Les animaux cavernicoles
La biosp�ologie

Par Raymond Tercafs, Docteur en Sciences Zoologiques, Ma�tre de recherches du Fonds National belge de la Recherche scientifique.

Table des mati�res

1. Historique

2. Les esp�ces cavernicoles
2.1.
Les troglox�nes
2.2.
Les troglophiles
2.3.
Les troglobies

3. Les �cosyst�mes souterrains
3.1.
Les milieux terrestres
3.2
Les milieux aquatiques

4. Origine des cavernicoles

5. Conclusions

 

1. Historique

L'existence d'animaux cavernicoles avait �t� remarqu�e bien avant que les biologistes s'int�ressent � ceux-ci. De nombreuses l�gendes �taient li�es � la vie souterraine, dont l'existence de dragons !

On peut dater du XVII�me si�cle la premi�re d�couverte marquante de la biosp�ologie, lorsque Valvasor d�couvrit en 1689, dans une grotte de la Carniole (Yougoslavie), le premier vert�br� cavernicole, le Proteus anguineus, batracien urod�le qui a �t� �tudi� syst�matiquement d�s 1768. En 1842, J. E. De Kay d�crivit l'Amblyopsis spelaea, poisson t�l�ost�en cavernicole des grottes du Kentucky (USA).

L'exploration souterraine devint l'auxiliaire de la r�colte scientifique � partir de 1888, date � laquelle le fran�ais E. A. Martel commence � visiter un nombre important de cavit�s, en France et dans une vingtaine d'autres pays. Son disciple A. Vir� le suit dans cette voie � partir de 1895 et soutient en 1899 une th�se sur la faune aquatique hypog�e.

Mais les v�ritables fondateurs de la biosp�ologie sont toutefois E. Racovitza et R. Jeannel.

Oc�anographe de formation, le Roumain Racovitza capture, en 1905, un insecte exceptionnel (Typhlocirolina moragues dans les grottes du Drach (�le de Majorque)) et entrevoit � ce moment toute la signification que peut prendre la biologie de cavernicoles. Il publie, en 1907, son Essai sur les probl�mes biosp�ologiques, premier ouvrage d'ensemble sur la question et authentique manifeste de la nouvelle science.

En 1920, Jeannel fonda avec Racovitza � Cluj (Roumanie), le premier institut de sp�l�ologie, Racovitza en assumant la direction et Jeannel la sous-direction.

Outre ces deux fondateurs, il y a lieu de citer les chefs de file de la biosp�ologie C. Eigenmann (importante monographie sur le Vert�br�s cavernicoles am�ricains, 1909), A. Vandel (fondateur et directeur du laboratoire souterrain du C.N.R.S. � Moulis recherches essentielles sur le Prot�e (Proteus anguineus), premier trait� d'ensemble sur la biosp�ologie, 1964; travaux d'ensemble sur l'�volution); P.A. Chappuis (directeur adjoint de l'institut de Cluj et sous-directeur en 1948 du laboratoire souterrain du C.N.R.S. : recherches sur les m�canisme du peuplement hypog�) ; L. Fage (travaux fondamentaux sur les Araign�es cavernicoles) ; C. Kosswig (recherches sur la g�n�tique des populations souterraines th�ories d'ensemble sur les ph�nom�nes d'�volution r�gressive).

La nouvelle discipline fut appel�e � l'origine " biosp�l�ologie " par Vir�. Racovitza proposa " biosp�ologie ", plus simple et plus euphonique. Depuis 1887, date � laquelle Vir� fonda le "laboratoire des Catacombes ", sous le Jardin des Plantes � Paris, divers laboratoires souterrains sont apparus dans plusieurs pays (Hongrie, Yougoslavie, Belgique, etc.). De telles installations supposent l'existence d'une grotte laboratoire coupl�e � un laboratoire de surface. Une grotte laboratoire est indispensable, si l'on veut �tudier les animaux cavernicoles dans leur milieu naturel, exigence capitale en raison de la fragilit� des esp�ces et de l'impossibilit� pratique d'acclimater les cavernicoles en milieu �pig�. Quant au laboratoire de surface, il est n�cessaire pour effectuer le travail biologique qui ne peut �tre men� sous terre (coupes histologiques mesures physiologiques, etc.).

 

2. Les esp�ces cavernicoles

Si l'on d�sire dresser un tableau coh�rent des animaux cavernicoles, il y a lieu de le envisager sous l'angle de leur degr� de p�n�tration dans les milieux souterrains. C'est en fonction de ce crit�re que l'examen des diff�rents groupes zoologiques rencontr�s dans ceux-ci prend toute sa signification �cologique et �volutive. Avant la publication du m�moire de Racovitza (1907), plusieurs auteurs avaient tent� d'�tablir les cat�gories majeures de cavernicoles. La seule qui subsiste est celle de Schiner, modifi�e plusieurs fois.

On distingue ainsi

2.1 Les troglox�nes

Consid�r�s � l'origine et par Racovitza lui-m�me comme des animaux " �gar�s "dans le milieu souterrain, les troglox�nes ont fait l'objet d'�tudes de plus en plus syst�matiques qui ont permis de d�finir avec pr�cision leur situation �cologique tr�s particuli�re.

Dans la classification de Pavan (1950), les troglox�nes sont d�finis comme des formes qui peuplent par hasard le milieu souterrain et subissent passivement les conditions qui y r�gnent. Depuis lors, de nombreuses observations ont montr� que les troglox�nes occupaient les grottes " de fa�on temporaire mais syst�matique ".

Des observations pratiqu�es sur l'esp�ce Triphosa dubitata montrent que ce papillon troglox�ne recherche dans les grottes des conditions particuli�res d'humidit� et d'�clairement. La d�couverte de ces optima est r�gl�e par des comportements d'exploration orient�e (taxies), dont le d�clenchement est contr�l� par des biorythmes saisonniers (rythmes circannuels). Il appara�t ainsi que la p�n�tration syst�matique dans les cavernes des deux L�pidopt�res troglox�nes les plus communs (Triphosa dubitata et Scoliopteryx libatrix) s'explique par une " recherche active ".

Ces papillons recherchent un signal optique particulier, constitu� par un ensemble contrast� (zone noire sur fond clair). Dans la nature, une telle disposition indique presque toujours la pr�sence d'une cavit� souterraine (l'entr�e dans la paroi calcaire), si bien qu'en recherchant syst�matiquement une telle image les L�pidopt�res troglox�nes augmentent tr�s fortement leurs chances de parvenir dans un milieu qui va convenir � leur hibernation.

Ce comportement a �t� �tudi� en d�tail en utilisant, notamment, la technique des leurres (R. Tercafs et G. Thin�s, 1972).

D'autres animaux troglox�nes p�n�trent dans les cavernes pour des motifs diff�rents :

Motifs de la p�n�tration dans les cavernes

Epoque

R�gion g�ographique

Exemples

Hibernation Hiver Pays temp�r�s froids Papillons
Chauve-souris
Mollusques
Diapause estivale Et� Pays temp�r�s froids Phryganes
Estivation Et� Pays chauds Batraciens
Dipt�res
Refuge Toute l'ann�e Tous pays Rongeurs
Collecte de nourriture Toute l'ann�e Pays chauds Serpents
Stade larvaire Hiver Pays temp�r�s froids Col�opt�res

En r�sum�, les troglox�nes sont des animaux qui fr�quentent temporairement les grottes en raison d'exigences physiologiques particuli�res li�es aux variations saisonni�res et caract�ris�es par un ralentissement prolong� de l'activit� de l'organisme. Le milieu hypog� est particuli�rement favorable � la survie de l'esp�ce au cours de ces p�riodes, mais il ne constitue nullement un g�te obligatoire, l'animal �tant susceptible de trouver �ventuellement des conditions semblables dans des niches �pig�es. Les troglox�nes ne p�n�trant dans les grottes qu'aux p�riodes leur activit� est r�duite, ils ne s'y reproduisent pas. Ils ne diff�rent en rien des formes �pig�es sous l'angle morphologique.

2.2 Les troglophiles

Les troglophiles peuvent �tre d�finis comme les h�tes "�lectifs" du milieu souterrain en ce sens que, sans pr�senter de modifications morphologiques typiques, ils se r�v�lent particuli�rement aptes � vivre dans le milieu souterrain.

Les troglophiles fournissent les exemples les plus d�monstratifs des ph�nom�nes dits de pr�adaptation. L. Cu�not (1914) a introduit cette notion pour expliquer le peuplement des " places vides " par les esp�ces qui r�ussissent � s'y adapter imm�diatement. Loin d'avoir la moindre r�sonance finaliste, le concept de pr�adaptation traduit simplement le fait qu'une esp�ce animale ne colonise un milieu particulier que si elle poss�de certains caract�res qui en font un candidat �lectif pour celui-ci, les caract�res en cause pouvant ne pr�senter aucune valeur d�terminante de survie dans le milieu ant�rieurement occup�.

Les travaux de Tercafs (1961) sur les Gast�ropodes troglophiles du genre Oxychilus mettent fort bien en �vidence les caract�ristiques essentielles des formes troglophiles : contrairement aux escargots �pig�s qui hibernent � partir du moment o� la temp�rature et le degr� hygrom�trique atteignent une limite inf�rieure pr�cise (5 �C), les Oxychilus cavernicoles manifestent une activit� continue pendant toute l'ann�e. L'�tude des pr�f�rendums de l'esp�ce montre que celle-ci recherche des conditions critiques de temp�rature situ�es entre 5 et 12 �C et d'une humidit� relative de l'ordre de 75 � 100 p. 100 ; en outre, les animaux recherchent l'obscurit� et les endroits o� les mouvements de l'air sont peu marqu�s ; � cet �gard, formes hypog�es et formes �pig�es manifestent des besoins analogues . En outre, la r�partition circadienne de l'activit� est tr�s semblable chez les cavernicoles et chez les �pig�s, mais l'hibernation ne s'observe plus chez les formes cavernicoles.

Enfin, les escargots �pig�s sont d�tritivores, tandis que les cavernicoles sont carnivores. D'autres exemples des exigences pr�adaptatives d�finissant les troglophiles peuvent �tre trouv�s dans d'autres groupes d'animaux.

En r�sum�, les troglophiles sont des formes qui peuplent les milieux souterrains, en raison de conditions �cologiques r�gnant dans ceux-ci, mais dont l'existence n'est nullement exclue dans de nombreuses niches �pig�es. La coexistence de formes �pig�es et de formes cavernicoles au sein d'un m�me genre zoologique atteste que les troglophiles effectuent leur cycle vital entier dans les grottes, en raison d'une pr�adaptation qui est demeur�e facultative pour des organismes identiques.

 

2.3 Les troglobies

Les troglobies sont les occupants permanents et oblig�s du milieu souterrain et ne peuvent vivre que dans celui-ci. On les consid�re, pour cette raison, comme des " prisonniers " du milieu hypog�. Le processus d'inf�odation d�finitive aux conditions de vie souterraine suppose au d�part, comme dans le cas des troglophiles, l'action de la pr�adaptation. N�anmoins, � partir d'un stade de p�n�tration suffisamment pouss�, l'adaptation devient irr�versible en raison de modifications morphologiques, physiologiques et �thologiques.

Les individus r�gress�s subissent passivement les conditions hypog�es en vertu d'un d�ficit g�n�tique des capacit�s de r�gulation. Les form�es qui atteignent ce stade sont des cavernicoles vrais - ou troglobies (Vandel, 1964). Les troglobies comptent un nombre important de formes caract�ristiques parmi les Invert�br�s (Col�opt�res, Crustac�s). Les Vert�br�s comprennent un nombre limit� de troglobies v�ritables, parmi lesquels figurent principalement des Urod�les (Prot�e) et des Poissons.

Les r�gressions typiques des troglobies se manifestent par l'absence ou la r�duction profonde des yeux et des pigments cutan�s, par une diminution du m�tabolisme g�n�ral et un ralentissement consid�rable de la croissance et du d�veloppement. Ajoutons que chez les Invert�br�s cavernicoles le cycle vital diff�re nettement de celui des formes �pig�es appartenant aux m�mes groupes zoologiques.

Ainsi, les Col�opt�res troglobies (Speonomus, par exemple) manifestent une activit� continue : elle n’est pas r�gl�e par un syst�me circadien. Elle est maximale autour de 5 �C. Au-del� de + 25 �C et en de�� de - 5�C, les Insectes sont incapables de survivre. Le taux hygrom�trique optimal se situe � 95 %; une variation positive de 5 p. 100 �tant la plupart du temps l�thale.

Les recherches de S. Deleurance-Gla�on (1953-1961) sur les Col�opt�res Bathyscinae ont en outre montr� que le cycle vital de ces Insectes diff�re profond�ment de celui des formes �pig�es. La ponte, saisonni�re chez ces derni�res, est continue chez les formes cavernicoles. Quant � la vie larvaire, elle ne comporte plus que deux stades au lieu de quatre. Dans le cas d'esp�ces � forte sp�cialisation (Leptodirus, par exemple), le stade adulte appara�t apr�s un seul stade larvaire.

Les travaux de R. Ginet (1960) sur les Crustac�s cavernicoles du genre Niphargus ont �galement mis en �vidence d'importantes diff�rences par rapport aux formes �pig�es du genre Gammarus : impossibilit� de survivre � la lumi�re, r�sistance faible aux variations thermiques brusques, d�veloppement tr�s lent.

En ce qui concerne les Vert�br�s les recherches de Vandel et de J.-P. Durand (1972) sur le Batracien Urod�le Proteus anguineus, troglobie caract�ris� (�lev� syst�matiquement pour la premi�re fois dans la grotte laboratoire de Moulis), ont d�gag� nombre de faits essentiels concernant la biologie de cet animal remarquable . Aveugle et d�pigment�, il n'atteint sa maturit� sexuelle qu'au bout de dix ans. Les Poissons cavernicoles recens�s dans l'�tude d'ensemble de Thin�s (1969) pr�sentent des caract�ristiques comparables, mais le nombre d'esp�ces �tudi�es de fa�on approfondie est faible (Anoptichthys, Caecobarbus, Amblyopsis), le total des formes authentiquement cavernicoles atteignant � peine la trentaine. Chez ces animaux encore, l'oeil et les pigments sont r�gress�s et l'�tude de leur biologie g�n�rale et de leurs comportements met en �vidence des d�ficits sp�cifiques tr�s nets.

 

3. Les �cosyst�mes souterrains

On appelle " �cosyst�me " un milieu biologique limit� par un certain nombre de barri�res physiques et dans lequel vivent des communaut�s animales et v�g�tales. Ces communaut�s ont des relations entre elles et avec le milieu environnant. Le but de l'�cologie est de d�gager ces rapports, de les quantifier et de proposer des th�ories g�n�rales qui expliquent ces peuplements.

Les milieux souterrains constituent un �cosyst�me tr�s favorable pour les �tudes scientifiques, car ils sont bien d�limit�s et ils contiennent peu d'�tres vivants. Il existe diff�rents types de ces milieux , se diff�renciant par la nature des roches, les caract�ristiques physico-chimiques des eaux, et les conditions climatiques.

On distingue ainsi:

3.1 Les milieux terrestres

3.1.1. Les grottes et cavernes karstiques

Les caract�ristiques physiques principales des cavernes en milieu karstique (calcaires) sont : l'absence de lumi�re, une humidit� �lev�e et relativement constante, une temp�rature presque invariable (� partir d'une certaine profondeur). L'obscurit� absolue entra�ne automatiquement l'absence compl�te de v�g�taux verts capables de photosynth�se. En cons�quence, les consommateurs primaires (herbivores stricts) sont absents, et presque toutes les sources de nourriture doivent provenir du milieu �pig�. Certains micro-organismes (Bact�ries) sont cependant capables d'effectuer des synth�ses organiques dans l'obscurit�, mais leur contribution � la balance �nerg�tique de l'�cosyst�me est quantativement faible. Ils peuvent cependant intervenir dans l'alimentation des formes cavernicoles jeunes (Niphargus, par exemple), qui d�vorent l'argile.

3.1.2. Les grottes glaci�res

Il s'agit de grottes karstiques d'altitude, poss�dant une g�om�trie qui permet l'accumulation d'air froid et de neige. La temp�rature est proche de 0�C toute l'ann�e. Une faune tr�s sp�cialis�e s'y d�veloppe.

 

3.1.3. Les grottes du type Movile

Les grottes du type Movile n'ont �t� d�couverte qu'en 1986 lors d'un sondage pour la recherche de p�trole en Roumanie. Il y existe des communaut�s cavernicoles utilisant les sulfures comme sources d'�nergie. L'origine g�ologique de ces grottes exceptionnelles est complexe: au sarmatian, � l'�oc�ne et au cr�tac�, des roches calcaires forment des ph�nom�nes karstiques entre 10 et 200 m. de profondeur. Au d�but du quaternaire, un important d�p�t de loess se d�pose, isolant les grottes de la surface (il y a 3 millions d'ann�es).

En outre, aux environs, des sources sulfureuses chaudes se d�veloppent au bord de la mer (connues depuis le temps des Romains pour ses propri�t�s m�dicales). Elles proviennent d'un aquif�re situ� dans le cr�tac� et le jurassique. Les grottes de Movile se trouvent � la jonction et recoupent donc ces eaux thermo-min�rales.

Ces grottes n'ont jamais �t� en contact avec l'ext�rieur. La flore (bact�ries et champignons) permettent la pr�sence d'esp�ces animales cavernicoles compl�tement isol�es du monde ext�rieur.

 

3.1.4. Le MSS (milieu souterrain superficiel):

Ce milieu est constitu� par les �boulis en terrain calcaire et non calcaire. Si l'on pratique un coupe sch�matique dans un sol, on recontre successivement :

Viient ensuite une structure compacte:

 

Il en existe 2 formes :

En dessous existe le MSP milieu souterrain profond correspond � l'ensemble des fissures de la roche-m�re :

 

3.1.5. Les grottes de lave

Lorsqu'un volcan �ruptif forme une coul�e de lave, le refroidissement superficiel peut former des tubes s'�tendant parfois sur plusieurs km.

Il en existe � Hawa�, au Japon, � Tenerife. Anciennet�: entre 10 et 30.000 ans parfois moins (1949).

 

3.2. Les milieux aquatiques

3.2.1. Les eaux souterraines en milieu calcaire (ruisseaux, rivi�res, lacs)

 L'�coulement tr�s capricieux en fonction des failles, des diaclases; des effondrement de la vo�te. Les eaux descendent jusqu'au niveau imperm�able: la formation d'un lac souterrain est possible. Les eaux ressortent � l'ext�rieur en formant une r�surgence.

 3.2.2. Les nappes phr�atiques

La pluie qui tombe sur la surface de la Terre subit un arr�t partiel par la v�g�tation sous laquelle existe une zone de r�tention : grains de roches, terre. L'eau se fixe par capillarit� : elle est reprise par les racines et l'�vaporation due au soleil.

En dessous existe une zone d'a�ration ou de transition: si l'eau est en quantit� suffisante, elle descend par gravit� et laisse des espaces libres, pouvant �tre combl�s par de l'eau de condensation. Plus bas, l'eau forme une nappe phr�atique ( nappe d'eau libre), limit�e par le terrain imperm�able et toujours en mouvement vers son exutoire.

3.2.3. Le milieu interstitiel

 Il s'agit de l'ensemble des eaux se trouvant dans les s�diments alluvionnaires des cours d'eau.
 

3.2.4. Les grottes sous-marines (y compris les grottes de lave)

Les origines sont diverses:

 

La biomasse totale existant dans les milieux souterrains est g�n�ralement faible. Presque toute l'�nergie disponible provient de deux sources ext�rieures. Un premier apport, tr�s important, est constitu� de d�tritus v�g�taux et d'organismes de petite taille entra�n�s par les eaux souterraines (eaux de percolation et eaux libres). Le second apport provient de l'entr�e r�guli�re d'organismes actifs (troglox�nes) " non consommateurs " qui viennent peupler l'�cosyst�me. L'exemple le plus frappant est celui des chauves-souris qui vont se nourrir au-dehors, mais dont le guano lib�r� dans les grottes est le point de d�part d'une faune inf�od�e consid�rable. D'autres animaux troglox�nes (L�pidopt�res, Col�opt�res, Trichopt�res) sont �galement � la base de cha�nes trophiques particuli�res o� les consommateurs sont constitu�s par des animaux troglophiles et troglobies

Une �tude syst�matique d'un milieu relativement simple comme l'�cosyst�me souterrain permet de mettre en �vidence les relations et les �changes qui existent au sein d'une communaut� et surtout d'appr�cier les m�canismes de r�gulation qui maintiennent le syst�me en �quilibre malgr� les variations importantes des apports �nerg�tiques. On peut ainsi supposer que les capacit�s de r�sistance au je�ne de diverses formes troglobies aquatiques (Poissons, Crustac�s) constituent un �l�ment important de stabilisation des populations. De m�me, les capacit�s tr�s larges des troglophiles de s'adapter � des sources de nourriture diverses constituent aussi un facteur non n�gligeable de r�gulation.

Les �cosyst�mes souterrains apparaissent ainsi comme un champ d'observation et d'exp�riences unique pour les �tudes d'�cologie pouvant amener � des g�n�ralisations � d'autres milieux, notamment en utilisant des simulations sur ordinateur.

 

4. Origine des cavernicoles

Ce sont les r�gressions caract�ristiques des troglobies, en particulier celles qui apparaissent � l'examen superficiel comme l'anophtalmie et la d�pigmentation, qui ont surtout retenu l'attention des biologistes lorsqu'ils ont commenc� � s'int�resser aux cavernicoles. L'existence d'animaux aveugles et incolores dans le milieu souterrain perp�tuellement obscur constituait, � premi�re vue, un argument de poids pour la th�se lamarckienne qui attribue toutes les variations de l'organisme � l'usage et au non-usage. Il �tait en effet logique de supposer, dans cette perspective, que la disparition de l'oeil et des pigments cutan�s r�sultait du non-usage de ces caract�res dans l'obscurit�. Cependant, outre que cette hypoth�se a �t� abandonn�e de longue date parce qu'elle s'appuie sur l'id�e ancienne de l'h�r�dit� de l'acquis, elle ne prend en consid�ration que le cas des troglobies et n�glige enti�rement les troglophiles et les troglox�nes.

C'est la th�orie de la s�lection naturelle qui fournit le premier fondement th�orique n�cessaire � l'explication des ph�nom�nes d'�volution r�gressive. Darwin lui-m�me aborde du reste cette question de fa�on explicite. Sans discuter le probl�me de l'origine m�me des cavernicoles, il estime qu' un organe form� par l'action de la s�lection naturelle peut d�g�n�rer si celle-ci ne le contr�le plus. Cela signifie qu'un organe qui n'est plus essentiel pour la survie de l'animal, en raison d'une diminution de la comp�tition, peut varier et finalement tendre � dispara�tre. Darwin cite � l'appui de cette th�se le cas des rats cavernicoles du genre Neotoma et celui, plus caract�ristique, du Poisson troglobie Amblyopsis spelaea. Il faut toutefois noter que Darwin estime que l'absence d'usage de l'oeil, au sens lamarckien, est � l'origine de la d�croissance du contr�le s�lectif.

Depuis l'Origine des esp�ces, diverses th�ories ont vu le jour. Elles ont toutes �t� partiellement inspir�es par la th�orie de la s�lection naturelle et par le concept de pr�adaptation (Cu�not) tel qu'il a �t� d�fini plus haut � propos des troglophiles. C'est toutefois � partir des progr�s r�alis�s dans l'�tude de la g�n�tique des populations que les m�canismes du peuplement souterrain et de l'inf�odation irr�versible des troglobies ont �t� clarifi�s.

C. Hubbs (1938) et C. Kosswig (1963-1965), en particulier, ont contribu� par leurs travaux � pr�ciser les id�es en ce domaine. Insistant sur les effets de la pl�iotropie (action diversifi�e d'un m�me groupe de g�nes), Kosswig insiste sur l'importance de la comp�tition. Kosswig a �galement proc�d� � de nombreuses exp�riences d'hybridation entre individus cavernicoles et individus appartenant � la forme ancestrale �pig�e (les Poissons Anoptichthys et Astyanax, ce dernier �tant l'anc�tre).

Il a pu mettre en �vidence de cette mani�re l'extr�me variabilit� de l'oeil et des pigments traduisant, � son avis, une instabilit� critique susceptible d'orienter les formes cavernicoles vers la troglobiose irr�versible. L'accumulation de g�nes mut�s � valeur s�lective neutre exercerait une action unilat�rale dans cette direction en raison de la diminution de la s�lection. Les cavernicoles tendraient de cette fa�on � produire des populations d'homozygotes d�g�n�r�s. Ces vues rejoignent particuli�rement celles de Hoebus, permettent de d�finir les cavernicoles comme des formes r�sultant de l'action combin�e d'une pression mutatoire (variable selon le genre et entrant en principe dans le cadre de la pr�adaptation) et de la pression s�lective (faible ou -m�me nulle dans les milieux souterrains).

D'autres th�ories ont insist� sur l'importance de la diminution du taux m�tabolique observ�e chez de nombreux cavernicoles tant troglophiles que troglobies. L. Fage (1931) a pu montrer que les Araign�es cavernicoles pr�sentaient un abaissement caract�ristique du taux m�tabolique. La formation des pigments, processus d'oxydation sp�cifique, sera donc atteinte au premier chef chez les organismes peuplant les milieux souterrains. Dans le cas particulier des Araign�es, la diminution de la m�lanine (pigment noir) oculaire pourrait, de cette fa�on, �tre consid�r�e comme la cause la plus probable de la c�cit� constitutionnelle de ces animaux. Dans un m�me ordre d'id�e, M. J. Heuts (1951) estime que la diminution des capacit�s de r�gulation constitue le trait essentiel des animaux cavernicoles.

Ceux-ci ont �t� regroup�s sous le concept d'�volution r�gressive. Cette expression se justifie avant tout par le fait que les troglobies subissent des d�ficits organiques phyl�tiquement d�termin�s et permettant de les d�finir comme des formes autonomes par rapport � leurs anc�tres �pig�s. C'est la raison pour laquelle les syst�maticiens ont classiquement d�crit les formes cavernicoles comme des esp�ces distinctes des formes ancestrales.

Il y a lieu de remarquer que ni les troglox�nes ni les troglophiles ne subissent de r�gressions au sens qui vient d'�tre indiqu�. Le probl�me du passage graduel de l'�tat troglophile � l'�tat troglobie est loin d '�tre tranch�. Les �tudes g�n�tiques de Kosswig (1965), de m�me que la distinction capitale de Vandel (1964) entre cavernicoles anciens et cavernicoles r�cents fournissent toutefois une contribution importante � la solution de ce probl�me.

 

5. Conclusions

Les milieux souterrains et les �tres vivants qui les peuplent constituent un monde exceptionnel aussi diff�rent des biotopes de montagnes, de for�ts ou de des mers. La diversit� des formes animales et v�g�tales, contraintes de se d�velopper dans l'obscurit� totale rend compte de la puissance expansive de la Nature. La d�couverte r�cente des grottes de Movile o� la source �nerg�tique n'est pas le soleil mais des eaux sulfur�es chaudes montrent qu'il existe encore bien des myst�res dans les profondeurs de la Terre.

 

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Mise � jour : 25 janvier 1997


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