Le débat sur l'enseignement privé

Les arguments contre

C'est du moins ce que croient la Centrale des Syndicats du Québec et ses alliés syndicaux et intellectuels qui s'opposent au secteur privé. Pour eux, l'élitisme de la clientèle est un argument fondamental. Ces ardents défenseurs de la démocratisation de l'éducation ont en horreur la philosophie sociale qui accorde avantages et privilèges aux mieux nantis, et ce, avec la généreuse bénédiction du gouvernement.

Le financement public d'un service privé offert à l'élite de la société semble en effet être le vrai fond du problème. Pour les opposants au secteur privé, l'école privée est doublement élitiste. ½Élitiste par les caractéristiques sociales et scolaires des élèves qu'elle accueille, élitiste également par le rôle qu'elle prétend assumer dans la société.╗ [Berthelot].

Selon eux, les tenants de l'enseignement privé ont beau crier sur tous les tons, en appeler de toutes les Chartes des droits de l'homme, jusqu'à celle de l'ONU, ½rien n'indique que ces écoles doivent être largement subventionnées par l'État╗ [Berthelot]. En fait, les coupures qui sévissent dans le secteur public et la croissance continue du secteur privé menacent le ½bien commun╗ et rendent caduc, selon eux, le préambule de la loi 60 qui stipule: ½les exigences du bien commun étant sauves╗.

Le Québec subventionne actuellement chaque étudiant du secteur privé à environ 75% du coût moyen au public et les parents paient la différence. Pour les opposants à l'école privée, cette situation est scandaleuse et unique dans le Canada. Par exemple, La Colombie-Britannique accorde 30% de subvention et dans certains cas, 9%. En Alberta et en Saskatchewan, c'est environ 30% alors qu'au Manitoba, c'est 20%. Quant à l'Ontario, Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Ile-du-Prince-Édouard, ces provinces ne subventionnent pas directement l'école privée.

Un autre argument contre lequel tentent de s'opposer les tenants de l'école publique est rattaché aux préjugés répandus chez les parents et dans la population en général sur la question des deux réseaux d'enseignement. ½On perçoit (le privé) comme offrant un enseignement et un encadrement de meilleure qualité alors que l'on critique l'école publique pour l'indiscipline et le climat qui y règnent╗. [CEQ].

Le réseau public éprouve en effet de la difficulté à offrir des services d'encadrement comme les heures d'étude après la classe qui existent au privé. ½Les revendications de l'Alliance des professeurs de Montréal en 1987 pour le développement des services de garde dans les écoles primaires et de services d'étude avec support pédagogique, après l'horaire régulier des élèves apparaissent fort opportunes╗. [CEQ].

Pour les opposants, les résultats supérieurs obtenus par les élèves du secteur privé ne correspondent pas vraiment à la réalité. Comment en effet peut-on comparer les résultats obtenus dans les deux secteurs alors que les écoles privées ne conservent dans leur rang que les élèves des voies régulières et enrichies et que les écoles publiques doivent instruire et faire progresser un pourcentage de plus en plus élevé de jeunes en difficulté d'adaptation et d'apprentissage?

½On enjoint l'école publique d'accepter la concurrence. Mais pour que cette concurrence ne soit pas déloyale, l'école publique doit-elle aussi sélectionner ses élèves?╗ [CEQ]. Ce qui place la société québécoise devant un choix de société. Est-ce à la société et aux travailleurs québécois de payer pour que les plus favorisés bénéficient d'écoles plus performantes? L'école publique n'est-elle pas en manque de ses élèves les plus performants? Où est la mission de démocratisation de l'éducation que s'est donnée le gouvernement dans tout cela?

Dans son ouvrage paru en 2006 sous le titre Une école pour le monde, une pour tout le monde, Jocelyn Berthelot au chapitre 3 Éducation et bien commun aborde la question de lÆenseignement privé. Il prend position en écrivant: ½Le choix dÆun enseignement privé pour ses enfants est un droit reconnu aux parents. Mais ce droit nÆentraîne nullement lÆobligation pour les instances publiques dÆen assurer le financement. CÆest là lÆenjeu du débat╗. (Berthelot, 2006, p. 142).

Comme on peut le constater, le débat sur l'enseignement privé est pratiquement insoluble. En raison du contexte historique de la fondation du Canada, le Québec fonctionne depuis des décennies avec deux réseaux, public et privé.

Le gouvernement peut-il se permettre d'acculer les écoles privées à la faillite en cessant de les subventionner? Et en conservant le statu quo, l'État trahit-il sa mission de démocratisation de l'éducation?

Le débat reste ouvert.



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