La région et ses habitants. Brumes et rocs altières, vignobles en terrasses et avenues de peupliers, églises gothiques et châteaux en ruine, la Rhénanie rassemble toutes les images poétiques chères au romantisme allemand. Cependant, on y voit aussi des péniches chargées de charbon, des trains rapides et des poids lourds, des cimenteries et des centrales électriques. Les Rhénans ne se livrent à leurs rêveries romantiques qu'à la fin d'une journée de travail bien remplie. Le Rhin prend sa source dans les Alpes suisses et se jette dans la mer du Nord, à Rotterdam. Mais c'est la portion comprise entre Mayence et Cologne qui présente ce mélange unique de beauté mystérieuse et de puissante énergie productive. La vie ici, en Rhénanie proprement dite, malgré un réel intérêt pour le progrès et la prospérité, semble être pourtant moins sévère et moins difficile que dans beaucoup d'autres endroits d'Allemagne. Les angles y sont doucement arrondis. Le travail est fait et bien fait, mais les gens paraissent avoir toujours le temps de jouir des plaisirs d'une existence riante. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, lorsque l'Allemagne de l'ouest (séparée de Berlin) dut choisir le siège de sa capitale administrative, le futur chancelier Konrad Adenauer réussit à imposer la ville de Bonn, sur le Rhin. Ce n'était pas seulement pour bénéficier de l'avantage politique qu'il y avait à éviter les traditionelles places fortes des socialistes, telles que Hambourg et Francfort, mais aussi - disaient ses amis bien que ses ennemies - pour que 'der Alte' puisse continuer à s'occuper des ses chers rosiers, non loin de là, à Rhöndorf. La Rhénanie a beau être le coeur de l'Allemagne, elle n'offre pas une image particulièrement typique de la vie allemande. Pas plus que Bonn, la plus paradoxale des capitales. C'est une ville, où jamais ne règne la moindre agitation et qui cherche à gouverner un pays qui s'est justement fait de l'agitation une philosophie. La Rhénanie baigne dans une tradition religieuse fervente mais sans austérité, au sein de laquelle d'excellents catholiques prennent un plaisir profane, voire païen, aux nouritures terrestres. Le principal symbole de l'immuable autorité de l'Eglise est la gigantesque, et presque écrasante, cathédrale à double flèche de Cologne. Quant à Mayence, elle fait fièrement état de son ròle historique au sein de l'Eglise catholique, où pendant des siècles elle occupa la seconde place derrière Rome dans la hiérarchie spirituelle (et politique) de la chrétienté. A la même époque de l'année, ces deux villes sont le siège des carnavals les plus vivants, turbulents et joyeux d'Allemagne. C'est le moment où les femmes òtent leur alliance et où les hommes ne sont pas à la maison pour s'en plaindre.