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Text File  |  1996-08-11  |  10KB  |  24 lines

  1.      Il est bien ├⌐vident que les petits paysans n'avaient gu├¿re de temps ├á consacrer aux ├⌐tudes. En fait, ils ne fr├⌐quentaient l'├⌐cole que tr├¿s irr├⌐guli├¿rement et les ├⌐l├¿ves de plus de 12 ans ├⌐taient tr├¿s rares. Dans ces conditions, l'enseignement offert avait tendance ├á demeurer extr├¬mement primaire. On trouvait peu de livres, et les ma├«tres recevaient un tel salaire de mis├¿re que bien peu d'entre eux prenaient leur t├óche au s├⌐rieux. En 1847, George Stacey ├⌐crivait au sujet de son fils:
  2.  
  3.      Alfred d├⌐sire vivement ├⌐tudier, mais il trouve ses copains de l'├⌐cole d├⌐sagr├⌐ables et violents. C'est bien dommage, car il aime vraiment beaucoup les livres et il a appris par lui-m├¬me tout ce qu'il sait. Je peux m├¬me dire qu'il a plus appris ├á la maison que dans cette ├⌐cole qui, malgr├⌐ tout, se trouve ├á plusieurs milles de chez nous et qui, par mauvais temps, est inaccessible.
  4.  
  5.      La famille ├⌐tait pour les paysans la principale institution, car les premiers colons n'avaient tout simplement pas eu le temps ni les moyens de perp├⌐tuer les institutions communautaires qu'ils avaient autrefois connues. Dans le canton d'Eaton, les pionniers form├¿rent une loge ma├ºonnique, mais ils durent l'abandonner en 1820. Elle n'a pu ├¬tre reconstitu├⌐e qu'en 1879. Au cours des ann├⌐es 1790, le canton de Newport institua son propre conseil municipal, sur le mod├¿le du syst├¿me utilis├⌐ en Nouvelle-Angleterre, mais il cessa d'exister vers 1812. L'administration locale ne reprit forme que dans le courant des ann├⌐es 1840, lorsque le pouvoir l├⌐gislatif provincial imposa un syst├¿me officiel.  Avant 1826, il n'y avait m├¬me pas de tribunaux dans les Cantons de l'Est, aussi les colons devaient-ils se rendre ├á Trois-Rivi├¿res ou ├á Montr├⌐al pour r├⌐gler leurs probl├¿mes juridiques. Leurs relations avec le pouvoir officiel se faisaient essentiellement par l'interm├⌐diaire du ┬½chef┬╗ de canton, qui ├⌐tait charg├⌐ de l'arpentage, du tra├ºage des routes, de l'enregistrement des titres de propri├⌐t├⌐ et de l'ensemble des n├⌐gociations ├á traiter avec l'administration gouvernementale qui ├⌐tait tr├¿s peu sympathique.
  6.  
  7.      L'auto-suffisance qui caract├⌐risait les familles pionni├¿res leur permit de mettre sur pied des institutions non officielles correspondant ├á leurs besoins. Les corv├⌐es pour la coupe du bois et la construction de maisons, en plus d'├¬tre une bonne fa├ºon de s'aider mutuellement, constituaient d'excellentes occasions de rencontres sociales. Lebourveau, historien de la r├⌐gion, ├⌐crit ├á ce sujet:
  8.  
  9.      Lorsqu'un homme d├⌐sirait construire une maison ou une grange, il lui suffisait de fixer le  jour, d'avertir ses voisins, de pr├⌐voir un gallon de whisky et tout le monde ├⌐tait au rendez-vous au point du jour. Avant la nuit, le b├ótiment ├⌐tait sur pied, le toit et les pignons tapiss├⌐s d'├⌐corce d'├⌐pinette. Les jeunes attendaient ce jour avec autant d'impatience que nos enfants d'aujourd'hui guettent la venue d'un cirque ou d'une foire. Celui qui avait des billots ├á faire transporter apr├¿s un abattage au printemps, mais qui ne disposait pas d'une paire de chevaux, et qui ├⌐tait de plus press├⌐ par le temps, n'avait qu'├á prendre les m├¬mes dispositions que pour la construction de la maison. On pouvait obtenir les m├¬mes r├⌐sultats en recourant aux services de ceux qui poss├⌐daient des chevaux.
  10.  
  11.      Les premiers colons am├⌐ricains accordaient suffisamment d'importance ├á l'├⌐ducation pour ouvrir leurs propres ├⌐coles sans l'aide du gouvernement. En fait, la population du canton de Compton se r├⌐v├⌐la ├¬tre en 1838 l'une des plus alphab├⌐tis├⌐e de la Province, ce qui ne signifiait pas grand-chose si l'on consid├¿re l'├⌐tat lamentable du syst├¿me scolaire en vigueur dans les seigneuries. Parce qu'en pratique elle n'├⌐tait pas aussi indispensable, les pionniers rel├⌐guaient la religion organis├⌐e aux derniers rangs de leurs priorit├⌐s. La majorit├⌐ d'entre eux avaient ├⌐t├⌐ congr├⌐gationalistes en Nouvelle-Angleterre, mais pendant de nombreuses ann├⌐es les missionnaires de l'├ëglise anglicane, subventionn├⌐s par l'├ëtat, et les pr├⌐dicateurs itin├⌐rants de l'├ëglise m├⌐thodiste ont ├⌐t├⌐ leurs seuls liens avec la religion. Le premier pasteur permanent d'Eaton arriva en 1815. Il desservait tous les groupes religieux dans le canton, faisait l'├⌐cole, et il ├⌐prouvait malgr├⌐ tout certaines difficult├⌐s ├á recueillir les ┬ú50 (250 $) annuelles qui lui avaient ├⌐t├⌐ promises.
  12.  
  13.      En raison des migrations fr├⌐quentes qui se faisaient dans un sens comme dans l'autre de la fronti├¿re, il y eut pendant longtemps bien peu de diff├⌐rences sur le plan culturel entre les premiers cantons et la Nouvelle-Angleterre. M├¬me les manuels scolaires ├⌐taient am├⌐ricains jusque dans les ann├⌐es 1840. Dans le comt├⌐ de Compton toutefois, les colons britanniques avaient tendance ├á se d├⌐placer vers les cantons les plus ├⌐loign├⌐s appartenant ├á la British American Land Company, aussi ont-ils pu maintenir pendant de nombreuses ann├⌐es une identit├⌐ culturelle distincte. Les ├ëcossais des Highlands, gr├óce ├á une solide tradition orale, conserv├¿rent leur langue ga├⌐lique dans la vie de tous les jours jusqu'├á la troisi├¿me g├⌐n├⌐ration. Fid├¿les presbyt├⌐riens de l'├ëglise libre (Free Kirk), ils se mariaient rarement avec leurs voisins catholiques, les Canadiens fran├ºais. La disparition de l'identit├⌐ ├⌐cossaise au sein de Compton fut plut├┤t le r├⌐sultat de l'├⌐migration vers d'autres provinces que de l'assimilation par les Canadiens anglais. 
  14.  
  15.      Comme nous l'avons d├⌐j├á soulign├⌐, l'├ëglise catholique romaine a particip├⌐ activement ├á la colonisation franco-canadienne du comt├⌐ de Compton. La paroisse, en tant qu'institution, a donc conserv├⌐ la structure qu'elle poss├⌐dait d├⌐j├á dans les seigneuries du St-Laurent. M├¬me si les d├«mes ne pouvaient l├⌐galement ├¬tre impos├⌐es que sur la r├⌐colte des grains, les Canadiens fran├ºais versaient ├á leurs cur├⌐s une contribution suppl├⌐mentaire ├á m├¬me leur production de pommes de terre et de foin. La principale cause de discorde ├⌐tait le choix du site pour la construction de la premi├¿re ├⌐glise et les rivalit├⌐s ├⌐clataient souvent quand les paroisses m├¿res ├⌐taient divis├⌐es en plus petites. Une fois ce probl├¿me r├⌐gl├⌐, le cur├⌐ devait rarement faire face ├á de graves agitations sociales bien qu'il se plaignit souvent du go├╗t trop prononc├⌐ pour la boisson et la danse que manifestaient ses ouailles.
  16.  
  17. Conclusion 
  18.  
  19.      On consid├¿re en g├⌐n├⌐ral que la colonisation au Canada est caract├⌐ris├⌐e essentiellement par une progression soutenue d'est en ouest au cours du XIXe si├¿cle. D'un point de vue global, c'est effectivement ce qui s'est produit, mais il ne faut pas oublier les milliers de colons qui s'arr├¬t├¿rent dans des endroits perdus de l'Est tandis que la plus grande partie des gens se dirigeaient vers l'Ouest. Commenc├⌐e d├¿s le XVIIIe si├¿cle, la colonisation du comt├⌐ de Compton devait se poursuivre jusque dans le courant du XXe si├¿cle. La l├⌐gende populaire de la famille solitaire se frayant un chemin au sein de la nature sauvage et d├⌐frichant la terre pour y planter sa maison ne s'applique pas au comt├⌐ de Compton. En effet, pour attirer les colons dans ce comt├⌐ d├⌐favoris├⌐ aussi bien par sa situation g├⌐ographique que par la qualit├⌐ de son sol, il fallait rendre l'entreprise attrayante. Les ┬½chefs┬╗ de cantons devaient mettre en place l'infrastructure socio-├⌐conomique de base pour les premiers colons originaires de Nouvelle-Angleterre. Cette t├óche incombait ├á la British American Land Company dans le cas des ├ëcossais des Highlands, ├á l'├ëglise et au gouvernement pour les Canadiens fran├ºais. Les Am├⌐ricains s'├⌐tablirent dans les cantons les plus fertiles et les mieux situ├⌐s, toutefois ils eurent ├á construire de longues routes pour rem├⌐dier ├á l'absence d'un bon syst├¿me de transport par voie d'eau. Pr├¿s d'un demi-si├¿cle plus tard, les ├ëcossais ont ├⌐t├⌐ entra├«n├⌐s dans une r├⌐gion montagneuse et rocheuse dont on leur avait vant├⌐ les ├⌐tablissements, les moulins et les routes d├⌐j├á construites, tandis que les Canadiens fran├ºais s'├⌐taient vu offrir des terres gratuites ou bon march├⌐ et garantir le maintien de leur mode de vie paroissial. 
  20.  
  21.      En fait, quelles que fussent leurs origines culturelles, les raisons qui les ont amen├⌐es en ce pays et l'├⌐poque de leur venue, toutes les familles, sans exception, ont eu ├á s'atteler ├á la m├¬me t├óche fondamentale: se b├ótir une maison en d├⌐frichant ├á l'aide d'instruments rudimentaires et improvis├⌐s. Les derniers colons pouvaient vendre du bois et ├⌐lever du b├⌐tail au lieu de fabriquer de la potasse et de l'eau-de-vie de pommes de terre mais au d├⌐but, les constructions, les r├⌐coltes, le b├⌐tail et les t├óches quotidiennes ├⌐taient sensiblement les m├¬mes que ceux des pionniers am├⌐ricains. Cette ressemblance ne signifie pas qu'ils avaient perdu leurs traditions; en r├⌐alit├⌐, leur isolement pr├⌐servait plut├┤t leur identit├⌐ culturelle. Chaque groupe poss├⌐dait ses institutions religieuses, ses ├⌐coles et ses conseils municipaux. Par ailleurs, des groupes diff├⌐rents ont v├⌐cu une ├⌐volution ├⌐conomique diff├⌐rente. Les ├ëcossais et les Canadiens fran├ºais ne pouvaient absolument pas esp├⌐rer pouvoir atteindre le niveau de prosp├⌐rit├⌐ dont jouissaient les Canadiens anglais dans les vieux cantons car la sp├⌐cialisation engendr├⌐e par les progr├¿s technologiques ne pouvait qu'amoindrir la rentabilit├⌐ de leurs terres montagneuses et rocheuses. Cet aspect a eu des r├⌐percussions importantes sur la composition ethnique de la r├⌐gion. Les ├ëcossais ont choisi en fin de compte d'abandonner le comt├⌐ de Compton, tandis que les Canadiens fran├ºais y sont rest├⌐s en augmentant les revenus de la ferme par des travaux saisonniers dans les bois.
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