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Text File  |  1996-08-11  |  18KB  |  58 lines

  1. LA PAUVRET├ë ├Ç MONTR├ëAL (1897-1929)
  2.  
  3. Terry Copp 
  4.  
  5.      La majorit├⌐ des historiens canadiens consid├¿rent que les trente premi├¿res ann├⌐es du XXe si├¿cle furent une ├¿re de prosp├⌐rit├⌐ nationale. ├Ç en croire les indices habituels, que sont la croissance de la population, l'augmentation du produit national brut et autres dimensions du d├⌐veloppement national, le Canada ├⌐tait alors en pleine p├⌐riode de prosp├⌐rit├⌐. Cependant, de telles statistiques ne permettent pas d'identifier les disparit├⌐s r├⌐gionales de la croissance et ne peuvent pr├⌐senter une analyse des effets de l'expansion ├⌐conomique sur les classes ou groupes divers de la soci├⌐t├⌐ canadienne.
  6.  
  7.      Entre 1897 et 1929, Montr├⌐al connaissait une croissance rapide. Au cours de la premi├¿re d├⌐cennie, la population de la r├⌐gion m├⌐tropolitaine augmenta de 54%; de 31% au cours des dix ann├⌐es suivantes et de 38% au cours des ann├⌐es 20. Montr├⌐al qui ├⌐tait alors une petite ville de 250 000 habitants devint rapidement une m├⌐tropole avec une population de pr├¿s d'un million d'├ómes. Paysans du Qu├⌐bec et immigrants europ├⌐ens afflu├¿rent ├á Montr├⌐al et y trouv├¿rent facilement des emplois tant journaliers que sp├⌐cialis├⌐s. L'├⌐nergie hydro-├⌐lectrique permit ├á la ville de se doter de tout un syst├¿me d'usines; sa situation g├⌐ographique en faisait un site id├⌐al pour l'├⌐tablissement d'industries secondaires. Montr├⌐al, ├á cette ├⌐poque, logeait d├⌐j├á le premier port et le plus grand centre ferroviaire du Canada, et maintint cette supr├⌐matie pendant toute la p├⌐riode.
  8.  
  9.      L'observateur ├⌐tait vite convaincu de l'opulence de la ville. Les banlieues hupp├⌐es ├⌐taient ├⌐tablies sur les flancs du mont Royal, des demeures somptueuses s'accrochaient au sommet. Le centre de la ville se transformait rapidement par la construction d'immenses immeubles ├á bureaux; on y trouve le si├¿ge social de la Sun Life Assurance Company, immeuble alors le plus ├⌐lev├⌐ du Commonwealth.
  10.  
  11.      La vue de Montr├⌐al ├á partir du poste d'observation du mont Royal ├⌐tait tout ├á fait impressionnante. La beaut├⌐ de cette ville pleine de verdure et riche en si beaux immeubles publics semblait vouloir nier l'existence de la mis├¿re et la laideur des vieux quartiers ouvriers ainsi que l'absence d'espaces verts et de logements acceptables dans les quartiers de travailleurs plus r├⌐cents.
  12.  
  13.      Pour la majorit├⌐ des Montr├⌐alais, les ann├⌐es du "boom" ├⌐conomique qui ont pr├⌐c├⌐d├⌐ la grande crise des ann├⌐es 1930 se r├⌐v├⌐l├¿rent des ann├⌐es d'aust├⌐rit├⌐ et d'ins├⌐curit├⌐. La classe ouvri├¿re profita peu de l'expansion ├⌐conomique; par contre, elle dut assumer la plus grande part du fardeau de cette croissance rapide non planifi├⌐e. Les gouvernements municipal, provincial et f├⌐d├⌐ral n'avaient ni les moyens financiers ni d'ailleurs le d├⌐sir d'intervenir dans une ├⌐conomie de libre march├⌐, o├╣ l'allocation des ressources d├⌐pend des pouvoirs ├⌐conomique et politique. Les riches supportaient g├⌐n├⌐reusement les nombreux organismes de charit├⌐ que l'on retrouvait ├á Montr├⌐al, mais la conscience sociale de ces philanthropes continuait d'ignorer les conditions lamentables dans lesquelles leurs ouvriers devaient vivre.
  14.  
  15.      Les employeurs se montraient hostiles ├á toute forme de syndicalisation et seuls les ouvriers les plus qualifi├⌐s pouvaient jouir de leur droit ├á s'organiser en syndicat. N├⌐anmoins, les ouvriers de Montr├⌐al se montr├¿rent d├⌐termin├⌐s ├á s'organiser et pour ce faire eurent souvent recours ├á la gr├¿ve. Par exemple, en 1903, on assista ├á vingt-trois gr├¿ves impliquant plus de 7 000 travailleurs. L'affrontement le plus dramatique mit en cause 1 200 employ├⌐s des tramways et n├⌐cessita l'intervention de la milice afin de contrer la violence. En 1919, lors de la gr├¿ve g├⌐n├⌐rale de Winnipeg, plus de 30 000 ouvriers montr├⌐alais se trouv├¿rent impliqu├⌐s dans des conflits de travail. La plupart de ces gr├¿ves ├⌐chou├¿rent car Montr├⌐al comptait alors beaucoup de travailleurs disponibles auxquels on faisait appel pour remplacer les hommes et femmes en gr├¿ve.
  16.  
  17.      On peut illustrer de bien des fa├ºons le contraste existant entre la vie des nantis et celle des moins fortun├⌐s. Les images qui sont jointes ├á cette ├⌐tude nous permettent d'entrevoir deux modes de vie bien diff├⌐rents existant ├á Montr├⌐al. L'utilisation de donn├⌐es statistiques permettent par ailleurs de pouvoir attester de l'ampleur de la pauvret├⌐. La description des conditions de vie ├á Montr├⌐al pr├⌐sent├⌐e ci-apr├¿s permet de mieux comprendre une ├⌐poque o├╣ l'indigence ├⌐tait la situation que partageait la grande partie des habitants.
  18.  
  19.      Il n'est pas facile de d├⌐finir en quoi consiste le concept de pauvret├⌐ absolue. Robert Hunter, auteur de l'un des premiers rapports sur la situation de la pauvret├⌐ aux ├ëtats-Unis, consid├¿re que seuls les plus mis├⌐rables d'entre les pauvres peuvent ├¬tre qualifi├⌐s d'indigents et les vrais pauvres d'une communaut├⌐ sont ceux qui "ont trop peu du strict n├⌐cessaire pour pouvoir subvenir ├á leurs besoins...cette grande classe qui, dans toute soci├⌐t├⌐ industrielle, c├┤toie la mis├¿re". Jacob Hollender, autre auteur du d├⌐but du XXe si├¿cle, d├⌐crit le pauvre comme "celui qui se trouve constamment en danger de tr├⌐bucher et tomber ├á jamais dans la mis├¿re noire".
  20.  
  21.      Ces deux descriptions de la pauvret├⌐ mettent en relief principalement le sentiment d'ins├⌐curit├⌐ pouvant exister chez le pauvre. Pour ce dernier, il a constamment peur que la famille ne gagne pas assez d'argent pour pouvoir subvenir au strict minimum, il a la certitude que ses derniers jours seront des plus malheureux et il r├⌐alise tr├¿s clairement qu'il doit faire appel ├á la charit├⌐ pour pouvoir obtenir les soins m├⌐dicaux n├⌐cessaires. Seuls le po├¿te ou le romancier peuvent le mieux d├⌐crire la vraie nature du probl├¿me de la pauvret├⌐. Gabrielle Roy dans Bonheur d'occasion d├⌐peint la vie ├á Montr├⌐al au cours des ann├⌐es 1930. La souffrance qu'elle d├⌐crit dans son roman, existait ├á Montr├⌐al bien avant la p├⌐riode de la grande crise, alors que des dizaines de milliers de gens ├⌐taient litt├⌐ralement plong├⌐s dans la pauvret├⌐ la plus absolue.
  22.  
  23.      L'├⌐conomiste et l'historien doivent s'efforcer de trouver une d├⌐finition du concept de pauvret├⌐ absolue, nonobstant le fait qu'il est difficile de quantifier statistiquement ce que veut dire une telle r├⌐alit├⌐ en termes de co├╗ts psychologiques par exemple. Aujourd'hui, Statistique Canada consid├¿re que toute famille ou particulier d├⌐pensant plus de 70 p. cent de son revenu global pour l'alimentation, le v├¬tement et le logement, se classe ainsi dans la cat├⌐gorie des gens ├á faible revenu et est probablement pauvre. En utilisant ce standard, on peut dire que plus de 75 p. cent des salari├⌐s du d├⌐but du si├¿cle se classaient dans la cat├⌐gorie des pauvres. Si on ajoutait ├á ceci les co├╗ts additionnels r├⌐sultant de l'absence d'assurance-hospitalisation, d'assurance-sant├⌐ et autres formes d'allocations familiales, il y aurait s├╗rement un plus grand nombre de personnes dans cette cat├⌐gorie.
  24.  
  25.      On peut avoir une id├⌐e approximative du taux de pauvret├⌐ ├á l'├⌐poque, si on dresse un parall├¿le entre le montant qu'il aurait fallu pour un budget ├⌐l├⌐mentaire o├╣ les besoins primaires (nourriture, v├¬tement et logement) repr├⌐senteraient 60 ├á 80 p. cent des d├⌐penses, et le salaire hebdomadaire d'un travailleur adulte de sexe masculin.
  26.  
  27.   Revenu n├⌐cessaire           Revenu d'un
  28.   pour un niveau de             travailleur de
  29.   vie minimum                    sexe masculin
  30.  
  31. 1901        $13.38                  $ 8.00 (1897)
  32. 1911        $18.68                  $10.55
  33. 1921        $30.70                  $21.00
  34. 1929        $31.58                  $24.00
  35.  
  36.      Ces chiffres sont bas├⌐s sur des estimations faites par le minist├¿re du Travail du Canada sur le budget du niveau de vie minimum. Les d├⌐penses types qui figurent ├á ce budget se situent ├á un niveau tr├¿s minimum et ne constituent en aucune fa├ºon une norme g├⌐n├⌐reuse. Il y est question de 1.4 livre de viande fra├«che par personne par semaine, de moins d'une pinte de lait par jour pour une famille de cinq, et il n'y est pas fait mention de fruits ou l├⌐gumes frais. Cette disparit├⌐ entre le niveau de salaire et les d├⌐penses ordinaires a oblig├⌐ bon nombre de familles ├á vivre dans des taudis et souffrir de sous-alimentation et de malnutrition. L'une des principales raisons expliquant l'existence d'un revenu annuel peu ├⌐lev├⌐ chez les travailleurs montr├⌐alais est le ch├┤mage saisonnier aigu qui ├⌐tait par ailleurs deux fois plus ├⌐lev├⌐ ├á Montr├⌐al qu'├á Toronto. De plus, la plupart des emplois n├⌐cessitant des ouvriers non qualifi├⌐s ou semi qualifi├⌐s se retrouvaient ├á Montr├⌐al. Ce sont les Canadiens fran├ºais qui d'habitude occupaient ces emplois. Les ouvriers qualifi├⌐s sont recrut├⌐s en Grande-Bretagne et les postes de commis de bureau exigent la connaissance de l'anglais. Ainsi, la population ouvri├¿re de Montr├⌐al se trouva-telle divis├⌐e en termes de groupe ethnique, les Canadiens fran├ºais se retrouvant au bas de l'├⌐chelle.
  37.  
  38.      La situation des ├⌐conomiquement faibles s'aggrava encore avec l'inflation galopante de la p├⌐riode de la Premi├¿re Guerre mondiale. Selon un fonctionnaire du minist├¿re du Travail du Qu├⌐bec, il fallait un minimum de $60 par mois pour faire vivre une famille de cinq personnes. Mais la majorit├⌐ des ouvriers ne gagnent pas plus de $15 par semaine. En cons├⌐quence, il n'est pas ├⌐tonnant de voir les enfants quitter l'├⌐cole ├á l'├óge de 14 ou 15 ans pour aller travailler. M├¬me si leur salaire ├⌐tait tr├¿s bas, dans bien des cas, il ├⌐tait indispensable pour arrondir le budget familial.
  39.  
  40.      Les donn├⌐es sur les inscriptions scolaires d├⌐montrent que tr├¿s peu d'adolescents de 14 ou 15 ans fr├⌐quentaient l'├⌐cole. En 1916, il n'y a que 560 ├⌐l├¿ves de huiti├¿me ann├⌐e dans toutes les ├⌐coles catholiques romaines publiques de la ville, m├¬me s'il existe une loi interdisant aux enfants de moins de 14 ans de travailler dans les usines. M├¬me si cette loi ├⌐tait s├⌐v├¿rement renforc├⌐e, il ├⌐tait tr├¿s fr├⌐quent pour les filles de demeurer ├á la maison et voir ├á la garde des enfants tandis que la m├¿re ├⌐tait au travail. Le secteur des services et l'industrie du transport ne tombant pas sous le coup de cette loi, les jeunes gar├ºons y trouvaient des emplois comme messagers ou aides. Le probl├¿me du travail des enfants s'accentua lors de la guerre, mais il s'agit l├á d'un ph├⌐nom├¿ne constant et tr├¿s r├⌐pandu ├á la fois avant 1914 et apr├¿s la Premi├¿re Guerre mondiale.
  41.  
  42.      Les femmes ├⌐galement travaillaient pour subvenir aux besoins de la famille, et ce ne sont certainement pas les emplois de dactylographe ou de t├⌐l├⌐phoniste qui lui ont permis de s'"├⌐manciper". En 1901, 20 pour cent de tous les emplois du secteur manufacturier ├⌐taient occup├⌐s par des femmes; ces derni├¿res ├⌐taient pay├⌐es moins de la moiti├⌐ du salaire vers├⌐ aux hommes. On les retrouvait principalement dans l'industrie du textile et du v├¬tement o├╣, par ailleurs, les conditions de travail ├⌐taient les plus lamentables. Une loi fut vot├⌐e plus tard limitant la semaine de travail des femmes et des enfants ├á soixante heures. (La semaine de travail moyenne du salari├⌐ passa de 58 ├á 52 heures pour la p├⌐riode de trente ans faisant l'objet de notre ├⌐tude).
  43.  
  44.      Les conditions de travail exposaient constamment les travailleurs ├á de graves dangers. Il n'est pas rare que surviennent des accidents parfois mortels chez les ouvriers. Les invalides re├ºoivent peu d'aide de la Commission des accidents du travail cr├⌐├⌐e au Qu├⌐bec en 1909, et c'est seulement vers 1930 que l'├ëtat se d├⌐cide de cr├⌐er un fonds d'indemnisation obligatoire. D├¿s 1914, l'Ontario se dotait d'une loi r├⌐gissant les accidents de travail, mais au Qu├⌐bec, ├á cause principalement de l'opposition syst├⌐matique du monde des affaires, une telle loi ne fut vot├⌐e que vingt ans plus tard.
  45.  
  46.      Les conditions de logement ├á Montr├⌐al sont lamentables. Il ├⌐tait pratique courante de voir dans un fond de cour des toilettes ext├⌐rieures ├á l'usage de plusieurs familles. En 1914, il y eut une virulente campagne contre ce genre de toilettes mais n├⌐anmoins, la situation du logement de la classe ouvri├¿re ├á Montr├⌐al se caract├⌐risait par une surpopulation et le manque d'espace libre. Le secr├⌐taire du Conseil provincial de la Sant├⌐ jugeait tr├¿s insalubre la situation du logement ├á Montr├⌐al. Il parle de l'absence de soleil et de lumi├¿re, du manque d'air, de l'humidit├⌐ existante et de la pr├⌐sence dans les maisons de pi├¿ces sombres et tout ├á fait mal a├⌐r├⌐es. Les conditions lamentables de logement, les bas revenus et les longues journ├⌐es de travail entra├«n├¿rent des cons├⌐quences qui se refl├¿tent dans les taux de mortalit├⌐ et de maladie. Vers la fin du XIXe si├¿cle, Montr├⌐al ├⌐tait consid├⌐r├⌐e comme l'une des villes les plus malsaines du monde occidental, et m├¬me quand le taux de mortalit├⌐ commen├ºa ├á baisser r├⌐guli├¿rement, la ville se classait toujours parmi les plus insalubres d'Am├⌐rique du Nord. On peut dire qu'un rapport tr├¿s ├⌐troit existait entre la pauvret├⌐ et la maladie: le taux de mortalit├⌐ dans les quartiers ouvriers surpeupl├⌐s ├⌐tait deux fois plus ├⌐lev├⌐ que celui des secteurs plus fortun├⌐s de la ville.
  47.  
  48.      La mortalit├⌐ infantile constitue le grand probl├¿me de sant├⌐ de la ville. De 1897 ├á 1911, un nouveau-n├⌐ sur trois meurt avant d'atteindre l'├óge de douze mois et jusqu'en 1926, le taux de mortalit├⌐ infantile se chiffre toujours ├á quatorze pour cent; il est donc presque deux fois plus ├⌐lev├⌐ que celui de la ville de New York ou de Toronto. Les enfants mouraient surtout de gastro-ent├⌐rite, maladie provoqu├⌐e par la consommation de nourriture infect├⌐e. On arriva enfin ├á faire baisser le taux de mortalit├⌐ infantile gr├óce aux d├⌐p├┤ts de lait pur de la Goutte de Lait, et par la pasteurisation progressive des approvisionnements de lait. La mortalit├⌐ chez les enfants est reli├⌐e de pr├¿s au revenu familial. Par exemple, en 1921, le taux de mortalit├⌐ infantile chez les nantis de la ville est de six pour cent alors que des taux de plus de vingt pour cent sont normaux dans les quartiers ouvriers.
  49.  
  50.      La tuberculose occupait le deuxi├¿me rang des probl├¿mes de sant├⌐ publique. De 1909 ├á 1918, le taux de mortalit├⌐ imputable ├á la tuberculose est encore de plus de 200 morts par 100 000 habitants, chiffre qui donnait ├á Montr├⌐al une place ├á part parmi les grandes villes nord-am├⌐ricaines. (Ce taux a baiss├⌐ partout dans le monde ├á la suite de l'├⌐pid├⌐mie d'influenza de 1918, mais il est demeur├⌐ proportionnellement plus ├⌐lev├⌐ ├á Montr├⌐al). Les autorit├⌐s estimaient qu'un Montr├⌐alais sur cent souffrait de tuberculose. La tuberculose s'attaque aux riches aussi bien qu'aux pauvres, mais l'incidence de la maladie est quatre fois plus ├⌐lev├⌐e dans les quartiers ouvriers. La longue campagne contre la tuberculose est surtout men├⌐e par des cliniques priv├⌐es tels les Instituts Royal Edward et Bruch├⌐si. Le travail de ces organismes et de leurs homologues dans d'autres secteurs de la sant├⌐ publique m├⌐rite beaucoup de respect, mais la philanthropie ne peut jamais assurer ├á elle seule des services appropri├⌐s ├á toute la population. Bien apr├¿s la fin des ann├⌐es 20, les gens parlent de "la tuberculose du riche" qu'on peut diagnostiquer et traiter, et de "la tuberculose du pauvre" qui m├¿ne directement ├á la tombe.
  51.  
  52.      Les r├⌐percussions de la pauvret├⌐ sur la sant├⌐ et le bien-├¬tre ont aussi leur importance. Les agents sanitaires des ├⌐coles signalaient de nombreux cas de malnutrition, de maladies de la peau et de probl├¿mes de la vue et de l'ou├»e chez les enfants d'ouvriers. Une ├⌐tude des enfants n├⌐s en 1924 r├⌐v├¿le que les enfants des familles pauvres p├¿sent en moyenne 15 livres et mesurent 3 pouces de moins que ceux de la classe plus ais├⌐e.
  53.  
  54.      Comme nous le savons tous, la pauvret├⌐ subsiste toujours ├á Montr├⌐al et dans d'autres r├⌐gions du Canada. La pauvret├⌐ absolue ├⌐tait peut-├¬tre beaucoup plus r├⌐pandue et beaucoup plus grande il y a cinquante ans, mais il ne faudrait pas oublier qu'en 1973 plus de vingt-cinq pour cent des Canadiens se situent en de├º├á du seuil de la pauvret├⌐. L'Histoire permet tout de m├¬me de placer le probl├¿me et les solutions qu'on a tent├⌐ d'y apporter dans une certaine perspective. Par exemple, il est significatif de noter que les seuls groupes de travailleurs qui ont r├⌐ussi ├á ├⌐chapper ├á la pauvret├⌐ au cours des premi├¿res ann├⌐es du si├¿cle, exception faite du petit nombre qui a su se hisser vers le haut de l'├⌐chelle sociale, sont ceux qui ont pu s'organiser en syndicats. Il semblerait que la syndicalisation massive des ann├⌐es 1940 soit ├á l'origine du seul changement significatif de la distribution du revenu qui se soit produit au cours de ce si├¿cle.
  55.  
  56.      Au cours des trois premi├¿res d├⌐cennies du XXe si├¿cle, les travailleurs de Montr├⌐al -- et de partout ailleurs au Canada -- ne pouvaient s'attendre ├á obtenir une aide quelconque de l'├ëtat. La classe ouvri├¿re fut oblig├⌐e d'assumer le co├╗t de l'industrialisation et de l'urbanisation dans un syst├¿me ├⌐conomique qui consid├¿re la main-d'oeuvre comme une marchandise qu'il faut acheter au plus bas prix possible. Bien qu'il soit juste de dire que toute soci├⌐t├⌐ faisant face ├á une industrialisation rapide adopte un syst├¿me quelconque d'accumulation forc├⌐e du capital, il est important de se rendre compte qu'au Canada, comme dans tout autre pays, l'adoption d'une formule ├⌐conomique de ce genre aboutit ├á condamner la classe ouvri├¿re ├á la pauvret├⌐ et ├á l'ins├⌐curit├⌐.  
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