Une "allée couverte" mégalithique

(construction expérimentale)

Par Bertrand POISSONNIER et Fernand COLLIN

 

OBJECTIFS

Tester réellement les possibilités préhistoriques dans le domaine de la construction mégalithique. Cette expérimentation, réalisée avec un parti pris minimaliste dans le domaine de la mise en oeuvre des moyens et des techniques, a constitué également une animation didactique permettant la construction et la présentation de façon durable d'un allée couverte en un lieu adéquat.

REALISATION

L'opération s'est déroulée les 16 et 17 juillet et les 10 et 11 septembre 1994 au Préhistosite de Ramioul, en Belgique.
L'opération a consisté en la reconstruction d'une "allée couverte" mégalithique s'inspirant des exemples belges (dolmen de Wéris), incluant le transport manuel de certains blocs ainsi que leur assemblage au sein d'un tumulus en terre et mottes de gazon.

DEROULEMENT

1. LE TRANSPORT DES ORTHOSTATES

1.1 Objectif

Une fois le lieu de la construction retenu et le plan arrêté, les futurs orthostates ont dû être acheminés jusqu'à leur emplacement définitif.
En fait, pour des raisons pratiques, seuls les blocs A et B furent transportés manuellement sur une centaine de mètres, les autres piliers ayant été placés à l'aide d'un engin (figure 1).

1.2 L'opération et les techniques utilisées

Les pierres A, puis B, ont été choisies pour être transportées;
On adopta l'option traction avec des cordes, et pour éviter qu'elles ne s'abîment, on plaça des sacs en toile aux angles des blocs.
Elles ont été préparées à l'aide d'un percuteur en pierre pour supprimer les petites aspérités de la roche, susceptibles de détériorer les cordages, mais aussi quand cela sembla nécessaire, pour aménager une encoche sommaire au niveau des angles.
La partie inférieure des dalles étant assez régulière, on décida donc de ne pas utiliser de traîneau sous les blocs, mais de les tracter directement sur des rondins de bois transversaux, qui rouleront sans rails sur le sol régulier (gravier, bitume puis gazon) mais en légère montée, avec virage en chicane et même des marches.
On entoura la pierre avec la corde de traction qui serrera le bloc à l'aide d'un simple noeud coulant garni d'un petit bâton de bois dur (cornouiller) destiné à permettre le déblocage aisé du noeud à l'issue de la traction.
Les blocs furent soulevés à l'aide d'un ou deux leviers en bois, avec des cales provisoires en bois ou en pierre s'il y avait lieu, puis des rondins furent glissés dessous, transversalement au sens de la traction.
Celle-ci entraîna les blocs qui parcoururent à chaque fois jusqu'à 6 mètres, la remise dans l'axe de traction d'un bloc récalcitrant s'opéra au levier que l'on soulevait, tandis que les changements de direction étaient anticipés par la dépose, en avant de la pierre, des rondins qui dessinaient les rayons d'un arc de cercle : la pierre pivoterait d'elle-même de façon centripète, en roulant dessus. Bien évidemment, les rondins dépassés par la pierre étaient remis en avant de celle-ci, ce qui permit de travailler avec un nombre limité de pièces de bois; en l'occurrence, nous avons fonctionné au mieux avec 7 rondins de même calibre.
L'approche ultime de la fosse d'implantation s'est opérée de façon délicate, la configuration des lieux ne permettant pas d'approcher la dalle au plus près. Les derniers mètres se faisant sur un terrain quelque peu accidenté, deux hypothèses furent alors émises :
  1. Faire avancer en crabe, aux leviers, sans rondins : ce fut jugé trop long;
  2. Aménager le terrain par la pose de rails et de rondins : solution adoptée.

Les rails furent constitués de 4 «billes» de chemin de fer déposée dans l'axe de la progression. La corde fut provisoirement enlevée. La pierre, qui était sur des rondins de 17 cm de diamètre, fut soulevée et passa sur des rondins de 25 cm pour franchir un obstacle (marche) puis sur des rondins de 11,5 cm de diamètre sur les rails.

Pour la mise en place de la pierre, elle fut tirée par cinq adultes pendant que cinq autres poussaient. La dalle fut stoppée à 50 cm de l'extrémité des rails.
L'opération se déroula sans surprise, en sachant qu'il fallait rôder une équipe d'humains «de trait» qui dans l'enthousiasme oubliaient de s'arrêter de tirer... ce qui pouvait déstabiliser le bloc et nécessiter une remise à l'horizontale à l'aide des leviers, parfois maniés en bélier.



Figure 1 : Plan et élévations de l'allée couverte expérimentale. La trame en tireté représente le tumulus en partie construit, les pointillés son volume projeté; il n'a pas été représenté sur les autres vues par souci de lisibilité. (relevé P. Ruzinowski, dessin J-N Hemmert)

1.3 Données techniques

Les pierres, brutes de carrière, sont en calcaire métamorphisé (d=2,7?). Les dimensions de la pierre A sont de 1,70 x 1,50 x 0,45 m soit une masse d'environ 3 tonnes, et pour B de 1,50 x 0,70 x 0,37 m soit une masse d'environ 1 tonne.
La distance de traction fut d'une centaine de mètres.
Le cordage de traction est une corde végétale de 20 mm de diamètre, simple torsion, triple toron, avec une âme et un noeud à son extrémité. Une corde expérimentale de 16 mm de diamètre moyen, formée de quatre brins de deux torons chacun fut confectionnée par Ch. Lepers (CETREP) en filasse de tilleul dans le cadre d'une chaîne opératoire menée de bout en bout avec le souci de coller à la réalité néolithique; employée à la traction d'un bloc, elle s'avéra parfaitement résistante et efficace (Ch. Lepers, sous presse).
Les rondins sont en pin, des cylindres réguliers d'un diamètre compris entre 16 et 20 cm, ainsi que quelques grosses bûches écorcées d'un diamètre variant entre 25 et 30 cm pour l'acheminement principal, et quelques rondins de 11,5 et 25 cm pour l'approche ultime.
Les leviers sont en pin, un de 4 m de long et 7,5 cm de diamètre et l'autre de 3 m de long pour un diamètre de 10 cm.
Les rails sont 4 traverses («billes») de chemin de fer.
Le nombre de tireurs minimum :
  • Pierre A : 10 femmes + 20 enfants sur le gravier; 20 enfants + 4 adultes (uniquement pour pousser au démarrage) sur le bitume.
  • Pierre B : 16 enfants + 5 adultes sur le gravier; 14 enfants sur le bitume (aidés de 2 adultes pour franchir la marche).
Le temps passé: 50 mn avec la pierre A (préparation et traction); 1 h avec la pierre B (dont 35 mn de préparation) pour l'acheminement principal et 40 mn pour son approche ultime, le tout avec de fréquents arrêts, pauses et discussions...

 

2. L'ERECTION DES ORTHOSTATES

2.1 Objectif

Positionner les orthostates destinés à limiter l'espace théoriquement funéraire et supporter la dalle de couverture.

2.2 L'opération et les techniques utilisées

En fait, seul l’orthostate B a été érigé manuellement, les autres l'ayant été de façon mécanique.

Le creusement de la fosse de calage fut effectué à l'engin. Elle fut rectifiée et adaptée à la morphologie de la base de l'orthostate à l'aide d'une pioche en bois de cerf (un bois de mue dont on n'a conservé que le merrain et l'andouiller basilaire); le calage fut assuré par des pierres de module peu adéquat (petites et cubiques) avec une pièce de bois en complément.
Le problème du dépôt d'un marqueur typique de la fin du XXème siècle et peu altérable se posa, comme à chaque fois que l'on réalise un mégalithe expérimental, dont on ignore totalement le devenir, mais dont on connaît bien la formidable longévité potentielle, susceptible d'induire en erreur le diagnostic de nos successeurs archéologues... Aussi avons-nous adopté ici le rituel institué par le CAIRN (Centre Archéologique d'Initiation et de Recherche sur le Néolithique) qui consiste à déposer une bouteille de bière en verre dans les fosses d'implantation, après l'avoir bien sûr vidée pour l'occasion (il faut savoir faire des sacrifices ... ).
La conformation des lieux, avec en particulier la présence d'une palissade parallèle au mégalithe et construite à deux mètres de celui-ci, du côté opposé à l'orthostate en question, nous a conforté dans notre choix d'utiliser une chèvre, simple triangle de bois, pour dresser notre pierre. Cette technique, si elle n'est pas attestée avec certitude au Néolithique, n'en est pas moins possible, sinon probable : songeons par exemple aux alignements de Camac dont les séries de menhirs souvent plus ou moins pyriformes présentent fréquemment leur «pointe» vers le bas, et donc un centre de gravité très élevé, ce qui nécessite un levage dans l'axe, limitant considérablement les risques de bascule latérale, ce qui est précisément un des principaux avantages de la chèvre, outre une sérieuse économie des forces mises en oeuvre.
On attacha le sommet de l'orthostate avec une corde, à l'aide d'un noeud de chaise.
La pierre fut rapprochée du trou et basculée dedans; elle fut inclinée à 45'
Une deuxième corde fut fixée à l'arrière du bloc.
La chèvre fut posée entre la palissade et l'allée, inclinée vers celle-ci; la corde fut passée à son sommet, franchit la palissade pour être prise en main par les tireurs privés de la vue de l'action, ce qui aura des conséquences...
En effet, lors de la traction, la pierre se leva parfaitement, passa par le stade vertical, et retomba à l'intérieur de l'allée, l'ordre de stopper ayant été exécuté avec retard, et la corde de rappel en arrière de la pierre n'ayant pas suffi à la retenir.

Pour la remettre en place, la chèvre fut placée en arrière de celle-ci. L'absence de recul a conduit à diviser les tireurs en deux groupes de huit tirant chacun à environ 45' par rapport à l'axe de traction : la tentative est un échec.
On choisit de relever quelque peu la dalle au levier. Il fallut la remettre bien dans l'axe et la replacer de façon cohérente par rapport à sa fosse d'implantation. L'érection est de nouveau tentée, mais cette foi-ci sans chèvre, directement en tirant avec une corde : 12 tireurs s'avérèrent insuffisants, il fallut mettre près de 20 personnes pour obtenir le résultat escompté.

2.3 Précision

La chèvre est un triangle isocèle, composé de trois barres de chêne liées à la cordelette, dont les dimensions sont de 2 m de large pour une fourche placée à 3,55 m du sol. La corde utilisée pour les tractions et les tentatives d'érection est une corde végétale de 2 cm de diamètre à simple torsion, triple toron et une âme.

Le temps de cette manipulation quelque peu laborieuse se monta à 1 h.

 

3. LE TUMULUS

3.1 Les objectifs

Construire un tumulus non seulement compatible avec les données archéologiques, mais aussi tout à fait indispensable à la consolidation des orthostates préalable à la pose de la dalle de couverture.

Les interstices observés entre les pierres des mégalithes parvenus jusqu'à nous ont motivé chez certains archéologues une interrogation quant aux moyens de contenir le sédiment du tumulus, allant jusqu'à nier la possibilité d'un maintien sans structures maintenant disparues (planches, crayonnages, pierres...); qu'en est-il ?

3.2 L'opération et les techniques utilisées

En fait, le tumulus fut construit en grande partie par des moyens mécaniques, le sédiment étant transporté par un engin et réparti et assemblé à la main, à l'aide en particulier d'une pioche en bois de cerf.

Nous avons fait le choix des mottes de gazon, qui constituent un matériau de construction facilement assemblable et d'une excellente tenue. Le gazon permet de constituer un tumulus bouchant efficacement les interstices entre les pierres du monument. Dans le meilleur des cas avec des mottes choisies, il est possible de réaliser les parois externes du tumulus et de constituer presque un véritable parementage.

Dans ce cas, le tumulus est compact et très loin des molles élévations souvent imaginées. De plus, d'un point de vue pratique, il est tout aussi aisé, sinon plus, de prélever des mottes dans un pré et de les transporter, en tenant compte des outils néolithiques, que de creuser des fosses et de remplir des récipients de sédiment.

Dans le phasage du tumulus, on a choisi de ne construire celui-ci que jusqu'à la hauteur maximum des piliers avant la pose de la couverture, pour maintenir bien sûr les supports tout en permettant le positionnement final de la grande dalle. Une fois celle-ci installée, le tumulus devrait pouvoir recouvrir le monument (ce qui semble être une possibilité archéologique).

4. LE TRANSPORT DE LA DALLE DE COUVERTURE

4.1 Les objectifs

Acheminer la dalle de couverture de l'allée jusque devant l'entrée du monument, dans l'axe de celui-ci.

4.2 L'opération / les techniques utilisées

La dalle assez plate, de même nature que les autres pierres, sera transportée de la même façon, néanmoins, ses dimensions nettement supérieures et sa destination différente ont conduit à l'adoption de quelques aménagements : un percuteur pratiqua des encoches aux angles, protégés d'ailleurs par des toiles (Figure 2).

Figure 2 : Bouchardage de la dalle de couverture et confection d'une encoche au percuteur de pierre (cliché A. Digneffe)

L'orientation finale de la pierre était prévue dès la pose de la nacelle de corde, qui devait pouvoir subsister telle quelle lors de la mise en place finale de la couverture.
Pour éviter tout risque de voir la corde filer sous la dalle au cours de la traction, on installa une couronne autour de la dalle (figure 2a) avec des cordes de rappel sur la partie supérieure formant une sorte de nacelle. Le brin de traction fut unique, installé à l'aide d'un noeud coulant. On gardait ainsi la possibilité à tout moment de rajouter une corde avec un noeud coulant sur la couronne pour modifier l'axe de traction.

Figure 2a : serrage de la couronne

La dalle fut installée d'emblée sur des rondins reposant sur des rails (autres rondins). Il fallut caler les rails (à cause de leur section circulaire, ils étaient instables).
Outre les tireurs, quelques personnes s'affairaient autour de la dalle pour contrôler et déplacer les rondins. Le démarrage de la pierre était aidé par un levier derrière la pierre, manoeuvré en le levant. Dans les meilleures conditions, la dalle avançait à l'aide de 40 tireurs et 8 personnes autour (Figure 3).

Figure 3 : Traction de la dalle de couverture; l'allée mégalithique se situe sur la gauche du cliché (cliché M. Toussaint)

Coincés par le manque de recul, on rajouta une deuxième corde au niveau du point de traction pour bénéficier de trois brins de traction (15 pers./ brin) . Près du but, on enleva des tireurs par manque de recul pour les faire pousser la dalle à l'aide de trois leviers manipulés en les baissant ou en les levant.
Nous fûmes contraints de tracter la pierre en montée et en terrain accidenté, à travers la palissade que nous démontâmes partiellement; le problème du frein se pose de façon aiguë pour empêcher la dalle de redescendre : on utilisa un levier qui calait un rondin. Il fallut faire pivoter la dalle pour la placer devant l'allée mégalithique, et dans son axe. Les leviers firent tourner l'arrière de la pierre durant la traction. On combina les différentes techniques : levier abaissé ou levé. traction, bascule (Figure 4).

Figure 4 : Changement de direction pour la dalle parvenue en fin de traction; le monument se situe à gauche du cliché.

 

5. LE SOULÈVEMENT DE LA DALLE DE COUVERTURE

5.1 Les objectifs

Soulever la dalle jusqu'au niveau supérieur des orthostates.

5.2 L'opération / les techniques utilisées

Le principe est simple : soulever la pierre alternativement sur ses quatre côtés, à l'aide de leviers, pour glisser dessous des cales, en l'occurrence des «billes» de chemins de fer, qui se croiseront orthogonalement de façon progressive.

Dans la pratique, nous nous sommes heurtés à un certain nombre de problèmes : la conformation des lieux, avec la proximité de la palissade, mais aussi de l'allée mégalithique, induisit une gêne quant au maniement des leviers, ce qui fit que seuls deux des côtés de la pierre ont été aisément accessibles tout au long de la manipulation.

Figure 5 : La dalle en cours d'élévation est rapprochée de l'allée (en arrière-plan)

Nous avons donc eu recours à diverses astuces, comme par exemple la pose d'une «bille» de chemin de fer sous la dalle, dans le grand axe et au milieu de celle-ci, dans le but de permettre une mise en bascule et donc un soulèvement latéral (Figures 5-6).

Figure 6 : La dalle en cours d'élévation au moyen d'un levier; la présence de la palissade ne facilite guère les opérations (cliché M.Toussaint)

L'utilisation des leviers commença à poser de sérieux problèmes dès lors que l'on tenta de les utiliser à bonne hauteur du sol : leur extrémité supérieure peut se retrouver ainsi à 5 ou 6 m de hauteur, ce qui nécessite l'emploi de cordes pour les abaisser, manoeuvre délicate et parfois dangereuse.

Il faut signaler aussi le bris occasionnel de cordes et de leviers lors de manipulations sans doute un peu forcées (Figures 7-8).

Figure 7 : La dalle en cours d'élévation, au moyen d'un levier de chêne qui plie sous l'effort; à droite, l'intérieur de l'allée. (cliché M.Toussaint)

Figure 8 : Elévation de la dalle; le levier doit se lever jusqu'à environ 6 m de hauteur (cliché M. Toussaint)

 

5.2 Données techniques

La dalle est dans le même matériau que les orthostates; ses dimensions sont de 4,65 x 0,55 x 0,45 m, soit une masse de 11 tonnes.
Les rails utilisés sont des rondins en pin de 25 cm de diamètre, comme les rondins transversaux utilisés de façon optimale au nombre de 12.
La corde utilisée est une corde végétale de 2 cm de diamètre, simple torsion, triple toron avec une âme, longue de 100 m.

 

6. POSE DE LA DALLE DE COUVERTURE

6.1 Les objectifs

Amener la dalle de couverture à son emplacement définitif, c'est-à-dire la transférer au-dessus de l'allée mégalithique depuis son édifice de bois.

6.2 L'opération et les techniques utilisées

Plusieurs solutions étaient envisageables, mais nous avons choisi celle qui nous apparaissait minimaliste. Cette solution fit même l'objet d'un pari dont l'objet était «comment faire avancer une dalle de pierre de 4,65 m de long, de 11 tonnes, sans la pousser, sans la tirer et sans moyens modernes, le tout avec deux personnes ?».

En fait, nous avons transposé ici une méthode de déplacement qui avait été enseignée à l'un d'entre nous (B.P.) par un ancien carrier qui l'utilisait encore quotidiennement au milieu de ce siècle : avec son père, il dégageait des blocs de pierre de module standard pesant 2 tonnes au fond de sa carrière et devait les remonter sur des plans inclinés jusqu'au point où ils étaient emmenés par des moyens mécaniques.

Ils glissaient pour cela sous les blocs de fins rondins aux extrémités percées de deux trous, l'un vertical et l'autre horizontal, dans lesquels ils plaçaient une barre-à-mine qu'ils abaissaient alternativement de chaque côté de la pierre; avec une bonne synchronisation, ils parvenaient sans effort démesuré à faire avancer les blocs sur la pente, sans problème ni de freinage, ni de manque de recul lors de la prise des virages.

Dans notre cas, nous avons pratiqué des trous aux extrémités de certains rondins pour pouvoir y glisser des bâtons résistants (frêne); l'un de nous (B.P.) avait déjà testé avec succès cette technique lors de la couverture mégalithique d'un dolmen à couloir au CAIRN, mais sans percer les rondins, simplement en entourant l'extrémité d'un bout de corde dans lequel le bâton venait se prendre; ici nous l'employâmes en complément (Figures 9-10).

Figure 9 : Début du placement de la dalle vers l'allée (à gauche du cliché), à l'aide de bâtons faisant tourner les rondins (cliché M. Toussaint)

Avant de déplacer la dalle, des entretoises furent placées entre les piliers pour les empêcher de basculer vers l'intérieur. Deux rails en bois furent placés parallèlement au grand axe de l'allée, en arrière des orthostates et sur le tumulus; ils étaient destinés à favoriser la progression des rondins transversaux percés qui devaient déplacer la pierre.

Dans la pratique, le système a parfaitement fonctionné, à la surprise de nombre de spectateurs... et d'acteurs. Quant au pari, il a bien été tenté par les deux cosignataires de cet article, et nous vîmes une victoire dans un léger ébranlement de la dalle...

Il s'agit simplement d'une application ponctuelle du principe de la roue. De fait, cette ultime opération s'est effectuée rapidement, à l'aide d'une petite dizaine de personnes. L'utilisation de leviers et de béliers a permis d'ôter les bois subsistant sous la pierre pour asseoir celle-ci à son emplacement définitif.

Figure 10 : La dalle avance sur l'allée, propulsée par les rondins sous elle. (cliché M. Toussaint)

6.3 Précisions techniques

 

Les rondins utilisés sont en pin (diamètre 25 cm en moyenne).
Les bâtons en frêne ont un diamètre d'environ 6 cm, et les trous 3-4 cm, ce qui est un peu faible (plusieurs bâtons ont cassé).
Les leviers, certains de grande dimension, étaient en chêne, en frêne et en pin.

 

CONCLUSION

La construction mégalithique menée à Ramioul dans un contexte tout à la fois archéologique, didactique, muséographique, voire même ludique atteste tout l'intérêt que peuvent revêtir des centres archéologiques tel le Préhistosite, à la rencontre des différents publics, et qui offrent un cadre unique - sinon exclusif - à la réalisation de telles expérimentations dont on sait le caractère encore pionnier dans le domaine de l'archéologie expérimentale.

Un parti-pris minimaliste a été suivi dans le cadre des manipulations, mais nous n'avons pas non plus hésité à recourir à des moyens mécaniques dans le cas de besoins répétitifs (transport de pierres, de mottes de gazon ... ).

Il ressort en outre de cette tentative un chiffrage des besoins humains minimum pour la construction de cette allée couverte, assez représentative des allées couvertes belges, de l'ordre d'une cinquantaine de personnes, l'essentiel étant mobilisé pour le transport des grosses pierres, tandis que l'assemblage proprement dit du monument nécessite moitié moins d'acteurs.

Quant au temps total nécessaire, il est difficile de l'évaluer, tant il est dépendant de facteurs divers : amplitude du déplacement des pierres, bouchardage et percement d'une dalle-hublot, ampleur du tumulus, techniques utilisées... Nous ne confierons à cet article que notre impression, (mais doit-on taire toute subjectivité, reconnue comme telle ?) qui est celle d'une relative rapidité.

REMERCIEMENTS

La Société des Chercheurs de la Wallonie remercie tous ses membres ainsi que les visiteurs du Préhistosite pour toute l'énergie, la force et la passion qui ont contribué au succès de cette expérimentation.

Nous tenons également à remercier les entreprises et organismes suivants pour leur générosité et leur aide logistique sans lesquelles cette expérience n'aurait pu être possible : le Service Culturel de la Province de Liège; la société des Carrières de Sprimont; la Société CARMEUSE; la Commune de Flémalle; la Protection Civile de la Province de Liège.

 

Bibliographie

Bulletin des Chercheurs de la Wallonie, Tome XXXIV, 1994,133-143.

Auteurs
Bertrand Poissonnier et Fernand Collin
Centre d'Etude des Techniques et de Recherche Expérimentale en Préhistoire (CETREP)
Rrue de la Grotte, 128
B-4400 FLÉMALLE.

 

Liens


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Réalisation et mise en page : David Waiengnier. Support technique : Webmaster d'Arkham City.
Mise à jour : 19 septembre 1996.


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