Avant la réforme des années 1960

Nous ne pouvons pas faire une histoire complète du système éducatif du Québec depuis près de quatre cents ans pour montrer comment les rapports entre l'école et la société changent au cours des décennies et des siècles. Le module 2 vous présente une lecture historique du système scolaire de la Nouvelle-France jusqu'à aujourd'hui. Nous ferons une synthèse des principales caractéristiques du système scolaire avant la réforme issue du rapport Parent pour aborder quelques éléments des quatre décennies suivantes.

La période 1875-1960 se caractérise par un modèle particulier d'éducation. En effet, l'école, avant les années 1960, était un système offrant à la majorité les rudiments de l'enseignement primaire et à l'élite une formation secondaire. La sélection s'effectuait selon l'appartenance de classe. Ainsi, l'école se façonne selon les clivages sociaux, car le Québec se présentait comme une société divisée entre une majorité francophone tournée vers l'agriculture et une minorité anglophone préoccupée par le secteur industriel.

Le champ éducatif était quasi exclusivement entre les mains de deux groupes: les catholiques et les protestants. Selon [Berthelot], le projet éducatif propre à chaque groupe, s'appuyait sur une triple base: la religion, la langue et la nation. Sur le plan des structures, le système éducatif comptait sur le Département de l'instruction publique avec ses deux assemblées: le comité catholique et le comité protestant. Pour les catholiques francophones, qui comptent pour près de 85 % de la population, l'école fonctionnait sur un modèle élitiste: les enfants du peuple étaient exclus du système éducatif après le primaire, pendant que les enfants de la bourgeoisie pouvaient espérer faire des études secondaires et se former aux humanités et aux affaires. Chez la communauté anglophone, le modèle éducatif était beaucoup plus libéral et favorisait une scolarisation plus longue pour la majorité des enfants.

Par ailleurs, les filles étaient en majorité exclues du système éducatif ou confinées dans les métiers traditionnellement féminins, comme les travaux ménagers ou les sciences infirmières.

L'existence de ces deux comités depuis 1869, année de leur création, rend compte du rapport de force entre catholiques francophones et protestants anglophones qui désirent, chacun à sa façon, un système éducatif qui répond à ses intérêts particuliers. Ces débats et enjeux sont encore aujourd'hui présents. (Voir: les sections 2, 3 et 4 du présent module et le module 2, notamment la section 4). Ces deux comités ont une influence sur les portions du système qu'ils contrôlent, car chaque école devait adopter les programmes, suivre les directives concernant la discipline, le matériel pédagogique et l'engagement des maîtres tel que prescrit par le comité de sa confession. Cependant, les forces démocratiques de la société ne resteront pas inactives face à la domination de l'Église, elles revendiquèrent une éducation publique, un rôle bien défini pour l'État en matière d'éducation, une restructuration des savoirs et un corps enseignant bien formé. L'évolution sociale rapide après la Deuxième Guerre mondiale permettra une sévère critique du système et préparera l'affaiblissement de l'emprise exercée sur lui par l'Église catholique.