Entre les guerres, le nord de l'Alberta et le sud et l'est de l'arrière-pays d'Edmonton ont été continuellement explorés mais, dans l'ensemble, les résultats ont été décevants. Les réservoirs de cette région étaient souvent trop visqueux et enchâssés dans de petites formations peu profondes de moins de 760 mètres. Du fait que le pétrole exigeait beaucoup plus de raffinage que le brut de Turner Valley, de meilleure qualité, on attendait pour l'exploiter l'épuisement graduel des réserves de Turner Valley; quelques-uns des anciens gisements de ce type se trouvaient à Wainwright (1925) et Lloydminster (1939). Le dernier gisement produisait un pétrole brut lourd qui convenait aux diesels du chemin de fer que le Canadien National avait achetés lorsque les locomotives à vapeur commencèrent à être remplacées par des locomotives diesels au cours des années 1930. Jusqu'après la Seconde Guerre mondiale, il n'y eut ni exploration, ni découverte ni exploitation importantes dans cette région. Lorsque le puits Leduc, de l'Imperial, fut foré inopinément le 13 février 1947, toutes les conditions étaient réunies pour une importante découverte. De 1919 à 1947, l'Imperial avait dépensé environ 23 millions de dollars en exploration géologique et forage dans l'ouest et le nord du Canada, mais depuis Norman Wells en 1920, n'avait obtenu aucun résultat intéressant. L'année de cette importante découverte, 88 pour cent des 11,2 millions de mètres cubes de pétrole brut raffiné au Canada étaient importés et même, des plans étaient prévus pour importer du pétrole dans les provinces des Prairies. On avait aussi discuté d'autres solutions, comme la production de pétrole synthétique à partir du gaz naturel et de sables bitumineux. Dans un dernier effort de recherche, l'Imperial avait organisé une exploration sismique et des forages sur une concession de 730 000 hectares acquise du gouvernement de l'Alberta. On découvrit alors à Leduc des réserves de 51,8 millions de mètres cubes, presque trois fois le potentiel de Turner Valley. Avec cela et d'autres découvertes dans la région de Leduc, l'Alberta est soudainement devenue une grande région productrice et exportatrice de pétrole. On fit donc des plans pour que soit rapidement construit ce qui était alors le plus long pipeline du monde, du gisement de production aux raffineries et aux marchés du Canada central et du Midwest américain. Les trente dernières années: rétrospective et prospective (1950-1980) La plus récente phase de l'exploitation du pétrole et du gaz dans l'ouest du Canada a été une phase de croissance et d'expansion remarquables. La base de l'exploration et de la production s'est élargie jusqu'en Saskatchewan et en Colombie-Britannique; et, au Nord, jusqu'à la mer de Beaufort et aux îles arctiques. Commercialisation, exportation et distribution ont suivi parallèlement l'extension ultérieure des pipelines de gaz naturel jusqu'aux marchés des États-Unis et du Canada central. En même temps, les gouvernements fédéral et provinciaux tentaient de réglementer l'industrie du point de vue de la conservation, des quotas d'exportation et des prix. La participation du secteur public est devenue l'élément-clé non seulement en ce qui concerne l'exploration et le développement du Nord, mais aussi la réalisation de projets géants liés aux pipelines du Nord, aux sables bitumineux et au développement pétrochimique. Dans les années 1950 et 1960, les principales compagnies pétrolières étaient devenues de plus en plus actives à la fois en Alberta et hors de l'Alberta. Plus de 316 millions de mètres cubes se sont ajoutés aux réserves de production avec la découverte du gisement pétrolier de Pembina en 1953 et de Swan Hills en 1957. Au milieu des années 1960, deux autres découvertes dans l'angle nord-ouest de l'Alberta, à Rainbow Lake et Zama, ont révélé d'autres grands gisements. Dans le sud-ouest du Manitoba en 1951, dans le sud de la Saskatchewan et le nord de la Colombie-Britannique, en 1955, on a découvert des réserves plus modestes mais néanmoins appréciables. À l'intérieur de l'Alberta, les découvertes de gaz naturel ont continué pour aboutir à des réserves impressionnantes, les principales dans le sud-ouest de la province, à Pincher Creek et Waterton, et à l'ouest de Calgary, à Jumping Pound dans les années 1950; dans les années soixante-dix, d'autres surviennent dans le sud-est de la province et la région nord-ouest de la rivière de la Paix. Les découvertes du nord de la Colombie-Britannique, à Fort St. John et Fort Nelson, ainsi que celles de l'Arctique ont contribué à grossir les réserves de gaz destinées à l'exportation ou nécessaires à l'approvisionnement de l'industrie pétrochimique de l'Alberta en rapide expansion. Au cours de cette dernière phase de développement, la construction de pipelines vers les marchés et la création d'industries pétrochimiques situées principalement au centre du Canada ont été marquées de controverses. En 1953, suivant rapidement le premier pipeline interprovincial mis en oeuvre en 1950 pour acheminer le pétrole vers l'est du Canada, a été construit le pipeline de la Trans-Mountain vers Vancouver, destiné à alimenter la demande croissante de pétrole de l'État de Washington et de la région continentale inférieure de la Colombie-Britannique. Le pipeline Trans-Canada, pour le gaz naturel construit de 1956 à 1967, est sans contredit celui qui a fait l'objet des plus vastes et chauds débats dans la période de l'après-guerre. Les entrepreneurs qui soutenaient le projet ont été encouragés par l'octroi en 1955 d'un permis d'exportation pour la Westcoast Transmission afin d'exporter le gaz naturel de la rivière de la Paix vers le nord-ouest des États-Unis via la Colombie-Britannique. Après une série compliquée de manoeuvres entre sociétés, la Trans-Canada Pipeline Company a reçu du gouvernement fédéral l'autorisation de construire un pipeline vers l'Ontario et le Québec, avec l'assurance donnée par l'Alberta Conservation Board qu'il y aurait un surplus suffisant de gaz à exporter. Le résultat a été l'achèvement de cet énorme projet, en 1958, lequel a été un succès mais a amené en fin de compte la défaite du gouvernement libéral qui l'avait patronné en 1957. Les coûts énormes et la complexité de tels projets ont fait des pipelines des sujets de controverses inévitables sur le plan politique. Cet aspect a été de nouveau mis en évidence en 1976 et 1977 dans les audiences de l'Office national de l'énergie concernant la construction du gazoduc de la vallée du Mackenzie. À la fin, la demande du Canadian Arctic Gas Consortium a été rejetée en faveur du tracé de la Foothills, qui présente moins de dangers pour l'environnement et qui, pour cette raison, a été préféré dans les recommandations du rapport d'enquête de la Commission Berger en 1977. Le rôle essentiel du gouvernement en matière d'énergie, rôle qui depuis le début s'est révélé fondamental sur le plan de l'exploration, de la découverte, du développement et de la conservation, s'est affirmé dans les secteurs de la production et du transport dans les années 1970. Outre les pouvoirs de réglementation attribués à des organismes comme l'Office national de l'énergie et l'Alberta Conservation Board, le gouvernement intervient aussi directement dans le droit de propriété. La participation des gouvernements fédéral et provinciaux au Syncrude Tar Sands Agreement de 1975 a fait grimper jusqu'à trente pour cent les actions grâce à des dispositions complexes. Bien plus, l'Alberta Energy Company, organisme public contrôlé par la province, a construit le pipeline d'Alberta Oil Sands en 1977 qui, en 1980, a transporté huit millions de mètres cubes de brut de Fort McMurray à Edmonton. La part importante prise par l'Alberta Energy Company aux grands projets de pipeline et de pétrochimie a révélé une forte influence gouvernementale dans le secteur de la production et, de même, la présence fédérale s'est largement étendue par le biais de la société de la Couronne dépendant du gouvernement fédéral, Petro-Canada, qui a acquis le contrôle de plusieurs compagnies pétrolières y compris Atlantic Richfield, Pacific Petroleum et Petrofina au cours des années 1976 à 1980. Avec l'importance de plus en plus grande prise par l'exploration dans les régions éloignées, le développement du Nord et les recherches au large des côtes de l'Est, l'industrie pétrolière de l'ouest du Canada a abouti à un groupement serré d'intérêts publics et privés, nationaux et internationaux. Industrie largement confinée, au début du siècle, à l'Alberta méridionale, elle a étendu son arrière-pays producteur jusque dans le haut Arctique et au large de l'Atlantique; ses réseaux de transport se sont allongés de milliers de kilomètres et ses moyens financiers et techniques ont grossi dans des proportions renversantes. Son histoire a été celle d'une expansion spectaculaire des ressources dans la période de l'après-guerre, solidement fondée sur les travaux scientifiques et techniques des pionniers et sur leur esprit d'entreprise. Les géologues spécialistes des terrains sédimentaires, les équipes sismiques, les foreurs et certains entrepreneurs capables de prendre de hauts risques, ont été et sont encore au coeur de ce réseau complexe d'entreprises qui a évolué et s'est refaçonné au cours des cent dernières années. Page 2 de 2 (Cliquez "suite" pour aller à la première partie)