De la Confédération à la Révolution tranquille

Introduction
En 1867, la Constitution de la Confédération, par la signature de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, attribue à chacune des provinces, avec la déclaration de l'article 93, la pleine juridiction dans le domaine de l'éducation en y incluant toutefois une restriction notable de sa capacité d'intervention:

½Rien dans une telle législation ne doit porter préjudice à un droit ou privilège que la loi, lors de l'Union, attribue dans la province à une classe particulière de personnes quant aux écoles confessionnelles.╗ (93.1)

Les droits confessionnels des commissions scolaires de Montréal et de Québec sont dès lors garantis par la Constitution, de même que ceux de six commissions scolaires déjà dissidentes, trois catholiques et trois protestantes (en 1995, il en restait cinq dont trois protestantes: Baie-Comeau, Laurentienne et Rouyn et deux catholiques, Greenfield Park et Portage-du-fort).

Les commissions scolaires des villes de Montréal et de Québec sont donc confessionnelles. Les écoles n'y peuvent être que catholiques ou protestantes. Mais elles sont également communes et doivent accueillir tous les enfants du territoire sans égard à leur confession. Pour leur part, les commissions scolaires dissidentes sont confessionnelles, mais ne sont pas communes. Elles ne peuvent pas accueillir d'élèves qui ne sont pas de leur confession religieuse. Notons que le droit à la dissidence est un droit accordé exclusivement aux catholiques et aux protestants en minorité religieuse dans une municipalité donnée.

La Constitution de 1867 crée également un ministère de l'Instruction publique qui redevient toutefois, dès 1875, un simple département. (voir: Module 2, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique) En 1869, la loi 32, intitulée ½Acte pour amender les lois concernant l'Éducation en cette Province╗ amorce, dès 1869, la division de l'organisation scolaire en deux secteurs bien distincts. Puis une loi scolaire adoptée en 1875 officialise la séparation entre les deux groupes ethniques fondateurs et supprime le ministère de l'Instruction publique. De plus, elle accorde presque les pleins pouvoirs aux deux comités représentant les autorités religieuses catholique et protestante. (Voir Module 2)

Ces deux comités sont censés assister le ministre (ou le surintendant après 1875) de l'Instruction publique, mais dans les faits, ils exercent leur autorité de façon presque autonome. Voici le résultat: l'ensemble des questions relatives à l'enseignement se règle à tous les niveaux administratifs sur une base confessionnelle. Notons que le comité catholique est d'autant plus fort que tous les évêques de la province, réunis sous le vocable de l'Assemblée des Évêques, en font partie.

C'est ainsi que les structures scolaires consacrent la prépondérance des institutions religieuses et, par le fait même, de l'indépendance des deux réseaux d'enseignement qui fonctionnent de façon tout à fait séparée, catholique et majoritairement français d'un côté, protestant et majoritairement anglais de l'autre: deux ½solitudes╗, sans opposition de part et d'autre ni d'ailleurs de collaboration [Palard].

Lorsque, trente ans plus tard, en 1897, le Premier ministre libéral (élu après trente années de règne conservateur quasi ininterrompu) cherche à reprendre le pouvoir dans le domaine de l'enseignement en rétablissant le ministère de l'Instruction publique, il est confronté à un groupe mené par l'archevêque de Montréal lui-même, Mgr Bruchesi, qui refuse de voir diminuer les prérogatives des comités confessionnels.

Premier débat confessionnel: la cause Hirsch
Un peu plus tard, au cours des années 1920, l'organisation scolaire rencontre un problème important en rapport avec la population juive croissante et la confessionnalité des écoles. Aucun droit n'a été prévu dans la Constitution pour d'autres religions. La communauté juive de Montréal fut le premier groupe non protestant à s'intégrer au système scolaire protestant. Ainsi, les enfants juifs sont au nombre de 30 000 dans les écoles protestantes en 1924. Leurs parents et les autorités juives demandent le droit à une instruction publique de confession judaïque.

Une enquête est alors ordonnée par le Premier ministre et confiée à sir Lomer Gouin. On en réfère alors à la Cour d'appel et au Conseil privé de Londres ½qui déclare que la législature provinciale peut établir des écoles autres que catholiques et protestantes pour autant que de telles écoles ne lèsent pas les droits et privilèges dont jouissaient les catholiques ou les protestants, comme classes de personnes, au moment de l'Union╗ [CSÉ].

Les représentants des deux Églises s'opposent énergiquement. D'une part, les protestants, qui jusque-là percevaient les taxes scolaires des familles juives, vont perdre beaucoup. D'autre part, les catholiques brandissent le spectre de l'école neutre et du laïcisme en utilisant un argument nouveau, celui de la majorité québécoise.

Le projet de loi, créant une Commission des Écoles juives de Montréal, est tout de même voté à l'Assemblée législative en 1930. Mais dès l'année suivante, des amendements y sont apportés dans le but de limiter les pouvoirs de la commission. Les cinq membres de la commission juive démissionnent et l'affaire en reste là. Catholiques et protestants demeurent les seules confessions ½autorisées╗ du système scolaire publique. La communauté juive créera alors son propre système scolaire privé comme le fera d'ailleurs ultérieurement la communauté grecque et, plus récemment, les communautés arménienne et musulmane [Després-Poirier].

Les mêmes structures scolaires confessionnelles demeurent alors en place dans le secteur public jusqu'au début de la Révolution tranquille. Cela est provoqué en grande partie par la mort du Premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, en septembre 1959.

L'affaire Hirsch fut l'une des contestations les plus sérieuses de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique qui détermine le régime d'enseignement au Québec.