre ù tΓches difficiles pour des esprits supΘrieurs qui n'avaient pas la possibilitΘ de sentir ù. Aussi un certain
nombre de Jardiniers venaient-ils rΘguliΦrement sur notre planΦte sous la forme de ces corps d'emprunt. Mais l'inconvΘnient majeur
Θtait la mauvaise odeur que dΘgageaient ces enveloppes ; une odeur de viande r⌠tie qui pouvait incommoder l'occupant, pendant la
premiΦre journΘe du moins. ╗
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½ Il y a quelque chose que je voudrais Θclaircir, dis-je tout α coup, c'est la question de la Corde d'Argent. Que se passe-t-il lorsque
l'esprit entre dans un corps de trente ans, par exemple ? Je suppose que la corde n'est pas coupΘe, autrement le corps tomberait en
poussiΦre. ╗
½ Non elle n'est pas coupΘe, rΘpondit le lama, car ces enveloppes sont reliΘes par une corde spΘciale α une source d'Θnergie qui
permet α l'occupant d'y pΘnΘtrer sans problΦme. Cette Corde d'Argent est un phΘnomΦne connu Θgalement des autres communautΘs
religieuses du monde. Elle est reliΘe α une rΘserve de force vitale, et elle permet de dΘterminer, suivant son aspect, l'Θtat du corps
auquel elle est reliΘe. Et d'aprΦs les rΘsultats, on alimente ou non ce corps. ╗
Je hochai la tΩte l'air un peu perplexe puis demandai α mon ami : ½ Pourquoi certaines personnes sont-elles reliΘes par une Corde
d'Argent au niveau de la tΩte et d'autres au niveau du nombril ? Est-ce un signe de supΘrioritΘ des unes par rapport aux autres, un
signe de degrΘ d'Θvolution ?
½ Pas du tout, rΘpondit le lama. Le point de contact n'a aucune importance. La Corde d'Argent pourrait aussi bien sortir par le gros
orteil ce qui compte c'est que la liaison qu'elle assure soit effective. Tant qu'elle est en place, l'organisme maintient son Θquilibre,
mΩme pour un fonctionnement minimal ou stase. L'individu peut vivre dans cet Θtat toute
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une annΘe en se nourrissant seulement d'un bol de tsampa ou moins. C'est mieux ainsi car, autrement, nous passerions notre temps α
courir la montagne pour nourrir ces corps. Ils peuvent vivre des millions d'annΘes α condition qu'ils bΘnΘficient d'un minimum de
soins ; c'est cela que leur assure la Corde d'Argent. ╗
½ Lorsqu'un personnage important doit entrer dans l'un de ces corps, vient-il le choisir d'abord ? ╗ demandai-je.
½ Non, rΘpondit mon maεtre, s'il les voyait il ne voudrait jamais y pΘnΘtrer tant ils sont affreux α regarder. Tiens, je vais t'emmener
dans la salle des cercueils si tu veux. ╗ Sur ces paroles il se leva en ramassant ses livres et sa canne. Son pas Θtait mal assurΘ.
½ D'accord, mais avant ne voulez-vous pas que nous regardions vos jambes, vous semblez avoir mal ? ╗
½ Non, Lobsang, rΘpondit-il, allons d'abord voir les cercueils. AprΦs je te promets que nous regarderons mes jambes. ╗
Nous nous engageΓmes dans les couloirs, d'un pas lent. Le lama regardant souvent ses cartes. ½ Il faut prendre la prochaine voie α
gauche, dit-il, puis encore α gauche, et ce sera la piΦce en question. ╗
Nous fεmes comme il l'avait indiquΘ, tournant deux fois α gauche pour arriver devant une grande
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porte qui semblait en or, en or martelΘ. Comme nous nous en approchions, un voyant lumineux s'Θtait allumΘ ; il clignota tout
d'abord puis se stabilisa tandis que la porte s'ouvrait. Nous entrΓmes mais nous nous arrΩtΓmes sur le seuil tant le spectacle Θtait
sinistre.
C'Θtait une salle parfaitement ΘquipΘe, avec des poteaux et des barres. ½ Cela, m'expliqua le Lama, permet aux Ωtres qui viennent
d'Θmerger de leur profond sommeil de se tenir ; au dΘbut ils ne sont pas trΦs stables sur leurs jambes, et il ne faudrait pas qu'ils
tombent car ils s'abεmeraient et il faudrait repousser l'expΘrience ou rechercher un nouveau gisant. Cela compliquerait la tΓche et
personne n'y tient. Mais approche, Lobsang, et regarde celui-ci. ╗
A contrecoeur je m'approchai du corps qu'il me montrait. Je n'aimais pas trop voir des cadavres. Je pensais alors α la briΦvetΘ de la
vie humaine. Pourquoi la vie de l'homme Θtait-elle si courte alors que les arbres vivaient prΦs de quatre cents ans ?
Je jetai un coup d'oeil α l'intΘrieur du cercueil de pierre et y vis un homme nu. Son corps Θtait parsemΘ d'aiguilles plantΘes dans la
chair d'o∙ sortaient comme des fils Θlectriques trΦs fins. Alors que je le regardais, il me semblait que son visage se contractait par
moments et qu'il tressautait lΘgΦrement. J'en avais la chair de poule. Je continuai α regarder et le vis ouvrir des yeux vides qu'il
referma aussit⌠t. ½ Nous allons partir, Lobsang, dit le lama Mingyar
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Dondup, quelqu'un s'apprΩte α occuper ce corps ; notre prΘsence est gΩnante pour tout le monde. ╗
Lα-dessus il se dirigea vers la porte et sortit. Je jetai un dernier coup d'oeil α la piΦce et le suivis, mais un peu contre mon grΘ car
beaucoup de choses m'intriguaient. De voir ces hommes et ces femmes nus me fit me demander pourquoi il y avait prΘcisΘment des
femmes. Qui pouvait bien avoir besoin de s'introduire dans une femme ? ½ Je sais ce que tu penses, me dit le lama, et pourquoi ne
se servirait-on pas de gisants du sexe fΘminin ? Pour pΘnΘtrer dans certains endroits il faut nΘcessairement Ωtre une femme, et le
contraire est vrai aussi. Mais partons, je ne veux pas importuner le personnage qui va s'introduire dans l'enveloppe. ╗
Alors que nous nous Θloignions, le lama me dit : ½ Tu sembles avoir beaucoup de questions α poser. Vas-y, n'hΘsite pas α demander
des explications ; n'es-tu pas destinΘ α Ωtre le plus instruit des lamas ? Tu dois apprendre une quantitΘ de choses que seule une infime
proportion de prΩtres peut savoir. ╗
½ Eh bien ! commenτai-je, je voudrais savoir ce qui se passe une fois que le personnage s'est introduit dans l'enveloppe. Est-ce qu'il
commence par se nourrir convenablement ? Personnellement, c'est ce que je ferais α sa place ! ╗
Le lama sourit et rΘpondit : ½ Non, il n'en a pas besoin puisque le corps a ΘtΘ rΘguliΦrement nourri en vue d'une prochaine
occupation ; il n'a donc pas faim. ╗
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½ C'est aussi cette mascarade que je ne comprends pas, repris-je. Pourquoi l'esprit supΘrieur n'entre-t-il pas dans un corps α la
naissance ? Pourquoi se compliquer α rΘanimer des cadavres comme des zombies ? ╗
½ Lobsang, rΘflΘchis un peu. Avant qu'un bΘbΘ soit capable d'acquΘrir des connaissances, il faut plusieurs annΘes, et il doit aller α
l'Θcole, se soumettre α la discipline parentale, etc. Tout cela est une perte de temps qui peut couvrir trente ou quarante annΘes.
Prendre un de ces corps en catalepsie permet d'Θconomiser ce temps ; il connaεt le mode de vie des habitants de son pays et a une
certaine conscience des choses qui l'entourent. ╗
½ Personnellement, interrompis-je, j'ai une certaine expΘrience de la vie mais ce n'est pas pour cela que je comprends les
ΘvΘnements qui se sont produits. Mais peut-Ωtre en saurai-je davantage aprΦs mon passage ici. En tout cas, je voudrais que vous me
disiez pourquoi l'existence humaine est-elle si courte ? Il semble que les Sages dont on nous parle aient eu une vie beaucoup plus
longue, peut-Ωtre cent, deux cents ou mΩme trois cents ans. ╗
½ C'est mon cas justement, Lobsang, dit le lama. Je peux te le dire maintenant, j'existe depuis prΦs de quatre cents ans et je vais te
dire pourquoi les hommes meurent si t⌠t.
½ Il y a plusieurs millions d'annΘes, alors que ce monde venait de naεtre, une planΦte dΘsorbitΘe, sous
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l'effet des impulsions antimagnΘtiques venues d'un autre univers, fut prΘcipitΘe vers la Terre et faillit la heurter. Cela fut
heureusement ΘvitΘ, mais elle n'en heurta pas moins une petite planΦte laquelle, sous le choc, Θclata en mille morceaux ; ce sont ces
dΘbris qui constituent ce qu'on appelle les astΘro∩des. Mais nous y reviendrons. Pour le moment je veux te rappeler qu'α cette
Θpoque le monde en formation Θtait rempli de volcans impΘtueux qui ne cessaient de dΘverser de la lave br√lante. La fumΘe qui s'en
Θchappait montait trΦs haut dans le ciel et formait autour de la Terre un Θpais nuage. Ce monde o∙ nous vivons ne devait pas α
l'origine recevoir le soleil. Les rayons solaires, tu le sais, sont trΦs toxiques, ils font beaucoup de mal α l'Ωtre humain, et α toute autre
crΘature. Ce nuage qui entourait le globe avait une action protectrice ; il laissait passer les rayons bΘnΘfiques tandis qu'il arrΩtait les
autres. Les gens α cette Θpoque vivaient beaucoup plus longtemps. Mais lorsque la fameuse planΦte fr⌠la presque la Terre, elle
dΘchira le nuage qui la protΘgeait et l'on enregistra pour les deux gΘnΘrations suivantes un important rΘtrΘcissement de la durΘe de
vie. Les individus ne vivaient plus en moyenne que soixante-dix ans.
½ Cette mΩme planΦte lorsqu'elle entra en collision avec celle dont les dΘbris forment les astΘro∩des, dΘversa en mΩme temps sur la
Terre toute l'eau que contenaient ses ocΘans. Nous e√mes ainsi beaucoup d'eau pour remplir nos mers, mais elle Θtait d'une nature
diffΘrente de celle que nous avions aupara-
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vant ; elle contenait des substances pΘtrolifΦres. Sans cette collision nous n'aurions donc pas de pΘtrole, et ce serait mieux ainsi car
beaucoup des mΘdicaments actuels sont faits α partir de pΘtrole et sont relativement toxiques. Mais inutile d'Θpiloguer, ce qui est fait
est fait. DΦs cette Θpoque les mers Θtaient donc polluΘes par des corps pΘtroliers, mais, avec le temps, le pΘtrole descendit au fond et
se rassembla dans les cuvettes naturelles, rΘsultat de l'Θrosion volcanique.
½ Avec le temps, continua le lama, la rΘserve de pΘtrole s'Θpuisera ; le type de pΘtrole qui reste est trΦs nocif, sa combustion entraεne
la formation d'un gaz mortel. Beaucoup de morts lui sont attribuables, et il peut aussi Ωtre responsable de malformations, voire de
monstruositΘ, chez le nouveau-nΘ. Mais nous y reviendrons en visitant les autres salles. Tu pourras voir tout cela dans la troisiΦme
dimension. Mais je suppose que tu te demandes comment on pouvait prendre des photos il y a des millions d'annΘes. Eh bien !
sache qu'il y a eu dans cet univers des civilisations absolument fantastiques ; il y eut notamment celle qui avait inventΘ la
photographie et qui pouvait prendre des clichΘs mΩme au travers du brouillard, aussi Θpais soit-il, et dans la nuit la plus noire. En
venant sur la Terre, ces Ωtres supΘrieurs dΘcouvrirent que les gens y mouraient comme des mouches, si je puis m'exprimer ainsi, car
mourir α soixante-dix ans Θtait en effet bien court et ne laissait guΦre de temps pour apprendre. ╗
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J'Θcoutais mon ami avec beaucoup d'attention ; tout ce qu'il disait me fascinait et je pensais que, vraiment, le lama Mingyar Dondup
Θtait l'homme le plus intelligent du Tibet.
½ Nous autres, α la surface de la Terre, poursuivit le lama, nous ne connaissons qu'une face du globe ; mais, comme les autres
globes, comme la Lune par exemple, ce globe est creux, et d'autres individus vivent α l'intΘrieur. Aujourd'hui un certain nombre de
savants rΘfutent cette idΘe, mais je sais pourtant que cela est vrai puisque j'y suis allΘ. Le problΦme est que jamais les savants de ce
monde ne peuvent accepter une idΘe ou un fait qu'ils n'ont pas dΘcouverts ou expΘrimentΘs eux-mΩmes. Ils dΘcrΦtent qu'il n'est pas
possible de vivre au centre de la Terre, qu'il n'est pas possible de vivre au-delα de cent ans, qu'il n'est pas possible que la disparition
du nuage qui encerclait la planΦte soit responsable du rΘtrΘcissement de la longΘvitΘ ; et pourtant cela est vrai. Les savants se rΘfΦrent
α des textes dΘjα dΘpassΘs lorsqu'on les leur a transmis α l'Θcole ou α l'universitΘ. Ces cavernes, comme celle dans laquelle nous
sommes, ont ΘtΘ faites au contraire par des Ωtres extrΩmement sensΘs. Pour en revenir aux Jardiniers de la Terre, ils pouvaient, bien
s√r, tomber malades comme les simples humains ; parfois une opΘration Θtait nΘcessaire, et comme on ne pouvait la faire sur terre,
le patient Θtait placΘ en catalepsie dans un sac en plastique hermΘtiquement fermΘ, et l'on demandait d'urgence un vaisseau sani-
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taire pour l'emmener. Il Θtait alors soit opΘrΘ en vol, soit ramenΘ vers sa planΦte d'origine.
½ Ces vaisseaux pouvaient aller α une vitesse extraordinaire, prΘcisa le lama. Il n'y a pas si longtemps les gens disaient que jamais
l'homme pourrait dΘpasser cinquante kilomΦtres α l'heure sous peine de mourir ; et puis cela se rΘvΘla faux. Ensuite ils dirent qu'il ne
pourrait pas passer le mur du son, et aujourd'hui ils affirment qu'on ne peut pas aller plus vite que la lumiΦre... Il y a, en effet, une
vitesse de la lumiΦre. Lobsang ; elle correspond aux vibrations lumineuses qui, Θmises par les objets, sont reτues par l'oeil humain
qui voit ces derniers et ainsi les reconnaεt. Quoi qu'en pensent les gens, je peux te dire, Lobsang, que d'ici quelques annΘes les
hommes auront des engins capables d'aller aussi vite, et mΩme plus vite, que la lumiΦre, comme les voyageurs de l'espace du temps
o∙ ces cavernes Θtaient exploitΘes. Le grand vaisseau qui se trouve dans l'autre salle Θtait un des engins qu'ils utilisaient ; tu as vu que
ses occupants Θtaient α leur poste prΩts α dΘcoller, mais empΩchΘs certainement par une brusque secousse sismique qui fit Θbouler les
rochers sur l'ouverture. Aussit⌠t l'air a d√ Ωtre automatiquement ΘvacuΘ tandis que ces hommes entraient en catalepsie. Cependant
leur hibernation est tellement ancienne que si nous les ranimions ils souffriraient probablement de troubles mentaux. Lorsque
certaines zones du cerveau ne reτoivent plus d'oxygΦne, elles sont irrΘmΘdiablement lΘsΘes, et l'individu n'est plus vraiment
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un Ωtre humain. Mieux vaut qu'il meure. Mais je parle trop... Passons dans une autre piΦce.
½ Oui, Maεtre, interrompis-je, mais je voudrais d'abord voir vos jambes. Nous avons ici les moyens de les guΘrir trΦs vite, profitons
donc de ces techniques de pointe qui peuvent vous Θviter des souffrances inutiles. ╗
½ TrΦs bien, futur docteur ! Allons donc α l'infirmerie voir ce qu'on peut faire pour mes jambes. ╗
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Chapitre cinquiΦme
Nous nous engageΓmes dans le couloir qui desservait les diffΘrentes piΦces en dehors de la salle principale, et bient⌠t nous arrivΓmes
α l'infirmerie. DΦs que nous en franchεmes le seuil, la lumiΦre apparut aussi intense que la premiΦre fois. Aucun signe dans la piΦce
ne pouvait laisser penser que nous y Θtions dΘjα venus ; mΩme pas la tracΘ de nos pieds, pourtant couverts de poussiΦre. Le sol
venait d'Ωtre poli, semblait-il, et les robinets mΘtalliques astiquΘs. Je remarquai cela au passage et j'eus envie de poser une multitude
de questions, mais il fallait en prioritΘ s'occuper des jambes de mon ami. ½ Maεtre, dis-je, vous n'avez qu'α vous asseoir sur le bord
de la piscine et je vais retirer vos bandages. ╗
Le lama s'assit sur le bord en cΘramique et laissa pendre ses jambes dans la piscine. J'entrai dans celle-ci et commenτai α retirer les
pansements. Mais comme j'arrivais prΦs de la peau j'eus un choc tellement tout avait mauvais aspect ; la bande Θtait tout imprΘgnΘe
d'un liquide jaunΓtre. ½ Que se passe-t-il ? me demanda le lama. Tu es malade ?
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½ Oh ! Maεtre, si vous voyiez ! m'Θcriai-je. Je crois que vous ne pourrez jamais redescendre tout seul, il va falloir faire monter un
moine. ╗
½ Lobsang, reprit mon ami, il ne faut pas toujours se fier aux apparences. Continue de dΘfaire la bande. Ferme les yeux si tu
prΘfΦres, ou bien je vais faire le travail α ta place. ╗
Je continuai donc ma besogne mais arrivai en un point o∙ je ne pouvais aller plus loin ; le restant de la bande Θtait engluΘ dans une
substance Θpaisse assez rΘpugnante. Le lama attrapa alors la partie dΘjα enroulΘe que je tenais et, d'un geste brusque, fit venir α lui
l'autre bout d'o∙ pendaient des choses visqueuses. Le lama ne semblait pas gΩnΘ pour autant et, trΦs calmement, dΘposa le tout par
terre.
½ Bon, je vais faire arriver l'eau maintenant, dit-il ; je ne pouvais pas le faire avant, tu te serais noyΘ. Maintenant sors, je tourne le
robinet. ╗
Je remontai en vitesse, jetant au passage un coup d'oeil sur les jambes qui Θtaient vraiment dans un piteux Θtat. Si nous avions ΘtΘ au
Chakpori ou ailleurs on les lui aurait sans doute amputΘes. Mais comment mon ami ferait-il s'il n'avait plus l'usage de ses jambes ?
Comment irait-il voir tous ceux qui ont besoin de lui ? DΦs qu'il fut dans l'eau, cependant, on put voir des dΘbris se dΘtacher
progressivement des plaies ; ils avaient une couleur jaunΓtre et verdΓtre et restaient α la surface. Le lama se haussa alors hors de
l'eau pour ouvrir l'arrivΘe d'eau, ce qui eut pour
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effet de faire monter le niveau, et je vis alors les dΘchets disparaεtre dans ce que je pris pour un conduit d'Θvacuation.
Puis il consulta α nouveau le livre et effectua quelques rΘglages sur les diffΘrentes vannes de couleur. L'eau prit alors une teinte
diffΘrente et une odeur de mΘdicament se rΘpandit dans l'air. Les jambes du lama Θtaient maintenant aussi roses que celles d'un
nouveau-nΘ. Il retroussa sa robe et descendit de quelques degrΘs les marches pour que l'eau lui arrive α mi-cuisse. Il se tenait
immobile ou bien marchait de temps en temps de long en large. Ses jambes, en tout cas, guΘrissaient α vue d'oeil. Elles passΦrent
d'un rose maladif α un rose parfaitement sain, et il n'y eut bient⌠t plus trace de ces rΘsidus jaunΓtres qui tombaient peu α peu. Quant
aux bandages que le lama avaient laissΘs sur le sol je fus stupΘfait de ne plus les voir ; ils s'Θtaient tout simplement volatilisΘs ! J'Θtais
tellement abasourdi par cette dΘcouverte que je m'assis sur le sol, oubliant que j'Θtais dans la piscine ! Lorsqu'on prend la position du
lotus et que l'on se trouve dans l'eau, mieux vaut fermer la bouche. Je m'attendais α un bien plus mauvais go√t et fus surpris du go√t
trΦs agrΘable de ce mΘdicament. Et trΦs vite je m'aperτus que la dent qui, jusque-lα, m'avait fait souffrir ne me faisait plus mal, et
d'un bond je me levai et crachai quelque chose ; c'Θtait prΘcisΘment cette dent qui gisait maintenant sur le bord, fendue en deux. ½
Maudite dent, me dis-je en la regardant, tu peux maintenant me faire tout le mal que tu veux ! ╗
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Et brusquement se produisit un phΘnomΦne Θtrange ; la dent que je regardais se mit α avancer vers le mur et disparut α travers. Je
restai un moment hΘbΘtΘ, cherchant encore ce qui avait bel et bien disparu !
Je me retournai vers le lama Mingyar Dondup pour lui demander s'il ne l'avait pas vue ; il se trouvait alors en un endroit o∙ la
cΘramique avait une autre couleur et o∙ de l'air chaud semblait sortir du sol. Quand il fut sec il s'Θcria : ½ └toi, maintenant ;
tu ressembles α un poisson α moitiΘ noyΘ. Viens te sΘcher tu es tout dΘgoulinant. ╗
"Un poisson α moitiΘ noyΘ" La comparaison m'allait assez bien, mais je me demandais comment un poisson pouvait Ωtre "noyΘ"
alors qu'il vivait dans l'eau ; je fis part de cette rΘflexion au lama qui me rΘpondit : ½ Mais si, si tu retires un poisson de l'eau, ses
branchies s'assΦchent immΘdiatement et si tu le remets dans l'eau il se noit rΘellement. On n'a pu encore expliquer le phΘnomΦne
mais cela s'est vΘrifiΘ. Je vois que cet air chaud te fait beaucoup de bien ; tu Θtais extΘnuΘ et te voilα tout ragaillardi, prΩt α courir
un cent mΦtres ╗
Je le rejoignis ensuite et regardai ses jambes de plus prΦs. Elles changeaient α vue d'oeil et reprenaient peu α peu leur couleur
d'origine. On ne pouvait imaginer qu'α peine une heure auparavant la chair pendait en lambeaux. Elles Θtaient maintenant par-
faitement saines, et dire que j'avais pensΘ qu'on les amputerait
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½ Maεtre, dis-je, j'ai tellement de questions α vous poser que j'en suis presque honteux. Me diriez-vous, par exemple, pourquoi les
boissons et les aliments qui sont ici sont encore comestibles ; pourquoi les lieux o∙ nous nous trouvons ont-ils gardΘ l'aspect du neuf
aprΦs tant d'annΘes ? ╗
½ Lobsang, commenτa le lama, nous vivons dans une dr⌠le d'Θpoque ; une Θpoque o∙ personne ne fait plus confiance α personne.
TrΦs rΘcemment encore, les populations blanches ne voulaient pas croire α l'existence de pays o∙ les gens avaient la peau noire ou
jaune. Cela leur paraissait impossible. De mΩme les voyageurs qui, pour la premiΦre fois, virent des chevaux et des cavaliers ;
revinrent dans leur pays en disant avoir vu des centaures, c'est-α-dire des Ωtres moitiΘ homme moitiΘ cheval. Ensuite, quand on su
qu'il existait des animaux appelΘs chevaux sur lesquels les hommes pouvaient monter, il y eut encore des gens pour ne pas le croire ;
ils continuaient α voir dans ce phΘnomΦne des Ωtres humains qui, pour une raison quelconque, auraient ΘtΘ transformΘs en animaux.
On pourrait citer quantitΘ d'exemples de ce type. Les gens ont du mal α accepter toute chose nouvelle qu'ils n'ont pas vue de leurs
propres yeux ou touchΘe ou dΘmontΘe de leurs propres mains. Nous sommes en prΘsence ici des rΘalisations d'une civilisation trΦs
ΘvoluΘe qui remonte α une Θpoque antΘrieure α la constitution de ce que nous appelons l'Atlantide. A cette Θpoque on savait
comment arrΩter la croissance et l'Θvolution des Ωtres et des
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choses. Cela se faisait automatiquement et seule l'approche d'un Ωtre humain au-delα d'un certain seuil pouvait remettre le
mΘcanisme en marche. Ainsi si personne ne vient ici, ces lieux o∙ nous sommes demeureront intacts sans trace d'une quelconque
pollution. En revanche, si trop de monde y vient, ils ne tarderont pas α se dΘtΘriorer et α prendre la marque du temps. Mais
heureusement peu de gens sont venus ici α ce jour. Il n'y a eu que deux occupations. ╗
½ Deux occupations ? interrogeai-je. Comment le savez-vous ? ╗
Le lama me montra alors un objet qui pendait du plafond. ½ Regarde ce compteur, dit-il, il enregistre chaque nouvelle arrivΘe. Il
indique le chiffre trois ; cela veut donc dire qu'il n'y a eu avant nous qu'un seul Ωtre α venir ici. AprΦs notre passage, dans trois
ou quatre jours, il attendra l'arrivΘe des prochains occupants qui α leur tour se demanderont qui a bien pu les prΘcΘder. J'essaye de te
prouver α quel point cette civilisation Θtait technologiquement avancΘe lorsqu'elle construisit de pareilles choses. Elle avait touchΘ un
degrΘ d'Θvolution que le monde actuel n'a pas encore atteint. Il y eut tout d'abord les Gardiens de la Terre, puis les Jardiniers de la
Terre ; ils pouvaient faire fondre la pierre, aussi dure soit-elle, et lui donner l'aspect du verre ; ils ont inventΘ ce que nous appelons
une liquΘfaction α froid, sans production de chaleur, si bien que les cavernes Θtaient immΘdiatement utilisables. ╗
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½ Ce que je ne comprends pas, dis-je, c'est la raison pour laquelle ces individus extrΩmement ΘvoluΘs tenaient α vivre dans ces
montagnes. Pourquoi voulaient-ils s'y cacher ?
½ Tu vas comprendre tout cela, me dit le lama lorsque nous serons dans la salle du temps passΘ, prΘsent et futur. Elle conserve en
mΘmoire tous les ΘvΘnements qui se sont produits depuis le dΘbut des temps. L'histoire que l'on apprend dans les livres scolaires
n'est pas toujours vΘridique. Elle a souvent ΘtΘ Θcrite de faτon α satisfaire le prince ou le dictateur du moment. L'Θlite au pouvoir
veut souvent faire croire que son rΦgne est une pΘriode privilΘgiΘe par rapport α ce qui a ΘtΘ. Ce que tu vas voir, par contre, ne peut
Ωtre mis en doute car toutes ces informations proviennent des Archives akhasiques. ╗
½ Les Archives akhasiques ? repris-je. Mais je croyais que l'on ne pouvait y avoir accΦs que par un voyage dans l'astral ? Comment
peut-on y avoir accΦs Θtant ici dans ces montagnes ? ╗
½ Tu oublies, Lobsang, me rΘpondit le lama, que les informations peuvent Ωtre reproduites et stockΘes. Nous avons atteint un certain
niveau de civilisation et nous pensons Ωtre supΘrieurement intelligents, nous demandant si quelqu'un peut nous Θgaler ; mais je vais te
montrer ce qu'il en est rΘellement. Viens avec moi. Il faut marcher un peu, mais l'exercice te fera du bien. ╗
½ Maεtre, dis-je, peut-on vous Θviter de marcher ? N'y a-t-il pas ici quelque chose qui ressemble α
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un traεneau ou bien un carrΘ d'Θtoffe sur lequel vous vous poseriez pendant que je vous tirerais. ╗
½ Non, Lobsang, merci, rΘpondit mon ami, je peux trΦs bien marcher. D'ailleurs, comme α toi cela me fera du bien. Allons, partons !
╗
Nous nous mεmes en route mais j'aurais voulu avoir le temps de m'attarder auprΦs de chaque chose que nous dΘcouvrions en
chemin. J'Θtais trΦs intriguΘ par les portes ; chacune comportait une inscription particuliΦre. ½ Toutes ces piΦces, m'expliqua mon
guide, correspondent α des sciences particuliΦres ; chacune d'elles nous est parfaitement inconnue α nous pauvres ignorants aveugles
qui cherchons α nous frayer un chemin dans le labyrinthe de cette habitation. Mais je ne suis pas tout α fait aveugle puisque je peux
lire ces inscriptions ; et comme je te l'ai dit, je suis dΘjα venu dans ces cavernes. ╗
Nous parvεnmes enfin devant un mur apparemment nu. De chaque c⌠tΘ se trouvait une porte, mais le lama les ignora. Il resta devant
le mur et prononτa sur un ton autoritaire des paroles que je ne compris pas. Puis, brusquement, la surface blanche se fissura et les
deux pans de mur s'ΘcartΦrent pour disparaεtre de chaque c⌠tΘ du corridor. La salle qui apparut alors n'Θtait que faiblement ΘclairΘe ;
la lueur que l'on y entrevoyait ressemblait au scintillement des Θtoiles. La salle Θtait immense et donnait une impression d'infini.
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La paroi se referma derriΦre nous dans un lΘger bruissement. Nous nous trouvions de l'autre c⌠tΘ du mur blanc.
La lueur se fit plus intense, si bien que nous p√mes distinguer une Θnorme boule en suspension dans l'espace. En fait elle n'Θtait pas
vraiment ronde, mais avait plut⌠t une forme de poire. Toute sa surface Θtait parcourue d'Θclairs. ½ Ces Θclairs, expliqua mon guide,
sont dus au champ magnΘtique que crΘe autour de lui le globe terrestre ; tu apprendras bient⌠t cela. ╗
Je restai bouche bΘe devant le phΘnomΦne. Le globe me semblait enveloppΘ de rideaux aux couleurs chatoyantes et brillantes qui
ondulaient d'un p⌠le α l'autre ; ces couleurs s'estompant au niveau de l'Θquateur.
Le lama prononτa quelques mots en une langue qui m'Θtait inconnue. Une lumiΦre rose tendre comme celle qui accompagne la
naissance du jour se rΘpandit alors et j'eus la sensation de m'Θveiller d'un rΩve.
Je ne rΩvais pourtant pas. ½ Nous allons nous asseoir ici, dit mon ami, auprΦs de ce module qui permet de faire varier les Θpoques.
Sache, Lobsang, que tu n'es plus maintenant dans la troisiΦme dimension mais dans la quatriΦme. Y accΘder et pouvoir le supporter
ne sont pas donnΘs α tout le monde. Si tu te sens mal, avertis-moi aussit⌠t. ╗
Je pouvais α peine distinguer la main droite du lama qui s'apprΩtait α tourner un bouton. Il se
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retourna vers moi et insista : ½ Lobsang, te sens-tu parfaitement bien ? Pas de nausΘe ? ╗
½ Tout va trΦs bien, Maεtre, dis-je, je suis simplement fascinΘ par tout ce qui m'entoure et j'ai hΓte de savoir ce que l'on va voir en
premier. ╗
½ Eh bien ! tout d'abord nous allons assister α la formation du monde, dit mon guide, puis nous verrons l'arrivΘe des Jardiniers de la
Terre. Ils viennent tout d'abord repΘrer les lieux, et ils repartent ensuite pour Θtablir une stratΘgie. Ils reviendront plus tard α bord
d'un grand vaisseau spatial ; c'est ainsi que l'on peut dΘfinir la Lune, il me semble. ╗
Brusquement tout s'obscurcit. C'Θtait une obscuritΘ comme je n'en avais jamais expΘrimentΘe de pareille. Rien ne pouvait lui Ωtre
comparΘ, pas mΩme une nuit sans lune ou une piΦce fermΘe sans fenΩtre. C'Θtait l'obscuritΘ complΦte, et soudain quelque chose
apparut qui me fit presque basculer de mon siΦge tant c'Θtait terrifiant. └ une vitesse incroyable, deux bolides lumineux venaient de
se heurter et l'Θcran s'Θclaboussait de lumiΦre. Des tourbillons de fumΘe de toutes les couleurs s'en Θchappaient, et en dehors du
globe et de l'Θcran plus rien n'existait. Ce n'Θtait que des fleuves de feu s'Θchappant de cratΦres volcaniques. L'air Θtait oppressant.
Ma conscience Θtait quelque peu voilΘe. J'avais le sentiment de voir par personne interposΘe ; il me semblait n'Ωtre pas vraiment lα en
chair et en os.
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J'Θtais de plus en plus fascinΘ par le spectacle qui se dΘroulait devant moi. Le globe me parut se rΘtracter quelque peu et les volcans
semblΦrent se calmer mais d'Θpaisses fumΘes continuaient α sortir des mers α cause de la lave bouillante qui s'y Θtait dΘversΘe. Il n'y
avait rien sur terre en dehors du roc et de l'eau, et seule une Θtroite bande non immergΘe entourait irrΘguliΦrement le globe ; son
contour semblait avoir ΘtΘ tracΘ par la main hΘsitante d'un enfant.
La masse terrestre prit une forme de plus en plus sphΘrique tandis qu'elle se refroidissait. Mais il n'y avait toujours α sa surface que
de la pierre et de l'eau, et de violentes tempΩtes y faisaient rage. Sous l'effet des vents, les cimes montagneuses basculΦrent et les
rochers dΘvalΦrent les pentes pour se rΘduire bient⌠t en poussiΦre.
C'est cette poussiΦre due α l'Θrosion qui forma la terre proprement dite qui recouvre le globe. Puis je vis l'Θcorce terrestre se soulever
et trembler tandis que des colonnes de fumΘe et de vapeur s'en Θchappaient ; soudain l'Θcorce se fendit et un bloc α moitiΘ dΘtachΘ
resta un moment en suspens, comme s'il attendait d'Ωtre "rΘharponnΘ". Du haut de ses pentes ce n'Θtait que glissades effrΘnΘes
d'animaux qui terminaient leur course par un plongeon dans la mer en furie. Enfin la fissure s'Θlargit et la masse de terre
s'effondra dans les flots.
Il me semblait que je voyais en mΩme temps l'envers du monde. A ma grande stupΘfaction je vis
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aussi des terres surgir des profondeurs marines et comme une main gigantesque qui les soulevait pour les mettre en place. Sur ces
blocs il n'y avait ni arbres ni plantes, rien que de la pierraille. Comme je continuais α regarder ce spectacle je vis une montagne
exploser et projeter des flammes jaunes, rouges et bleues. Des flots de lave incandescente dΘvalaient les pentes, mais dΦs que ces
coulΘes atteignaient la mer elles se solidifiaient et se transformaient en une Θpaisse gelΘe d'un bleu jaunΓtre qui bient⌠t recouvrit toute
la roche.
Quittant l'Θcran des yeux je me demandai alors o∙ Θtait mon guide. Mais il Θtait derriΦre moi. ½ C'est intΘressant, n'est-ce-pas ? dit-il,
mais comme nous avons beaucoup de choses α voir je te propose de passer α une autre pΘriode. Nous laisserons la terre encore nue
se refroidir pour la retrouver couverte de vΘgΘtation. ╗
Je me rΘinstallai dans mon fauteuil toujours en proie α la plus vive excitation. Je n'arrivais pas α croire que tout cela n'Θtait pas un
rΩve. Je me faisais l'effet d'un dieu assistant α la naissance du monde. J'avais aussi l'impression de voir bien plus loin que dans la
rΘalitΘ. Mes pouvoirs Θtaient extraordinaires puisque je voyais aussi bien les flammes dΘvorer le centre de la Terre et la laisser aussi
creuse qu'un tambour, que des projectiles divers, des mΘtΘorites et autres choses Θtranges heurter sa surface.
Soudain, α quelques mΦtres de moi, me semblait-il, s'Θcrasa un dr⌠le d'engin qui s'Θventra tandis
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qu'en sortaient des Ωtres et divers appareils. Plus tard, pensais-je, on dΘcouvrira peut-Ωtre cette Θpave, et les hommes s'interrogeront
sur les causes de sa chute et de sa provenance. ½ Tu as raison, Lobsang, me dit alors mon guide qui avait captΘ ma pensΘe, cela est
arrivΘ. Des mineurs ont dΘcouvert ainsi des choses trΦs intΘressantes ; aussi bien des appareils totalement inconnus que des
ossements. On a retrouvΘ notamment le squelette complet d'un Ωtre gigantesque. Toi et moi, Lobsang, sommes les seuls α voir ceci ;
avant que cet appareil soit terminΘ, les dieux que l'on appelle les Jardiniers de la Terre s'Θtaient disputΘs pour des histoires de femme
; c'est pour cela que nous ne pouvons voir que la formation de notre monde. A l'origine, cet appareil devait permettre de voir tous
les autres univers. Cela aurait ΘtΘ fabuleux ! ╗
Les mΘtΘorites pleuvaient de partout, soulevant des geysers d'eau quand elles tombaient dans la mer ou creusant d'immenses
baignoires quand elles tombaient sur le roc ou le sol sablonneux.
Le lama tourna alors un autre bouton et les images se mirent α dΘfiler α trΦs grande vitesse, puis le rythme se ralentit et l'on vit α
nouveau la surface du globe recouverte cette fois d'une vΘgΘtation luxuriante. Les fougΦres Θtaient aussi grandes que des arbres et
s'Θlevaient vers un ciel dans lequel flottaient des nuages roses ; tout avait cet aspect rosΘ, et il Θtait Θtonnant de voir les crΘatures
respirer puis exhaler cette vapeur rose. Je me lassai bient⌠t de ce
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tableau et regardai plus loin. Il y avait des monstres horribles qui d'un pas lent et pesant avanτaient α travers des marΘcages ; rien ne
semblait pouvoir les arrΩter. Puis une crΘature gigantesque apparut venant α l'encontre d'un groupe d'animaux plus petits ; ceux-ci ne
voulant pas s'Θcarter, et le plus gros ne s'arrΩtant pas, ce dernier qui portait sur son nez une Θnorme corne se mit alors α foncer dans
le troupeau, tΩte en avant. Sur le sol dΘtrempΘ, maculΘ de sang et parsemΘ d'intestins et d'autres matiΦres organiques, arrivΦrent
ensuite d'Θtranges crΘatures α six pattes qui venaient de la mer ; leurs mΓchoires ressemblaient α deux pelles. Ils enfournΦrent
prestement tout ce qu'ils trouvaient et quand ils eurent terminΘ, ces animaux semblaient encore chercher quelque chose α se mettre
sous la dent. L'un de leurs compagnons avait butΘ contre un tronc d'arbre ou quelque chose de ce genre, et s'Θtait cassΘ une patte.
Avisant cela, ils se prΘcipitΦrent sur lui et le dΘvorΦrent tout vivant, ne laissant que les os pour tΘmoigner de l'ΘvΘnement. Mais ces os
eux-mΩmes furent bien vite recouverts de feuilles, elles-mΩmes rΘsidus de plantes parvenues α maturitΘ et qui Θtaient crevΘes. Je
pensais que des millions d'annΘes plus tard on retrouverait ces ossements, peut-Ωtre, au milieu d'un gisement de houille formΘ α partir
de ces matiΦres organiques, et l'on s'extasierait...
Le monde ne cessait de se dΘrouler devant moi et de plus en plus vite car le rythme d'Θvolution s'accentuait. Le lama Mingyar
Dondup tendit le bras
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encore vers une manette et de son coude gauche me donna une bourrade : ½ Tu ne dors pas, Lobsang ? interrogea-t-il. Ce que tu
vas voir maintenant est capital ; sois trΦs attentif. ╗ Il tourna la manette et une autre image apparut ù encore que ce terme d'image
soit impropre puisque les trois dimensions y Θtaient reproduites ; le lama me donna une autre bourrade et me montra le ciel pourprΘ.
Regardant dans la direction qu'il m'indiquait je vis comme un rayon d'argent qui lentement descendait vers le sol ; c'Θtait un tube
dont les deux extrΘmitΘs Θtaient fermΘes. Il Θmergea bient⌠t complΦtement de la couche de nuages et se balanτa α quelques mΦtres
du sol pour finalement s'y poser en douceur. Il resta lα un moment, immobile. Il ressemblait α un animal qui, avant de se hasarder
hors de sa coquille, regarderait d'un oeil mΘfiant ce qui l'entoure.
Sans doute l'inspection fut-elle positive car bient⌠t un pan de la carcasse mΘtallique s'ouvrit et s'abattit sur le sol dans un bruit sourd.
Puis quantitΘ de personnages apparurent dans l'ouverture. Ils Θtaient deux fois plus grands et plus gros qu'un homme de l'espΦce
actuelle, et ils Θtaient revΩtus d'une combinaison particuliΦre qui les couvrait de la tΩte aux pieds. Ce qui recouvrait le visage Θtait une
matiΦre transparente qui permettait de voir leurs traits autoritaires et sΘvΦres. Ils Θtaient tous penchΘs sur une carte, semblait-il, et
marquaient des repΦres. Ils se mirent bient⌠t α descendre un par un le long de la paroi mΘtallique qu'ils avaient jetΘe sur le
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sol mais dont une extrΘmitΘ Θtait restΘe attachΘe au vaisseau. On pouvait voir maintenant leur combinaison protectrice trΦs
distinctement. L'un de ces hommes ù du moins ce qui semblait Ωtre des hommes, car il Θtait difficile de le dΘterminer sous la
combinaison et le casque transparent ; il y avait Θgalement beaucoup de fumΘe ù, l'un des hommes donc, glissa tout α coup de la
passerelle et tomba la tΩte la premiΦre sur le sol. DΘjα il Θtait encerclΘ par d'infΓmes crΘatures jaillies de la vΘgΘtation alentour, et ses
camarades sortirent prΘcipitamment, pour le dΘfendre, des armes qu'ils portaient α leur ceinture. Ils le relevΦrent et le remirent sur la
passerelle ; sa combinaison avait ΘtΘ dΘchirΘe par les griffes des animaux et du sang s'Θcoulait. Deux des hommes le ramenΦrent α
l'intΘrieur du vaisseau et ils ressortirent en tenant quelque chose α la main. Ils s'arrΩtΦrent sur la passerelle et tous deux appuyΦrent
sur un bouton de l'appareil qu'ils portaient. Des flammes apparurent α l'extrΘmitΘ d'une sorte de fuseau, et tous les insectes qui se
trouvaient sur leur passage furent anΘantis. Quand la plate-forme fut bien nettoyΘe ils la relevΦrent et elle reprit sa place dans la
carcasse du grand vaisseau.
Les hommes qui portaient le lance-flammes nettoyΦrent pareillement toute la surface qui se trouvait au pied de l'appareil puis
partirent rejoindre leurs camarades dans une vΘritable forΩt de fougΦres. Il Θtait facile de retrouver la trace de ceux qui passaient α
travers ces fougΦres gΘantes car ils utilisaient une sorte de faux qui les coupait α la base.
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Voulant voir de plus prΦs ce qu'ils faisaient, je changeai de place et m'assis un peu plus sur la gauche. De lα j'avais une meilleure vue
et les hommes semblaient se diriger vers moi. Devant le groupe marchaient deux hommes qui actionnaient ce que j'avais pris pour
une faux ; en fait c'Θtait un appareil qu'ils poussaient devant eux et qui semblait muni d'une lame rotative. Le groupe arriva bient⌠t
dans une sorte de clairiΦre o∙ se trouvaient diffΘrents animaux. Les animaux regardΦrent les hommes et rΘciproquement. Ces
derniers, voulant tester leur agressivitΘ, prirent un tube mΘtallique qu'ils dirigΦrent vers l'un des animaux ; une petite piΦce mΘtallique
s'en Θchappa dans une explosion formidable, et l'animal qui avait ΘtΘ visΘ Θclata littΘralement, tandis que ses dΘbris retombaient
alentour. Cela me rappelait un moine que j'avais vu tomber du haut de la montagne ; son corps avait pareillement volΘ en Θclats.
Quant aux autres animaux, ils prirent la fuite.
½ Nous allons encore un peu avancer, dit soudain mon guide, nous avons beaucoup de chemin α faire Nous allons sauter mille ans. ╗
Lα-dessus il tourna l'une des manettes, et toutes les images dΘfilΦrent α trΦs grande vitesse avant de se stabiliser α nouveau. ½ Voici
une Θpoque moins barbare, me dit mon guide, tu vas voir comment on construisait des cavernes. ╗
Nous regardΓmes α nouveau. Des collines peu ΘlevΘes ondulaient devant nous ; mais comme elles se rapprochaient nous vεmes qu'il
s'agissait en fait de promontoires rocheux recouverts, sur leurs flancs, d'une espΦce de mousse verdΓtre.
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Plus loin on voyait des habitations α l'aspect trΦs Θtrange. Imaginez une balle que l'on aurait coupΘe en deux et dont on aurait posΘ la
moitiΘ α plat sur le sol, et vous aurez une idΘe de leur configuration ! Des individus en sortaient ; ils Θtaient vΩtus d'habits trΦs
collants qui ne laissaient aucun doute sur leur sexe. Ils n'avaient plus cette fois de casques transparents. Ils parlaient entre eux et il
semblait mΩme qu'ils se disputaient. L'un d'entre eux Θtait le chef apparemment. Il donna soudain quelques ordres et un engin sortit
d'un garage pour se diriger vers les promontoires rocheux. L'un des hommes s'avanτa et s'assit α l'arriΦre de l'appareil, sur un siΦge
mΘtallique. L'appareil Θtait muni de chaque c⌠tΘ et sur le devant d'espΦces de tuyaux d'o∙ sortait quelque chose qui avait pour effet
de faire fondre la pierre sur son passage ; la pierre se rΘtractait aussit⌠t, et comme l'engin Θtait ΘquipΘ de lampes trΦs puissantes nous
comprεmes qu'il Θtait en train de forer un tunnel dans la roche. AprΦs avoir parcouru une certaine distance il se mit α tourner en
rond, et au bout de quelques heures il avait creusΘ une caverne que nous reconn√mes comme Θtant celle dans laquelle nous avions
pΘnΘtrΘ en premier. Elle Θtait immense, et elle Θtait destinΘe apparemment α servir de hangar aux vaisseaux spatiaux. Tout cela nous
laissait perplexes ; nous ne pensions plus ni α boire ni α manger, et le temps n'avait plus d'importance. Quand cette caverne fut
terminΘe, la machine se mit α excaver suivant une ligne qui devait Ωtre tracΘe sur le sol, et cela forma progressivement un couloir qui
semblait sans de fin.
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D'autres engins arrivΦrent qui creusΦrent, de chaque c⌠tΘ, des salles de diffΘrentes dimensions. Pour y parvenir, ils faisaient fondre la
muraille et la repoussaient en arriΦre, cela donnant des murs parfaitement lisses et brillants, sans la moindre poussiΦre. Tandis que la
machine faisait son travail, des Θquipes d'hommes et de femmes pΘnΘtraient dans les diffΘrentes piΦces portant toutes sortes de
boites ; mais celles-ci paraissaient flotter dans l'air ; sans doute n'avaient-ils pas beaucoup de mal α les porter. Une espΦce de
surveillant se tenait au milieu de la piΦce et indiquait o∙ l'on devait les poser. Quand elles furent en place ils se mirent α dΘballer. Il y
avait d'Θtranges objets ; je crus reconnaεtre un microscope pour en avoir dΘjα vu un chez le dela∩-lama qui en avait reτu un
d'Allemagne.
Puis nous f√mes attirΘs par une querelle qui venait d'Θclater entre deux factions opposΘes d'hommes et de femmes. On criait et on
gesticulait beaucoup. Puis une vΘritable armΘe d'individus ù hommes et femmes mΩlΘs ù monta α bord d'un des vaisseaux et, sans
la moindre civilitΘ, en fermΦrent la porte pour s'envoler bien vite dans le ciel. Quelques jours plus tard (durΘe relative pour la pΘriode
que nous regardions), un certain nombre de vaisseaux revinrent. Ils restΦrent un moment en suspens au-dessus du camp. Puis un
battant s'ouvrit α l'arriΦre de chaque appareil et des projectiles se dΘversΦrent. └terre ce n'Θtait que courses Θperdues des gens. Mais
quand le premier projectile heurta le sol, tous se
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jetΦrent α terre et une formidable explosion accompagnΘe de flammes pourpres s'ensuivit. Une lumiΦre aveuglante nous empΩcha de
voir la suite, mais bient⌠t nous aperτ√mes α travers les fougΦres gΘantes une multitude de traits lumineux qui, lorsqu'ils atteignaient
l'un des engins volants, le faisaient tomber en flammes.
½ Tu vois, Lobsang, dit soudain mon guide, mΩme les Jardiniers de la Terre avaient leurs problΦmes, problΦmes d'origine sexuelle. Il
y avait trop d'hommes et pas assez de femmes, et lorsque les hommes avaient ΘtΘ trop longtemps frustrΘs ils rΘagissaient trΦs
violemment. Mais nous n'allons pas nous attarder lα-dessus, ce sont seulement des histoires de crimes et de viols. ╗ Au bout d'un
certain temps les vaisseaux repartirent, sans doute vers le vaisseau mΦre qui les attendait un peu plus loin dans l'espace. Plus tard,
des vaisseaux plus importants revinrent et atterrirent. Des hommes lourdement armΘs en descendirent et ils commencΦrent une
chasse α l'homme dans la forΩt vierge. Ils n'Θpargnaient personne, tuant les hommes sans discuter et capturant les femmes qu'ils
faisaient prisonniΦres dans leurs vaisseaux.
Il fallut faire une pause. Nos entrailles criaient famine et nous avions soif. Nous prΘparΓmes notre tsampa traditionnelle et aprΦs avoir
bu de l'eau, mangΘ et effectuΘ quelques autres besognes nous revεnmes dans la salle reprΘsentant l'univers. Le lama Mingyar
Dondup actionna une fois de plus une
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manette et les images rΘapparurent. Le monde que nous voyions Θtait peuplΘ maintenant de crΘatures naines aux jambes arquΘes.
Elles portaient de dr⌠les d'armes faites d'un bout de bois surmontΘ d'une pierre extrΩmement tranchante qu'elles aff√taient sans
cesse. Un certain nombre d'individus Θtaient occupΘs α la fabrication de ces armes tandis que d'autres en construisaient d'autres
modΦles qui consistaient en bandes de cuir du milieu desquelles ils plaτaient de grosses pierres. Deux hommes tiraient sur la laniΦre
que l'on avait dΘtrempΘe pour la rendre flexible, et lorsqu'ils la relΓchaient la pierre placΘe en son centre s'Θlanτait vers l'ennemi.
Mais c'Θtait l'Θvolution des diffΘrentes civilisations qui surtout nous intΘressait. Aussi le lama appuya-t-il une nouvelle fois sur le
bouton de commande et l'Θcran s'obscurcit. Quelques instants plus tard les premiΦres lueurs de l'aube apparurent pour faire place
bient⌠t α la vΘritable lumiΦre du jour. Nous p√mes alors distinguer une ville assez imposante toute hΘrissΘe de flΦches et de minarets.
Des ponts qui me paraissaient trΦs lΘgers reliaient des tours entre elles et je m'Θtonnai de leur rΘsistance quand je vis la circulation
qu'ils devaient soutenir ; mais je m'aperτus bien vite que cette circulation Θtait aΘrienne. Il y avait nΘanmoins quelques personnes qui
marchaient dessus et aussi dans les rues α plusieurs niveaux. Soudain un terrible mugissement retentit. Nous ne comprεmes pas tout
d'abord qu'il venait du monde que nous regardions, mais trΦs vite nous vεmes une
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multitude de points minuscules arriver sur la ville. Quand ils se trouvΦrent au-dessus ils tournoyΦrent en lΓchant quelque chose.
La belle citΘ s'effondra. Les tours se vrillΦrent tandis que les ponts se pliaient en accordΘon, le tout formant un inextricable amas de
matΘriaux inutilisables. Des corps tombaient des plus hauts Θdifices et α leurs vΩtements on reconnaissait leur appartenance sociale.
Nous regardions sans mot dire. Et nous assistΓmes α une contre-attaque sous forme d'autres points noirs venus d'une direction
opposΘe α celle des envahisseurs. Le combat fut acharnΘ, les nouveaux venus semblant n'attacher aucun prix α leur vie. Ils lanτaient
divers projectiles en direction de l'ennemi, et lorsque ceux-ci manquaient leur but ils n'hΘsitaient pas α se lancer eux-mΩmes sur leurs
appareils contre ce qui me semblaient Ωtre des bombardiers.
Puis la nuit tomba sur ce tableau, mais une nuit illuminΘe par les flammes gigantesques qui s'Θlevaient de la ville. Sur le globe qui
Θtait devant nous, ce n'Θtait que villes en feu, et flammes surgissant de toutes parts. Quand un nouveau jour se leva et qu'un soleil
rougeoyant monta dans le ciel, un bien pΘnible spectacle s'offrit α nos yeux. Le sol Θtait jonchΘ d'Θpaves, formant τα et lα des
monticules, et recouvert de cendres et de dΘbris de ferraille.
½ Nous allons passer α autre chose, c'est trop affreux, dit le lama, d'autant que toi tu es appelΘ α connaεtre pareille misΦre dans ta vie
sur terre. ╗
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Le globe qui reprΘsentait l'univers tourna, tourna... L'obscuritΘ fit place α la lumiΦre, et rΘciproquement, un certain nombre de fois ;
et comme auparavant, il finit par se stabiliser dans une position donnΘe, continuant nΘanmoins de tourner, mais au ralenti.
En regardant de tous c⌠tΘs nous aperτ√mes bient⌠t des hommes accompagnant ce qui semblait Ωtre une charrue. Des chevaux
tiraient ces instruments sur toute la surface de la terre et, les uns aprΦs les autres, les diffΘrents Θdifices s'Θcroulaient dans les sillons
qu'ils creusaient. Ce labourage continua des jours durant, jusqu'α ce qu'il n'y eut plus sur terre aucune trace de la civilisation
prΘcΘdente.
½ Je crois que c'est suffisant pour aujourd'hui, dit alors le lama Mingyar Dondup. Il ne faut pas nous fatiguer les yeux, nous avons
encore beaucoup α voir demain. Ce que tu vois actuellement va se reproduire un grand nombre de fois jusqu'α ce que toute vie sur
terre disparaisse dans des combats Θpouvantables. Bon, allons manger quelque chose et nous coucher ensuite. ╗
Je le regardai un peu ΘtonnΘ. ½ Nous coucher ?
Mais comment savez-vous, Maεtre, que c'est dΘjα la nuit ? ╗ Mon guide me montra du doigt un petit carrΘ o∙ se trouvait une main
qui servait de repΦre sur un fond de tuiles, semblait-il, divisΘ en plusieurs sections et indiquant diffΘrents degrΘs de lumiΦre et
d'ombre, la graduation allant de la lumiΦre la plus intense α
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l'obscuritΘ la plus sombre. ½ Tu vois, Lobsang, me dit le lama, un nouveau jour va bient⌠t naεtre, mais nous avons encore du temps
pour nous reposer. Pour ma part, je vais aller me baigner dans cette fontaine de Jouvence si bΘnΘfique pour mes jambes ; elles me
font encore trΦs mal. ╗
½ Maεtre, m'Θcriai-je, je vais vous aider. ╗ Je me prΘcipitai dans la salle o∙ Θtait la piscine et retroussai ma robe. L'eau commenτait α
monter, et comme je l'avais vu faire je tournai l'un des robinets pour qu'elle continue α couler quand je serais sorti. J'actionnai aussi
la manette qui dispensait le mΘdicament ; celui-ci se dissolvait trΦs rapidement dans l'eau.
Le lama s'assit sur le bord de la piscine et laissa pendre ses jambes dans l'eau. ½ ╟a fait du bien ! s'exclama-t-il. Je pense que mes
plaies vont guΘrir trΦs vite maintenant et que ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir et une occasion de s'Θtonner du pouvoir
merveilleux de cette eau.
Je frottai la surface de la peau vigoureusement pour faire tomber les derniers rΘsidus de tissu nΘcrosΘ, et bient⌠t les jambes
retrouvΦrent leur aspect normal. ½ ╟a va beaucoup mieux ! commentai-je. Pensez-vous que ce bain a assez durΘ ? ╗
½ Oui, oui, nous n'allons pas y passer toute la nuit ! rΘpondit-il. Il nous faut manger un peu maintenant. ╗ Il sortit de la piscine tandis
que j'appuyais sur le bouton d'Θvacuation ; cette tΓche accomplie j'allai rejoindre mon ami.
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½ Notre journΘe a ΘtΘ bien remplie, dit-il. Je te propose un bol d'eau et de tsampa, puis nous irons nous coucher. Nous mangerons
mieux demain. ╗ Assis par terre dans la position traditionnelle du lotus nous mangeΓmes donc ; mais nous ne nous servions plus de
nos doigts comme nous le faisions avant ; nous devenions trΦs raffinΘs puisque nous utilisions ces ustensiles que l'on appelle des
cuillers et qui sont l'apanage des peuples civilisΘs !
Avant mΩme d'avoir terminΘ mon bol, je tombai α la renverse et sombrai dans un profond sommeil, loin des tournoiements du
monde.
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Chapitre sixiΦme
Brusquement je me dressai sur mon sΘant.
Autour de moi ce n'Θtait qu'obscuritΘ et je me demandais o∙ j'Θtais. Mais bient⌠t une lueur apparut qui n'avait rien de la clartΘ
brutale qui apparaεt lorsqu'on allume une chandelle dans la nuit. Elle ressemblait au contraire α l'embrasement progressif de l'aube.
J'entendais le lama Mingyar Dondup bricoler dans la cuisine. Il m'appela. ½ Lobsang, dit-il, je te prΘpare un petit dΘjeuner comme tu
devras en manger plus tard lorsque tu seras en Occident. ╗
Lα-dessus il eut un petit rire joyeux.
Je me levai et me dirigeai vers la cuisine. Puis, me ravisant, je fis volte-face pour aller d'abord satisfaire mes besoins naturels. Je
pouvais ensuite, l'esprit plus libre, aller rejoindre mon ami.
Il Θtait en train de verser quelque chose dans une assiette. Cela avait une dr⌠le de couleur, entre le brun et le rouge, et il y avait α
c⌠tΘ deux oeufs frits (je n'en avais encore jamais mangΘ α l'Θpoque). Le lama me fit asseoir et se tint derriΦre moi. ½ Ceci est
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une fourchette, commenτa-t-il en me la tendant, tu la prends dans ta main droite et tu maintiens avec le morceau de "bacon" que tu
coupes avec le couteau que tu tiens dans ta main gauche. Une fois qu'il est coupΘ en deux tu piques l'un des morceaux avec ta
fourchette et tu le portes α ta bouche. ╗
½ Quelle dr⌠le d'idΘe ! ╗ m'exclamai-je en prenant le fameux "bacon" entre le pouce et l'index tandis que je recevais une tape sur le
genou de la part de mon guide.
½ Non, Lobsang ! dit-il, il te faudra aller un jour en Occident pour des raisons trΦs prΘcises et tu devras adopter leur mode de vie.
Autant t'entraεner dΦs maintenant. Prends le "bacon" avec ta fourchette et porte-le α ta bouche. Quand il est dans ta bouche tu retires
ta fourchette. ╗
½ Je ne peux pas ╗, m'Θcriai-je.
½ Comment tu ne peux pas ! reprit mon ami, fais comme je te dis de faire. ╗
½ J'avais cette chose dans la bouche quand vous m'avez frappΘ le genou, rΘpliquai-je, et je l'ai avalΘe ! ╗ ½ Eh bien ! tu n'as qu'α
reprendre un autre morceau, dit le lama ; pique avec ta fourchette, porte α ta bouche et maintenant retire ta fourchette. ╗
Je fis comme il me disait, mais trouvai tout cela bien stupide. Pourquoi utiliser cet ustensile mΘtallique pour mettre des aliments dans
sa bouche ! C'Θtait la chose la plus folle dont j'avais eu connaissance α ce
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jour ; mais ce qui suivit l'Θtait encore plus. ½ Tu places la partie bombΘe de ta fourchette sous l'un des oeufs, dit ensuite le lama, et
avec le couteau tu en coupes α peu prΦs le quart, et tu portes ceci α ta bouche. ╗
½ Quand je serai en Occident, est-ce que je devrai vraiment manger comme cela ? ╗ demandai-je α mon guide.
½ Bien s√r, rΘpondit-il, et c'est pourquoi tu dois t'y habituer. Les doigts de la main sont trΦs utiles, mais les individus d'un certain
niveau limitent nΘanmoins leur usage ; et n'es-tu pas promis α Ωtre de ceux-lα ? Pourquoi penses-tu que je t'aie amenΘ ici ? ╗
½ Mais, Maεtre, nous sommes arrivΘs ici par hasard ! ╗ dis-je.
½ Bien s√r que non, reprit le lama, nous sommes arrivΘs ici par hasard, en effet, ò mais c'Θtait nΘanmoins lα que nous devions venir.
Le vieil ermite Θtait le gardien de ces lieux. Il est restΘ lα pendant environ cinquante ans, et je t'amenais ici pour que tu apprennes
quelque chose de plus. Mais j'ai l'impression que tu t'es abεmΘ la cervelle en tombant sur ce rocher ! ╗
½ Je me demande quel Γge ont ces oeufs ╗, dit-il ensuite pour lui-mΩme. Puis il se leva et alla chercher la boεte d'o∙ il les avait sortis.
½ Ces oeufs et ce "bacon", dit-il triomphalement aprΦs avoir dΘnombrΘ plusieurs zΘros, sont lα depuis
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trois millions d'annΘes ! et pourtant les oeufs sont aussi frais que s'ils Θtaient pondus d'hier ! ╗
Je ne penchai sur les restes de mon repas, l'air pensif. J'avais dΘjα vu des aliments, mΩme congelΘs, s'abεmer et voilα que je
mangeais des aliments vieux de trois millions d'annΘes. Tout cela me laissait rΩveur. ½ DΘcidΘment il y a beaucoup de choses que
je ne comprends pas, dis-je une fois de plus α mon guide. Ces oeufs sont frais, je suis d'accord avec vous, mais comment est-ce
possible ? ╗
½ Il faudrait entrer dans le dΘtail mais cela donnerait quelque chose de trΦs compliquΘ. Je vais donc schΘmatiser quelque peu pour te
donner nΘanmoins une idΘe. Imagine une quantitΘ d'ΘlΘments que nous appellerons des cellules. Ces cellules peuvent Ωtre rΘunies et
former diffΘrents objets. Avec des ΘlΘments l'enfant, par exemple, construit une maison puis il la dΘtruit pour bΓtir quelque chose
d'autre. Disons que le morceau de bacon ou l'oeuf sont constituΘs d'un certain nombre de cellules. Chacune de ces cellules est
Θternelle puisque la matiΦre ne pΘrit pas. Si la matiΦre pΘrissait, le monde n'existerait plus. Dans l'ordre naturel, ces cellules vont
s'agglomΘrer de faτon α former un morceau de bacon, un oeuf, etc. Et quand tu vas manger ce bacon ou cet oeuf rien ne sera perdu,
car ces aliments, une fois transformΘs par ton organisme, feront de l'engrais dont se nourriront les vΘgΘtaux en devenir ; et si un
mouton ou un cochon mangent ces plantes ou ces
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herbes, ils ne s'en porteront que mieux. Ces cellules sont la base de toute vie.
½ Elles peuvent Ωtre ovales, poursuivit le lama, c'est d'ailleurs leur forme normale. Les cellules dΘterminent la configuration d'un
individu. S'il est grand et mince, c'est que toutes ses cellules sont disposΘes dans la mΩme direction. Mais si un individu, par
exemple, aime la bonne chΦre et mange au-delα de ses besoins pour le seul plaisir de manger, ses cellules qui Θtaient ovales α l'origine
vont s'arrondir, et si l'on n'augmente pas leur capacitΘ en fonction de cette nouvelle forme, l'individu sera moins grand que ce qu'il
aurait ΘtΘ s'il avait ΘtΘ mince. ╗
Accroupi sur mes talons, j'Θcoutais ces explications avec grand intΘrΩt. ½ Mais α quoi servent ces cellules, demandai-je enfin, si elles
n'ont pas en elles quelque chose qui dispense la vie et si elles ne dΘterminent pas ce qu'un individu peut faire ou ne pas faire ? ╗
Le lama sourit et rΘpliqua : ½ Je t'ai dit que je simplifiais. Il existe diffΘrents types de cellules. Mais tout dΘpend aussi de la faτon
dont tu traites ces cellules ; tu peux devenir un gΘnie comme tu peux aussi sombrer dans la folie avec le mΩme type de cellules. Je
me demande de quel c⌠tΘ tu penches en ce moment ! ╗
Nous avions fini notre petit dΘjeuner en transgressant la rΦgle qui veut que l'on ne parle pas en mangeant par respect pour la
nourriture. Mais, sans
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doute, le lama savait-il ce qu'il faisait et peut-Ωtre avait-il une permission spΘciale pour enfreindre les rΦgles de notre ordre.
½ Nous allons continuer notre visite, dit mon ami, il y a encore beaucoup α voir, et notre dΘsir de connaεtre les diffΘrentes
civilisations peut ici Ωtre satisfait. Nous pouvons voir sur le vif leur ascension et leur chute. Mais il ne faut pas trop abuser de la
machine α remonter le temps. Il faut de temps en temps des rΘcrΘations. Terme que nous devons prendre dans son sens
Θtymologique de re-crΘation. Les cellules qui te permettent de voir sont fatiguΘes ; elles ont vu trop d'images similaires. Il te faut
donc regarder maintenant quelque chose de diffΘrent pour les laisser se reposer. Il faut se rΘcrΘer, c'est-α-dire re-crΘer son Θnergie.
Viens avec moi dans cette piΦce. ╗
Je me levai un peu α contrecoeur et le suivis en traεnant les pieds comme quelqu'un qui est extΘnuΘ. Mais le lama n'Θtait pas dupe, et
peut-Ωtre s'Θtait-il comportΘ de la sorte jadis avec son guide.
Sur le seuil de la porte je faillis tourner les talons et dΘguerpir. Il y avait dans la piΦce quantitΘ d'hommes et de femmes dont certains
Θtaient absolument nus. Une femme notamment, dans le plus simple appareil, ce tenait devant moi ; c'Θtait la premiΦre que je voyais
ainsi, aussi je fis volte-face aprΦs avoir formulΘ quelques excuses α son adresse. Le lama Mingyar Dondup riait α gorge dΘployΘe.
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½ Oh Lobsang ! s'exclama-t-il, l'expression de ton visage, si cocasse, compense toutes les misΦres que nous avons eues au cours de
ce voyage. Ces Ωtres sont des spΘcimens provenant des diffΘrentes planΦtes. Ils ont ΘtΘ amenΘs ici vivants, et ils le sont encore. ╗
½ Mais pourquoi vivent-ils encore aprΦs deux millions d'annΘes ? Pourquoi ne sont-ils pas rΘduits en poussiΦre ? ╗ demandai-je.
½ Parce qu'ils sont comme les autres, que nous avons dΘjα vus, en Θtat d'hibernation, rΘpondit mon guide. Ils sont enveloppΘs d'une
sorte de cocon invisible qui empΩche leurs cellules de fonctionner. Nous allons examiner de plus prΦs ces corps ; n'oublie pas que tu
dois aussi te familiariser avec le corps fΘminin car tu en auras beaucoup α soigner. Tu vas bient⌠t aller α Chungking Θtudier la
mΘdecine, et plus tard la majoritΘ de tes patients seront des femmes. Il faut donc te prΘparer dΦs maintenant. Tu as ici une femme
qui allait accoucher ; nous pourrions la rΘanimer et faire venir l'enfant. ╟a serait trΦs intΘressant pour toi, et mΩme si nous devions
sacrifier deux ou trois de ces individus, cela vaut la peine puisque c'est pour en faire profiter le monde. ╗
Je levai les yeux de nouveau sur tous ces gens et me sentis rougir en regardant les femmes nues. ½ Maεtre, dis-je en montrant du
doigt l'une des femmes, celle-ci est toute noire, pourquoi ?
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½ Mais, Lobsang, je suis ΘtonnΘ que tu me poses une telle question, rΘpliqua le lama. Je croyais que tu savais qu'il existait dans notre
monde diffΘrentes couleurs de peau ; les gens peuvent Ωtre blancs, cuivrΘs, bruns ou noirs, et ailleurs que sur la terre il est des
individus α la peau verte ou bleue. La pigmentation de la peau dΘpend des habitudes alimentaires du groupe ethnique, et aussi des
diffΘrentes sΘcrΘtions de l'organisme. Mais viens avec moi, nous allons les voir de plus prΦs ! ╗
Lα-dessus il se dirigea vers un renfoncement adjacent α la piΦce et me laissa seul avec ces personnages. CΘdant α la tentation,
j'allongeai le bras en direction de l'une des femmes que j'avais repΘrΘe comme la plus belle, pour la toucher, Elle n'Θtait pas froide
mais tiΦde ; elle semblait α la tempΘrature de mon propre corps, bien que celle-ci ait considΘrablement augmentΘ depuis quelques
instants ! Il me vint alors une idΘe. ½ Maεtre, criai-je tout excitΘ, j'ai une question α vous poser. ╗
½ Tiens, Lobsang, me dit-il en revenant, je vois que tu n'as pas choisi la plus laide ! Laisse-moi la regarder et apprΘcier ton go√t. Elle
est trΦs belle, elle change de ce qu'on a l'habitude de voir dans les musΘes poussiΘreux ! Ceux qui rassemblΦrent ces Θchantillons
humains prirent, bien s√r, les types les plus parfaits. Mais quelle est ta question ? ╗ Il s'assit sur un tabouret et je fis de mΩme.
½ Je voudrais savoir comment un individu se dΘveloppe ? demandai-je. Comment il se fait qu'il
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ressemble α ses parents. Pourquoi un bΘbΘ ne grandit-il pas sur le modΦle d'un cheval ou autres crΘatures ? ╗
½ Les individus sont des composΘs cellulaires, commenτa mon guide, et leur configuration aussi bien morale que physique est
inscrite dΦs leur plus jeune Γge dans ce que j'appellerai une cellule mΦre. L'accroissement cellulaire se fait donc toujours sur le mΩme
modΦle, mais il peut nΘanmoins y avoir quelques variations au cours du dΘveloppement de l'individu ; c'est-α-dire que les cellules
oublient quelque peu le modΦle original auquel elles doivent ressembler. Je schΘmatise beaucoup pour que tu comprennes, mais tu
reverras tout cela au Chakpori puis α Chungking. Chaque organisme possΦde donc en mΘmoire les donnΘes qui lui sont propres et
qui, si elles sont respectΘes, assurent son bon fonctionnement. Mais α mesure que cet organisme prend de l'Γge, le modΦle original
est de moins en moins respectΘ dans l'Θlaboration cellulaire. Lorsque l'Θcart dΘpasse un certain seuil, le corps devient malade et il
peut y avoir mort de l'individu. ╗
½ Et le cancer, Maεtre, comment cela arrivet-il ? ╗ demandai-je.
½ Je t'ai dit, reprit mon guide, qu'il arrivait que les cellules en viennent α prolifΘrer anarchiquement, c'est-α-dire en oubliant
l'organisation qu'elles avaient au dΘpart. C'est ce qui se passe dans la maladie que l'on appelle le cancer. Des cellules se forment lα
o∙ elles ne devraient pas et ces agglomΘrats entravent le
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fonctionnement de l'organisme en crΘant des pressions indΘsirables sur les organes qu'ils dΘtruisent mΩme parfois. Mais il y a
plusieurs types de cancer. On peut trouver dans un cas une anomalie au niveau de la formation cellulaire elle-mΩme, c'est-α-dire
qu'un certain type de cellule est formΘ au dΘtriment d'un autre et cela entraεne un bouleversement de l'organisation interne. Certains
organes s'atrophient jusqu'α la destruction complΦte. Et les cellules continuant α prolifΘrer sans pouvoir rΘtablir l'Θquilibre originel,
certaines d'entre elles dΘvorant les tissus sains, l'individu ne tarde pas α mourir laissant un corps complΦtement putrΘfiΘ. ╗
½ Maεtre, demandai-je ensuite, je voudrais savoir ce qui dΘtermine le sexe d'un bΘbΘ qui va naεtre. ╗ ½ Cela se dΘcide au moment de
la conception, me rΘpondit le lama. Si le dΘveloppement commence en milieu alcalin, on aura l'un des deux sexes, et s'il commence
en milieu acide on aura l'autre. Et l'on peut obtenir des monstres si les parents prΘsentent une incompatibilitΘ, c'est-α-dire que la
mΦre porte un enfant qui n'est ni un garτon ni une fille mais un mΘlange des deux, ou bien qui a deux tΩtes ou encore trois bras.
Selon la rΦgle bouddhique, la vie de toute crΘature doit Ωtre prΘservΘe, mais le cas des monstres pose un problΦme. Ces Ωtres
anormaux n'ont qu'un cerveau trΦs rudimentaire, et si on laisse leur espΦce se perpΘtuer on risque d'en avoir bient⌠t plus que des
Ωtres sains, car on sait que les mauvaises
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choses se propagent beaucoup plus vite que les bonnes !
½ Mais tu verras tout cela en dΘtail α Chungking, ajouta mon guide. Je ne fais que te donner ici quelques grandes lignes pour que tu
te fasses une idΘe. Nous allons maintenant aller dans une salle o∙ sont exposΘs quelques-uns de ces Ωtres anormaux dont je te
parlais, et tu verras aussi une reprΘsentation de cellules saines et pathologiques. Enfin, je te montrerai α quel point l'organisme
humain est une chose merveilleuse. Mais d'abord examinons les corps qui sont ici, en particulier les femmes. Regarde ce livre, il
traite de la femme et de son anatomie. Lorsqu'une femme attend un enfant, pour que celui-ci soit bien portant il faut que la formule
cellulaire de dΘpart soit respectΘe et que la mΦre reτoive une alimentation adΘquate et qu'elle ne subisse aucun traumatisme. Il vaut
mieux Θgalement qu'elle n'ait plus de rapports sexuels α partir du huitiΦme mois de grossesse car cela risquerait de perturber le
processus.
½ Maintenant je vais faire un compte rendu de notre sΘjour ici, reprit-il. Il faut que je dise ce que nous avons fait, comment nous
sommes entrΘs et comment nous comptons sortir. ╗
½ Mais α quoi cela sert-il ? dis-je un peu agacΘ, puisque personne ne va venir ici ? ╗
½ Mais si, il y a des gens qui viennent ici, rΘtorqua-t-il. Ce sont les occupants de ces appareils
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que les ignorants appellent 0.V.N.I. Ils viennent en ces lieux et logent dans les piΦces au-dessus. Ils captent ici certains messages et
font des rapports sur leurs dΘcouvertes. Ce sont les Jardiniers de la Terre. Ils avaient jadis un savoir immense mais ils l'ont perdu
quelque peu. A l'image des dieux, leurs pou¡voirs Θtaient illimitΘs. Mais le chef des Jardiniers les envoya bient⌠t en mission sur terre
ù comme je te l'ai dΘjα dit ù, puis ils revinrent sur leur planΦte d'origine dans un autre monde en utilisant des engins qui se
dΘplaτaient α une vitesse supΘrieure α celle de la lumiΦre.
½ Comme c'est souvent le cas sur terre et dans les autres univers, continua-t-il, il y avait lα-bas une sorte de rΘvolution. Certains
reprochaient α ces Jardiniers de la Terre leur mentalitΘ un peu spΘciale. Ils avaient aussi la fΓcheuse habitude de prendre la femme
des autres, ce qui entraεnait des disputes. Il y eut bient⌠t deux factions opposΘes de Jardiniers : un parti de droite, si l'on peut dire, et
des dissidents. Ces derniers pensaient qu'en vertu de leurs frΘquents voyages sur la Terre et de leur besogne difficile ils avaient droit
α une rΘcrΘation sexuelle. Et lorsqu'ils ne pouvaient obtenir des femmes (le leur race ils allaient sur terre et prenaient les femmes les
plus grandes qu'ils trouvaient. Mais ils Θtaient encore trop grands pour elles, et il y eut de nombreuses querel¡les. Un groupe de
Jardiniers alla s'Θtablir dans l'Est et l'autre alla dans l'Ouest. En se servant de leur extraordinaire savoir, ils fabriquΦrent des armes
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nuclΘaires utilisant des explosifs α neutrons et le rayon laser. Ce ne furent ensuite qu'attaques et contre-attaques d'un territoire α
l'autre qui avaient pour but d'enlever les femmes du camp opposΘ. ½ Dans le ciel, les engins spatiaux ne cessaient de se croiser α trΦs
grande vitesse. Il arriva, pour finir, que la faction la moins importante, qui combattait les dissidents, par dΘsespoir, lΓcha une bombe
sur leur territoire. Ce territoire correspondrait, selon certains, aux terres dont on parle dans la Bible. Tout fut dΘtruit. A la place du
dΘsert qui existe actuellement Θtait une mer scintillante o∙ passaient des bateaux. Mais la bombe eut pour effet de faire basculer le sol
et toute l'eau se dΘversa dans la MΘditerranΘe et alla mΩme jusqu'α l'ocΘan Atlantique. Le Nil n'est que le rΘsidu de cette ancienne
mer. Nous pourrons voir tout cela grΓce α la machine α remonter le temps. ╗ ½ Mais comment peut-elle reproduire toutes ces
images d'un monde vieux de millions d'annΘes ? ╗
demandai-je.
½ Lobsang, me rΘpondit mon ami, tout n'est que vibration. Chaque chose vibre α une frΘquence qui lui est propre. Et si l'on peut
retrouver la frΘquence de ù sommes en mesure de les capter et de les reproduire avec des instruments rΘglΘs sur une frΘquence
supΘrieure. Nous pouvons rattraper de cette faτon toutes les impulsions, mΩmes celles qui furent Θmises il y a des millions d'annΘes.
En rΘduisant peu α peu la
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frΘquence de ces appareils de sorte qu'elle s'accorde α la frΘquence de telle ou telle chose passΘe, celle-ci peut rΘapparaεtre α nos
yeux. Mais tu verras cela plus tard. Puisque nous pouvons voyager dans la quatriΦme dimension, nous pouvons atteindre quelque
chose qui se trouve dans la troisiΦme dimension. Il nous suffit de nous asseoir et de regarder. Et nous aurons ainsi matiΦre α nous
moquer de ce que l'on raconte dans les livres d'Histoire car nous saurons ce qui est vraiment arrivΘ. Les livres d'Histoire ne content
que des sornettes. Ils dΘforment la vΘritΘ et sont trΦs nocifs. Nous allons voir ces fameux appareils dont je te parle ; ils sont dans la
piΦce α c⌠tΘ. Tu vas voir ce que certains appellent le DΘluge ; et puis aussi ces continents que l'on dΘsigne par le terme d'Atlantide et
qui ont sombrΘ au large de la Turquie, croit-on, et puis un autre qui a sombrΘ au large des c⌠tes japonaises. ╗
Sur ces paroles, le lama se leva et je le suivis. ½ Nous avons enregistrΘ toutes ces donnΘes, prΘcisa-t-il, parce que cela prendrait trop
de temps si nous devions α chaque fois rechercher la frΘquence des ΘvΘnements que nous voulons revoir et nous accorder α elle.
Mais l'enregistrement que nous avons est trΦs bon et trΦs prΘcis. ╗
Tout en parlant, il tripotait des bobines qui se trouvaient en rangs serrΘs sur le mur. Il en prit une qu'il plaτa dans l'appareil et bient⌠t
le globe terrestre apparut. Il me paraissait Θnorme, peut-Ωtre avait-il cent mΦtres de diamΦtre ! Il tournait sur lui-mΩme et
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se dΘplaτait latΘralement, allait en arriΦre et, revenait en position immobile. Je le regardais, trΦs ΘtonnΘ, et bient⌠t je m'aperτus que je
n'Θtais plus spectateur mais que j'Θtais bel et bien dessus. Au loin s'Θtendait une prairie verte, d'un vert comme je n'en avais jamais
vu, et moi-mΩme me trouvais au bord de la mer, sur une plage au sable argentΘ. Autour de moi des gens Θtaient allongΘs ; les uns
portant des maillots de bain aux couleurs vives et trΦs Θvocateurs ; les autres Θtaient nus, mais ce n'Θtait pas forcΘment ces derniers
les plus indΘcents car l'on sait que certains habits ne font en fait que mettre en valeur ce qu'ils prΘtendent cacher ! Je regardai vers le
large. La mer scintillait et reflΘtait le bleu du ciel. Tout Θtait calme. Devant moi, des bateaux α voile se poursuivaient l'un l'autre dans
une course amicale. Puis, brusquement, il y eut un bruit inou∩ d'explosion. La terre bascula, et la mer se retira d'un seul coup laissant
devant nous un trou bΘant.
└ peine avions-nous repris notre souffle que nous e√mes la trΦs dΘsagrΘable impression d'Ωtre soulevΘs dans les airs. Nous montions
α trΦs grande vitesse. Les terres qui nous entouraient montaient Θgalement avec nous ; et les promontoires rocheux, α mesure qu'ils
s'Θlevaient, devenaient des montagnes, des chaεnes de montagne s'Θtendant α perte de vue. J'avais le sentiment d'Ωtre en Θquilibre au
bout d'une pointe de terre, et quand je voulus me pencher
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pour regarder en bas je fus pris de vertige. Nous montions depuis si longtemps que je pensais que nous allions au Paradis. Autour de
moi il n'y avait pas Γme qui vive ; j'Θtais tout seul, j'avais peur et j'Θtais malade. Le Tibet Θtait montΘ α prΦs de dix mille mΦtres en
trente secondes. J'avais du mal α respirer : α cette altitude il y avait moins d'oxygΦne.
Soudain, d'une fente de la roche je vis jaillir avec une extrΩme violence un jet d'eau dont la pression s'attΘnua par la suite tandis que
l'eau descendait en direction de la vallΘe, traτant son chemin α travers ce qui avait ΘtΘ le fond de la mer. C'est ainsi que j'assistai α la
naissance du fleuve Brahmapoutre qui se jette dans le golfe du Bengale. On ne peut pas dire que le fleuve qui arrivait lα-bas Θtait trΦs
pur. Il charriait quantitΘ de dΘbris dont des cadavres hu¡mains, des animaux crevΘs, des troncs d'arbre, etc. Mais, pour le moment, la
pollution du fleuve n'Θtait pas ma prΘoccupation premiΦre car je continuais α monter et la montagne avec moi. Tout ne faisait que
s'Θtirer vers le haut. Je me trouvai enfin au coeur d'une vallΘe dΘserte encerclΘe de hautes montagnes et nous Θtions α plus de dix
mille mΦtres d'altitude.
Je m'Θmerveillai des possibilitΘs de cet appareil qui non seulement reproduisait le passΘ mais qui vous permettait aussi de le revivre !
En voyant le globe j'avais tout d'abord pensΘ qu'il s'agissait d'un de ces instruments du type lanterne magique comme en apportaient
les missionnaires. Mais en me penchant dessus j'avais tout de suite eu un sentiment curieux,
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comme si je glissais, glissais ; puis j'avais eu l'impres¡sion de m'envoler et de voltiger comme une feuille morte sur un coussin d'air.
C'Θtait alors que j'avais pΘnΘtrΘ dans le passΘ, un passΘ vieux d'un million d'annΘes.
Je me disais que tout cela Θtait le produit d'une civilisation vraiment trΦs avancΘe ; le fruit d'un travail qui n'avait rien α voir avec
celui de nos savants et artisans actuels. Je voudrais pouvoir exprimer par les mots tout ce que j'ai ressenti en revivant ce passΘ ;
j'avais rΘellement l'impression de marcher en chair et en os, et de voir avec mes yeux d'humain cette colline, par exemple, avant
qu'elle devienne cette montagne gigantesque au sommet de laquelle se trouve le Potala.
½ Maεtre, dis-je, je suis complΦtement aba¡sourdi ; je crois mΩme que mon cerveau ne peut en supporter davantage. ╗
½ Tu te trompes, Lobsang, me rΘpondit mon ami. Toi et moi avons vΘcu ensemble une multitude d'existences au cours desquelles
notre amitiΘ n'a d'ailleurs pas variΘ. Tu vas continuer sans moi nΘanmoins car je suis dans cette vie depuis dΘjα quatre cents ans. Je
suis le seul dans tout le Tibet α connaεtre le fonctionnement de ces divers appareils. PrΘserver ce savoir est ma fonction, et une autre
de mes fonctions, dit-il en me lanτant un coup d'oeil, est de te le transmettre. Lorsque je ne serai plus lα, continua-t-il, tu sais que
dans un avenir trΦs proche
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je dois Ωtre tuΘ d'un coup de poignard dans le dos ù, il faut que tu saches revenir tout seul ici, retrouver l'entrΘe de ces lieux et faire
marcher les instruments pour revivre le passΘ et y rechercher constamment les erreurs du monde actuel, mΩme s'il est trop tard pour
les rΘparer. Le problΦme est que les gens refusent dΘlibΘrΘment de prendre la voie la plus simple pour en choisir une plus difficile qui
ne mΦne α rien. Ainsi toutes ces misΦres, tous ces combats que nous connaissons partout pourraient Ωtre ΘvitΘs. Mais l'on croit que la
guerre est la seule solution, alors qu'il vaut mieux, selon moi, essayer d'agir par la persuasion que par la force. A quoi sert de tuer,
violer, torturer ? Cela nuit non seulement α la vic¡time mais aussi au bourreau dont l'Γme est entachΘe α jamais. Tout le mal que l'on
fait est rapportΘ au superΩtre qui nous gouverne. Le n⌠tre, Lobsang, n'a pas α se plaindre de nous. ╗
½ Le n⌠tre ? dis-je. Voulez-vous dire que nous avons le mΩme ? ╗
½ Tout juste, mon jeune ami ! rΘpondit-il. Cela veut dire que notre destin α tous deux est α tout jamais liΘ, en tout temps et en tous
lieux, et non seulement dans cet univers. Tu vas avoir malheureu¡sement une existence trΦs pΘnible. Tu devras faire front α quantitΘ
d'attaques et de calomnies et on te traitera de menteur, d'imposteur, etc. Pourtant, si on t'Θcoutait le Tibet serait sauvΘ, mais on ne
t'Θcoutera pas et les Chinois envahiront notre pays et le
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dΘtruiront. ╗ Il tourna la tΩte brusquement, mais je pus nΘanmoins voir des larmes dans ses yeux.
Pour faire diversion j'allai dans la cuisine boire un verre d'eau. ½ Maεtre, appelai-je, vous ne m'avez toujours pas dit pourquoi tout ici
est restΘ intact. ╗
½ Regarde l'eau que tu bois, commenτa-t-il, elle n'est pas mauvaise et pourtant elle est lα depuis des millions d'annΘes. Sache que les
choses se dΘtΘriorent quand on les maltraitent. Imaginons que tu te coupes le doigt, la plaie va se cicatriser ; si tu recommences elle
va encore se cicatriser mais si cela se reproduit plusieurs fois les cellules oublieront progressivement l'ordre dans lequel elles devaient
se placer pour assurer la rΘgΘnΘration des tissus. Elles s'organise¡ront anarchiquement et pourront Θventuellement former des
agglomΘrats indΘsirables ou tumeurs, comme dans le cancer par exemple, qui est, nous l'avons vu, une prolifΘration dΘsordonnΘe des
cellu¡les. On pourrait combattre efficacement cette mala¡die, et mΩme la faire disparaεtre en informant les gens. Si l'individu
parvenait α se prendre en charge et pouvait dΘcouvrir tout seul la moindre anomalie dans le fonctionnement de son organisme,
celui-ci serait en mesure d'y remΘdier. Nous avons donnΘ confΘrence sur confΘrence dans tous les pays es¡sayant de sensibiliser les
gens au problΦme ; mais partout nos paroles ont ΘtΘ accueillies par des Θclats de rire et des moqueries. Pour eux, nous n'Θtions que
des primitifs, des rustres venus d'un pays de sauva¡ges sans le moindre intΘrΩt. Mais peut-Ωtre ce terme
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de primitif sera-t-il un jour utilisΘ comme terme de louange, pour dΘsigner quelque chose digne de respect ! En attendant, si nous
Θtions ΘcoutΘs je suis s√r que l'on pourrait guΘrir le cancer et des maladies comme la tuberculose. Ne t'en ai-je pas guΘri, toi,
Lobsang ? Mais sans ta coopΘration je n'aurais pas pu. ╗
Nous restΓmes un moment silencieux en communion l'un avec l'autre. Notre entente Θtait toute spirituelle et ne reposait en rien sur
un quelconque ΘlΘment physique. Il y avait, bien entendu, des lamas qui abusaient des novices, mais ceux-lα n'auraient jamais d√
Ωtre lamas car les femmes leur manquaient. Pour notre part, nous n'avions aucunement besoin de relations sexuelles ou mΩme
homosexuelles. Notre amitiΘ Θtait, comme je l'ai dit, toute spirituelle. Nos Γmes se confondaient, se nourrissant l'une de l'autre pour
en sortir grandies.
Dans le monde actuel, la sexualitΘ a pris une importance dΘmesurΘe en dehors de laquelle plus rien ne compte. Mais le sens qu'on lui
donne est restreint ; la sexualitΘ telle qu'on la pratique aujourd'hui n'a que des fins Θgo∩stes ; sans souci pour la reproduction de
l'espΦce, elle tend exclusivement α la production de sensations personnelles agrΘables. Prise en son sens vΘritable, elle devrait tendre
α Θtablir une harmonie entre deux Γmes. Mais cette harmonie idΘale nous ne pourrons la trouver en fait qu'aprΦs la mort lorsque nous
aurons rΘintΘgrΘ le superΩtre. Ce n'est qu'α ce moment que nous connaεtrons l'extase. Nous nous
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rendrons compte alors que les difficultΘs de notre existence terrestre n'Θtaient lα que pour nous Θprouver et nous aider α nous urifier.
La vie sur terre est de plus en plus difficile et les gens sont tellement affaiblis moralement qu'au lieu de rΘsister α cette duretΘ, α cette
cruautΘ envahissante et d'y trouver matiΦre α une ΘlΘvation morale, ils abondent dans son sens et deviennent de plus en plus
mauvais. On les voit se venger de leur condition sur les animaux ; sur les chats, par exemple. Et c'est bien malheureux. Les chats
que l'on dit les yeux des dieux sont pourtant des crΘatures exceptionnelles. Ils peuvent aller lα o∙ ils veulent et l'on remarque α peine
leur prΘsence. Lorsqu'ils se tiennent roulΘs en boule, les pattes repliΘes et la queue enroulΘe autour de leur corps, on les croit
endormis, et pourtant ils sont en pleine action. Ils sont en train de transmettre tout ce qui se passe aux Jardiniers de la Terre. Alors
que notre cerveau α nous est aveugle sans nos yeux, et muet sans notre voix, les chats, eux, ont une facultΘ de perception
exceptionnelle, une sorte de sixiΦme sens...
Les chats nous ont sauvΘs dΘjα de multiples catastrophes qui auraient pu Ωtre fatales. Il est bien triste de voir comment souvent ils
sont traitΘs !
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Chapitre septiΦme
½ Lobsang ! Lobsang ! dΘpΩche-toi, nous avons beaucoup de travail !
Je me levai tellement vite que je butai contre mes chaussures, ou plut⌠t mes sandales. On ne connaissait pas les chaussures au Tibet
! Tout le monde portait des sandales et l'on utilisait des sortes de bottes pour monter α cheval. Il y avait donc mes sandales qui
valsaient dans la piΦce, moi qui partais dans une autre direction et je tombai sur mon ami qui arrivait. ½ Nous allons aujourd'hui faire
un peu d'histoire, me dit-il, mais de la vraie Histoire, pas celle des livres qui est Θcrite pour servir les intΘrΩts d'une Θlite. ╗ J'allai sous
sa conduite dans la piΦce que nous appelions la Salle de l'Univers et nous reprεmes notre place auprΦs du module de commande.
C'Θtait vraiment quelque chose de prodigieux de voir ce globe qui semblait beaucoup plus grand que la salle mΩme qui le contenait.
Le lama qui captait mes pensΘes m'expliqua que si nous avions l'impression qu'il Θtait plus grand, c'Θtait parce que nous nous
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trouvions dans la quatriΦme dimension, tandis que la piΦce Θtait dans la troisiΦme.
½ Bon, mais lα n'est pas le problΦme, ajouta-t-il, ce qui nous intΘresse c'est de revivre les ΘvΘnements passΘs qui nous reviennent un
peu comme revient l'Θcho de la voix en certains endroits. Mais il est dur d'expliquer en termes de troisiΦme dimension ce qui se passe
dans la quatriΦme ou mΩme la cinquiΦme. Il te faut faire confiance α tes sens, et sois certain que ce que tu vois est la vΘritΘ. Nous
avons dΘjα vu la formation du monde, continua-t-il, puis l'apparition des premiers hominiens ; nous allons passer maintenant α
l'Θpoque suivante. ╗
La piΦce se fit plus sombre et je me sentis glisser. Instinctivement je m'agrippai au bras de mon guide qui me prit par les Θpaules en
me rΘconfortant. ½ Tout va bien, dit-il doucement, tu ne vas pas tomber, ce n'est qu'une illusion ; il faut un certain temps pour que
ton cerveau s'adapte α la quatriΦme dimension.
Bient⌠t l'impression de chute s'attΘnua et je me retrouvai au milieu de crΘatures effrayantes. Il y avait des animaux Θnormes et
horribles qui ne ressemblaient α rien de ce que je connaissais. Le ciel Θtait traversΘ de choses gigantesques qui battaient l'air de leurs
ailes en Θmettant des cris perτants trΦs dΘsagrΘables α l'oreille. Leur corps Θtait disproportionnΘ par rapport α leurs ailes, mais cela ne
les empΩchait pas de tournoyer inlassablement. Parfois,
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l'un d'eux piquait vers le sol pour ramasser, quelque chose que d'autres avaient laissΘ tomber ; mais une fois par terre il ne pouvait
reprendre son vol car les ailes de ces oiseaux n'Θtaient pas assez puissantes et ils n'avaient pas de pattes pour s'aider.
Sur ma gauche, dans les marΘcages, j'entendis alors un dr⌠le de bruit, un bruit α couper le souffle et je fus saisis d'Θpouvante en
voyant Θmerger de la boue, α quelques centimΦtres de moi, un cou immense surmontΘ d'une tΩte minuscule. Le cou avait au moins
huit mΦtres de long et il fallut α l'animal un certain temps et beaucoup d'efforts pour s'extriper complΦ¡tement et venir sur la terre
ferme. Le corps Θtait rond et se terminait par une queue qui allait en s'amenuisant, sans doute pour Θquilibrer le cou et la-tΩte.
Je regardais toujours l'animal, prenant garde α ce qu'il ne me voit, quand des craquements sinistres me firent tourner la tΩte vers la
forΩt. Une bΩte monstrueuse semblait briser et Θcraser tous les troncs d'arbres sur son chemin, aussi facilement que nous plions un
brin de paille. La crΘature Θmergea bient⌠t ; je n'en avais jamais vu de pareille...
½ Bon, nous allons passer α une autre Θpoque, dit alors le lama, avancer d'un siΦcle ou deux et voir l'arrivΘe des premiers hommes. ╗
J'eus l'impression de m'assoupir un bref instant et me rΘveillai sur le globe α nouveau. En ouvrant les yeux je vis s'avancer
d'affreuses crΘatures aux sour-
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cils Θpais et le cou enfoncΘ dans les Θpaules. Elles marchaient et j'en comptais six, portant chacune un gros morceau de bois se
terminant par un noeud pour augmenter sa rΘsistance, et la partie qu'ils tenaient Θtait plus effilΘe. Ces individus avanτaient et une
femme les accompagnait portant un bΘbΘ qu'elle allaitait tout en marchant. Ils avaient beau patauger dans la boue, on n'entendait
aucun bruit d'Θclabous¡sure ou autres. Tout Θtait silencieux. Je les regardai jusqu'α les perdre de vue ; puis une fois de plus je me
sentis sombrer un court instant dans le sommeil pour me retrouver au coeur d'une ville fabuleuse. Les murs des maisons Θtincelaient
de mille couleurs, des ponts barraient les rues et des oiseaux mΘcaniques volaient dans les airs suivant le tracΘ des rues avec des
passagers α bord. De temps en temps ils s'arrΩtaient et restaient en suspens le temps que les gens montent ou descendent.
Mais brusquement les tΩtes se tournΦrent vers la montagne, alertΘes par un mugissement qui venait de lα-bas. Et l'on vit apparaεtre
un essaim d'oiseaux mΘcaniques qui se mirent α encercler la ville et α tournoyer au-dessus. Les gens s'enfuyaient α toutes jambes ;
certains s'arrΩtaient pour prier mais je remarquais que les prΩtres ne s'arrΩtaient pas et ne pensaient qu'α courir. Au bout d'un certain
temps, des portes s'ouvrirent sur les ventres des "oiseaux" et des boεtes mΘtalliques en tombΦrent. Cette beso¡gne accomplie, les
engins repartirent trΦs vite. La ville fut projetΘe dans les nues et retomba en
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poussiΦres ; ce n'est que quelques instants plus tard que l'on entendit le bruit de l'explosion car il y a toujours un dΘcalage entre notre
perception visuelle et auditive. On entendait des hurlements de gens coincΘs sous des poutres ou bien α moitiΘ ensevelis sous les
cendres. Puis je sombrai α nouveau dans une sorte de somnolence ; je n'ai pas de mot pour dΘsi¡gner cet Θtat qui sΘparait mon
passage d'une Θpoque α une autre.
J'Θtais, cette fois, dans une pΘriode plus rΘcente. Une ville Θtait en construction. C'Θtait une ville superbe au plan architectural. Des
flΦches s'Θlan¡τaient vers le ciel et des piΦces de mΘtal finement ciselΘes reliaient les Θdifices les uns aux autres. Des individus allaient
et venaient, vaquant α leurs occupations habituelles. Un grondement soudain se fit entendre, un grondement effrayant suivi bient⌠t
de l'arrivΘe en masse d'engins volants qui ressemblaient toujours α des oiseaux mΘcaniques. Les gens levΦrent la tΩte et firent des
gestes joyeux α leur adresse. Les oiseaux mΘcaniques continuΦrent leur chemin en direction des montagnes et l'on entendit bient⌠t un
terrible fracas et l'on sut ainsi que les n⌠tres ren¡daient la monnaie de ses piΦces α l'ennemi qui avait un peu plus t⌠t ravagΘ la ville.
Puis les oiseaux mΘcaniques revinrent, mais ce n'Θtait pas les n⌠tres ; ils Θtaient diffΘrents ; ils n'avaient pas tous la mΩme forme ni la
mΩme cou¡leur ; toujours est-il qu'ils lΓchΦrent des bombes sur la ville qui fut dΘtruite une nouvelle fois. Elle n'Θtait
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plus qu'un brasier ardent. Tout s'effondrait, les ponts mΘtalliques finement ciselΘs avaient virΘ au rouge incandescent, puis au blanc
et s'Θtaient mΘlangΘs les uns avec les autres en fondant et du mΘtal liquide ruisselait comme de la pluie. J'Θtais, pour ma part, en
avion, la seule chose qui restait. Il n'y avait plus d'arbres, les lacs artificiels avaient disparu, trans¡formΘs en vapeur. Je regardais tous
ces ravages et m'efforτais de comprendre. Pourquoi les Jardiniers de la Terre c⌠tΘ Est combattaient-ils les Jardiniers de la Terre c⌠tΘ
Ouest ? Cela dΘpassait mon entende¡ment.
Puis l'univers entier s'assombrit et se mit α trembler. Je me retrouvai sur un fauteuil α c⌠tΘ du lama Mingyar Dondup qui avait sur le
visage une expression de tristesse que je ne lui avais jamais vue. ½ Depuis des millions d'annΘes les mΩmes choses se rΘpΦtent, dit-il.
Il y a toujours eu des personnages, pourtant trΦs instruits, pour se quereller pour se faire la guerre. Chaque clan massacre l'autre et il
ne reste α chaque fois qu'une poignΘe d'hommes qui se cachent pour rΘapparaεtre plus tard et Θtablir une nouvelle civilisation. Puis
cette civilisation disparaεt α son tour et ses restes sont enfoncΘs sous la terre par les paysans qui labourent les terres aprΦs les derniers
carnages. ╗
TrΦs abattu, mon ami le lama s'assit, le menton dans la main, et reprit : ½ Je pourrais te montrer l'Histoire du monde dans sa totalitΘ,
mais il faudrait y passer ta vie entiΦre. Je ne te prΘsente que des
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extraits, mais je te parlerai du reste. C'est bien triste α dire, mais l'Histoire n'a ΘtΘ qu'une suite d'invasions tendant chacune α Θtablir
en maεtre l'envahisseur clans le territoire nouvellement conquis. Il y eut une race d'hommes noirs qui profita d'une querelle entre
deux peuples de race blanche pour s'implanter. Il y aurait moins de guerres si les hommes avaient un peu plus de foi. Cette race
noire ravagea le monde pendant trΦs longtemps, jusqu'au moment o∙ ces gens atteignirent un trΦs haut niveau de civilisation,
beaucoup plus ΘlevΘ que le n⌠tre actuellement. Mais cette race d'hommes se scinda en deux factions opposΘes, chacune cherchant α
Ωtre militairement plus puissante que l'autre. Ils fabriquΦrent des fusΘes et de lα commencΦrent tous nos ennuis. Avec leurs nouvelles
armes, les gens Θtaient exterminΘs aussi rapidement qu'une armΘe de fourmis.
½ Mais comme il y a toujours des survivants, on a aujourd'hui une race blanche, une race noire et une race jaune. Il y a eu jadis une
race verte ; α cette Θpoque les gens vivaient des centaines d'annΘes car leur mΘcanisme de reproduction cellulaire fonction¡nait
parfaitement bien. C'est quand ce mΘcanisme s'est dΘtΘriorΘ que les gens se sont mis α vivre moins longtemps. Cela arriva aprΦs une
guerre particuliΦ¡rement violente ; les explosions multiples avaient eu raison de la couche protectrice de nuages qui enve¡loppait la
terre et les rayons solaires les plus nocifs atteignaient les individus. Cela eut pour effet de rΘduire leur longΘvitΘ de sept α huit cents
ans, ce qui la ramena α soixante-dix ans.
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½ Le soleil n'est pas toujours le bienfaiteur que l'on croit. Ses rayons peuvent Ωtre trΦs dangereux. DΘjα tu peux voir par toi-mΩme
que les gens qui s'exposent trop au soleil ont la peau qui s'obscurcit. D'ailleurs, si le soleil Θtait bΘnΘfique la Nature n'aurait pas
ΘprouvΘ le besoin de mettre cet Θcran entre la terre et lui. Les rayons ultra-violets rendi¡rent les hommes encore plus cruels et
augmenta l'animositΘ au sein des deux clans opposΘs des Jardi¡niers de la Terre. L'un de ces clans Θtait l'ami de l'Homme ; il voulait
faire de la race humaine une belle plante vivace. Mais au lieu de cela les gens exposΘs au soleil mouraient de cancer et de
tuberculose. Ce n'Θtait que maladies sur Terre, maladies que l'on ne pouvait pas soigner. MΩme dans les maisons les individus
n'Θtaient pas α l'abri car les rayons solaires pouvaient traverser plusieurs centimΦtres de pierre.
½ De vieux contes disent qu'il y avait α cette Θpoque des gΘants. Ils disent la vΘritΘ, car ces gΘants Θtaient en fait les Jardiniers de la
Terre. Ils faisaient deux α trois fois la taille d'un homme, ils se dΘpla¡τaient trΦs lentement et n'aimaient pas travailler. Ils avaient
essayΘ de retourner sur leur planΦte d'origine mais ils en Θtaient revenus car cela allait mal lα-bas. Parmi ces Jardiniers, il y en avait
des bons, comme je te disais, qui Θtaient bien commandΘs, mais il y avait un autre groupe trΦs malΘfique qui ne se sentait bien qu'en
milieu pervers et qui restait sourd α toutes propositions de paix pour le bien-Ωtre des hommes.
½ Le clan des bons Jardiniers avait trΦs vite
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compris qu'ils ne pourraient rien faire s'ils restaient chez eux. Aussi avaient-ils fait le plein en carburant pour se rendre sur Terre.
Leurs vaisseaux allaient p lus vite que la lumiΦre. Ils allaient si vite que seul un ordinateur pouvait les piloter. Cet appareil Θtait Θ
guipΘ d'un dispositif spΘcial qui permettait d'Θviter les mΘtΘorites ou autres obstacles. Sans cela les vaisseaux auraient ΘtΘ criblΘs de
coups pouvant Ωtre fatals α l'Θquipage.
½ Parvenus sur Terre, ces Jardiniers tombΦrent e n pleine guerre. Le clan malΘfique des Jardiniers de la Terre s'Θtait acoquinΘ avec
les humains et ils leur avaient dΘvoilΘ leurs secrets, si bien que, de jour en jour, le monde se dΘtΘriorait. Il y aura encore des guerres
mondiales qui feront beaucoup de morts. Les survivants se cacheront dans des cavernes ou des abris. Et comme les hommes savent
cela de la bouche des Sages, ils se disent que ce n'est pas la peine de s'appliquer α bien vivre puisque la fin du monde est peut-Ωtre
toute proche. Elle est en effet imminente. ╗
J'Θcoutais avec beaucoup d'attention puis j'inter¡rogeai mon guide : ½ Maεtre, un Θminent astrologue a prΘdit pour moi une vie pleine
d'obstacles, une vie vraiment trΦs pΘnible. Pourriez-vous me dire α quoi cela va servir ?
½ Tout ce qu'a prΘdit l'astrologue s'est dΘjα rΘalisΘ ou va se rΘaliser. Tu vas en effet connaεtre beaucoup de difficultΘs ; tu auras
beaucoup d'ennuis. NΘanmoins, sois certain que lorsque tu quitteras ce
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monde tu ne resteras pas dans l'astral mais tu iras beaucoup plus haut. Et tu ne reviendras jamais sur terre. Il n'est peut-Ωtre pas
encore temps de te dire tout ce qui va arriver ; contentons-nous pour le moment de regarder les ΘvΘnements passΘs. Mais avant, il
faut nous remplir l'estomac car tous ces efforts d'attention fatiguent. ╗
Nous f√mes une fois de plus fidΦles α notre plat national, la tsampa. Et nous b√mes de l'eau froide. ½ Il va falloir pourtant que tu
t'habitues α manger ce qu'on mange ailleurs, me dit mon guide. A l'extΘrieur du Tibet on ne connaεt pas la tsampa. En Occident on
trouve des plats tout prΘparΘs que l'on peut conser¡ver α basse tempΘrature aussi longtemps que l'on veut car ils sont placΘs dans des
boεtes spΘciales. Lα-bas, ils ont ce que l'on appelle des glaciΦres dans lesquelles on met des cubes de glace autour des aliments α
conserver. Il faut nΘanmoins vΘrifier de temps en temps qu'il reste suffisamment de glace, pour Θventuellement en remettre. Si les
conserves sont abεmΘes, on s'en aperτoit trΦs vite car la boεte mΘtallique est lΘgΦrement bombΘe, sous la pression des gaz de
dΘcomposition. Il faut alors jeter la boεte car son contenu est toxique. Mais lavons nos bols maintenant, puis nous irons retrouver
notre uni¡vers. ╗
Il racla avec son ongle les restes de tsampa qui collaient au fond de son bol, puis, se dirigeant vers un tas de sable il en prit une
poignΘe et acheva le nettoyage. Je l'imitai tout en pensant qu'il Θtait bien
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fastidieux de devoir α chaque fois laver son bol. Pourquoi personne n'avait-il encore inventΘ un dispo¡sitif qui permettrait de tenir les
aliments le temps qu'on les mange et qui se retirerait lorsque ceux-ci auraient ΘtΘ avalΘs. Je pensais α tous les lamas, α tous les
moines qui devaient repas aprΦs repas nettoyer leurs bols avec du sable trΦs fin... Mais ce procΘdΘ est nΘanmoins beaucoup plus
hygiΘnique que le lavage α l'eau dans le cas de bols en bois. Car si l'on a mangΘ par exemple, des fruits dans leur jus, il reste du
liquide, et lorsqu'on ajoute de l'eau on ne fait que saturer le bois, et le restant de jus y pΘnΦtre. D'o∙ l'utilisation du sable fin qui est
bien supΘrieur α l'eau dans ce cas.
½ Depuis combien de temps est-ce que ce monde existe ? ╗ demandai-je alors au lama.
Il accueillit ma question par un sourire et dit sans y rΘpondre : ½ Tu n'en as vu encore qu'une partie infime ; nous allons en voir
davantage : des ΘvΘnements passΘs prΘsents et futurs. Tu viens ? ╗ Je le suivis jusqu'α cette Salle de l'Univers o∙ le globe nous
attendait.
½ Tu sais, Lobsang, reprit mon guide, nous avons tendance α croire que ce monde est Θternel, mais il est bel et bien dans un
processus de destruc¡tion α plus ou moins long terme. On sait de source s√re que les diffΘrents univers tendent α se repousser les uns
les autres. Et j'insiste sur le fait que la notion de temps telle qu'on l'utilise sur Terre est une valeur
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tout α fait arbitraire. Ce qui compte c'est le temps spatial. Je t'ai parlΘ je crois de ces allumettes que s'enflamment dΦs qu'on les frotte
sur une surface rugueuse. Eh bien disons que, pour un dieu, la naissance, la vie et la fin de ce monde ù et des autres mondes ù,
ressemblent α cette brΦve sΘquence. Il y a tout d'abord production de chaleur lors de la friction, puis production d'une flamme qui
bient⌠t s'Θteint laissant un minuscule point rouge incandescent cent. Ce point disparaεt α mesure que le bout de l'allumette se refroidit
et il ne reste plus pour finir qu'une extrΘmitΘ noire et froide. Voilα le destin de la Terre et des autres planΦtes. On s'imagine qu'on est
sur un globe Θternel, comme le croirait un personnage minuscule qui se trouverait α l'extrΩme bout de l'allumette lorsqu'elle est en
train de se refroidir. Je ne sais pas si tu saisis ma comparaison et ce que je veux te faire comprendre ? ╗
½ Si, si, Maεtre, rΘpondis-je. Un lama qui avait ΘtudiΘ en Allemagne dans une grande Θcole m'avait dΘjα parlΘ en ces termes ; il avait
mΩme ajoutΘ que la Terre, qu'il comparaεt aussi au bout de l'allumette, aurait atteint au bout de quelques millions d'annΘes prΦs de
dix millions de degrΘs centigrade car il faut un certain seuil de tempΘrature pour que l'hydrogΦne qui se trouve dans l'atmosphΦre se
transforme en carbone, en oxygΦne et autres ΘlΘments. Tous ces ΘlΘments contribuent α la formation d'un monde. Il m'a Θgalement
dit qu'avant la fin du monde le globe gonflerait. ╗
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ò C'est tout α fait exact, dit mon ami. Cela, ils ne le savent pas en Occident car ils ne possΦdent pas les instruments que nous avons
ici, qui datent d'un milliard d'annΘes et qui marcheront encore dans un autre milliard d'annΘes. Ces appareils sont restΘs pendant des
centaines, des milliers de siΦcles en ces lieux jusqu'au jour o∙ quelqu'un est venu qui savait les faire marcher. Je possΦde ce savoir,
Lobsang, et j'entends te le transmettre. Tu vas connaεtre une existence trΦs dure mais tu sauras ce qu'est vraiment le monde. Et
lorsque tu emporteras ton savoir au royaume du Patra, tu en feras profiter les autres univers. ╗
½ Vous avez dit "patra", Maεtre ? demandai-je. Je n'ai jamais entendu parler de ce lieu.
½ Je le sais, Lobsang, mais tu vas bient⌠t le connaεtre ; nous allons mΩme y aller, mais avant il nous faut encore voir des choses ici.
Je trouve stupides les gens qui utilisent les donnΘes que leur fournit un appareil et qui ne savent rien de son fonctionnement. Un bon
utilisateur doit Ωtre capable de faire les choses pour lesquelles l'instrument a ΘtΘ conτu. ╗
Nous pΘnΘtrΓmes dans la piΦce, ou la salle ùcomme on voudra ù, et l'aube qui nous accueillit fit bient⌠t place α la lumiΦre du jour.
Mais ce n'Θtait pas l'aube qu'on avait l'habitude de voir sur la terre. En fait, les teintes magnifiques que l'on admire lors du lever ou
du coucher du soleil ne sont que la rΘfraction
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de la lumiΦre par les particules polluantes de l'atmos¡phΦre. Jadis la pollution, soit les rΘsidus, nourrissait la Terre, servait d'engrais au
sol qui est le produit des Θruptions volcaniques. Le sel est aussi un produit des volcans, et sans le sel il n'y aurait pas de vie possible.
Nous prεmes place α c⌠tΘ du module de com¡mande. ½ Nous allons regarder un peu au hasard, me dit mon guide, nous ne sommes
pas pressΘs. En bas ils doivent Ωtre contents d'Ωtre un moment dΘbarras¡sΘs, de nous, surtout de toi, petit chenapan, qui t'amuses α
lancer des projectiles sur les crΓnes rasΘs ! Tu as vu qu'au dΘbut de notre Φre les seuls animaux α peupler la Terre avaient un aspect
trΦs inquiΘtant. La plus Θtrange de ces crΘatures est certainement le brachiosaure. Mais il y a aussi l'ultrasaure qui est Θgalement trΦs
bizarre. On pense qu'il devait avoir une pression sanguine trΦs ΘlevΘ e car la tΩte qu'il portait au bout de son cou pouvait s'Θlever α
prΦs de vingt mΦtres au-dessus du sol ; il aurait aussi pesΘ huit tonnes et l'on pense qu'il avait deux cerveaux ù l'un se trouvant dans
la tΩte et activant les mΓchoires et les jambes de devant, et l'autre se trouvant α l'arriΦre, c'est-α-dire derriΦre le bassin et
commandant la queue et les jambes arriΦre. Cela me rappelle une question que l'on m'a posΘe ; Qu'arrive-t-il lorsque l'une ou
plusieurs des pattes d'un mille-pattes perdent la cadence ? C'est une question bien embarrassante α laquelle il m'est diffi¡cile de
rΘpondre avec prΘcision. Peut-Ωtre y a-t-il une
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crΘature qui veille α ce que cet animal ne se croise pas les jambes en marchant ? Eh bien ! Lobsang, que veux tu voir ? continua le
lama. Nous avons tout notre temps. Je te montrerai ce que tu veux. ╗
Je rΘflΘchis un instant, puis je dis : ½ Ce lama japonais que nous avons eu comme professeur nous a racontΘ beaucoup de choses,
mais je ne sais pas dans quelle mesure il faut y croire. Il nous a dit, par exemple, que la tempΘrature sur terre avait ΘtΘ jadis trΦs
ΘlevΘe, puis qu'elle s'Θtait brusquement abaissΘe et que la terre entiΦre s'Θtait recouverte de glace. Est-ce que nous pourrions voir cela
? ╗
Mais bien s√r, sans problΦme, Lobsang ! me rΘpondit le lama. Mais tu sais ce phΘnomΦne n'est pas unique, il s'est souvent reproduit.
Ce monde existe depuis des milliards d'annΘes et il connaεt rΘguliΦre¡ment des pΘriodes de refroidissement. Actuellement, par
exemple, le p⌠le Nord est recouvert de glace ; sur l'eau, la couche peut atteindre jusqu'α deux cent mΦtres d'Θpaisseur. Si elle fondait,
si les icebergs fondaient la terre serait submergΘe. Nous, au Tibet, serions sans doute α l'abri car le niveau de l'eau ne monterait pas
aussi haut. ╗
Lα-dessus il se tourna vers le module de com¡mande et se mit α consulter une liste de chiffres. Puis la lumiΦre diminua dans la piΦce.
Pendant quelques instants ce fut l'obscuritΘ complΦte et bient⌠t apparut une lueur rougeΓtre comme je n'en avais jamais vu, qui se
transforma en une sΘrie de rayons diaprΘs formant un arc de lumiΦre entre les deux p⌠les.
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½ C'est l'aurore borΘale, me dit le lama, ou l'aura de la Terre. Si nous pouvons la voir c'est parce que nous sommes en un point trΦs
ΘloignΘ de l'endroit o∙ se produit le phΘnomΦne. ╗ La lumiΦre se fit plus intense et devint presque aveuglante. Il fallait fermer les
yeux α demi pour pouvoir la supporter.
½ O∙ est le Tibet ? ╗ demandai-je. ½ Nous sommes ici, rΘpondit mon ami, et lα o∙ tu regardes ce n'est que de la glace. ╗
Je regardais cette glace et ne comprenais pas comment τa pouvait en Ωtre puisqu'il y en avait de la verte, de la bleue et de la
transparente, aussi transparente que le plus limpide des cours d'eau. ½ J'en ai vu assez, m'Θcriai-je agacΘ de ne rien comprendre ;
tout cela est trop sinistre ! ╗ Le lama sourit et s'affaira α nouveau auprΦs du module de commande. Le globe tourna en jetant des
Θclairs ; sa vitesse Θtait telle qu'il paraissait gris plus d'ombre ni de lumiΦre, seulement la grisaille... Puis il ralentit et nous nous
trouvΓmes devant une ville fabuleuse. Elle datait d'un peu avant l'arrivΘe des SumΘriens. Elle avait ΘtΘ construite par un peuple dont
on ne savait rien. Il y a dans les livres d'Histoire une vague allusion au peuple des SumΘriens. En fait ils se comportΦrent en
nvahisseurs, pillΦrent et ravagΦrent la ville, et quand tout fut dΘtruit ils partirent sans laisser de trace. C'est ce que disent les livres
d'Histoire. Mais si l'on ne retrouva pas leur trace c'est pour la bonne raison qu'ils
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quittΦrent la Terre α bord d'engins spatiaux. Tout cela me laissait perplexe ; je n'arrivais pas α comprendre quel plaisir on pouvait
Θprouver α dΘtruire une ville. Ils avaient violΘ et enlevΘ des femmes pour les faire prisonniΦres, Θtait-ce donc pour cela ? Il me vint
alors une pensΘe ; le secret dont j'avais la connaissance maintenant, c'est-α-dire l'existence de ces instruments prodigieux, pourrait
boule? verser la planΦte s'il Θtait rΘpandu. ½ Maεtre, m'exclamai-je, je profite de ces inventions fabuleuses et de tout ce qu'elles
permettent, mais j'ai l'impression que peu de personnes connaissent leur existence. Ne croyez-vous pas que si plus de monde pouvait
avoir accΦs α ces lieux il y aurait un changement bΘnΘfique sur terre ? Peut-Ωtre y aurait-il enfin la paix puisqu'il ne serait plus
nΘcessaire de combattre ; il suffirait de venir ici pour tout savoir grΓce α ces appareils. ╗
½ Non, Lobsang, tu n'y penses pas ! rΘpondit le lama, il y aurait aussit⌠t d'avides hommes d'affaires pour accourir et prendre
possession de ces trΘsors qu'ils utiliseraient pour servir leurs propres intΘrΩts. Avec ces appareils ils auraient le monde α leur merci.
RΘflΘchis α cela, Lobsang, et imagine un monde que gouverneraient ce genre d'individus ╗
½ Il y a quelque chose que je ne comprends pas, repris-je, c'est l'attitude des gens au Tibet. Nous savons que les Chinois vont nous
envahir et prendre tous nos trΘsors, tous nos livres prΘcieux, et que fait-on pour les en empΩcher ? Que fait-on pour les empΩcher de
dominer le monde ? ╗
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Mais, Lobsang, rΘpondit vivement le lama, es-tu assez bΩte pour croire que nous allons laisser quelqu'un s'emparer d'instruments, de
livres aussi prΘcieux que ceux qui sont ici ? Sache, en premier lieu, que nous avons des copies exactes de tout ce qu'il y a ici,
entreprosΘes quelque part dans l'Arcti¡que o∙ il fait si froid que l'on peut α peine se dΘplacer. L'idΘal serait de pouvoir rester dans ces
montagnes o∙ il fait bien chaud, o∙ nous avons le confort et le calme et d'o∙ nous pouvons garder un oeil sur le monde pour
Θventuellement intervenir. Mais toutes ces choses disparaεtront ou on les remplacera par des appareils factices.
Le Tibet va tout d'abord Ωtre envahi par les Britanniques et les Russes, mais leur tentative Θchouera. Ils seront nΘanmoins
responsables de nom¡breuses morts, et c'est en se fondant sur leur expΘrience que les Chinois rΘussiront plus tard α conquΘrir notre
pays, du moins une partie. Mais rassure-toi, ils ne s'empareront pas de ces appareils, ni des livres saints, ni des ouvrages de
mΘdecine que nous possΘdons. Nous nous attendons α cette invasion depuis des annΘes, des siΦcles mΩme, aussi avons-nous eu le
temps de faire des objets factices pour mettre α la place, dΦs que les Chinois seront lα. Rappelle-toi le vieil adage selon lequel le Tibet
cessera de vivre lorsque des vΘhicules α roues y pΘnΘtreront. Mais tous nos trΘsors, tout notre savoir, vieux de millions d'annΘes
seront α l'abri. Je connais la cachette, et toi aussi tu la connaεtras. Je mourrai
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avant que tu quittes le pays, et tu seras alors le seul α connaεtre le fonctionnement de ces machines et α apprendre α les rΘparer. ╗
½ Mon Dieu ! mais il faudrait plusieurs vies pour apprendre α rΘparer ces appareils ! m'Θcriai-je.
½ Non, rΘpondit mon ami, tu vas t'apercevoir bien vite qu'ils se rΘparent tout seuls α condition d'effectuer deux ou trois opΘrations
auparavant. Mais ces machines n'ont malheureusement pas beaucoup de temps α vivre car, trΦs bient⌠t, en 1985, les choses dans le
monde vont connaεtre un changement radical. Il y aura une troisiΦme guerre mondiale qui durera assez longtemps, et, aprΦs l'an
2000, de nombreux ΘvΘnements, positifs et nΘgatifs, changeront la face du monde. Nous tirons toutes ces informations des Archives
akhasiques. Mais tu sais, l'Ωtre humain a tout de mΩme une possibilitΘ de choix : il n'est pas sur des rails immuables, incapable d'en
sortir. Son choix est cependant limitΘ par ses potentialitΘs per¡sonnelles que dΘtermine l'astrologie. En ce qui concerne les pays, les
Archives donnent des donnΘes trΦs fiables. Tu vas d'ailleurs en faire l'expΘrience tout de suite. Je veux te montrer encore, ou plut⌠t
te faire entrer en communication avec un certain nom¡bre de situations, un certain nombre d'Θpoques. ╗
½ Mais comment peut-on rΘussir α s'accorder α des sons, α des images du passΘ, demandai-je, quand un ΘvΘnement a eu lieu, il n'en
reste plus rien, non ? ╗
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½ Ah non ! Lobsang, dit le lama. La matiΦre est indestructible. Les paroles prononcΘes, les actes accomplis restent dans l'espace o∙
ils gravitent indΘ finiment. Cette machine permet de remonter deux milliards d'annΘes en arriΦre. Les images de cette Θpoque sont,
bien s√r, un peu floues mais elles sont tout de mΩme assez claires pour que l'on voit de quoi il s'agit. ╗
½ Mais comment extraire des sons et des images du nΘant ! m'exclamai-je.
½ Dans quelques annΘes, reprit le lama, on va inventer un procΘdΘ de transmission appelΘ radiotΘ¡lΘgraphie. On pourra recevoir ce
que l'on appellera des Θmissions radio ; et si l'appareil rΘcepteur est assez puissant il pourra mΩme capter toutes les ondes Θmises α la
surface du globe. Plus tard on inventera des appareils pouvant aussi capter les images. Inutile de te prΘciser que ces inventions que
l'on croira nouvelles ne le sont pas. Une civilisation souvent ne fait que reproduire ce qu'une autre avant elle avait dΘjα inventΘ. Dans
le cas de la tΘlΘgraphie, les savants actuels semblent d'ailleurs avoir quelques problΦmes, car ils doivent rechercher leurs donnΘes
dans le monde astral. Mais cela, bien s√r, ils ne l'admettent pas et pensent que leurs idΘes sont innΘes.
½ Mais revenons α ce que je te disais. Sois bien certain, en tout cas, qu'il est possible de voir et mΩme d'expΘrimenter les ΘvΘnements
passΘs et futurs.
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Pour ce qui est du futur, on ne peut cependant pas voir au-delα de trois mille ans, car les images sont alors trop brouillΘes pour
pouvoir Ωtre utilisΘes. Quant α ton avenir α toi, tu le sais dΘjα, il va Ωtre plein de souffrances. Tu voyageras beaucoup et tu
rencontreras des gens malhonnΩtes qui s'opposeront systΘmatiquement α tes entreprises et qui essaieront par tous les moyens de te
dΘnigrer. D'ailleurs, tu vas le voir toi-mΩme car nous allons faire apparaεtre, grΓce α cette machine certains points importants de ta
vie. Mais d'abord, je veux te montrer quelques images encore de ce monde, prises un peu au hasard. Que dirais-tu de l'╔gypte, par
exemple ? ╗
Il rΘgla quelques boutons, puis une image un peu obscure apparut sur laquelle se dΘtachaient vaguement des triangles noirs. Il tourna
alors un autre bouton et l'image s'Θclaircit. ½ Voici les Pyramides, dit-il. Comment ces blocs de pierre sont arrivΘs ici est une question
qui prΘoccupera bon nombre de spΘcialistes dans les annΘes α venir. En fait, ils ont ΘtΘ soulevΘs de terre par voie de lΘvitation. ╗
½ Ah oui ! je sais ce que c'est, dis-je tout excitΘ. J'en ai entendu beaucoup parler, mais je ne connais pas son principe. ╗
½ Je vais t'expliquer, dit le lama. Tu sais que la terre exerce une attraction magnΘtique. Ainsi, si tu lances un objet en l'air, il retombe
aussit⌠t du fait de cette attraction. De mΩme si tu tombes d'un arbre, ta chute sera obligatoirement soumise aux mΩmes lois
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de la gravitΘ. Tu te retrouveras sur le sol et non en train de voler dans le ciel. Mais il existe un moyen d'Θchapper α la pesanteur ; il
faut toutefois se garder de le rΘvΘler α n'importe qui car s'il Θtait utilisΘ par quelqu'un non expΘrimentΘ, celui-ci trΦs vite se
retrouverait dans les airs sans pouvoir revenir sur Terre. Pour rΘaliser cette contre-gravitΘ on utilise deux piles de polarisation dont
l'une est accordΘe au magnΘtisme terrestre, et l'autre est en opposition. Les objets situΘs dans le champ Θlectrique ainsi crΘΘ peuvent
alors prendre des positions diverses selon le rapport d'intensitΘ entre les deux bornes. Pour une charge identique, l'objet restera en
Θquilibre, tandis que si l'on augmente l'intensitΘ α la borne accordΘe au magnΘtisme terrestre il descendra, et montera dans le cas
inverse. Ce procΘdΘ Θtait dΘjα utilisΘ par les dieux, et c'est lui aussi qui a permis α un seul homme de soulever ces blocs que tu vois,
et qui doivent perser prΦs de cent tonnes. Une fois positionnΘs dans l'espace, cet individu n'eut plus qu'α inverser la charge, et les
blocs retombΦrent sur le sol sous l'effet de la gravitΘ.
½ Beaucoup d'autres monuments furent ΘrigΘs de la sorte. Nous sommes les seuls au Tibet α savoir cela, comme nous sommes les
seuls α possΘder des cartes, vieilles de mille ans, qui, prΘcisΘment, ont ΘtΘ Θtablies grΓce α la lΘvitation. Mais je t'en ai assez dit. Si
nous mangions ? Ensuite nous regarderons mes jambes et irons nous coucher car demain est un grand jour pour toi, un jour trΦs
important. ╗
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Chapitre huitiΦme
½ Allons, Lobsang, c'est l'heure de l'Θcole !...
J'Θvoquai aussit⌠t une autre Θcole... Nous Θtions au Potala. J'avais accompagnΘ mon guide, le lama Mingyar Dondup, dans une de
ses missions et nous Θtions restΘs absents plusieurs jours. Quand nous sommes revenus un aprΦs-midi, c'Θtait juste l'heure de la
classe ; il m'avait donc dit d'y aller. De mauvaise grΓce je m'Θtais exΘcutΘ. Mais j'Θtais α peine entrΘ dans la classe que le
lama-professeur, bouillonnant de colΦre, me dit de sortir. ½ Je ne veux plus vous voir ici ╗, avait-il ajoutΘ.
J'Θtais donc sorti tandis que les autres novices s'esclaffaient. Le lama-professeur Θtait alors des¡cendu de son estrade et, brandissant
un bΓton, avait distribuΘ des coups α la ronde. J'Θtais allΘ dans ce qu'on appelait la cour de rΘcrΘation, et ne sachant que faire je m'y
promenais en traεnant les pieds. Mon guide m'avait alors aperτu.
½ Eh bien ! Lobsang, je te croyais en classe ! Que fais-tu ici ? ╗
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½ L'instituteur n'a pas voulu de moi, et il ne veut pas me revoir dans son cours ╗, avais-je expliquΘ.
½ Vraiment ? Viens avec moi, nous allons rΘgler cette histoire ! ╗
Lα-dessus il m'avait entraεnΘ α sa suite le long d'un corridor qui Θtait toujours particuliΦrement glis¡sant α cause du beurre fondu qui
se rΘpandait chaque fois que nous passions avec nos lampes α beurre, et qui se solidifiait du fait de la tempΘrature trΦs basse. Nous
Θtions arrivΘs α la porte de la classe et Θtions entrΘs. Le lama-professeur Θtait en pleine fureur et fouettait toujours ses ΘlΦves les uns
aprΦs les autres. En voyant le lama Mingyar Dondup il s'Θtait arrΩtΘ, son visage avait blΩmi et il Θtait remontΘ sans mot dire sur son
estrade.
½ Que se passe-t-il ? ╗ avait demandΘ mon guide.
½ Rien ! si ce n'est ce garτon (c'Θtait moi qu'il dΘsignait) qui perturbe toujours la classe. On ne sait jamais s'il va Ωtre prΘsent ou
absent. Il vient quand τa lui chante. Je ne veux pas d'un tel ΘlΦve ici. ╗
La rΘplique de mon maεtre ne s'Θtait pas fait attendre : ½ C'est donc cela ! Mais savez-vous que Lobsang Rampa relΦve directement
du TrΦs Profond, le treiziΦme dela∩-lama ? Il revient α ce dernier de prendre toutes les dΘcisions concernant cet ΘlΦve, et vous devrez
vous y conformer, tout comme je m'y conforme. ╗
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½ Suivez-moi, avait-il ajoutΘ, nous allons chez le dela∩-lama ! ╗
Et il Θtait sorti, suivi du professeur qui tenait toujours son bΓton α la main, l'air piteux.
½ Je me demande ce qui va lui arriver ? s'Θtait exclamΘ l'un des novices. Il Θtait comme fou, il tapait α toute volΘe. Regarde, nous
avons des bleus par¡tout ! ╗
Notre curiositΘ avait ΘtΘ vite satisfaite. Mon guide Θtait revenu avec un nouveau lama-professeur, assez jeune et l'air trΦs sΘrieux. Le
lama Mingyar Dondup nous l'avait prΘsentΘ sur un ton trΦs respec¡tueux et avait ajoutΘ : ½ J'espΦre que vous allez donner entiΦre
satisfaction α votre nouveau profes¡seur et amΘliorer votre conduite et votre travail ! ╗ Et α l'adresse du lama-professeur : ½ Vous
avez ici un ΘlΦve qui a un statut particulier. Il doit s'absenter de temps en temps ; je vous demanderais de bien vouloir l'aider α
rattraper son retard lorsqu'il rentre en classe. ╗
Lα-dessus les deux lamas s'Θtaient saluΘs avec beaucoup de cΘrΘmonie et le lama Mingyar Dondup s'Θtait ΘloignΘ.
Je ne m'expliquais pas pourquoi ce souvenir ancien m'Θtait brusquement revenu en mΘmoire, et puis j'entendis la voix de mon guide :
½ Eh bien ! Lobsang, tu ne m'as pas entendu ? Je t'ai appelΘ ! ╗
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½ Pardon, Maεtre, j'Θtais au Potala je repensais α ce jour o∙ le professeur n'avait pas voulu de moi en classe, et je me demandais
comment un tel homme pouvait Ωtre lama et professeur. ╗
½ Tu sais, mon ami, il y a parmi les hommes de la bonne et de la mauvaise herbe. Disons que celui-lα Θtait de la mauvaise herbe.
Mais tout va bien maintenant. C'est moi qui dΘsormais serai ton guide, et je ne crois pas avoir besoin de te tenir en laisse ni de te
faire marcher α coup de trique ! Je te connais comme aucun professeur pourrait te connaεtre. ╗ Sur ces paroles, il me gratifia d'un
sourire que je lui rendis. Apprendre avec le lama Mingyar Dondup Θtait un plaisir. Son enseignement n'Θtait pas scolaire, il prΘfΘrait
faire profiter ses ΘlΦves du grand savoir qu'il avait acquis en voyageant.
½ Nous allons commencer α un niveau trΦs ΘlΘmentaire, dit-il, car tu devras porter cet enseignement α l'extΘrieur du Tibet, et τa ne te
fera pas de mal de rΘviser un peu ce que, je pense, tu connais dΘjα, du moins en ce qui concerne la premiΦre partie de la leτon. ╗
Je lui sus grΘ de ce compliment un peu camouflΘ. ½ ConsidΘrons un Ωtre vivant, commenca-t-il. Il s'allonge pour se reposer, et quand
le sommeil vient, son esprit, ou corps astral, se libΦre de la matiΦre et se met α flotter dans l'espace. Si le dormeur n'est pas une
personne trΦs ΘvoluΘe, il croira avoir rΩvΘ
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lorsqu'il se rΘveillera. En revanche, si la personne a reτu un entraεnement spΘcial, elle pourra elle-mΩme guider son dΘplacement
astral, et pendant son sommeil, vivre des expΘriences sur un autre plan d'existence, alors qu'elle paraεtra profondΘment endormie aux
yeux d'un observateur. Un voyage astral peut avoir n'importe quelle destination. Et si l'on est bien entraεnΘ, l'esprit, quand il revient
dans le corps, conserve en mΘmoire tout ce qu'il a expΘrimentΘ. ½ Lorsqu'un individu meurt cela veut dire que son esprit souhaitait
se libΘrer de son enveloppe charnelle, soit parce qu'elle n'Θtait plus fonctionnelle, soit parce qu'il avait ΘpuisΘ, α travers elle, toutes les
potentialitΘs de l'existence terrestre, appris toutes les leτons qu'il devait apprendre dans cette incarnation particuliΦre. Car, tu le sais,
chaque Ωtre peut revenir plusieurs fois sur Terre sous diffΘrents aspects. Mais toi et moi avons un statut spΘcial ; nous ne dΘpendons
pas du monde astral mais du royaume de Patra dont je te reparlerai plus tard.
Lorsque le corps astral s'est sΘparΘ du corps charnel, que la Corde d'Argent a ΘtΘ coupΘe et le nimbe d'or brisΘ, l'Ωtre ainsi libΘrΘ peut
parcourir le monde et aller lα o∙ il veut. Lorsqu'il commence α se lasser de cette errance il peut consulter une autoritΘ spΘciale dont la
fonction est prΘcisΘment de dΘcider si telle ou telle entitΘ du monde astral doit y demeurer ou bien redescendre sur Terre dans une
nouvelle incarnation afin de s'instruire encore. Ce n'est que dans les Θpreuves que l'on peut rΘellement faire des
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progrΦs. L'entitΘ qui se trouvait dans la quiΘtude du Monde des Esprits pourra alors Ωtre renvoyΘe sur Terre avec diffΘrentes
tendances nΘgatives contre lesquelles elle devra lutter. S'il s'agit de tendances criminelles, par exemple, l'individu naεtra dans un
milieu favorable au dΘveloppement de celles-ci, et la rΘsistance sera d'autant plus difficile. Mais s'il rΘus¡sit, son existence aura ΘtΘ
pour lui trΦs bΘnΘfique car il aura fait un grand pas dans son ΘlΘvation spirituelle et dans l'acquisition de la maεtrise de soi. Il aura
droit aprΦs cela α un repos dans le Monde Astral. Ensuite, la Commission SpΘciale pourra dΘcider d'une nouvelle incarnation. On
l'enverra peut-Ωtre comme mission¡naire, mais un missionnaire dont l'enseignement se¡rait contraire α la vΘritΘ. Lα encore il naεtrait
dans un milieu favorable α l'Θpanouissement de cette vocation, et sa vie serait considΘrΘe comme rΘussie s'il recon¡naissait la faussetΘ
de son message et proclamait, par exemple, qu'une femme vierge ne peut donner nais¡sance α un fils. Sache, Lobsang, que mΩme si
une femme peut Ωtre insΘminΘe artificiellement ù ce qui a certainement ses avantages ù, elle ne pourra donner naissance qu'α une
fille. Et si celle-ci se marie et a des enfants, ils seront Θgalement du sexe fΘminin, ou bien ce seront des enfants mΓles de trΦs faible
constitution. Pour procrΘer des Ωtres forts il faut nΘcessairement la participation de l'homme.
½ Dans le monde spirituel, continua le lama, l'Ωtre prend conscience de ses erreurs passΘes et peut Θventuellement rΘparer le mal
qu'elles ont occa-
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sionnΘ. Sais-tu, Lobsang, que chaque individu doit passer par tous les Signes du zodiaque et par tous les dΘcans, car les influences
astrologiques, propres α chaque individu et rΘvΘlΘes dans son thΦme, dΘterminent ses progrΦs et sa situation sociale. Prenons le cas
d'une personne nΘe sous le signe du BΘlier qui devient boucher et rΘussit trΦs bien dans cette profession ; si le mΩme individu Θtait nΘ
dans un milieu plus aisΘ, il serait sans doute devenu chirurgien. Tu vois, la diffΘrence n'est pas trΦs grande. D'ailleurs on dit que la
viande de porc a α peu prΦs le mΩme go√t que la viande humaine Rassure-toi je n'ai pas fait l'expΘrience. ╗
Je rΘflΘchis α tout ce qu'il venait de dire, et demandai : ½ Maεtre, vous avez bien dit que l'on devait passer par tous les Signes du
zodiaque, et par les dΘcans de chacun de ces Signes ? ╗
½ C'est cela, rΘpondit-il. Les influences pour un mΩme Signe changent considΘrablement selon que l'individu est nΘ dans tel ou tel
dΘcan. Ainsi le premier dΘcan porte encore les marques du Signe prΘcΘdent, et le dernier dΘcan celles du Signe suivant. Les
caractΘristiques du Signe en question ne sont prΘdominantes que dans le secteur mΘdian. Si je te dis tout cela, c'est parce qu'un jour
il te faudra parler de l'Astrologie, et faire mieux connaεtre cette science. Donc tous les Ωtres, lors de leur passage sur Terre, doivent
passer par toutes les positions du cycle du zodiaque. Mais l'ordre sΘquentiel n'est pas nΘcessairement le mΩme pour tout le monde. Il
varie
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en fonction de la tΓche α accomplir par le sujet et doit lui permettre de tirer le meilleur profit de ses expΘriences. ╗
Je restai silencieux un moment puis confiai α mon maεtre : ½ Je ne cesse de penser α ma propre route qui, selon les prΘvisions, doit
Ωtre longue, pΘnible, etc. └ quoi cela va-t-il servir ? ╗
Le lama Mingyar Dondup baissa la tΩte, l'air un peu gΩnΘ, puis gravement il reprit : ½ C'est une mission trΦs noble que celle que tu
dois accomplir sur terre, Lobsang. Mais tu auras affaire α des individus qui, eux, manqueront de noblesse, qui par tous les moyens
essaieront d'entraver ta route et de saboter tes rΘalisations. Tu seras l'objet de jalousies inou∩es. Et surtout, mon pauvre ami, tu
connaεtras de grandes difficultΘs dont les femmes seront la cause. Non parce que tu auras avec elles des relations sexuelles, mais
parce que, par exemple, l'une d'elle t'aura manifestΘ de l'amitiΘ et que son mari en sera jaloux. Ou bien des femmes t'en voudront
parce qu'elles t'auront souri et que tu ne leur auras pas rΘpondu, etc. Je t'en conjure, Lobsang, mΘfie-toi des femmes ; c'est ce que
j'ai fait toute ma vie et je m'en rΘjouis. ╗ Je m'enfonτai sans mot dire dans de sombres rΘflexions sur ma vie future. ½ Allons,
Lobsang, me dit mon ami, ne t'en fais pas. Quant aux femmes, je sais que tu ne sais rien d'elles, mais cela va changer. └ Chungking
tu vas avoir maintes et maintes fois l'occasion d'Θtudier leur anatomie dans les salles de
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dissection. DissΘquer un cadavre n'est pas une chose que l'on aime faire la premiΦre fois, mais on s'habitue trΦs vite. D'aprΦs les
Archives akhasiques tu devrais te montrer trΦs habile chirurgien, et tu possΦdes ce brin d'insensibilitΘ qu'il faut lorsqu'on exerce la
mΘdecine. Donc, dΦs que nous aurons quittΘ cette caverne, ou cette cellule ù comme tu veux ù, tu vas suivre des cours pratiques
de chirurgie. Je serai, bien s√r, toujours α ta disposition pour t'aider. ╗
½ Maεtre, interrompis-je, vous avez prononcΘ plusieurs fois le mot Patra ; ni au Potala, ni au Chakpori je ne l'ai entendu prononcer.
╗
½ Si tu ne l'as jamais entendu c'est parce que la connaissance de ces lieux est rΘservΘe α une Θlite. Le Royaume de Patra c'est, si tu
prΘfΦres, le Champ CΘleste des Champs CΘlestes. └ la mort de l'individu l'esprit regagne le Monde Astral ou monde spirituel auquel,
tu le sais, on peut aussi accΘder de son vivant par le voyage astral. C'est un lieu qui ressemble α la Terre, mais plus agrΘable. On y
rencontre des amis, on parle, on discute, on lit, et l'on Θcoute les autres raconter leurs expΘriences, rΘussies ou non. Mais c'est un
lieu intermΘdiaire. Les entitΘs qui y sont, attendent lα le moment de leur rΘincarnation. On peut les renvoyer sur Terre ou bien dans
un autre univers.
½ Au-delα du Monde Astral existe une planΦte unique que l'on dΘsigne du nom de Patra. C'est le Paradis des Paradis o∙ ne se rend
qu'une Θlite,
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c'est-α-dire ceux qui vΘritablement ont eu une vie exemplaire en oeuvrant pour l'HumanitΘ. LΘonard de Vinci, par exemple, s'y
trouve occupΘ α un projet dont bΘnΘficieront d'autres planΦtes. Socrate et Aristote Θgalement. Les charlatans n'y ont pas leur place ;
il n'y a rien que des Ωtres parfaitement authentiques. Je peux te dire d'ores et dΘjα que ta place est rΘservΘe. Cet honneur doit
rΘcompenser la vaillance dont tu as fait preuve dans tes vies antΘrieures et dont tu feras preuve encore dans les annΘes α venir o∙,
comme dans les prΘcΘdentes, les tourments, les obstacles ne te seront pas ΘpargnΘs. Tu rΘussiras cependant toujours α les
surmonter, mΩme dans cette mission que tu dois accomplir et que certains jugeront impossible. Et aprΦs cette vie tu iras au Royaume
de Patra lα o∙ rΦgne l'harmonie, lα o∙ l'on ne connaεt ni la haine, ni la guerre, ni la misΦre. ╗
½ Est-ce que òles chats sont admis en ce Royaume ? demandai-je.
½ Mais bien s√r, rΘpondit mon guide. Les chats ont une Γme comme les humains. Les ignorants croient que cette chose α quatre
pattes n'est qu'un animal muet, sot, incapable d'Θmotions et surtout sans Γme. Mais cela n'est pas vrai. Le chat, comme l'homme, est
gouvernΘ par un superΩtre et peut faire des progrΦs. Il peut accΘder au Monde des Esprits et mΩme atteindre Patra, et y retrouver les
amis qu'il a aimΘs sur Terre ou sur une autre planΦte. Il faut le dire aux gens, Lobsang. Les chats sont des individus
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α part entiΦre qui doivent accomplir sur Terre une tΓche particuliΦre. Il faut les traiter avec grand respect ; mais je sais que tu le fais.
½ Allons faire un tour, dit-il vivement, pour se dΘgourdir les jambes. Allons, viens, remue-toi un peu, grand paresseux ! ╗
Il s'Θtait dΘjα ΘloignΘ. ½ Maεtre, dis-je en lui courant aprΦs, quand vous disiez que vous ne connaissiez pas cette caverne, ce n'Θtait
pas vrai, n'est-ce pas ? Vous me faisiez marcher ! ╗
Il Θclata de rire et dit : ½ Mais non je ne te faisais pas marcher. Je t'assure que je n'en connaissais pas l'entrΘe principale. Ce fut une
vΘritable dΘcouverte. D'ailleurs, elle ne figure pas sur les cartes, et l'on ne comprend pas bien pourquoi elle se trouve α cet endroit.
Tu as vu comme moi que le rocher ne prΘsente aucune dΘformation. Peut-Ωtre le vieil er¡mite, gardien de ces lieux, voulait-il une
entrΘe proche de son ermitage. Sois bien persuadΘ, en tout cas, que je ne me moquais pas de toi quand je t'ai fΘlicitΘ pour ta
dΘcouverte. Maintenant il va falloir trouver un moyen de sortir d'ici, car mes jambes vont mieux et nous allons pouvoir repartir
demain. Je pense Ωtre capable de redescendre la pente. ╗
½ Mais cela ne va pas Ωtre facile dans l'Θtat o∙ sont nos robes ╗, remarquai-je.
½ Ne t'inquiΦte pas, je te promets pour demain des vΩtements neufs, vieux d'un million d'annΘes ! Je
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veux aussi que tu apparaisses en bas non comme un novice, mais comme un moine. DorΘnavant tu reste¡ras avec moi, tu me suivras
partout o∙ j'irai et je serai responsable de ton Θducation. ╗
Lα-dessus il se retourna, se dirigea vers une porte devant laquelle il s'inclina, et tandis qu'il plaτait ses mains dans une certaine
position, je vis un pan de mur coulisser lentement et sans bruit. Ce silence rendait le phΘnomΦne encore plus Θtrange.
½ Viens, me dit le Lama en me donnant une tape dans le dos, il faut que tu vois cela. Ce globe (il m'indiquait de la main une sphΦre
gigantesque qui se trouvait au milieu d'une salle) va te donner une idΘe de ce qu'est Patra. Il posa une main amicale sur mon Θpaule
et m'emmena jusqu'α un tableau mural qui comportait un certain nombre de cadrans et dispositifs de toutes sortes ainsi qu'un
immense Θcran qui faisait prΦs de huit mΦtres de long et six mΦtres de large. ½ Cet Θcran permet de voir les dΘtails ╗, dit-il.
Bient⌠t l'obscuritΘ se fit dans la piΦce o∙ nous nous trouvions, et α mesure que la lumiΦre baissait, le globe qui symbolisait Patra
s'Θclairait. Il devint bient⌠t trΦs brillant avec des reflets dorΘs quelque peu cuivrΘs. Il Θmanait de lui quelque chose de serein et
d'apaisant qui donnait envie de s'y rendre.
Le Lama toucha quelques boutons et la brume qui entourait la sphΦre se dissipa peu α peu, comme le brouillard en montagne lorsque
paraεt le soleil. J'Θtais
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absorbΘ dans ma contemplation. Un monde fantasti¡que s'offrait α moi. J'Θtais sur une jetΘe, bercΘ par le clapotis des vagues qui
venaient s'y briser. Soudain, sur ma droite, apparut un navire. Je savais que c'Θtait un navire pour en avoir vu sur des images. Il se
dirigeait vers la digue o∙ je me tenais ; parvenu au bord, il s'arrΩta et s'y amarra. Une foule de passa¡gers en descendit dont la mine
radieuse me frappa.
Je m'en ouvris α mon maεtre : ½ Comme ils ont l'air heureux ! dis-je. Qui sont-ils ? ╗
½ Nous sommes α Patra, rΘpondit-il. Faire du bateau fait partie des divertissements. Ces gens reviennent, je suppose, d'une
promenade en mer. Ils ont d√ aborder dans l'une des εles des environs. Peut-Ωtre y ont-ils pris le thΘ, et les voilα de retour α Patra.
Patra se trouve au-dessus du monde astral. Ce n'est qu'une Θlite qui peut venir ici, aprΦs une route particuliΦrement pΘnible et
difficile. Mais ce qu'on trouve en ces lieux compense largement la peine endurΘe.
½ Il est possible de venir α Patra par le voyage astral, continua-t-il, mΩme si l'on est encore sur Terre. Si tu veux, par exemple, revoir
une certaine personne, il suffit de penser α elle trΦs fort, et si elle veut bien te recevoir, tu te sens soulevΘ de terre, et tu peux te
dΘplacer librement dans les airs jusqu'α l'endroit o∙ cette personne t'attend. ╗
½ Mais qui, en gΘnΘral, accΦde α ces lieux ? demandai-je. Comment arrivent-ils et doit-on les
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considΘrer comme des prisonniers ? Je suppose qu'ils ne peuvent pas partir. ╗
½ Mais non, Lobsang, ce n'est pas une prison ! s'Θcria mon ami. C'est une rΘcompense destinΘe aux meilleurs d'entre nous ;
c'est-α-dire ceux qui se sont sacrifiΘs pour autrui, qui ont oeuvrΘ jusqu'aux limites de leurs possibilitΘs pour le bien de l'humanitΘ.
DΦs que le corps astral de ces Ωtres s'est sΘparΘ du corps charnel, il vient ici. Et comme tu le vois, personne ici n'est reliΘ α la Corde
d'Argent, et personne ne porte au-dessus de sa tΩte le nimbe d'or. Ils sont devenus inutiles, car il n'y a plus aucune diffΘrence entre
les Ωtres. La bontΘ est l'apanage de tous, qu'ils s'appellent Socrate, Aristote, LΘonard de Vinci ou autres. Pour demeurer sur Terre il
leur fallait quelques dΘfauts, quelques taches, mais la mort physique les en a dΘbarrassΘs et ils sont arrivΘs α Patra totalement purs.
½ Quand une entitΘ est destinΘe α Patra, prenons Mendelssohn, par exemple, il doit passer d'abord par le monde astral et se
prΘsenter devant une sorte de Garde qui lui retire sa Corde d'Argent et son nimbe d'or. Il se rend ensuite α Patra o∙ il va retrouver
ses amis et connaissances, et o∙ il pourra faire ce qu'il lui plaεt. ╗
½ Est-ce que les gens α Patra se nourrissent d'aliments comme nous le faisons sur Terre ? demandai-je. Je ne vois rien ici qui
ressemble α de la nourriture. ╗
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½ En effet, il n'y a guΦre de choses comestibles en ce royaume, rΘpondit le lama, car pour les Ωtres qui y sont il n'est plus besoin de
se nourrir au sens o∙ nous l'entendons, c'est-α-dire se nourrir pour vivre. Leurs corps et esprit tirent directement de la lu¡miΦre, par
osmose, l'Θnergie qui leur est nΘcessaire. Ils peuvent, bien s√r, manger ou boire pour le seul plaisir de manger et de boire, α condition
qu'ils ne se goinfrent pas et qu'ils n'absorbent pas d'alcool. L'al¡cool, Lobsang, dΘtruit le cerveau et peut entraver l'Θvolution d'un
individu pendant plusieurs vies.
½ Mais jetons un coup d'oeil rapide lα-bas. Rap¡pelle-toi qu'en ce lieu le temps n'importe plus, et qu'il est inutile de demander α
quelqu'un depuis combien de temps il est lα. Sache que l'on ne se lasse pas de Patra parce qu'il y a toujours quelque chose de
nouveau α faire, des gens nouveaux α rencontrer qui seront toujours tes amis, car tes ennemis ne peuvent Ωtre α Patra o∙ tout est
harmonie. Suis-moi dans les airs, nous allons aller visiter ce petit village de pΩcheurs. ╗
½ Maεtre, dis-je ΘtonnΘ, je croyais que les gens n'avaient pas besoin de manger ! Pourquoi des pΩ¡cheurs ? ╗
½ Ce n'est pas de la pΩche au sens o∙ nous l'entendons, Lobsang, rΘtorqua mon guide. Le pois¡son que l'on pΩche ici sert α des
expΘriences ; on essaie d'amΘliorer leurs facultΘs. Les poissons qui sont sur notre planΦte sont assez sots et mΘritent
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d'Ωtre capturΘs. Ici on ne leur fait pas de mal. Ils sont recueillis dans des filets, et ils comprennent que l'on cherche α amΘliorer leur
espΦce. C'est la mΩme chose pour tous les animaux qui sont ici. Aucun n'a peur de l'homme, tous lui tΘmoignent au contraire
beaucoup d'amitiΘ. Mais dΘpΩchons-nous, nous n'avons guΦre de temps pour visiter car nous devons bient⌠t redescen¡dre au Potala.
╗
Brusquement je me sentis soulevΘ de terre, et fus pris aussit⌠t d'une violente migraine. Je crus mΩme un instant que j'allais mourir.
Mais, d'un geste vif, le lama m'agrippa et posa sa main sur mes yeux. ½ Je suis dΘsolΘ, Lobsang, dit-il, j'avais oubliΘ que tu n'es pas
habituΘ α voyager dans la quatriΦme dimen¡sion. Il faut que je te mette quelque chose dans les yeux, nous allons redescendre un
moment. ╗ AprΦs une sensation de chute libre assez dΘsagrΘable j'at¡teignis avec joie la terre ferme.
½ Nous sommes dans la quatriΦme dimension et des harmoniques de la cinquiΦme dimension inter¡viennent parfois, m'expliqua mon
ami. Lorsque l'on emmΦne quelqu'un α Patra, il faut s'assurer que ses yeux aient reτu un traitement spΘcial qui lui permet¡tra de ne
pas se fatiguer la vue une fois dans la quatriΦme dimension. ╗
Mon guide me fit allonger et me versa quelques gouttes dans les yeux, puis il me mit des lunettes qui les recouvraient entiΦrement. ½
Je vois trΦs bien maintenant ! m'Θcriai-je tout excitΘ, je vois des cho¡ses fantastiques ! ╗
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Ce que j'avais vu avant, sans les lunettes, Θtait beau mais maintenant c'Θtait splendide, magnifique, fΘerique. Quelque chose
d'impossible α dΘcrire en termes de troisiΦme dimension. Nous remontΓmes bient⌠t dans les airs et je ne cessais de m'Θmerveiller. Je
n'avais jamais vu tant de beautΘ chez les Ωtres. Les femmes surtout me semblaient ravissantes et je sentais ma chair s'Θmouvoir.
Elles avaient toujours ΘtΘ des ΘtrangΦres pour moi. Ma mΦre Θtait trΦs sΘvΦre, et je ne voyais pratiquement pas ma soeur. On m'en
avait sΘparΘ depuis que l'on avait dΘcidΘ que j'entrerais α la lamaserie. La sΘrΘnitΘ, la splendeur des lieux dans lequel nous Θvoluions
Θtaient indes¡criptibles. Vouloir les suggΘrer par des mots emprun¡tΘs au langage commun Θquivaudrait α vouloir dΘcrire quelque
chose sur terre α un aveugle de naissance ! Comment lui dΘcrire les couleurs, puisqu'il n'en a aucune notion ? Comment lui parler de
la forme et du poids des objets puisqu'il n'a aucun point de rΘfΘ¡rence ? Le problΦme paraεt insoluble, et je me trouve dans pareille
situation actuellement, incapable de dΘcrire la beautΘ du Royaume de Patra. Mais je pourrai nΘanmoins dire que j'y ai vu des grands
hommes des siΦcles passΘs oeuvrer pour les autres univers, des univers α deux et trois dimensions. On croit souvent sur Terre que
les inventions sont nouvelles. Le plus souvent, leurs auteurs n'ont fait que voler l'idΘe α quelqu'un qui se trouvait en train de travailler
sur une maquette dans le monde astral. Une fois revenus sur terre ils n'ont plus qu'α rΘaliser le projet et α faire breveter leur
invention.
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Le lama Mingyar Dondup Θtait trΦs connu α Patra. Partout o∙ il se rendait on le saluait et il me prΘsentait toujours aux gens comme
un vieil ami α eux dont ils se souvenaient, tandis que moi je les avais oubliΘs du fait de ma rΘincarnation. ½ Cela ne fait rien,
disaient-ils en riant, quand tu reviendras parmi nous ta mΘmoire te reviendra ! ╗
Le lama Mingyar Dondup Θtait en grande discus¡sion avec un savant. ½ Le problΦme majeur aujour¡d'hui, disait ce dernier, vient du
fait que chaque race, chaque peuple a sa propre faτon de voir et ne juge et n'agit qu'en fonction de celle-ci. Ainsi, dans certains
pays, les femmes sont considΘrΘes comme Θgales α l'homme, et sont traitΘes en consΘquence. Dans d'autres, au contraire, on pense
que les femmes ne sont sur Terre que pour servir d'esclaves α l'homme. Quand les femmes de ces derniers pays vont dans les
autres, elles se trouvent naturellement perdues et dΘconcertΘes. Actuellement, nous cherchons un moyen d'uniformiser les
mentalitΘs, du moins trouver une base commune sur laquelle tous les peuples du monde pourraient s'entendre. On y travaille aussi
dans le Monde Astral. Il est inutile de dire que quinconque vient α Patra est convaincu de la nΘces¡sitΘ qu'il y a α accorder α chaque
individu les mΩmes droits sans discrimination. ╗
Il leva les yeux vers moi, et me voyant avec un chat il dit : ½ Je vois que d'ores et dΘjα tu appliques ce principe avec nos amis les
chats ! Ta rΘputation auprΦs des animaux n'est d'ailleurs plus α faire.
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Quand tu viendras α Patra tu seras accueilli par toute une armΘe de chats, une vΘritable fourrure vivante ! ╗ Tandis qu'il me parlait,
un gros chat brun α taches blanches Θtait en train de grimper sur mon Θpaule. Quand il se trouva en place il posa l'une de ses pattes,
sur ma tΩte, pour se caler. Exactement comme un humain l'aurait fait.
½ Allons, Antoine dit le lama, nous allons te dire au revoir, il faut que nous redescendions. Mais Lobsang reviendra, et tu pourras
tout α loisir grimper sur lui. ╗ Le chat que l'on avait appelΘ Antoine fit un signe entendu de la tΩte et sauta sur une table d'o∙ il revint
se frotter α mes jambes en signe d'amitiΘ.
½ Avant de redescendre nous allons jeter un coup d'oeil aux Jardins de Patra ╗, dit le lama. En moins de temps qu'il ne faut pour le
dire nous nous trouvΓmes au milieu de fleurs et d'arbres dont la splendeur me ravit. Je n'osais pas marcher de peur d'abεmer les
parterres. Le lama me regarda et me dit : ½ J'aurais d√ te prΘvenir, Lobsang, ici dans les Jardins de Patra on marche en gΘnΘral α une
trentaine de centimΦtres au-dessus du sol. Dans la quatriΦme dimension il est facile de le faire, et de cette faτon on ne risque pas
d'abεmer les fleurs...
½ Je crois que nous allons rentrer maintenant, Lobsang, me dit bient⌠t mon ami. J'ai encore un certain nombre de choses α te
montrer en bas, un certain nombre de choses α t'apprendre qui t'aideront
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dans l'existence. J'aimerais pouvoir t'accompagner tout au long de celle-ci, mais ce n'est pas possible, Mon Karma est tel que je dois
tomber, dans un proche avenir, sous les coups des communistes. Mais ne nous occupons pas de cela, et redescendons. ╗
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Chapitre neuviΦme
Quittant la salle de la quatriΦme dimension, nous nous dirigeΓmes vers une autre piΦce qui se trouvait α prΦs de cinq cents mΦtres de
lα. La Terre Θtait-il Θcrit sur la porte.
Le lama Mingyar Dondup me devanτa et alla s'asseoir sur un banc auprΦs d'un module de com¡mande. Je pris place α ses c⌠tΘs. Il
appuya sur un bouton et l'obscuritΘ se fit dans la piΦce. Je regardai autour de moi α la recherche de la lumiΦre, et quand je me
retournai vers le globe j'eus un choc et en tombai α la renverse. Une horrible bΩte, un dino¡saure, semblait-il, Θtait devant moi, α
moins de deux mΦtres, et me regardait la gueule ouverte ! Je me relevai, tout penaud, et rΘalisai que cet animal Θtait mort depuis des
milliers d'annΘes.
½ Nous allons continuer notre leτon d'histoire, me dit le lama, et nous promener un peu au hasard dans le passΘ. Tu vas voir comme
les livres d'Histoire sont malhonnΩtes !
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Sur le globe apparut alors une chaεne de monta¡gnes, et au pied de l'une d'elles des soldats avaient Θtabli leur campement. Des
femmes Θtaient avec eux. A cette Θpoque, on les emmenait pour rΘconforter les hommes aprΦs la bataille. Et en cas de victoire de
l'ennemi elles Θtaient emmenΘes dans l'autre camp pour accomplir les mΩmes fonctions.
La scΦne s'anima et l'on vit des hommes essayant de faire avancer un troupeau d'ΘlΘphants. Un homme juchΘ sur l'un d'eux exhortait
ses compagnons : ½ Je vous dis que ces ΘlΘphants ne grimperont pas la pente s'il y a de la neige. Ils sont habituΘs aux climats chauds
et le froid les fera crever. Et comment porterait-on les tonnes de nourriture qu'il faudrait pour les nourrir ? Je suggΦre qu'on dΘcharge
ces animaux et qu'on prenne, α la place, des chevaux de la rΘgion ; nous ne passerons pas autrement ce col.
Il rΘgna quelque temps une grande confusion. On parlait fort, on gesticulait beaucoup, et finalement l'homme α dos d'ΘlΘphant eut
gain de cause et l'on dΘchargea les bΩtes. Puis tous les chevaux des environs furent rΘquisitionnΘs sans tenir compte des protestations
des paysans.
Le lama avait pris soin de me poser sur la tΩte un appareil spΘcial sans lequel je n'aurais rien com¡pris au langage de ces gens. GrΓce
α lui, leurs paroles me parvenaient trΦs clairement.
Bient⌠t la caravane fut prΩte et l'on hissa les femmes sur les chevaux. On a l'habitude de penser
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que les femmes sont moins rΘsistantes que les hom¡mes mais l'on se trompe ; et je pensais quant α moi qu'elles feignaient la fatigue
pour n'avoir rien α porter !
La troupe s'Θbranla et commenτa α gravir le sentier. On se rendit compte bien vite que les ΘlΘphants n'auraient jamais pu le monter
tant il Θtait Θtroit et rocailleux. Et quand arriva la neige, les chevaux eux-mΩmes ne furent guΦre α l'aise et il fallut les pousser.
Le lama fit tourner le globe pour sauter quelques siΦcles et quand il se stabilisa nous nous trouvions au coeur d'une bataille
particuliΦrement sanglante. Non contents de trouer de part en part leurs victimes α l'aide de leur ΘpΘe ou de leur lance, les guerriers
leur coupaient la tΩte et en faisaient des tas. Nous regardΓmes un moment cette tuerie barbare, et aperτ√mes de chaque c⌠tΘ du
champ de bataille des tentes grossiΦrement montΘes sous lesquelles se trouvaient des femmes. Sans doute leur Θtait-il Θgal que la
victoire revienne α l'un ou l'autre camp, puisque, dans tous les cas, leur sort serait le mΩme. Comme nous, nΘanmoins, elles
regardaient, peut-Ωtre par simple curiositΘ.
Mon guide appuya une nouvelle fois sur un bouton et la vitesse de rotation du globe s'accΘlΘra. Et nous arrivΓmes de nouveau au
milieu d'un combat. Cela se produisit plusieurs fois encore. Nous vεmes notamment ce que mon guide appelait les Croisades
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et dont il m'avait dΘjα parlΘ. Il Θtait de bon ton α l'Θpoque, lorsqu'on Θtait de haute naissance, d'aller combattre le Sarrasin. Les
Sarrasins Θtaient un peuple cultivΘ et courtois mais ils n'entendaient pas se laisser faire et ils dΘfendirent leur territoire avec ΓpretΘ.
Bon nombre de titres de noblesse disparurent en ces contrΘes lointaines avec ceux qui les por¡taient !
Nous assistΓmes aussi α un Θpisode de la guerre des Boers. ½ De part et d'autre, me dit mon guide α l'oreille, on se proclamait les
dΘfenseurs de la jus¡tice ! ╗ Il me fit remarquer aussi les mΘthodes de combat particuliΦrement sadiques des Boers qui cherchaient
avant tout α mutiler leur adversaire en une rΘgion du corps bien prΘcise.
Puis l'on revint α l'Θpoque des Croisades. La bataille venait de s'achever mais l'on ne savait pas qui Θtait le vainqueur. Chaque clan
s'Θtait maintenant repliΘ de chaque c⌠tΘ du champ de bataille, et assaillants et assaillis retrouvaient leurs femmes. Quant aux blessΘs
et aux morts ils jonchaient le sol et personne ne s'en occupait car il n'y avait pas α l'Θpoque de service sanitaire. En cas de blessure
grave, il Θtait d'usage de demander α l'un de ses amis un poignard que l'on gardait en main et que l'on se plantait dans le coeur
lorsque la souffrance devenait intolΘrable.
Le lama fit encore tourner le Globe et ce fut une nouvelle guerre. Une guerre sans merci qui semblait
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ravager le monde entier. Des gens de toutes couleurs maniant toutes sortes d'armes Θtaient engagΘs dans le carnage. Il y avait aussi
de gros canons montΘs sur roulettes et dans le ciel flottaient de dr⌠les de choses reliΘes par des ficelles. Je sus plus tard que c'Θtait
des ballons. Ils pouvaient monter trΦs haut et les hommes qui Θtaient α bord des nacelles pouvaient ainsi voir en territoire ennemi et
Θtablir leur stratΘ¡gie militaire en consΘquence. Mais ils ne restΦrent pas longtemps dans le ciel car des engins bruyants surgirent
bient⌠t de l'horizon et eurent vite fait de les faire exploser.
Partout ce n'Θtait qu'un marΘcage de boue et de sang parsemΘ de dΘbris humains. Des cadavres pendaient aussi des fils barbelΘs et
rΘguliΦrement des obus Θclataient qui, chaque fois un peu plus, dΘla¡braient la campagne environnante.
Un nouveau rΘglage de la machine fit apparaεtre une nouvelle image. La mer s'Θtalait devant nous et l'on distinguait α peine quelques
points minuscules α l'horizon. Le lama actionna une manette et les points se rapprochΦrent ; il s'agissait en fait de gros navires de
guerre, tout en acier et portant sur leurs flancs des tubes mΘtalliques qui crachaient rΘguliΦrement des projectiles. Ces derniers
pouvaient parcourir plus de trente kilomΦtres avant d'atteindre un bΓtiment ennemi. Soudain l'un d'eux atterrit sur le pont d'un navire
que nous regardions. Ce fut alors comme si le globe tout entier explosait. Sans doute, la rΘserve de munitions avait-elle ΘtΘ touchΘe
car en quelques
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secondes le bateau avait ΘtΘ pulvΘrisΘ. Partout ce n'Θtait que dΘbris de chair et de ferraille qui retombaient dans un nuage de sang.
Puis les tirs s'arrΩtΦrent et la bataille navale qui se dΘroulait sous nos yeux parut se calmer. C'est alors que sur l'un des bateaux nous
vεmes un homme s'avancer, d'un pas furtif, vers son capitaine. Quand il fut α sa hauteur, il dΘgaina et le tua.
Nous revεnmes ensuite α l'Θpoque de la Guerre de Troie. ½ Pourquoi ne suivons-nous pas l'ordre chronologique ? ╗ demandai-je α
mon guide. ½ J'ai ma petite idΘe lα-dessus, dΘclara-t-il l'air mystΘrieux. Continue α regarder, Lobsang ╗
Je vis alors un soldat troyen brandir une lance et la planter, sans plus de prΘambule, dans la poitrine de son supΘrieur. ½ Vois-tu,
Lobsang, commenta mon guide, la nature humaine, quelle que soit l'Θpoque, ne varie pas et demeure ce que fondamentalement elle
est. Un homme peut tuer son capitaine dans l'une de ses vies, et perpΘtrer le mΩme crime dans toutes ses autres vies Je ne veux pas
t'enseigner l'Histoire comme on le fait dans les livres ? Ceux-ci doivent servir des intΘrΩts politiques, aussi altΦrent-ils la vΘritΘ, et je
veux que tu connaisses cette vΘritΘ ? La leτon continua encore quelque temps. Des images dΘfilaient et l'on sautait d'une Θpoque α
l'autre sans souci de la chronologie. On pouvait mieux juger ainsi des actes des hommes et particuliΦrement des hommes au pouvoir
dont la fourberie, par exemple,
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me parut Ωtre la caractΘristique premiΦre, et ce α toutes les Θpoques !
½ Maintenant, dit soudain mon ami, je te propose une petite incursion dans le futur ! ╗
AprΦs un certain nombre de pΘriodes d'ombre et de lumiΦre, le globe finalement se stabilisa et l'on put voir dans la lumiΦre un
paquebot immense fendre les flots. Puis brusquement un 'cri perτant dΘchira le silence. Le navire venait de heurter un iceberg et la
coque Θtait fissurΘe juste au-dessous de la ligne de flottaison.
Le paquebot commenτait α couler et la panique gagnait le bord. Certains des passagers sautaient dans les canots de sauvetage tandis
que d'autres Θtaient projetΘs par-dessus bord α mesure que le bateau prenait de la gεte. Dans l'affolement gΘnΘral, un orchestre, sur le
pont, continuait de jouer... Sans doute espΘrait-il calmer les esprits. Il jouait toujours lorsque le navire sombra tout α fait et disparut
sous les flots dans un bouillonnement effroyable. Des bulles d'air Θnormes remontΦrent α la surface tandis que des taches d'huile se
formaient et s'Θtalaient tout autour. Puis l'on vit divers objets remonter un sac α main, un corps d'enfant, etc.
½ Dans la suite d'ΘvΘnements que je t'ai montrΘs, prΘcisa mon guide, celui-ci non plus n'est pas α sa place. Il a eu lieu avant la guerre
que tu viens de voir. Mais je trouve plus commode de procΘder de la sorte pour te faire comprendre ce que je veux que tu
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comprennes. D'ailleurs, poursuivit-il, quand tu re¡gardes un livre d'images, il n'est pas nΘcessaire de les regarder dans l'ordre pour en
comprendre le sens ! ╗
L'aube parut sur la mer, et dans la premiΦre lueur du soleil les pointes acΘrΘes des icebergs ressemblaient α des lames rougies par le
feu. Mais le soleil monta peu α peu et tout reprit son aspect normal ; sauf la mer qui restait encombrΘe d'objets les plus divers. Il y
avait des fauteuils ΘventrΘs, des meubles brisΘs, des caisses et, bien entendu, des cadavres rigides couleur de cire. La plupart de ces
hommes et de ces femmes portaient encore leur tenue de soirΘe (encore que pour les femmes j'Θtais bien incapable de dire si c'Θtait
leurs robes du soir ou leurs chemises de nuit !). Nous scrutΓmes l'horizon mais apparemment aucun secours ne venait. ½ Nous
n'al¡lons pas rester ici, me dit alors le lama, puisque nous ne servons α rien. ╗
Il tourna encore quelques boutons et le globe tourna α vive allure pour se stabiliser bient⌠t sur une image reprΘsentant une ville. Une
ville d'Angleterre, me prΘcisa le lama qui me traduisait les inscriptions que nous voyions dans les rues. Nous nous arrΩtΓmes devant
un kiosque α journaux. Bien entendu, le marchand ne pouvait nous voir puisque nous nous trouvions en un plan temporel diffΘrent.
Ce que nous Θtions en train de voir Θtait une anticipation du futur. Nous vivions au dΘbut du siΦcle, et ceci se passait vers les annΘes
1939-1940. Je n'Θtais pas bien s√r des chiffres que je lisais mais c'Θtait α peu prΦs cela. Les
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journaux Θtaient couverts de gros titres que mon guide me lisait. Il Θtait beaucoup question d'un certain Neville Chamberlain qui
s'Θtait rendu α Berlin avec son parapluie. Puis nous nous glissΓmes dans ce que le lama appelait un "cinΘ-actualitΘs", et l'on vit dΘfiler
sur un Θcran une foule de gens α la mine patibulaire. Ils portaient des casques en acier et tout un attirail militaire, et marchaient d'une
bien cu¡rieuse faτon. ½ C'est le pas de l'oie, me dit mon guide ; on le pratiquait beaucoup dans l'armΘe alle¡mande. ╗ Ensuite vint
une image qui montrait des gens mourant de faim et de froid dans un autre pays..
De retour dans la rue, le lama arrΩta un instant la machine pour nous laisser souffler. Ce voyage dans le passΘ et le futur Θtait trΦs
fatigant, surtout pour moi qui n'Θtais qu'un trΦs jeune garτon n'Θtant jamais sorti du Tibet. Toutes ces choses nouvelles me
fascinaient en mΩme temps qu'elles m'inquiΘtaient. Il nous fallait donc prendre un peu de repos.
M'adressant α mon guide je dis : ½ Je pense toujours α Patra, et je me demande pourquoi aucun de nos maεtres ne nous en a jamais
parlΘ ! Ils nous ont dit qu'aprΦs la mort l'individu se rendait dans un lieu intermΘdiaire appelΘ le monde astral, et que lα il attendait sa
rΘincarnation sur terre ou dans un autre monde. Mais jamais ils n'ont ΘvoquΘ le Royaume de Patra. Pourquoi ?
½ Mon cher Lobsang, rΘpondit calmement le lama, il y a beaucoup de choses dont tu n'as pas
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encore entendu parler. Quant α Patra, c'est un lieu qui est encore bien supΘrieur au Monde Astral. Je te l'ai dit, seuls les Ωtres
exceptionnels, les Ωtres trΦs vertueux qui ont consacrΘ leur vie α autrui peuvent s'y rendre. Si l'on en parlait α tout le monde, ce serait
trop dΘcourageant pour ceux qui devaient s'y rendre α la fin de leur vie, mais qui, pour une raison ou pour une autre, ont dΘviΘ de
leur route, perdant ainsi leur option sur Patra. Mais toi et moi, continua-t-il, sommes assurΘs d'y aller dΦs que nous quitterons ce
monde. Cependant notre sΘjour lα-bas ne sera pas Θternel car nous devons accΘder ensuite α un niveau encore plus ΘlevΘ. Tu as vu
qu'α Patra les Ωtres se consacraient α l'amΘlioration de la condition humaine aussi bien que de la condition animale. Les animaux,
pour eux, sont tout aussi importants que l'Homme. Ils ont une Γme et peuvent, tout comme l'Homme, faire des progrΦs ou rΘgresser.
Les Hommes ont trop souvent tendance α se croire supΘrieurs α eux, et α en faire leurs esclaves. Ils sont parfaitement dans l'er¡reur.
╗
½ Maεtre, interrompis-je, vous m'avez montrΘ tout α l'heure quelque chose qui ressemblait α une guerre mondiale, je voudrais savoir
comment elle se termine. ╗
½ TrΦs bien, tu vas le savoir, dit mon ami, je vais rΘgler la machine de sorte que l'on voit les ΘvΘne¡ments qui ont immΘdiatement
prΘcΘdΘ la fin des hostilitΘs. ╗
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Il consulte un livre qui semblait donner diffΘrentes dates, puis ajusta des boutons et le globe s'Θclaira α nouveau. Un paysage ravagΘ
s'Θtalait devant nous. Au milieu, un wagon Θtait posΘ sur des rails. J'avais dΘjα vu de dr⌠les de vΘhicules transportant des passagers
et des marchandises circuler sur ce genre de rails. (Je ne sus que par la suite qu'il s'agissait de trains.) Cette fois, le wagon Θtait
immobile et particuliΦrement somptueux. Il Θtait tout vitrΘ et l'on apercevait α l'intΘrieur des sentinelles qui faisaient les cent pas dans
le couloir, et des hommes ù sans doute des domestiques ù qui posaient des nappes blanches sur les tables et qui dΘpoussiΘraient
les meubles.
Je profitai d'une pause pour m'absenter. Quand je revins, le wagon Θtait rempli de monde. L'accoutrement de ces gens me parut un
peu extravagant mais je compris bien vite qu'il y avait lα tous les chefs d'╔tat-Major des diffΘrentes armΘes reprΘsentant les
puissances en guerre. Tout d'abord il y eut une scission entre les groupes, puis tous se rassemblΦrent autour des tables.
Je regardai tous ces hommes avec Θtonnement. Je n'avais rien vu de semblable. Certains (les plus importants, pensai-je) arboraient
sur le devant de leur veste des rangs serrΘs de mΘdailles, et d'autres portaient autour du cou des rubans ou des galons d'o∙ pendaient
Θgalement des mΘdailles. J'avais l'impression que chaque clan voulait impressionner le clan adverse par le nombre de ses dΘcorations
!
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Je me demandais aussi comment ils arrivaient α s'entendre par-delα le cliquetis continuel que faisaient ces piΦces mΘtalliques en se
heurtant.
On faisait beaucoup de gestes avec les mains, et des individus ne cessaient d'aller et venir entre les personnages, portant des
messages. Puis quelqu'un prΘsenta une feuille de papier, et tour α tour les personnalitΘs prΘsentes y apposΦrent leur signature. J'eus
l'intuition, α ce moment-lα, qu'une mΩme hypo¡crisie rΘgnait de part et d'autre.
½ Ce que tu vois en ce moment, Lobsang, me dit le lama, marquera la fin d'une guerre qui aura durΘ plusieurs annΘes. Ces hommes
viennent de proposer et de signer un armistice selon lequel chaque pays doit suspendre les hostilitΘs pour se consacrer α sa
reconstruction. ╗
Je regardai encore attentivement la scΦne, et vis que ces gens avaient l'air bien sombre. Ils auraient d√, α mon avis, se rΘjouir de la
fin de la guerre ! On lisait sur leur visage une expression de haine qui semblait vouloir dire, du moins pour l'un des clans : ½ TrΦs
bien, vous avez gagnΘ cette premiΦre manche, mais nous prendrons notre revanche ! ╗
Le lama Mingyar Dondup fit α nouveau quelques rΘglages, mais l'on restait α la mΩme Θpoque. C'Θtait toujours la guerre, et l'on
voyait des soldats, des marins, des aviateurs, chacun dans son arme respec¡tive, continuer α se battre. Et brusquement, lors¡qu'un
certain jour arriva, α une heure prΘcise, onze
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heures en l'occurrence, les combats s'arrΩtΦrent. Inutile de dire combien la guerre, avant d'en arriver lα, avait fait de victimes !
Puis ù il Θtait alors onze heures cinq ù, on vit passer dans le ciel un avion α la cocarde tricolore qui revenait tranquillement α sa
base. Surgit alors de derriΦre un nuage un avion de chasse α l'aspect fΘroce. Dans un grondement effroyable il piqua sur l'avion
tricolore, cracha quelque chose et l'autre aussit⌠t s'enflamma et s'Θcrasa sur le sol. Un meurtre de plus venait de se commettre.
C'Θtait bien un meurtre, maintenant, puisque la guerre Θtait finie !
Nous vεmes ensuite de grands navires traverser un ocΘan ; ils rapatriaient les troupes, et leur charge¡ment Θtait tel que des hommes
devaient dormir sur le pont ou dans les canots de sauvetage. Ils se diri¡geaient tous vers un immense pays dont je ne comprenais pas
bien la politique puisqu'il avait vendu des armes aux deux pays en guerre, ce qui fit que, lorsque α son tour il Θtait intervenu dans le
conflit, il s'Θtait battu contre ses propres armes ! Cela me paraissait Ωtre le comble de la dΘmence !
Quand les bateaux arrivΦrent α quai, des cris de joie les accueillirent. Des serpentins de papier vo¡laient dans les airs, et les sirΦnes
des navires mugissaient de concert avec les klaxons des voitures. Partout dans les rues s'improvisaient des fanfares qui jouaient
n'importe quoi et pas forcΘment le mΩme morceau ! Tout cela faisait un vacarme Θpouvantable.
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Un peu plus tard apparut l'un des chefs des forces alliΘes victorieuses. Sa voiture descendait le long d'une avenue, et du haut des
grands Θdifices qui la bordaient tombait une pluie de confettis multicolo¡res, tandis que des gens sur les trottoirs soufflaient dans ce
qui devait Ωtre des instruments de musique. Je pensais que tous ces gens se rΘjouissaient peut-Ωtre α l'idΘe qu'ils allaient gagner
beaucoup d'argent en revendant maintenant les armes du gouvernement prΘcΘdent aux petits pays qui voulaient se faire la guerre !
Quelques instants plus tard, les images devin¡rent plus sordides. Les soldats Θtaient revenus victo¡rieux du front, mais chez eux le
ch⌠mage les atten¡dait. Ils Θtaient des millions de sans-travail. La misΦre rΘgnait et l'on voyait partout les queues s'allonger devant ce
qu'on appelait les "soupes popu¡laires". On y venait muni d'une gamelle que l'on vous remplissait d'une infΓme bouillie que l'on
rapportait α la maison pour la partager avec sa famille.
La situation Θtait bien sombre. Et dans un pays, les misΘreux qui traεnent en haillons dans les rues ne peuvent vivre bien longtemps.
Ils erraient un mo¡ment α la recherche d'un mΘgot ou d'un cro√ton de pain, et bient⌠t on les voyait s'arrΩter, s'accrocher α quelque
rΘverbΦre, puis s'effondrer sur le sol, pour finalement rouler dans le caniveau, morts, morts de faim, morts de dΘsespoir ! Et les
badauds, au lieu de s'apitoyer, restaient indiffΘrents ; peut-Ωtre mΩme se rΘjouissaient-ils, pensant que plus il y aurait de morts
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plus il y aurait de chances d'avoir un emploi. Les soupes populaires se multipliaient et, rΘguliΦrement, des hommes en uniforme
ramassaient les cadavres, sans doute pour les br√ler ou les enterrer.
Nous continuΓmes notre promenade dans le futur, et ce faisant nous dΘcouvrεmes que dans le pays qui prΘcisΘment avait perdu la
guerre prΘcΘdente, on se prΘparait α un nouveau conflit. On formait des mouvements de jeunesse et l'on entraεnait les troupes.
Quant aux prototypes d'avion que l'on mettait au point on disait que c'Θtait des jouets ! Entra bient⌠t en scΦne un curieux petit
personnage, au visage blΩme, aux yeux exorbitΘs et portant une moustache. Chaque fois qu'il montait sur un podium pour haranguer
la foule, celle-ci se prΘcipitait pour l'Θcouter. Des faits similaires avaient lieu ailleurs, et bient⌠t le monde entier, ou presque, fut α
nouveau en guerre.
½ Maεtre, m'Θcriai-je, peut-on empΩcher que n'arrivent des faits qui ne sont pas encore accomplis ? ╗ Le lama me regarda, puis
regarda le globe qui s'apprΩtait α nous renvoyer une autre image, et dit : ½ Oui, Lobsang, dans la mesure o∙ il est facile de prΘvoir les
rΘactions des gens, qui toujours se rΘpΦtent. Ainsi, prenons le cas d'une femme qu'un homme poursuit ; elle va essayer de lui
Θchapper en courant dans une direction donnΘe, et se cachera α tel ou tel endroit. Si elle est poursuivie α nouveau, elle fera de
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mΩme ; au bout de la troisiΦme fois, tu pourras sans risque de te tromper dire quelle sera sa trajectoire, et aussi prΘvoir une
quatriΦme tentative de poursuite de la part de l'homme, et Θventuellement son arresta¡tion qui ne saurait tarder. ╗
½ Mais comment peut-on obtenir une reprΘsenta¡tion d'ΘvΘnements qui n'ont pas encore eu lieu ? ╗ repris-je.
½ Tu es trop jeune encore pour comprendre les explications scientifiques que je pourrais te donner, Lobsang, me dit mon ami, mais
sache, nΘanmoins, que chaque fait matΘriel que tu expΘrimentes sur la Terre a son origine dans la quatriΦme dimension, ou monde
spirituel. Ce que tu vis n'est que la rΘpercus¡sion d'un fait qui a dΘjα existΘ α ce niveau. Certains individus ont un don de voyance qui
leur permet de capter ces rΘalitΘs, et de prΘdire l'avenir α long terme avec beaucoup de prΘcision. Je possΦde ce don, et je peux aussi
capter les ondes Θmises par le cerveau d'autrui. C'est ce qu'on appelle la tΘlΘpathie. Tu possΦdes ce don Θgalement, et lorsque tes
pouvoirs seront totalement dΘveloppΘs, ta clairvoyance sera encore bien supΘrieure α la mienne. Depuis ta nais¡sance, et mΩme
avant, tout dans ton Θducation a tendu, et tend au mΩme but ; il s'agit de t'aider α faire de toi ce que tu dois Ωtre, c'est-α-dire, un
grand visionnaire. Et si tu as pensΘ que tes parents Θtaient trop sΘvΦres avec toi, tu dois comprendre que c'Θtait dans ton intΘrΩt et
par ordre des dieux. Tu as une mission bien prΘcise α accomplir et il te faut Ωtre en
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mesure de le faire ; par consΘquent, convenablement t'y prΘparer. Plus tard, tu verras plus en dΘtail toutes ces questions concernant
les diffΘrentes dimensions, et le Temps, et tu comprendras mieux ce que je t'ai expliquΘ hier α propos de ces divisions imaginaires
que l'on fait α la surface du globe et que l'on appelle des fuseaux horaires. Comme je te l'ai dit, deux points, par exemple, situΘs de
part et d'autre d'une ligne fictive n'auront pas la mΩme heure locale et pourront mΩme avoir un jour de diffΘrence. Mais cette
dΘmarcation et cette organisation du temps en jours et en heures n'a aucune valeur rΘelle dans l'absolu ; elles ne sont faites que pour
faciliter le commerce des hommes. Cela dit, revenons aux images que nous venons de voir. Tu as compris, je pense, que ces
ΘvΘnements ne se produiront que dans une cinquantaine d'annΘes. ╗
½ Oui, rΘpondis-je, et cela m'a mΩme stupΘfait tellement ces situations paraissaient rΘelles ! Mais je suppose que la plupart des engins
que nous avons vus ne sont pas encore construits, car leur conception requiert des connaissances techniques que nous n'avons pas
encore, mais que nous aurons dans quelque temps. ╗
½ Oui, dit gravement le lama en hochant la tΩte, et vers les annΘes 1939-1940 Θclatera un conflit dans lequel seront engagΘs un grand
nombre de pays ; c'est ce que l'on appellera la Seconde Guerre mondiale, qui sera encore plus meurtriΦre que la PremiΦre. On se
battra un peu partout dans le monde.
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Certains pays seront complΦtement dΘtruits et ceux qui gagneront la guerre n'en gagneront pas pour autant la paix. Je peux te dire
que l'annΘe 1939 marquera le dΘbut des hostilitΘs, mais je ne connais pas la date exacte. Il est d'ailleurs inutile de la connaεtre
puisque l'on ne peut pas intervenir. Cette guerre durera plusieurs annΘes. Ensuite, des foyers de luttes rΘvolutionnaires ne cesseront
de se dΘve¡lopper de par le monde. Il y aura aussi des grΦves et beaucoup de mΘcontentement social dont les Syndi¡cats essaieront
de profiter pour asseoir leur autoritΘ et dominer leur pays.
½ Malheureusement, poursuivit le lama, je dois te dire aussi qu'il y aura une TroisiΦme Guerre mondiale ; elle Θclatera en 1985,
semble-t-il, et tous les peuples du monde, sans distinction de couleur et de race seront concernΘs. AprΦs cette guerre Θmer¡gera une
nouvelle race d'hommes α la peau basanΘe. Elle Θmergera α force de viols : viols des femmes blanches par les hommes noirs, et vice
versa. Tant qu'il n'y aura pas une race unique sur Terre il n'y aura pas de paix possible et durable.
½ Vers l'an 2000, continua-t-il (je dis "vers" car, contrairement α ce que pensent certains ignorants, il n'est pas possible de prΘdire
avec exactitude), il y aura beaucoup d'agitation et de grands bouleverse¡ments sur notre planΦte et dans l'Univers. Mais aprΦs de
violents combats, et grΓce α l'intervention d'extra¡terrestres, opposΘs α une domination de la Terre par les communistes, le conflit
finira par se rΘsorber. ╗
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Puis coupant court α cette dissertation, mon ami se leva et dit : ½ Il est temps de jeter un coup d'oeil α mes jambes et de voir si elles
seront capables de me porter jusqu'au Potala ! ╗
Nous fεmes le tour de tous les appareils que nous avions utilisΘs, nous assurant qu'ils Θtaient propres et en Θtat de marche. Puis, le
lama et moi endossΓmes des robes neuves, enfin neuves mais vieilles de plus d'un million d'annΘes ! Elles Θtaient nΘanmoins trΦs
belles, taillΘes dans un tissu somptueux. Nous avions eu beaucoup de mal α faire notre choix, cherchant parmi la quantitΘ de robes
celle qui flatterait le mieux cette vanitΘ dont ni l'un ni l'autre n'Θtions exempts. Nous avions finalement optΘ. J'Θtais vΩtu comme un
moine, et le lama Mingyar Dondup portait, quant α lui, une robe que je jugeai trΦs digne de son rang.
Nous posΓmes par-dessus nos robes des capes trΦs amples que nous avions trouvΘes et qui nous protΘgeraient de la poussiΦre durant
la descente.
AprΦs avoir avalΘ une collation et satisfait quel¡ques besoins il ne restait plus qu'α partir.
½ Maεtre, m'Θcriai-je, comment allons-nous bou¡cher l'entrΘe de la caverne ? ╗
½ Ne t'inquiΦte pas, Lobsang, tout a ΘtΘ prΘvu, dit le Lama. DΦs que nous serons sortis, une dalle de pierre de plusieurs mΦtres
d'Θpaisseur retombera et camouflera complΦtement l'ouverture. Il nous faudra nous en aller trΦs vite, avant que le dispositif
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d'obturation ne se dΘclenche. Tu peux Ωtre s√r que les Chinois, quand ils envahiront le Tibet auront bien du mal α trouver cette
cachette ! Dans ces endroits secrets se cacheront les plus sages de nos Sages qui transmettront leur savoir aux gΘnΘrations futures
pour qu'elles fassent revenir la paix sur Terre. ╗ Au bout du couloir que nous suivions s'ouvrit brusquement un carrΘ de lumiΦre.
Nous nous prΘcipitΓmes et dΘbouchΓmes α l'air libre. Je regardai avec une certaine tendresse vers le fond de la vallΘe o∙ se
trouvaient le Potala et Chakpori. Puis je pris conscience de l'α-pic qui nous en sΘparait, me demandant comment nous allions
pouvoir descendre. Je fus brutalement tirΘ de mes pensΘes par une violente secousse du sol et un bruit effroyable. La dalle venait de
retomber, et rien absolument rien ne laissait supposer qu'il y avait eu α cet endroit une ouverture et l'entrΘe d'un tunnel. J'avais
l'impression que notre aventure elle-mΩme avait ΘtΘ, en une seule seconde, gommΘe.
Il fallut redescendre. Je regardais mon guide qui marchait devant moi, et essayais de me faire α l'idΘe que bient⌠t il serait victime
d'un communiste perfide. Je pensais Θgalement α ma propre mort qui aurait lieu en pays Θtranger, et je me consolais en me disant
que le lama Mingyar Dondup et moi serions un jour rΘunis dans la LumiΦre SacrΘe de Patra.
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╔pilogue
Une autre page de mon histoire vient de se tourner. Il ne me reste plus maintenant qu'α attendre sur mon lit d'h⌠pital que l'on vienne
couper ma Corde d'Argent et briser mon nimbe d'or afin que mon esprit puisse librement se rendre au Royaume de Patra.
J'aurais pu faire plus encore. J'aurais voulu, par exemple, intervenir au nom du Tibet α la SociΘtΘ des Nations, ou α l'ONU, comme
on l'appelle maintenant. Mais la jalousie et la mΘchancetΘ de certains m'en ont empΩchΘ, et le dela∩-lama qui α cette Θpoque Θtait en
difficultΘ ne pouvait aller contre leurs dΘsirs.
J'aurais pu Θcrire davantage de livres sur mon pays. Mais lα encore je me suis heurtΘ α la perversitΘ des gens, et des articles frelatΘs
et des faux tΘmoi¡gnages ont paru dans la presse. La presse, on le sait, ne recherche que le macabre ou l'horreur spectacu¡laire, et ne
se complait que dans ce qui est bas.
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Je rΘpΦte que la transmigration des Γmes existe. C'est un phΘnomΦne rΘel que l'on pourrait comparer α un homme qui se trouverait
dans les airs en avion, et qui, arrivΘ α destination, monterait dans la voiture qui l'attendait α l'aΘroport. Cette derniΦre symboli¡sant le
corps que l'homme, soit l'Γme, va animer le temps d'une vie pour mener α bien la tΓche qui lui a ΘtΘ attribuΘe.
Mes livres disent la vΘritΘ. Ils n'ont rien α voir avec la science-fiction, mΩme si je fais parfois des allusions scientifiques. Celles-ci
auraient pu d'ailleurs Ωtre approfondies, mais je ne l'ai pas voulu. Quant α la fiction, il n'y en a pas la moindre trace dans cet ouvrage.
Je ne relate que des faits vΘridiques et ne me suis octroyΘ aucune libertΘ.
Cela dit, il ne me reste plus qu'α attendre sur mon lit de douleurs que prenne fin cette nuit d'hor¡reur qu'est la vie sur terre. Je dois α
mes compa¡gnons, les chats, les rares instants de bonheur que j'ai connus ici-bas et j'ai pour eux plus de tendresse que pour
n'importe lequel des Ωtres humains.
Pour finir, je voudrais dire un mot de ceux qui, α Plymouth, en Angleterre, ont essayΘ d'exploiter mon cadavre en faisant courir le
bruit que j'Θtais mort et que du pays d'outre-tombe je les avais chargΘs d'organiser un cours de spiritisme dont j'aurais ΘtΘ l'ΘlΘment
moteur. La communication se faisant par le Oui-Ja.
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Signalons en passant que le Oui-Ja est une absolue duperie, et que, par ailleurs, il peut Ωtre dangereux car il risque de raviver des
forces occulte s malΘfiques dont l'utilisateur serait la premiΦre vic¡time.
Que l'Esprit du Bien soit avec vous !
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CI-DESSUS
Le XIIIe dala∩-lama (assis, quatriΦme α partir de la gauche),
avec sa suite et l'officier britannique Sir Charles Bell,
Darjeeling, Inde, 1911. Lorsque les troupes chinoises
entrΦrent dans Lhassa, en 1910, le XIIIe dala∩-lama se rΘfugia
en Inde. VΘritable augure de l'invasion communiste qui eut
lieu quarante ans plus tard, le dala∩-lama expliqua α Sir
Charles: ½Je suis venu en Inde pour demander l'aide du
gouvernement britannique. S'il n'intervient pas, les Chinois
occuperont le Tibet, dΘtruiront notre religion et notre
systΦme politique et placeront α la tΩte du pays des
officiels chinois.╗
└ DROITE;
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